Tribunal administratif N°47738 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024: 47738 5e chambre Inscrit le 25 juillet 2022 Audience publique du 27 septembre 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47738 du rôle et déposée en date du 25 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, demeurant à L-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 juillet 2022, portant le numéro C30198 et ayant déclaré irrecevable la réclamation introduite le 29 octobre 2021 ;
Vu le mémoire en réponse déposé le 1er décembre 2022 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur … en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 12 juin 2024.
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En date du 7 juillet 2021, le bureau d’imposition Dudelange de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après « le bureau d’imposition », émit à l’égard de Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par « les consorts …-… », les bulletins d’imposition de l’impôt sur le revenu de l’année 2020, ainsi que sur les avances trimestrielles fixées pour l’impôt sur le revenu de l’année 2021.
Par courrier daté du 16 juillet 2021, réceptionné le 19 juillet 2021, Monsieur … informa le bureau d’imposition qu’il avait constaté que « le paiement de l’impôt à l’étranger, d’un montant de … euros, n’a[vait] pas été pris en considération » dans le bulletin d’imposition de l’impôt sur le revenu de l’année 2020.
Suivant l’extrait de compte du 7 octobre 2021 émis par le bureau de recettes Esch-sur-
Alzette, à l’attention des consorts …-…, le solde dû par eux au titre de l’impôt sur le revenu de l’année 2020, ainsi que des avances trimestrielles fixées pour l’impôt sur le revenu de l’année 2021 s’éleva à … euros à cette date.
Par un courrier daté du 20 octobre 2021, réceptionné le 29 octobre 2021, Monsieur … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020.
Par courrier électronique du 3 novembre 2021, Monsieur … sollicita auprès du bureau de recettes … un sursis au paiement du solde dû au titre de l’impôt sur le revenu de l’année 2020, ainsi que des avances trimestrielles fixées pour l’impôt sur le revenu de l’année 2021, demande qui fut refusée par le bureau d’imposition par courrier électronique au motif qu’« une réclamation ne suspend pas le paiement ».
Par décision datée du 8 juillet 2022, répertoriée sous le numéro C 30198 du rôle, le directeur déclara la réclamation irrecevable dans les termes suivants :
« […] Vu la requête introduite le 29 octobre 2021 par le sieur …, demeurant à L-…, afin d'«obtenir une explication » et « d'obtenir une réponse argumentée à [ses] interrogations » ;
Vu le dossier fiscal ;
Considérant que le réclamant ne désigne pas de façon précise quelle décision il entend attaquer ; que par application du principe de l'effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas 1er et 2 de la loi générale des impôts (AO), à interpréter les requêtes des contribuables selon l'intention qu'elles manifestent plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes employés, la requête est à considérer comme réclamation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2020, émis en date du 7 juillet 2021;
Vu les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant qu'aux termes des §§ 228 et 246 AO le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;
Considérant que le bulletin litigieux, émis en date du 7 juillet 2021, a été notifié le 12 juillet 2021, de sorte que le délai a expiré le 12 octobre 2021 ; que la réclamation, introduite en date du 29 octobre 2021, est donc tardive ;
Considérant qu'aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;
Considérant qu'en exécution du § 252 AO, la réclamation est donc à qualifier de tardive;
Considérant qu'il découle de tout ce qui précède que la réclamation introduite est irrecevable pour cause de tardiveté ;
PAR CES MOTIFS dit la réclamation irrecevable. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2022, Monsieur … a introduit un recours à l’encontre de la décision directoriale, précitée, du 8 juillet 2022.
1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Lorsque la requête introductive d’instance omet - tel que c’est le cas en l’espèce -
d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi1.
Conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt.
Il y a partant lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision directoriale, précitée, datée du 8 juillet 2022.
Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, qui est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
2) Quant au fond Arguments et moyens des parties À l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.
En droit, il affirme, en premier lieu, ne pas avoir entrepris les démarches tardivement, mais au contraire, avoir réagi rapidement « à tous les niveaux du dossier ».
En second lieu, le demandeur reproche que « plusieurs mois se [soient] écoulés avant que les services fiscaux n’aient répondu à [son courrier daté du 16 juillet 2021], et à [sa réclamation du 20 octobre 2021] ».
En troisième lieu, il reproche au directeur de ne pas avoir répondu « sur le fond et la nature de [ses] démarches », arguant que la forme aurait pris « le pas » sur le fond.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour être non fondé.
