Tribunal administratif N° 50000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50000 2e chambre Inscrit le 29 janvier 2024 Audience publique du 16 décembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 janvier 2024 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Afghanistan), de nationalité afghane, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 9 janvier 2024 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que ainsi que Maître Yasmine GUEBASI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 novembre 2024.
Le 15 février 2019, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, entretemps devenu le ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Par décision du 3 juin 2020, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 4 juin 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile rejeta sa demande en obtention d’une protection internationale comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2018 et lui enjoignit de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
Le recours contentieux introduit contre ledit refus ministériel fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 22 juin 2021, inscrit sous le numéro 45915C du rôle.
1Le 15 septembre 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Par décision du 24 juin 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 29 juin 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur (A) que sa nouvelle demande de protection internationale avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.
Le recours contentieux introduit contre la décision du 24 juin 2022 fut déclaré irrecevable pour cause de tardiveté du recours par un jugement du tribunal administratif du 18 août 2022, inscrit sous le numéro 47737 du rôle.
Le 10 octobre 2022, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère une troisième demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Par décision du 20 octobre 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 25 octobre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur (A) que sa troisième demande en obtention d’une protection internationale avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.
Par jugement du 9 janvier 2023, inscrit sous le numéro 48149 du rôle, le tribunal déclara le recours contentieux introduit contre la décision du 20 octobre 2022 comme étant justifié et annula ladite décision, tout en renvoyant le dossier devant le ministre de l’Immigration et de l’Asile en prosécution de cause.
Par décision du 9 janvier 2024, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A), tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est formulée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à votre troisième demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 10 octobre 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Avant tout développement en cause, il convient de rappeler qu’il ressort de votre dossier administratif que vous avez introduit une première demande de protection internationale au Luxembourg le 15 février 2019, qui a été rejetée comme non fondée par une décision ministérielle du 3 juin 2020. Le 22 juin 2021, vous avez été définitivement débouté de votre première demande de protection internationale par arrêt de la Cour administrative (numéro 45915C du rôle) au motif que « la Cour se rallie et se fait sienne l’analyse des premiers juges qui les a amenés à la conclusion que les craintes invoquées par l’appelant de faire l’objet de représailles de la part des […] repose que sur de simples conjectures […] Les premiers juges ont ainsi valablement pu retenir que la crainte de Monsieur (D) de subir des représailles de la part des talibans est trop hypothétique pour pouvoir être qualifiée de crainte fondée de subir des actes de persécution. C’est partant à bon droit que le ministre, puis les premiers juges ont rejeté comme non fondée la demande en reconnaissance du statut de réfugié de Monsieur (D). ».
2Le 20 juillet 2021, sur décision du Ministre, vous avez bénéficié d’un report à l’éloignement valable jusqu’au 20 janvier 2022.
Le 3 août 2021, la Direction de l’immigration vous a proposé de vous accorder exceptionnellement une autorisation de séjour en tant que travailleur salarié sous condition de compléter votre dossier avec les pièces requises à cet effet.
Le 15 septembre 2021, vous avez introduit une deuxième demande de protection internationale qui a été déclarée comme étant irrecevable par décision ministérielle du 24 juin 2022, au motif que vous n’avez présenté aucun élément ou fait nouveaux relatifs à l’examen visant à déterminer si vous remplissez les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.
Le 18 août 2022, vous avez été débouté de votre deuxième demande de protection internationale par jugement du Tribunal administratif (Numéro 47737 du rôle) au motif que « (…) le recours, introduit le 25 juillet 2022, est irrecevable pour avoir été déposé en dehors du délai de quinze jours ».
Le 25 août 2022, quelques jours après ce jugement, votre mandataire fait savoir à la Direction de l’immigration, qu’en date du 24 août 2022, vous auriez été informé qu’un mandat d’arrêt aurait été émis à votre encontre par les Taliban, sur base dudit incident de 2018.
Le 10 octobre 2022, vous avez alors introduit une troisième demande de protection internationale au Luxembourg, qui a été de nouveau déclarée comme étant irrecevable par décision ministérielle du 20 octobre 2022 en vertu des dispositions de l’article 28 (2) d) de la Loi de 2015, selon lequel le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, si « la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale; ».
Toutefois, par son jugement du 9 janvier 2023 (Numéro 48149 du rôle), le Tribunal administratif a déclaré le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle comme justifié et a partant annulé la décision ministérielle et renvoyé le dossier devant le ministre en prosécution de cause.
Suite à une nouvelle analyse de votre dossier, je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas non plus en mesure de réserver une suite favorable à votre troisième demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant aux faits et rétroactes En mains les rapports du Service de Police Judiciaire des 15 février 2019, 15 septembre 2021 et 10 octobre 2022, les rapports d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 29 mai 2019, 9 décembre 2021 et 10 octobre 2022 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, la décision ministérielle de rejet de votre première demande de protection internationale du 3 juin 2020, les décisions ministérielles d’irrecevabilité des 24 juin 2022 et 20 octobre 2022 de vos deuxième et troisième demandes de protection internationale, le jugement du Tribunal administratif du 29 mars 2021 et l’arrêt de la Cour administrative du 22 juin 2021 relatifs à votre première 3demande de protection internationale, le jugement du Tribunal administratif du 18 août 2022 relatif à votre deuxième demande de protection internationale et le jugement du Tribunal administratif du 9 janvier 2023 relatif à votre troisième demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.
Il y a lieu de rappeler que vous avez invoqué à la base de votre première demande de protection internationale que vous auriez quitté l’Afghanistan à cause de menaces proférées à votre égard par des personnes que vous supposez être des Taliban. Dans le cadre de votre travail, vous vous seriez rendu dans la province de … pour installer internet dans la ville de …. Le directeur des opérations, le manager technique et vous-même auriez rencontré les Taliban, afin de les payer « pour qu’ils ne détruisent pas les antennes de l’internet » (p.4/10 du rapport d’entretien du 29 mai 2019), selon vous une procédure normale dans les endroits où les Taliban seraient présents. Quelques mois plus tard, votre directeur vous aurait accusé d’avoir dévoilé aux anciennes autorités afghanes le lieu de séjour des Taliban dans la ville de …, étant donné que ces derniers auraient été « interpelés » (p.5/10 du rapport d’entretien du 29 mai 2019) et certains tués par le régime afghan de l’époque et des militaires étrangers.
Vous supposez que le directeur, pour se sauver soi-même, vous aurait faussement accusé de cet acte. Vous auriez immédiatement arrêté votre travail et vous auriez déposé plainte, mais les policiers n’auraient rien fait pour vous protéger. En novembre 2018, en étant absent de la maison, votre tante vous aurait contacté afin de vous avertir de ne pas rentrer, alors que des personnes que vous supposez être des Taliban, se seraient rendues chez votre oncle en étant à votre recherche et auraient fouillé la maison.
