Tribunal administratif Numéro 52212 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52212 2e chambre Inscrit le 13 janvier 2025 Audience publique du 20 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52212 du rôle et déposée le 13 janvier 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Russie) et être de nationalité biélorusse, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 27 décembre 2024 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 janvier 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 janvier 2025, Maître Philippe STROESSER s’étant exusé.
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Le 10 avril 2019, Monsieur (A), connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Par décision du 22 juin 2020, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile refusa de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur (A) pour être non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
En date du 5 septembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile chargea la police grand-ducale de procéder au signalement national de l’intéressé en vue de son placement en rétention.
Il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») ainsi que d’un document émis par le CPL intitulé « Mise en liberté », datant tous les deux du 7 1octobre 2022, que Monsieur (A) fut libéré du CPL en date du même jour après y avoir été détenu pendant 630 jours pour des faits de vol, d’organisation criminelle et de blanchiment.
Le 13 octobre 2022, Monsieur (A) introduisit une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi du 18 décembre 2015, demande qui fut déclarée irrecevable par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 novembre 2022.
En date du 27 octobre 2023, Monsieur (A) fut transféré au Luxembourg par les autorités belges, suite à deux demandes afférentes desdites autorités des 6 et 20 septembre 2023 basées sur le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
Suivant un relevé journalier du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (« CPU ») du 27 octobre 2023, Monsieur (A) fut placé, en date du même jour et par le biais d’un mandat d’amener, en détention préventive du chef de menaces d’attentat.
Il ressort d’un acte d’écrou du CPU du 3 octobre 2024 que par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 27 avril 2024, Monsieur (A) fut condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois pour des faits de vol, peine ayant commencé à courir le 3 octobre 2024 pour s’achever le 28 septembre 2025.
Suivant un relevé journalier du CPL du 4 octobre 2024, Monsieur (A) fut, en date du même jour, transféré du CPU au CPL.
Il ressort d’un acte d’écrou du CPL du 14 novembre 2024 que par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 27 avril 2024, Monsieur (A) fut condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois pour des faits de vol, peine ayant commencé à courir le 3 octobre 2024 pour s’achever le 6 janvier 2025.
Une vérification faite le 27 décembre 2024 dans les bases de données du Centre de coopération policière et douanière (« CCPD ») révéla que l’intéressé était connu en Allemagne pour « Totschlag » et qu’il y faisait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire.
Suite à une recherche effectuée le même jour dans la base de données du système d’information Schengen (« SIS »), il s’avéra que Monsieur (A) faisait l’objet d’un signalement par les autorités allemandes au motif de constituer une « [g]rave menace pour la sécurité ».
Les autorités allemandes informèrent, toujours en date du même jour, les autorités luxembourgeoises via le réseau nommé « SIRENE » (Supplément d’Information Requis à l’Entrée Nationale) avoir obtenu des renseignements sur l’intéressé de la part de l’International Criminal Police Organisation (« INTERPOL ») selon lesquels « he is involved in a case of manslaugther and therefore a threat for public safety and order ». Il ressort, à cet égard, encore du dossier administratif et plus particulièrement d’un signalement émis par INTERPOL que Monsieur (A) est recherché pour des faits d’« [a]gression/mauvais traitements ».
Par arrêté du 27 décembre 2024, notifié à l’intéressé le 6 janvier 2025, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à l’égard de Monsieur (A) à partir de la sortie de l’Espace Schengen.
2 Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé le 6 janvier 2025, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ladite décision est basée sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu les antécédents judiciaires de l'intéressé ;
Vu la décision de refus du 22 juin 2020 suite à une demande de protection internationale au Luxembourg introduite par l'intéressé en date du 10 avril 2019 ;
Vu la décision de retour du 22 juin 2020, lui notifiée le 26 juin 2020 ;
Vu la décision d'irrecevabilité du 8 novembre 2022 suite à une demande de protection internationale au Luxembourg introduite par l'intéressé en date du 13 octobre 2022 ;
Vu ma décision d'interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans du 27 décembre 2024 ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 27 décembre 2024 ordonnant son placement au Centre de rétention.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.
Or, cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.
3 Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours ou exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il reproche au ministre que malgré l’indication dans son arrêté de placement que « les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais », aucune perspective d’éloignement n’existerait à l’heure actuelle, de sorte qu’il y aurait lieu de s’interroger sur les chances de succès de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et, en toute circonstance, avant l’écoulement de la durée maximale de la mesure de sa rétention.
Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.
Au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement « auprès des services du ministère », auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.
Il conclut à l’absence du caractère justifié de son maintien au Centre de rétention et, par voie de conséquence, à la réformation de l’arrêté ministériel du 27 décembre 2024 dans le sens d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre avec l’obligation de se présenter régulièrement à des intervalles à fixer auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -
le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en 4particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. » L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il est, en l’espèce, constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ont été prises à son encontre respectivement les 22 juin 2020 et 27 décembre 2024, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, de même qu’il ne dispose ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers […] est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que 5prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.
Comme les contestations quant à l’existence d’un risque de fuite dans le chef de Monsieur (A) ne sont partant pas fondées, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les 6formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal est amené à retenir que le demandeur, qui ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache, ne lui a pas soumis d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celles visées aux points a) et b) de ladite disposition légale, préconisées par le demandeur, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce et que, dès lors, la mesure de placement en rétention ne saurait être considérée comme étant disproportionnée par rapport au but recherché. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à écarter.
En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de permettre son éloignement dans les meilleurs délais, force est de constater qu’il se dégage, d’une part, du dossier administratif, qu’en date du 27 décembre 2024, le ministre a chargé l’Unité de Garde et d’Appui opérationnel de la police grand-ducale d’organiser le départ du demandeur vers son pays d’origine, la Biélorussie, et, d’autre part, que les autorités ministérielles ont, en date du 7 janvier 2025, contacté les autorités biélorusses en vue du rapatriement de l’intéressé vers son pays d’origine, tout en leur communiquant une copie de son passeport biélorusse. Il ressort encore du dossier administratif qu’en date du 8 janvier 2025 les autorités ministérielles se sont adressées aux autorités lituaniennes en vue de l’organisation du rapatriement de l’intéressé vers la Biélorussie via le territoire lituanien.
Sur base de l’ensemble de ces éléments, c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement rapide du territoire luxembourgeois. En effet, le tribunal est amené à conclure que les démarches entreprises en l’espèce doivent, au contraire, être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à rejeter.
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
7Il en est de même de l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective de procéder à son éloignement, dans la mesure où, à ce stade, le tribunal ne décèle aucun élément permettant d’aboutir à une telle conclusion.
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 20 janvier 2025 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 8