Appréciation du tribunal En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.
Tout d’abord, en ce qui concerne le moyen par lequel le demandeur reproche aux « services fiscaux » le délai de « plusieurs mois » avant de recevoir une réponse à son courrier du 16 juillet 2021, force est de constater que ledit moyen n’est pas autrement précisé ni 1 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1286 et les autres références y citées.développé, de sorte que ce moyen simplement suggéré est à rejeter, étant donné qu’il n’incombe pas au tribunal de rechercher les éventuels argumentaires susceptibles de sous-
tendre un moyen non explicité.
Par rapport au courrier daté du 20 octobre 2021, réceptionné par le directeur le 29 octobre 2021, le tribunal est amené à constater que, par une décision datée du 8 juillet 2022, répertoriée sous le numéro C 30198 du rôle, le directeur a répondu audit courrier en déclarant la réclamation irrecevable, de sorte que le moyen y afférent manque en fait et est à rejeter, à son tour, pour ne pas être fondé.
Ensuite, concernant le moyen du demandeur selon lequel il reproche au directeur de ne pas avoir répondu « sur le fond et la nature de [ses] démarches » et d’avoir laissé la forme prendre « le pas » sur le fond, il convient de relever que selon le § 252 AO, aux termes duquel « Die Rechtsmittelbehörde hat zu prüfen, ob das Rechtsmittel zulässig und in der vorgeschriebenen Form und Frist eingelegt ist. Mangelt es an einem dieser Erfordernisse, so ist das Rechtsmittel als unzulässig zu verwerfen », le directeur avait à analyser avant tout autre progrès si la réclamation, dont il était saisi en l’espèce, avait été introduite dans le délai de la loi et, à défaut, à la déclarer irrecevable pour tardivité, de sorte qu’aucun reproche ne peut lui être fait d’avoir examiné de prime abord la recevabilité ratione temporis de la réclamation et d’avoir, après avoir constaté que, de son avis, elle avait été introduite tardivement, déclaré irrecevable sans pousser plus loin son analyse quant au fond, de sorte que le moyen afférent soulevé par le demandeur doit être rejeté.
Enfin, en ce qui concerne la question du caractère tardif de la réclamation du demandeur, tel que contestée par le demandeur, le tribunal relève qu’aux termes du § 228 AO:
« Les décisions visées aux §§ …, 166 alinéa 3, 211, 212, 212a alinéa 1, 214, 215, 215a, 235, 396 alinéa 1 et 402 peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur de l'Administration des contributions directes ou son délégué. […] ».
Par ailleurs, le § 245 AO dispose que : « (1) Le délai de recours est de trois mois pour les réclamations (§ 228 AO). […] », ce délai de réclamation étant un délai de forclusion, conformément au § 83, alinéa (2) AO qui dispose que « […] Fristen zur Einreichung eines Rechtsmittels sind Ausschlussfristen […] ».
Enfin, le § 246 AO précise que : « (1) Die Frist zur Einlegung eines Rechtsmittels beginnt mit Ablauf des Tags, an dem der Bescheid dem Berechtigten zugestellt oder, wenn keine Zustellung erfolgt, bekannt geworden ist oder als bekannt gemacht gilt. […] ».
Il est constant en cause - pour ne pas être contesté par les parties - que le bulletin litigieux portant sur l’impôt sur le revenu de l’année 2020 a été émis 7 juillet 2021, de sorte qu’à défaut de précision quant à la notification du bulletin, il est présumé avoir été notifié au demandeur dans les trois jours ouvrables de son émission, soit le 12 juillet 2021, étant précisé que le 10 et11 juillet 2021 étaient un samedi, respectivement un dimanche, de sorte que le délai de réclamation a, en principe, expiré le 12 octobre 2021.
Dès lors, au jour de l’introduction de la réclamation par courrier du 20 octobre 2021, le délai de réclamation avait expiré, de sorte que la décision directoriale n’est pas à critiquer sur ce point et le moyen afférent soulevé par le demandeur encourt le rejet.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le directeur a valablement pu déclarer tardive la réclamation introduite par le demandeur en date du 20 octobre 2021. Le recours en réformation sous analyse est donc à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 8 juillet 2022 portant le numéro C30198 ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 27 septembre 2024 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 5