Le 22 juin 2021, vous avez été débouté de votre demande de protection internationale par arrêt de la Cour administrative (numéro 45915C du rôle) au motif que « la Cour se rallie et se fait sienne l’analyse des premiers juges qui les a amenés à la conclusion que les craintes invoquées par l’appelant de faire l’objet de représailles de la part des talibans qui lui reprocheraient d’avoir dévoilé l’endroit où ils se trouvaient à … aux autorités qui y auraient par la suite mené une attaque, ne repose que sur de simples conjectures. Quant à la pièce versée par l’appelant, intitulée « PV de la Police de … du 11/06/2019 et sa traduction », en rapport avec la susdite visite des talibans à son domicile venus pour l’arrêter, la Cour, à l’instar des premiers juges, considère qu’elle est dénuée de force probante, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un procès-verbal de police, mais des déclarations manuscrites d’un prétendu avocat et qu’elle comporte en plus une contradiction avec les déclarations de l’appelant, en ce qu’il est indiqué que les talibans seraient venus le 10 juin 2019, tandis que l’appelant a indiqué au cours de son audition la date de novembre 2018. Les premiers juges ont ainsi valablement pu retenir que la crainte de Monsieur (D) de subir des représailles de la part des talibans est trop hypothétique pour pouvoir être qualifiée de crainte fondée de subir des actes de persécution. C’est partant à bon droit que le ministre, puis les premiers juges ont rejeté comme non fondée la demande en reconnaissance du statut de réfugié de Monsieur (D). » Le 15 septembre 2021, vous avez introduit votre deuxième demande de protection internationale et vous avez motivé l’introduction de cette nouvelle demande par la prise de pouvoir des Taliban en Afghanistan en ajoutant que votre vie y serait toujours en danger, « c’est toujours actuel » (p.2/6 du rapport d’entretien du 9 décembre 2021). Depuis leur prise pouvoir, les Taliban pourraient interpeller et assassiner les gens plus facilement, ce qu’ils feraient notamment avec les habitants du …, votre région d’origine et la dernière province à leur avoir fait la guerre. Les Taliban auraient pris la maison où aurait habité votre frère et en auraient fait un poste de sécurité, une démarche qu’ils auraient répétée avec beaucoup d’autres maisons dans la région. La majorité des habitants de cette région aurait été forcée à quitter leurs domiciles et seraient partis pour l’Iran ou le Pakistan. En cas d’un retour en Afghanistan, vous craindriez d’être tué par les Taliban, d’autant plus qu’ils considéreraient 4les émigrants vers l’Europe comme des mécréants.
Le 18 août 2022, vous avez été débouté de votre deuxième demande de protection internationale par jugement du Tribunal administratif (Numéro 47737 du rôle) au motif que « (…) le recours, introduit le 25 juillet 2022, est irrecevable pour avoir été déposé en dehors du délai de quinze jours ».
Lors de votre troisième demande de protection internationale, vous prétendez désormais avoir reçu une « lettre d’arrestation » (p.2/7 du rapport d’entretien du 10 octobre 2022) de la part des Taliban, en précisant que ces derniers auraient demandé au tribunal de vous arrêter, alors qu’ils seraient persuadés que vous les auriez dénoncés en 2018. Vous prétendez aussi que le 24 août 2022, les Taliban se seraient déplacés chez votre oncle dans le quartier de … à … pour vous arrêter, mais comme vous n’auriez pas été sur place, ils auraient arrêté votre oncle et donné la lettre d’arrestation à votre tante. Vous seriez au courant de ces faits parce que votre tante vous aurait appelé via WhatsApp le jour de la réception du document pour vous signaler qu’elle ne serait « pas contente » (p.2/7 du rapport d’entretien du 10 octobre 2022) alors que ça serait votre faute que les Taliban auraient arrêté votre oncle.
Les Taliban auraient encore expliqué à votre tante que vous devriez vous présenter à eux et qu’ils réfléchiraient ce qu’ils pourraient faire avec votre oncle. Vous précisez que vous seriez sans nouvelles de ce dernier depuis son arrestation.
A l’appui de votre troisième demande de protection internationale, vous versez les documents suivants :
- Une copie de la prétendue « lettre d’arrestation » des Taliban, datée au 13 août 2022 ainsi qu’une traduction française officielle et une traduction anglaise libre, informant que la lettre aurait été émise par le Ministère de la Justice afghan et qu’elle serait destinée au commandant de la police du district … de … afin que vous soyez arrêté et amené aux autorités judiciaires pour avoir collaboré avec l’opposition armée contre les Taliban, le 16 août 2018 à … ;
- une attestation sur l’honneur, rédigée par vos soins.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité de votre récit Il y a lieu de rappeler qu’il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d’un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l’administration en mesure de saisir l’intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l’analyse d’une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’évaluation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
Dans un premier temps, Monsieur, il convient de souligner que les faits que vous avez avancés lors de vos deux premières demandes de protection internationale ne seront plus examinés dans le cadre de la présente décision, alors qu’ils avaient déjà été analysés 5auparavant et qualifiés d’insuffisants pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, analyse confirmée par les juridictions administratives. Ainsi, il y a uniquement lieu d’analyser les éléments ou faits nouveaux invoqués lors de votre troisième demande, à savoir la copie de la prétendue « lettre d’arrestation » des Taliban, datée au 13 août 2022, et le fait que votre oncle aurait été arrêté à votre place, et de déterminer si vous remplissez désormais les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.
Si le Tribunal a retenu qu’un tel mandat d’arrêt émis par les Taliban pour votre compte pourrait être de nature à augmenter la probabilité que vous remplissez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, alors que ce document étaye le fait que les Taliban, composant à présent l’Etat afghan, seraient activement à votre recherche, force est de constater que, indépendamment de la sincérité de vos propos quant à votre vécu en Afghanistan et de vos prétendues craintes des Taliban suite à une prétendue fausse dénonciation de votre ancien patron, il s’agit de soulever qu’aucune crédibilité ne saurait être accordée au fait que vous prétendez désormais avoir reçu une « lettre d’arrestation » des Taliban, et qu’ainsi vous ne faites pas état de manière crédible qu’il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.
En effet, comme déjà développé dans la décision d’irrecevabilité du 20 octobre 2022, ce constat s’impose au vu de vos explications incohérentes et de vos tentatives de justification concernant la copie de cette « lettre d’arrestation » versée. Ainsi, il s’agit de réitérer qu’il n’est tout simplement pas crédible, qu’après avoir séjourné au Luxembourg depuis au moins février 2019, ça serait en date du 24 août 2022, soit, presque trois ans et demi plus tard, que vous ayez été mis au courant d’un mandat d’arrêt qui aurait été émis à votre nom par les Taliban le 13 août 2022 et transmis à votre tante le 24 août 2022. Il est d’autant plus invraisemblable que vous auriez reçu ce mandat d’arrêt quatre ans après les faits proprement dits, mais, comme par pur hasard, uniquement six jours après avoir été débouté de votre deuxième demande de protection internationale. Il paraît manifestement plus qu’évident, qu’après avoir à nouveau été débouté d’une demande de protection internationale au Luxembourg, vous vous êtes efforcé pour vous procurer un document qui serait en mesure de justifier l’introduction d’une nouvelle et troisième demande de protection internationale, respectivement, tel que précisé par votre mandataire, de pouvoir faire état d’un récit duquel il ressortirait « clairement qu’il fait manifestement l’objet de faits nouveaux (…) ». Ainsi, il y a lieu de constater qu’il s’agirait plutôt d’un document de pure complaisance, établi afin d’augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale au Luxembourg.
Les doutes qui sont à formuler par rapport à la sincérité de vos propos ou de l’authenticité de cette pièce sont davantage confirmés par le fait que vous restez en défaut de prouver la moindre démarche que vous auriez entreprise pour vous procurer ce document, tout en présentant des excuses manifestement pas convaincantes censées expliquer l’absence de toute preuve. En effet, vous vous contentez simplement d’indiquer que le 24 août 2022, votre tante vous aurait d’abord « appelé via WhatsApp » (p.2/7 de votre rapport d’entretien du 10 octobre 2022) pour vous informer de l’arrestation de votre oncle ce même jour et que, le soir de ce jour vers 23 heures, elle vous aurait envoyé le document via WhatsApp. Après vous avoir envoyé le document, elle vous aurait insulté et vous aurait bloqué sur l’application susmentionnée, car elle vous tiendrait pour responsable du sort de votre oncle. Il est toutefois étonnant que peu après avoir fait ces déclarations, vous changiez la chronologie des faits et indiquiez qu’elle vous aurait d’abord envoyé le document, puis vous aurait appelé et vous aurait ensuite bloqué.
