Tribunal administratif N° 51759 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51759 1re chambre Inscrit le 30 octobre 2024 Audience publique du 6 novembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), connu sous d’autres alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51759 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2024 par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 11 octobre 2024 prorogeant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 novembre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique du 6 novembre 2024.
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Le 17 octobre 2023, Monsieur (A), connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une première demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Par décision du 14 décembre 2023, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A) pour être manifestement infondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
En date du 18 juin 2024, Monsieur (A) fit l’objet d’un transfert sur base de l’article 18 (1) b) du règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », par les autorités suisses vers le Luxembourg.
Le 19 juillet 2024, Monsieur (A) introduisit une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi du 18 décembre 2015, qui fut déclarée irrecevable par décision ministérielle du 14 août 2024.
Par arrêté ministériel du 14 août 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre annula et remplaça sa décision de retour du 14 décembre 2023, déclara le séjour de Monsieur (A) irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 5 à son encontre.
Par arrêté séparé du 14 août 2024, lui notifié en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivantes :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu les rapports des 11 août 2024, 10 août 2024, 23 décembre 2023 et du 17 décembre 2023 établis par la Police grand-ducale ;
Vu ma décision de retour du 14 août 2024 lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 5 ans ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure de l’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par arrêté du 11 septembre 2024, notifié à l’intéressé le 13 septembre 2024, le ministre prorogea la mesure de placement initiale au Centre de rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à compter de la notification de l’arrêté en question.
Par arrêté du 11 octobre 2024, notifié à l’intéressé le 14 octobre 2024, le ministre prorogea la mesure de placement de Monsieur (A) pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 14 août et 11 septembre 2024, notifiés le 14 août respectivement le 13 septembre avec effet au 14 septembre 2024, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 14 août 2024 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité du 11 octobre 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois.
Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.
En droit, et après avoir cité l’article 120 (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur fait valoir que le placement en rétention devrait être considéré comme dernière solution, alors que celui-ci porterait atteinte à la liberté de mouvement. Il reproche à l’arrêté ministériel déféré, ainsi qu’à l’arrêté ministériel initial du 14 août 2024, de ne pas être motivés à suffisance, respectivement de contenir une motivation stéréotypée, non individualisée ne documentant pas les diligences déjà entreprises par les autorités ministérielles.
Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, le demandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, partant à une mesure privative de liberté, devrait rester exceptionnelle.
Le demandeur reproche ensuite au ministre de ne pas avoir envisagé d’autres mesures moins coercitives qu’un placement en rétention à son égard. Il estime ainsi que le ministre aurait dû recourir à une mesure telle qu’une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (« SHUK »).
Le demandeur reproche encore un manque de diligences au ministre. Il serait, ainsi, manifeste, en cause que le ministre n’aurait pas renseigné quelles démarches auraient été entreprises afin de permettre son éloignement.
Enfin, le demandeur estime que le dispositif d’éloignement n’aurait aucune chance d’aboutir, puisque le ministre se contenterait d’envoyer des rappels aux autorités consulaires.
Il en conclut que son maintien au Centre de rétention ne serait pas justifié, de sorte que la décision ministérielle du 11 octobre 2024 serait à réformer.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Il échet tout d’abord de préciser qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
A titre liminaire, le tribunal précise qu’à travers le recours sous examen, il n’est saisi que de la décision du ministre du 11 octobre 2024 ayant prorogé la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur (A), et non point de la décision de placement initiale du 14 août 2024, ayant entretemps acquis autorité de chose décidée, faute d’avoir été déférée au tribunal administratif et ayant d’ailleurs expiré en ses effets, de sorte que les développements du demandeur relatifs à la légalité externe sinon interne de ladite décision du 14 août 2024 sont d’ores et déjà à rejeter pour ne pas être fondés.