De plus Monsieur, il est encore plus curieux que vous êtes incapable de présenter une 6preuve d’appel de votre tante qui daterait du 24 août 2022, voire, un appel tout court que vous auriez eu avec votre tante, après qu’elle vous aurait envoyé le même jour ladite pièce en version PDF par WhatsApp. Vous avez justement été prié de vérifier la liste d’appels de votre portable, mais aucune preuve n’a pu être retrouvée pour corroborer votre version des faits. A cela s’ajoute que vos tentatives de justification dans ce contexte n’emportent manifestement pas conviction non plus mais ne font que confirmer que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises. En effet, vous prétendez que sur un iPhone, la liste d’appels serait automatiquement effacée après une quinzaine de jours, raison pour laquelle vous ne seriez pas en mesure de prouver que votre tante vous aurait appelé le 24 août 2022. Cette excuse doit toutefois être perçue comme étant inventée de toutes pièces alors que les recherches ministérielles n’ont nullement trouvé trace d’une telle programmation des iPhones. En effet, il ressort uniquement des informations en mains que les iPhones suppriment automatiquement des données dans la liste d’appels, une fois que cette liste a atteint les cent appels et que les derniers appels de la liste sont par conséquent remplacées par les plus récents, mais nullement de façon automatique sur base du seul fait qu’une quinzaine de jours serait passée. Ajoutons dans ce contexte que vous disposeriez en plus de plusieurs possibilités pour rétablir votre liste d’appels, si vraiment celle-ci avait été supprimée automatiquement pour une raison inconnue, de sorte que vous auriez donc facilement pu entreprendre des démarches qui vous permettraient de corroborer vos dires. Dans ce contexte, il y a toutefois lieu de constater que plus d’un an après la notification de la décision d’irrecevabilité du 20 octobre 2022, qui révélait précisément ces incohérences et vous les reprochait, et qui vous donnait même des solutions pour trouver une telle liste d’appel, vous ne semblez pas avoir entrepris de démarches qui vous auraient permis de confirmer vos affirmations. En tout cas, le ministère n’a, à présent, rien reçu de tel.
Surtout, encore dans ce même contexte, vous êtes également resté en défaut de verser une quelconque preuve prouvant que ladite pièce vous aurait effectivement été versée par votre tante, par WhatsApp le 24 août 2022. En effet, vous avancez tout simplement l’excuse selon laquelle vous auriez « tout effacé », respectivement, que vous auriez supprimé le document qui vous aurait été envoyé, pour justifier votre incapacité de corroborer vos dires moyennant votre portable, respectivement, votre WhatsApp. Or, Monsieur, il est incompréhensible et il ne fait aucun sens que vous supprimiez volontairement et sans raison apparente la seule preuve en votre possession de l’obtention d’un document sur lequel se fonde exclusivement votre troisième tentative d’obtenir une protection internationale après avoir été débouté de vos deux premières tentatives de se faire octroyer une protection internationale. Face à cette inintelligibilité, vous restez cependant sans explication.
Notons dans ce contexte que tout demandeur de protection internationale, respectivement, toute personne tout court, qui se fait parvenir de manière officielle et honnête un document authentique est parfaitement en mesure de pouvoir expliquer les démarches entreprises pour se procurer ce document, de même qu’elle est en mesure de prouver ses dires et démarches par des quelconques pièces et preuves authentiques et objectives.
Or, à nouveau, il s’agit de soulever que vos tentatives de justification n’emportement clairement pas conviction mais ne font que confirmer que vous vous servez d’excuses bien confortables pour expliquer l’absence de toute preuve à vos dires.
Il faut en déduire que vous ne vous êtes certainement pas procuré le document de la manière décrite, de sorte que ce dernier ne saurait nullement être perçu comme authentique.
En outre, il convient de noter que vous n’avez présenté qu’une copie du prétendu « mandat d’arrêt » et que, plus qu’un an après l’introduction de votre troisième demande de 7protection internationale, vous restez toujours en défaut de présenter l’original de ce document et ce en dépit du fait qu’il vous a été, à plusieurs reprises, reproché de n’avoir entrepris aucune démarche pour vous procurer l’original de ce document. Vous vous contentez simplement de déclarer que « La poste ne fonctionne plus comme avant. La famille de mon oncle n’est plus en contact avec moi » (p.4/7 de votre rapport d’entretien du 10 octobre 2022).
Dans ce contexte, il y a lieu de souligner, à toutes fins utiles qu’il ressort de plusieurs sources que la poste afghane a bien repris son service international depuis mars 2022, donc bien avant la présentation de votre troisième demande de protection internationale, de sorte que votre excuse selon laquelle vous n’auriez pas été en mesure de présenter l’original, respectivement de vous faire envoyer l’original parce que « La poste ne fonctionne plus comme avant » est également à écarter.
Le fait que la famille de votre oncle ait rompu tout contact avec vous et que votre tante vous ait bloqué sur WhatsApp n’explique pas non plus pourquoi vous n’avez pas au moins essayé d’obtenir l’original du document sur lequel se fonde votre troisième demande de protection internationale. Vous auriez au moins pu essayer de contacter vous-même votre famille en Afghanistan, que ce soit en utilisant un autre numéro de téléphone, voire par l’intermédiaire de votre frère, qui se trouve également au Luxembourg. Par conséquent, cet argument ne saurait pas non plus convaincre.
Ainsi, Monsieur, il convient de réitérer que le ministère ne dispose actuellement que d’une copie du document susmentionné et qu’il va sans dire que l’authenticité d’un document ne peut être vérifiée de manière définitive sur la base d’une copie ou d’une photo.
Finalement, en ce qui concerne le contenu même du prétendu « mandat d’arrêt », il y a lieu de relever que la copie que vous avez remise est rédigée en langue dari. Or, il ressort des sources en nos mains, que les Taliban, qui appartiennent majoritairement à l’ethnie pachtoune, utilisent généralement, voire exclusivement, le pachtoune pour toutes leurs communications écrites et orales, et que même les enseignes et logos du gouvernement ont été modifiés par les Taliban et sont désormais tous rédigés dans une seule langue (le pachtoune).
En outre, les mandats d’arrêt émis par le régime taliban sont généralement manuscrits, alors que le document que vous avez remis a été écrit à l’ordinateur, à l’exception de la date, ce qui laisse planer un doute sur l’authenticité du document. Dans ce contexte, il est également étonnant que la date soit manuscrite, ce qui pourrait indiquer qu’elle a pu être ajoutée à une date ultérieure. Enfin, il est absolument ridicule et non crédible qu’un document délivré par les Taliban contienne en bas de page un lien vers une page Internet en caractères latins. Qu’il contienne un lien vers une page Internet en caractères persans est déjà très suspect, mais que les Taliban utilisent des caractères latins dans un document officiel est carrément absurde.