En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté ministériel déféré, et plus particulièrement, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation dudit arrêté, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Au-delà de cette considération, il convient d’ajouter qu’en tout état de cause l’arrêté litigieux est motivé à suffisance tant en fait qu’en droit par le renvoi aux articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008, ainsi que par le renvoi à l’arrêté ministériel initial du 14 août 2024 ayant prononcé le placement de l’intéressé au Centre de rétention en raison du défaut d’adresse officielle au Luxembourg ainsi qu’en raison du fait qu’il évite ou empêche la préparation de son retour ou la procédure d’éloignement, de même que par l’indication selon laquelle les démarches entreprises en vue de l’éloignement de l’intéressé n'avaient pas encore abouti.
Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au fond, il échet de rappeler que l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111,116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».
L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, force est de relever qu’il n’est pas contesté en cause pour encore résulter du dossier administratif, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure où une décision de retour a été prise à son encontre le 14 août 2024 sur base du constat qu’il ne dispose ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois. Il est encore constant en cause que le même jour, il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 5 ans.
En conséquence, le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur en vertu de l’article de l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef d’un ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement. Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef, ce qu’il est toutefois resté en défaut de faire.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation […].
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) qui peuvent être prononcées de manière cumulative, sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant. Il n’est, en effet, pas contesté qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté.
Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».
Il ressort en effet du libellé de l’article 5 (1), point f) précité de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.
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1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 812 et les autres références y citées.
Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et où une procédure d’éloignement à son encontre est en cours d’exécution, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.
Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.
En ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, il convient de rappeler qu’à travers le recours sous examen, le tribunal n’est saisi que de la décision du ministre ayant prorogé la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur (A), de sorte qu’il ne lui appartient que d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.
Les dernières démarches effectuées s’inscrivent toutefois dans la suite de celles réalisées préalablement, de sorte qu’il convient de préciser à cet égard qu’il ressort du dossier administratif que par courrier du 27 août 2024, un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, a contacté une première fois les autorités du Consulat général du Royaume du Maroc à Liège en vue de l’identification de Monsieur (A) ainsi que de la délivrance d’un laissez-passer à son nom. Il ressort encore du dossier administratif que par la suite, les autorités luxembourgeoises ont régulièrement contacté les autorités consulaires marocaines afin d’être informées de l’état d’avancement de l’identification de Monsieur (A) et plus particulièrement par courrier du 18 septembre 2024, ainsi qu’en date du 7 octobre 2024.
Les autorités consulaires marocaines ont accusé réception de la demande d’identification de Monsieur (A) en vue de la délivrance d’un laisser-passer par courrier du 19 septembre 2024, tout en indiquant qu’elles ne manqueraient pas de tenir les autorités luxembourgeoises informées de l’état d’avancement du dossier. Par courrier du 8 octobre 2024, les autorités consulaires marocaines ont informé les autorités luxembourgeoises qu’elles seraient dans l’attente des résultats de la demande d’identification, précitée.
En ce qui concerne les démarches entreprises par les autorités ministérielles depuis la prise de l’arrêté ministériel déféré portant prorogation de la mesure de placement au Centre de rétention, il convient de constater que les autorités ministérielles ont rappelé leur demande de délivrance d’un laissez-passer par courriel du 28 octobre 2024 aux autorités consulaires marocaines, auquel ces dernières ont répondu par courrier du 29 octobre 2024 qu’elles étaient toujours dans l’attente des résultats de la part des autorités marocaines compétentes et qu’elles ne manqueraient pas de tenir les autorités luxembourgeoises informées de l’état d’avancement du dossier.
Au vu des démarches ainsi entreprises par les autorités ministérielles, lesquelles s’inscrivent, tel que le tribunal vient de le préciser, dans la suite de celles effectuées préalablement, le tribunal est amené à conclure que les diligences déployées par les autorités ministérielles luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade de l’avancement du dossier, comme étant suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce. Les contestations afférentes du demandeur encourent, dès lors, le rejet.
Il en est de même de l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective de l’éloigner vers son pays d’origine, dans la mesure où, à ce stade, le tribunal ne décèle aucun élément permettant d’aboutir à une telle conclusion.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de prorogation du placement en rétention initial n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Michel THAI, juge, et lu à l’audience publique du 6 novembre 2024 par le vice-président Daniel WEBER en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 9