Ce seul fait permet de conclure que cette copie du prétendu « mandat d’arrêt » doit être qualifiée comme un faux, voire, un document de pure complaisance que vous vous êtes organisé pour pouvoir appuyer un récit inventé de toutes pièces. Par ailleurs, il convient encore de noter que vous prétendez à un moment donné que les Taliban n’enverraient de telles lettres d’arrestation qu’à « certaines personnes » (p. 5 du rapport d’entretien) mais qu’elles tueraient directement les personnes qui seraient contre eux, ainsi que « Chez les talibans, il n’y a pas de loi. Ils se vengent en tuant. C’est selon leurs lois. Si un de (sic) leurs meure (sic), ils doivent venger sa mort. (…) » (p.5/7 du rapport d’entretien du 10 octobre 2022). Or, en se basant sur votre théorie, il ne ferait donc pas de sens non plus que dans votre cas, les Taliban préféreraient tout à coup se tenir aux lois en vigueur et vous faire le procès devant un tribunal officiel moyennant une lettre d’arrestation, plutôt que de simplement vous tuer, alors qu’ils seraient donc convaincus que vous les auriez dénoncés ce qui aurait couté la vie à trois de 8leurs collègues talibans. De plus, il est contradictoire que les Taliban aient prétendument attendu un an après leur prise de pouvoir pour émettre un mandat d’arrêt à votre encontre, alors que selon vos dires, ils vous recherchaient depuis 2018, puis auraient attendu onze jours supplémentaires pour que le chef de la police contresigne le mandat d’arrêt afin d’autoriser votre arrestation, mais qu’ils auraient ensuite arrêté votre oncle à votre place, sans qu’aucun mandat d’arrêt n’ait jamais été délivré en son nom, simplement parce que vous auriez été absent de la maison au moment où les Taliban seraient venus vous arrêter. Qu’ils avaient donc respecté scrupuleusement les soi-disant règles en vigueur pour arrêter une personne qu’ils tiendraient pour responsable de la mort de trois de leurs combattants, mais qu’ils n’auraient ensuite plus respecté aucune règle pour arrêter une personne innocente à votre place est absolument illusoire.
Dans ce contexte encore, force est de constater que le fait que vous ne déposez aucun document ou aucune preuve quant à l’arrestation et la disparition subséquente de votre oncle et que vous n’êtes pas en mesure d’établir la véracité de vos dires ou de corroborer vos dires par la moindre preuve ne fait que confirmer le manque de crédibilité de cette partie de votre récit et le fait que vous tentez par tout moyen de construire une histoire qui vous permettrait d’obtenir une protection internationale.
Au vu de tout ce qui précède, aucune crédibilité ne saurait être retenue pour ce qui est des motifs avancés dans le cadre de votre troisième demande de protection internationale et l’introduction de cette troisième demande doit dès lors clairement être définie comme un recours manifestement abusif à la procédure de protection internationale.
Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination d’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».
1) Quant à l’objet du recours A titre liminaire, le tribunal relève que si à la première page de la requête introductive d’instance du 29 janvier 2024, il est indiqué que Monsieur (A) introduit un recours en reformation tant à l’encontre de la décision du 9 janvier 2024 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, qu’à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte, Monsieur (A) ne sollicite, dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, auquel le tribunal est en principe seul tenu1, que la réformation de la décision du 9 janvier 2024 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, sans viser l’ordre de quitter le territoire y contenu.
Or, alors même que sur question afférente du tribunal à l’audience des plaidoiries, le litismandataire de Monsieur (A) a affirmé que le recours serait dirigé tant à l’encontre de la décision du ministre du 9 janvier 2024 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale qu’à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte, force est néanmoins de constater que le demandeur n’a développé aucun moyen dans le 1 En ce sens : trib. adm., 21 novembre 2001, n°12921 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 383 et les autres références y citées.
9corps de sa requête introductive d’instance par rapport audit ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le tribunal ne saurait considérer qu’il a été valablement saisi d’un recours à l’encontre de la décision ministérielle du 9 janvier 2024 portant ordre de quitter le territoire dans le chef de Monsieur (A), de sorte que l’objet du recours se limite à la réformation de la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale.
2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation contre la décision du ministre du 9 janvier 2024, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et au-delà des faits et rétroactes retranscrits ci-dessus, le demandeur explique être de nationalité afghane, de confession religieuse musulmane sunnite et d’appartenance ethnique tadjik. Il met en avant sa crainte d’être persécuté dans son pays d’origine par les Talibans qui lui reprocheraient d’avoir divulgué leur localisation aux anciennes autorités afghanes. Il explique, à cet égard, qu’il aurait rencontré des Talibans au cours de sa mission au sein de l’entreprise « (AA) » pour leur remettre une somme d’argent, à savoir une taxe qui aurait servi d’autorisation pour installer internet chez des clients. Etant donné qu’à la suite de cette visite, une attaque aurait eu lieu sur ces Talibans, il aurait été accusé de complicité avec les autorités afghanes pour leur avoir révélé l’adresse de ceux-ci. Il donne à considérer qu’au vu du fait que sa plainte déposée auprès du « Tribunal compétent » n’aurait pas été prise en compte et que son domicile aurait été fouillé par les « assaillants », il aurait été contraint de quitter son pays d’origine.
En droit, le demandeur conteste tout d’abord les motifs soulevés par le ministre selon lesquels le nouvel élément apporté par lui n’aurait aucune force probante et que ses déclarations présenteraient des incohérences.
Il estime que, contrairement à ce qui a été retenu par le ministre, sa crédibilité ne pourrait être remise en cause dans la mesure où, d’une part, le tribunal administratif aurait d’ores et déjà examiné l’affaire en considérant que le recours à une procédure en inscription en faux ne serait pas nécessaire concernant le mandat d’arrêt émis à son encontre en date du 13 août 2022 et en retenant que le caractère vicié dudit document n’aurait pas pu être constaté, ni par le tribunal lui-même, ni par les explications de la partie étatique.
D’autre part, il est d’avis qu’il devrait bénéficier du principe du bénéfice du doute lequel serait applicable aux demandeurs de protection internationale conformément à la Convention de Genève sur le statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et lequel tiendrait compte des divers traumatismes subis, ainsi que de l’âge des demandeurs. Il donne, à cet égard, à considérer qu’il aurait été particulièrement jeune et vulnérable à l’époque des faits, tout en soulignant que compte tenu de la présence actuelle des Talibans en Afghanistan, il demeurerait traumatisé par le risque d’être retrouvé par ces derniers.
Il fait remarquer que cette fragilité ne l’aurait toutefois pas empêché de se comporter de bonne foi alors qu’il aurait étayé au maximum son récit lors des différents entretiens ministériels en fournissant l’ensemble des preuves nécessaires à l’examen de son récit et de ses craintes, ainsi 10qu’à son identification. Or, mises à part les critiques formulées par le ministre concernant le mandat d’arrêt du 13 août 2022, sa crédibilité n’aurait pas autrement été remise en cause, ce qui constituerait, selon lui, une « raison supplémentaire d’appliquer le principe du bénéfice du doute à l’égard de la pièce susmentionnée ».
Le demandeur fait ensuite valoir que la lettre d’arrestation qu’il aurait reçue par les Talibans, actuellement au pouvoir en Afghanistan, aurait un impact direct sur sa situation. A cet égard, il se prévaut de l’article 40 de la directive 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte), ainsi que des paragraphes 35 et 36 de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 septembre 2021, XY, C-18/20, pour conclure que les éléments de faits présentés par lui seraient à considérer comme étant nouveaux en ce sens qu’ils n’auraient jamais été précédemment invoqués par lui et qu’ils n’auraient été portés à sa connaissance qu’après l’introduction de sa deuxième demande de protection internationale, tel que cela aurait également été retenu par le tribunal administratif dans son jugement du 9 janvier 2024, prémentionné.
Il considère dès lors que les évènements politiques récemment intervenus en Afghanistan, ainsi que le mandat d’arrêt émis à son encontre par les Talibans constitueraient des faits nouveaux l’affectant significativement.
Quant à l’impact incontestable de l’arrivée des Talibans au pouvoir, le demandeur explique que l’Afghanistan aurait été particulièrement bousculé par cette arrivée, tout en mettant en avant que certaines personnes ayant craint d’être victimes des mêmes atrocités commises par leurs prédécesseurs auraient réussi à fuir le pays, tandis que d’autres se seraient retrouvées bloquées dans certaines zones où les crimes commis par les Talibans seraient plus décuplés comme à … et les provinces aux alentours. Il cite, dans ce contexte, un extrait d’un article de l’organisation Human Rights Watch publié le 7 juillet 2022, intitulé « Afghanistan : Les talibans exécutent et font « disparaître » des combattants présumés de l’ISKP », un extrait d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies du 23 juin 2022, intitulé « Afghanistan : Divergences d’approche entre les membres du Conseil de sécurité, entre partisans de la stabilité et défenseurs des droits humains », ainsi qu’un extrait d’une publication de l’organisation suisse d’aide aux réfugiés, du 19 octobre 2022, intitulé « Afghanistan : derniers développements », afin d’étayer la situation actuelle en Afghanistan et de corroborer la situation relatée par lui et la crainte qu’il aurait pour sa vie.
Il met en exergue que les Talibans seraient aveuglés par leur fanatisme et qu’ils considéreraient chaque personne n’approuvant pas leurs actes comme une menace. Dès lors, comme il serait accusé de trahison, il risquerait de manière certaine de subir diverses formes de torture, voire une exécution sommaire puisque son nom figurerait sur la liste des personnes recherchées par les Talibans, de sorte qu’en cas de retour en Afghanistan, il serait aisément repéré, ce qui le rendrait particulièrement vulnérable et rendrait son retour dans son pays d’origine impossible en raison des risques encourus pour son intégrité physique, voire sa vie.
Le demandeur soutient ensuite que compte tenu de la situation politique et judiciaire en Afghanistan, il ne pourrait bénéficier de la protection d’un système judiciaire effectif et impartial au sens des dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH ». Dans ce contexte, il fait valoir qu’il existerait en Afghanistan une possibilité qu’il soit soumis à des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3 de la CEDH, tout en rappellant le principe du procès équitable ancré à 11l’article 6 de la CEDH, celui du droit à un recours effectif au sens de l’article 13 de la CEDH, ainsi que les dispositions de l’article 42, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 lesquelles renverraient à l’article 1A de la Convention de Genève s’agissant des actes de persécution. Il fait valoir qu’il résulterait « des informations concordantes » que le système juridique afghan serait défaillant dans la mesure où il serait actuellement contrôlé par les Talibans qui ne respecteraient pas les droits de l’Homme et qui seraient connus pour effectuer des exécutions sommaires, des détentions arbitraires et tous autres actes de torture.
Il conclut à l’octroi d’un statut de protection internationale dans son chef, de sorte que la décision ministérielle déférée serait à réformer en ce sens.
Le délégué de gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours sous examen pour ne pas être fondé.
Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphe (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à 12ce qui est indiqué au point a). […] ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« […] a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
Aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut 13ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Il convient ensuite de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’analyse du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que si des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations des demandeurs de protection internationale, ceux-ci doivent bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, leur récit peut être considéré comme crédible, s’ils se sont réellement efforcés d’étayer leurs demandes, s’ils ont livré tous les éléments dont il disposaient et si leurs déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves2.
A titre liminaire, le tribunal relève que le demandeur a invoqué à la base de sa première demande de protection internationale qu’il aurait quitté l’Afghanistan à cause de menaces proférées à son encontre par des personnes qu’il suppose être des Talibans. Il a, dans ce contexte, relaté que lorsqu’il se serait rendu dans la province de … pour installer internet dans la ville de … dans le cadre de son travail, le directeur des opérations, le manager technique ainsi que lui-même auraient rencontré des Talibans afin de les payer « pour qu’ils ne détruisent pas les antennes de l’internet ». Quelques mois plus tard, son directeur l’aurait accusé d’avoir dévoilé aux anciennes autorités afghanes le lieu de séjour des Talibans dans la ville de …, étant donné que ces derniers auraient été « interpelés » et certains tués par le régime afghan de l’époque et des militaires étrangers. Il aurait immédiatement arrêté son travail et aurait déposé plainte, mais les policiers n’auraient rien fait pour le protéger. En novembre 2018, en étant absent de la maison, sa tante l’aurait contacté afin de l’avertir de ne pas rentrer alors que des 2 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 140 et les autres références y citées.
14personnes qu’il suppose être des Talibans seraient à sa recherche et auraient fouillé la maison de son oncle.
A la base de sa deuxième demande de protection internationale, le demandeur a invoqué la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan en ajoutant que sa vie y serait toujours en danger, alors que, depuis leur prise de pouvoir, les Talibans pourraient interpeller et assassiner les gens plus facilement, ce qu’ils feraient notamment avec les habitants du …, sa région d’origine. Il a fait état du fait que les Talibans auraient pris la maison où aurait habité son frère et en auraient fait un poste de sécurité, tout en précisant que cette démarche aurait été répétée avec beaucoup d’autres maisons dans la région, ce qui aurait forcé la majorité des habitants de cette région à quitter leurs domiciles pour l’Iran ou le Pakistan. Il a encore ajouté qu’en cas de retour en Afghanistan, il craindrait d’être tué par les Talibans, alors qu’ils considéreraient les émigrants vers l’Europe comme des mécréants.
Dans le cadre de sa troisième demande de protection internationale, le demandeur a invoqué avoir reçu une lettre d’arrestation de la part des Talibans, en précisant que ces derniers auraient demandé au tribunal de l’arrêter, alors qu’ils seraient persuadés qu’il les aurait dénoncés aux anciennes autorités afghanes en 2018. Il a encore fait état du fait que le 24 août 2022, les Talibans se seraient rendus chez son oncle dans le quartier de … à … pour l’arrêter, mais que comme il n’aurait pas été sur place, ils auraient « pris » son oncle et donné la lettre d’arrestation à sa tante. Il a, dans ce contexte, mis en avant que les Talibans auraient expliqué à sa tante qu’il devrait se présenter à eux et qu’ils réfléchiraient à ce qu’ils pourraient faire avec son oncle, tout en donnant à considérer qu’il serait sans nouvelles de ce dernier depuis son arrestation.
Le tribunal relève ensuite qu’il est constant en l’espèce que le demandeur a été définitivement débouté de sa première demande de protection internationale par un arrêt de la Cour administrative du 22 juin 2021, inscrit sous le numéro 45915C du rôle, au motif que sa crainte de représailles de la part des Talibans était trop hypothétique et que la pièce versée à l’appui de ces faits, à savoir un « PV de la Police de … du 11/06/2019 et sa traduction » était dénuée de toute force probante. Il est encore constant que la deuxième demande de protection internationale du demandeur a été déclarée irrecevable par décision ministérielle du 24 juin 2022, au motif que le demandeur avait basé sa demande sur les mêmes raisons que celles sous-tendant sa première demande de protection internationale, à savoir une crainte de représailles de la part des Talibans, jugée trop hypothétique. Le recours contentieux introduit contre ladite décision ministérielle du 24 juin 2022 a été déclaré irrecevable pour cause de tardiveté par un jugement du tribunal administratif du 18 août 2022, inscrit sous le numéro 47737 du rôle.
Le tribunal constate que la troisième demande de protection internationale du demandeur ayant donné lieu à la décision du 20 octobre 2022, concernait, d’une part, les mêmes faits que ceux invoqués précédemment à la base de ses deux premières demandes de protection internationale, à savoir sa crainte de représailles de la part des Talibans, au motif que ces derniers lui reprocheraient d’avoir dévoilé leur localisation aux anciennes autorités afghanes, ce qui aurait causé la mort de plusieurs de leurs membres en 2018, et, d’autre part, un mandat d’arrêt émis à son encontre par les Talibans en date du 13 août 2022, ainsi que l’arrestation de son oncle le 24 août 2022, événements nouveaux invoqués pour la première fois dans le cadre de sa troisième demande de protection internationale, le demandeur ayant encore mis en avant, pour corroborer sa crainte de représailles en cas de retour dans son pays d’origine, la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan en août 2021.
15 A cet égard, il échet de relever que dans son jugement du 9 janvier 2023, inscrit sous le numéro 48149 du rôle, le tribunal a retenu, par rapport à l’arrivée des Talibans au pouvoir, que le demandeur avait déjà fait état de ce fait lors de sa deuxième demande de protection internationale introduite le 15 septembre 2021, de sorte que cet élément avait déjà été pris en considération par le ministre dans le cadre de sa décision d’irrecevabilité du 24 juin 2022 et ne saurait dès lors plus appuyer sa troisième demande de protection internationale.
En ce qui concerne le mandat d’arrêt émis à son encontre le 13 août 2022, le tribunal, après avoir considéré que ledit document constitue un élément nouveau dont le demandeur n’a pas été en mesure de se prévaloir au cours de l’instruction de sa deuxième demande de protection internationale, y compris durant sa phase contentieuse, et soulevé, d’une part, que le juge administratif a le pouvoir de constater le caractère vicié d’une pièce, même sans être obligé de recourir à la procédure du faux incident, lorsque celui-ci s’impose avec évidence et, d’autre part, que la procédure du faux incident est une faculté pour le juge et non une obligation, a rejeté les conclusions de la partie étatique quant au caractère vicié de la pièce en question en considérant que ce dernier ne s’impose pas avec évidence. Il a, dans ce contexte, relevé que les critiques de la partie étatique concernant le mandat d’arrêt « […] se résument, d’une part, à critiquer les circonstances dans lesquelles celui-ci a été obtenu, voire le format dans lequel ledit document a été versé, et, d’autre part, à remettre en cause l’opportunité des talibans d’émettre un tel mandat d’arrêt à l’encontre de Monsieur …, sans que la partie étatique ne fournisse un quelconque élément concret de nature à remettre en question le contenu même du document, respectivement l’absence d’authenticité dudit document […] ». Concernant l’impact du mandat d’arrêt sur les motifs sous-tendant la troisième demande de protection internationale de Monsieur (A), le tribunal a retenu qu’il ressortait des rapports internationaux invoqués à l’appui du recours contentieux que « la situation sécuritaire en Afghanistan est inquiétante depuis que les talibans ont pris le pouvoir du pays en août 2021, alors que ces derniers sont considérés comme étant les auteurs de meurtres et de disparitions de personnes qu’ils considèrent comme leurs opposants, tels que des anciens alliés des Etats-Unis et du gouvernement afghan ». Après avoir encore retenu que le mandat d’arrêt émis à l’encontre de Monsieur (A) en date du 13 août 2022 « est de nature à augmenter de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, notamment en ce qu’il risque de subir des atteintes graves conformément à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Afghanistan, alors que ladite pièce étaye le fait que les talibans, composant à présent l’Etat afghan, sont activement à sa recherche », le tribunal a conclu que c’est à tort que le ministre a déclaré irrecevable la troisième demande de protection internationale de Monsieur (A) sur base de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et a, en conséquence, annulé la décision ministérielle du 20 octobre 2022, tout en renvoyant le dossier devant le ministre en prosécution de cause.
Le tribunal constate ensuite qu’il se dégage du libellé de la décision déférée, seule décision dont est saisi le tribunal en l’espèce, que le ministre est arrivé à la conclusion qu’indépendamment de la sincérité du récit de Monsieur (A) quant à son vécu en Afghanistan et quant à ses craintes invoquées en relation avec les Talibans à la suite d’une fausse dénonciation de son ancien patron, aucune crédibilité ne pourrait être accordée ni au fait qu’il aurait désormais reçu une lettre d’arrestation de la part des Talibans, ni, dès lors, au fait que son oncle aurait été arrêté par lesdits Talibans, le délégué du gouvernement confirmant cette approche.
Il s’ensuit que la question litigieuse en l’espèce est celle de savoir si le ministre a, à 16tort ou à raison, considéré que la lettre d’arrestation émise par les Talibans le 13 août 2022, de même que le fait que l’oncle du demandeur aurait été arrêté à sa place, sont des éléments non crédibles ne permettant pas d’invalider le constat suivant lequel le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, tel que cela avait été retenu par la Cour administrative dans son arrêt du 22 juin 2021, coulé en force de chose jugée, étant, à cet égard, relevé que le juge administratif a le pouvoir de constater le caractère vicié d’une pièce, même sans être obligé de recourir à la procédure du faux incident, lorsque celui-ci s’impose avec évidence, la procédure du faux incident étant, par ailleurs, une faculté pour le juge et non une obligation3. Il y a, dans ce contexte, d’ores et déjà lieu de rejeter l’argument du demandeur suivant lequel sa crédibilité ne pourrait plus être contestée au motif que le « [t]ribunal administratif a d’ores et déjà examiné l’affaire en considérant que le recours à une procédure en inscription en faux n’était point nécessaire concernant le mandat d’arrêt émis en date du 13 août 2022, dans la mesure où le prétendu caractère vicié n’avait pu être constaté, ni par lui-même, ni par les explications vaines de l’autorité étatique », alors que, tel que soulevé à juste titre par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, force est de constater que contrairement à la décision ministérielle déférée, la partie étatique n’avait, dans le cadre de la décision d’irrecevabilité du 20 octobre 2022, pas encore pris position quant au contenu de la lettre d’arrestation, mais elle s’est limitée, telle que reprochée plus particulièrement par le tribunal dans son jugement du 9 janvier 2023, à critiquer le mandat d’arrêt, d’une part, par rapport aux circonstances dans lesquelles celui-ci a été obtenu, voire le format dans lequel ledit document a été versé, et, d’autre part, par rapport à l’opportunité des Talibans d’émettre un tel mandat d’arrêt à l’encontre de Monsieur (A).
Or, eu égard à cette pièce soumise à son appréciation, ensemble les arguments invoqués par la partie étatique, le tribunal est amené à partager l’analyse faite par le ministre quant à l’existence d’incohérences et d’invraisemblances concernant non seulement les circonstances ayant entouré la réception de la lettre d’arrestation, mais également son contenu et sa forme, conduisant à remettre en cause l’authenticité dudit document et, dès lors, à considérer le récit du demandeur, à cet égard, comme étant globalement non crédible.
En effet, à l’instar du ministre, le tribunal se doit tout d’abord de relever qu’il n’est guère plausible, qu’après avoir séjourné au Luxembourg depuis le mois de février 2019, les Talibans auraient, en date du 13 août 2022, soit presque trois ans et demi après le départ du demandeur de son pays d’origine, émis un mandat d’arrêt à son encontre pour des faits qui se seraient déroulés en novembre 2018, soit pratiquement quatre ans après, mais seulement six jours après qu’il ait été débouté de sa deuxième demande de protection internationale par décision ministérielle du 24 juin 2022.
Par ailleurs, les explications du demandeur fournies quant aux circonstances ayant entouré la réception de cette lettre d’arrestation amènent le tribunal à rejoindre les doutes émis par le ministre par rapport à la sincérité du récit du demandeur et donc par rapport à l’authenticité de cette pièce. En effet, lors de son entretien avec l’agent ministériel, le demandeur a d’abord expliqué qu’en date du 24 août 2022, sa tante l’aurait appelé « via WhatsApp […] »4 pour l’informer qu’il aurait « reçu une lettre d’arrestation de la part des talibans »5 qui, ce jour-là, se seraient rendus chez son oncle maternel pour l’arrêter, mais que 3 Trib. adm., 19 mars 2015, n°34352 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 850 et les autres références y citées.
4 Page 2/7 du rapport d’entretien.
5 Ibid.
17comme ils ne l’auraient pas trouvé après avoir fouillé la maison de celui-ci, ils auraient arrêté ce dernier à sa place. Plus loin dans son entretien, le demandeur change la chronologie des faits en expliquant que le soir-même du 24 août 2022, vers 23 heures, il aurait été informé du fait qu’un mandat d’arrêt aurait été émis à son encontre « quand ma tante me l’a envoyée via WhatsApp »6, tout en précisant qu’après lui avoir envoyé le document en « PDF », sa tante l’aurait appelé et insulté pour finalement le bloquer sur l’application WhatsApp, car elle le tiendrait pour responsable du sort de son oncle7.
Les doutes émis, à cet égard, par le ministre quant à la sincérité du récit du demandeur sont davantage corroborés par le fait que Monsieur (A) n’est pas en mesure de présenter une preuve de l’appel de sa tante qui daterait du 24 août 2022, voire d’un appel tout court qu’il aurait eu de sa tante, après qu’elle lui aurait envoyé le même jour ladite pièce en version « PDF » via WhatsApp, étant, à cet égard, relevé que le demandeur aurait pu, afin de corroborer ses dires, produire une liste d’appels de son téléphone portable, tel qu’il a été invité à le faire depuis la décision ministérielle du 20 octobre 2022 ayant déclaré irrecevable sa troisième demande de protection internationale, ce qu’il est toutefois resté en défaut de faire.
En ce qui concerne les explications fournies à ce sujet par le demandeur suivant lesquelles il ne serait pas en mesure de prouver l’appel sur son téléphone portable alors que « Je pense que sur l’IPhone le journal d’appels est effacé tous les 15 jours mais je ne suis pas sûr »8, le tribunal relève que le ministre a mis en exergue que les recherches effectuées par ses services dans ce contexte n’ont pas permis de trouver une trace d’une telle programmation des iPhones, tout en précisant, source à l’appui, que si, suivant les informations à sa disposition, les iPhones suppriment automatiquement des données dans la liste d’appels, tel ne serait le cas que si cette liste a atteint les cent appels, de sorte que les derniers appels de la liste sont remplacés par les plus récents, mais cette suppression ne se ferait pas, tel que le soutient le demandeur, de façon automatique sur base du seul fait qu’une quinzaine de jours serait passée depuis l’appel en question. Le ministre a encore avancé, source à l’appui, que le demandeur disposerait lui-même de plusieurs possibilités pour rétablir sa liste d’appels, si vraiment celle-ci avait été supprimée automatiquement pour une raison inconnue, de sorte qu’il aurait donc facilement pu entreprendre des démarches qui lui auraient permis de corroborer ses dires. Or, au vu des explications tangibles du ministre à cet égard et à défaut de toute pièce soumise à l’appréciation du tribunal, voire d’une prise de position circonstanciée par le demandeur dans son recours permettant de retenir le contraire, le tribunal ne peut que confirmer l’analyse faite par le ministre à ce sujet.
Dans ce contexte, le tribunal constate que le demandeur est également resté en défaut de verser une quelconque preuve permettant d’établir que ladite lettre d’arrestation lui aurait été effectivement transmise par sa tante via WhatsApp en date du 24 août 2022. En effet, la simple affirmation du demandeur lors son entretien ministériel suivant laquelle il aurait « effacé »9 le message de sa tante contenant le fichier PDF de ladite lettre, sans exposer plus amplement ni lors de son entretien ministériel ni dans son recours contentieux la raison pour laquelle il aurait supprimé ledit message, lequel contiendrait pourtant la pièce-clé à la base de son récit, ne permet en tout état de cause pas de justifier son incapacité de corroborer ses dires moyennant son téléphone portable, respectivement son compte WhatsApp. Il est, par ailleurs, incompréhensible que le demandeur ait supprimé volontairement et sans raison apparente la 6 Page 3/7 du rapport d’entretien.
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18seule preuve en sa possession de l’obtention d’un document sur lequel se fonde exclusivement sa troisième tentative d’obtenir une protection internationale après avoir été débouté de ses deux premières tentatives tendant à se voir octroyer une telle protection.
Au vu de ces éléments et à défaut de toute explication concrète à cet égard dans son recours, le tribunal ne peut que confirmer le constat du ministre que le demandeur ne s’est pas procuré le document de la manière dont il l’a décrite lors de son entretien ministériel, ce qui qui fait peser de sérieux doutes quant à l’authenticité dudit document.
A cet égard, le tribunal se doit encore de constater, à l’instar de la partie étatique, que le demandeur n’a présenté qu’une copie de la prétendue lettre d’arrestation sans verser à aucun moment l’original de celle-ci. Or, si la crédibilité du récit que présente un demandeur de protection internationale ne peut certes pas être remise en cause du seul fait qu’il ne verse que des copies des documents sur lesquels il se base pour sous-tendre son récit, force est néanmoins de constater que l’explication qu’a avancée en l’espèce le demandeur pour justifier le fait qu’il ne verse pas l’original du mandat d’arrêt laisse de convaincre. En effet, sur question afférente de l’agent ministériel, le demandeur a expliqué qu’il ne pourrait demander à sa tante de lui envoyer l’original de la lettre d’arrestation alors que « La poste ne fonctionne plus comme avant. La famille de mon oncle n’est plus en contact avec moi. […] »10. Or, force est de constater que cette affirmation est contredite par les explications étayées du ministre dont il se dégage que la poste afghane a bien repris son service international depuis mars 2022, donc bien avant la présentation de la troisième demande de protection internationale du demandeur, de sorte qu’à défaut de développements contraires du demandeur dans son recours, celle-ci est à écarter. Il en est de même de l’explication avancée par le demandeur suivant laquelle la famille de son oncle aurait rompu tout contact avec lui et que sa tante l’aurait bloqué sur WhatsApp dans la mesure où celle-ci ne permet en tout état de cause pas de justifier l’inaction de sa part afin d’obtenir l’original du document sur lequel se fonde principalement sa troisième demande de protection internationale, étant à cet égard relevé que le demandeur aurait à tout le moins pu essayer de contacter lui-même sa famille en Afghanistan, que ce soit en utilisant un autre numéro de téléphone, voire par l’intermédiaire de son frère, qui se trouve de façon non contestée également au Luxembourg. Or, à défaut de tout développement à cet égard par le demandeur dans son recours, l’explication fournie dans ce contexte par celui-ci lors de son entretien ne permet pas d’emporter la conviction du tribunal.
Le tribunal constate ensuite que le demandeur n’a pas non plus pris position dans son recours par rapport aux contestations du ministre concernant le contenu même de la lettre d’arrestation et le constat subséquent selon lequel ladite lettre devrait être qualifiée de faux, voire constituerait un document de pure complaisance que le demandeur se serait organisé pour pouvoir présenter un récit « inventé de toutes pièces ». En effet, le demandeur n’a pas fourni d’explications ou de pièces contraires permettant d’infirmer le constat ministériel suivant lequel les Talibans, qui appartiennent majoritairement à l’ethnie pachtoune, utilisent généralement, voire exclusivement, le pachtoune pour toutes leurs communications écrites et orales, et que même les enseignes et logos du gouvernement ont été modifiés par les Talibans et sont désormais tous rédigés dans une seule langue, à savoir le pachtoune, et non pas en langue dari, tel que cela est le cas pour le document en question. Le ministre a encore ajouté qu’en outre, les mandats d’arrêt, respectivement les lettres d’arrestation émises par les Talibans sont généralement manuscrites, tout en donnant à considérer que le document remis par le demandeur a été écrit à l’ordinateur, à l’exception de la date, ce qui laisse planer un doute sur 10 Page 4/7 du rapport d’entretien.
19l’authenticité de celui-ci. Dans ce contexte, il a également soulevé le fait qu’il est étonnant que la date soit manuscrite, ce qui, selon lui, pourrait indiquer qu’elle a pu être ajoutée à une date ultérieure. Enfin, le ministre a encore soulevé qu’il n’est pas non plus plausible qu’un document délivré par les Talibans contienne en bas de page un lien vers une page Internet en caractères latins, tout en soulignant, à cet égard, que si le fait qu’il contienne un lien vers une page Internet en caractères persans est déjà très suspect, il serait d’autant plus improbable que les Talibans utilisent des caractères latins dans un document officiel. Or, à défaut de toute prise de position à ce sujet par le demandeur, le tribunal ne peut que se rallier à l’analyse du ministre quant au caractère frauduleux de la lettre d’arrestation.
Au vu des incohérences soulevées ci-avant et à défaut de toute contestation circonstanciée dans le recours, le tribunal se doit de conclure que c’est à bon droit que le ministre a remis en cause l’authenticité de la lettre d’arrestation.
Cette conclusion est d’ailleurs confirmée par le fait que le demandeur prétend à un moment donné lors de son entretien ministériel que les Talibans n’enverraient de telles lettres d’arrestation qu’à « certaines personnes »11, mais qu’ils tueraient directement les personnes qui seraient contre eux, tout en affirmant que « Chez les talibans, il n’y a pas de loi. Ils se vengent en tuant. […] C’est selon leurs lois. Si un de leurs meure, ils doivent venger sa mort.
[…] »12. Or, en se basant sur la théorie du demandeur, il ne ferait donc pas de sens non plus que dans son cas, les Talibans préféreraient tout à coup se tenir aux lois en vigueur et lui faire le procès devant un tribunal officiel moyennant une lettre d’arrestation, plutôt que de simplement l’assassiner, alors qu’ils seraient convaincus qu’il les aurait dénoncés, ce qui aurait couté la vie à trois de leurs combattants.
A l’instar du ministre, le tribunal relève encore qu’il est, par ailleurs, peu plausible que les Talibans aient prétendument attendu un an après leur prise de pouvoir pour émettre un mandat d’arrêt à l’encontre de Monsieur (A), alors que, selon ses dires, ils le rechercheraient depuis 2018, puis qu’ils auraient attendu onze jours supplémentaires pour que le chef de la police contresigne la prétendue lettre d’arrestation afin d’autoriser son arrestation, mais qu’ils auraient ensuite arrêté son oncle à sa place, sans qu’aucun mandat d’arrêt n’ait jamais été délivré en son nom, simplement parce que le demandeur aurait été absent de son domicile au moment où les Talibans seraient venus l’arrêter. Il ne fait, en effet, aucun sens que les Talibans auraient, d’un côté, respecté scrupuleusement les soi-disant règles en vigueur pour arrêter une personne qu’ils tiendraient pour responsable de la mort de trois de leurs combattants, mais que, de l’autre côté, ils n’auraient plus respecté aucune règle pour arrêter une personne innocente à sa place.
Au vu de tout ce qui précède, c’est dès lors à bon droit que le ministre a conclu qu’aucune crédibilité ne saurait être retenue pour ce qui est des motifs avancés par le demandeur dans le cadre de sa troisième demande de protection internationale.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’attestation sur l’honneur établie par Monsieur (A) le 25 août 2022, soit un jour après la prétendue réception de la lettre d’arrestation, dans laquelle le demandeur prétend que ledit document serait véridique, alors que ce document établi par le demandeur lui-même n’est en tout état de cause pas suffisant pour infirmer les doutes quant à l’authenticité de cette pièce, tels que retenus ci-avant.
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20 Il en est de même de la lettre du 14 avril 2024, versée en phase contentieuse, établie par un dénommé (B) qui serait « représentant de la troisième allée de la zone 8 de la ville de … » et dans le cadre de laquelle celui-ci relate qu’il aurait été convoqué le 24 août 2022 par les forces de renseignements de l’Emirat islamique afin de répondre aux questions concernant le demandeur qui aurait résidé avec son oncle, (C), dans ce quartier, tout en affirmant, en substance, que les forces de renseignements de l’Emirat islamique auraient reçu l’ordre du ministère de la justice d’arrêter Monsieur (A), qu’ils auraient cherché à connaître sa localisation et qu’ils auraient arrêté son oncle. En effet, mis à part le fait que le demandeur ne renseigne pas quelle est la nature de sa relation avec le dénommé (B), cette attestation émanant d’une personne privée n’est en tout état de cause pas suffisante pour constituer une preuve probante des persécutions ou atteintes graves, respectivement des risques de persécutions ou d’atteintes graves allégués par le demandeur en cas de retour dans son pays d’origine à cause des problèmes qu’il invoque en relation avec les Talibans, et surtout pour infirmer les incohérences circonstanciées soulevées par le ministre par rapport au mandat d’arrêt litigieux et telles que débattues ci-avant. Ainsi, et à défaut de tout développement par le litismandataire du demandeur par rapport à cette pièce, notamment à l’audience des plaidoiries, celle-ci ne permet pas non plus de démentir le constat fait ci-avant qu’il n’est pas démontré que les Talibans auraient émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Monsieur (A) et qu’ils seraient effectivement à sa recherche.
Si le demandeur fait encore valoir que le principe du bénéfice du doute devrait être appliqué en l’espèce conformément à l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel : « (5) Lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies : a) le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande; b) tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l’absence d’autres éléments probants ; c) les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande ; d) le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu’il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l’avoir fait; et e) la crédibilité générale du demandeur a pu être établie», ce moyen est à rejeter dans la mesure où, tel que retenu ci-avant, sa crédibilité générale n’est pas établie au regard de l’incohérence de ses propos et du fait qu’il a versé un document dont l’authenticité est remise en cause.
Au vu de tout ce qui précède, c’est partant à bon droit que le ministre a conclu que le récit du demandeur relatif tant à l’émission d’un mandat d’arrêt à son encontre qu’à l’arrestation de son oncle par les Talibans n’est pas crédible, de sorte que le récit du demandeur n’est pas crédible dans son ensemble.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur (A), de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 9 janvier 2024 portant refus d’une protection internationale ;
21 au fond, le déclare non justifié, et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 16 décembre 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 22