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24/01/2025 | LUXEMBOURG | N°48454

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 janvier 2025, 48454


Tribunal administratif N° 48454 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48454 5e chambre Inscrit le 25 janvier 2023 Audience publique du 24 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A) et Madame (B), … (Belgique) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48454 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2023 par Monsieur (A) et Madame (B

), demeurant ensemble à B-… (Belgique), dirigée contre une décision du directeur de l’...

Tribunal administratif N° 48454 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48454 5e chambre Inscrit le 25 janvier 2023 Audience publique du 24 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A) et Madame (B), … (Belgique) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48454 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2023 par Monsieur (A) et Madame (B), demeurant ensemble à B-… (Belgique), dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 octobre 2022, référencée sous le numéro … du rôle, ayant statué par rapport à une réclamation introduite le 18 janvier 2022 « par la dame (B) et le sieur (A), au nom de la société à responsabilité limitée (AA), radiée, ayant eu son siège social à L-…, afin d’obtenir « une révision » du « dossier » » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 avril 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 8 janvier 2025, Monsieur (A) et Madame (B) ne s’étant pas présentés.

Par un courrier daté du 18 novembre 2021 et adressé à la société à responsabilité limitée (AA) SARL, ci-après désignée par « la société (AA) », avec la précision « c/o (A) », le bureau d’imposition Sociétés …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », informa les destinataires du courrier, en exécution du § 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », que suite à une vérification de la déclaration pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités résidentes de l’année 2019, il envisageait de s’écarter de celle-ci et les invita à lui soumettre leur prise de position pour le 9 décembre 2021 au plus tard.

Par courrier électronique du 9 décembre 2021, Madame (B) fit suite à l’invitation du bureau d’imposition dans les termes suivants : « J’ai parlé avec mon mari et je pense qu’il vaut mieux ne pas créer de frais supplémentaire avec le comptable ».

En date du 22 décembre 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société (AA), avec la précision « C/O (A) », les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial, et de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux, de l’année 2019.

Par un courrier du 14 janvier 2022, reçu par l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration », le 18 janvier 2022, Monsieur (A) et Madame (B), ci-

après désignés par « les consorts (AB) », introduisirent auprès du directeur de l’administration, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation tendant à voir « reconsidérer notre dossier » et « faire une révision de notre situation ».

Par un courrier de mise en état du 13 juin 2022 adressé à la société (AA) « (liquidée) », avec la précision « Attn. Madame (B) et Monsieur (A) », le directeur invita la société (AA) à fournir des pièces et observations pour le 30 juillet 2022 au plus tard.

Par un courrier du 25 juillet 2022, reçu par l’administration le 27 juillet 2022, les consorts (AB) donnèrent suite à l’invitation du directeur en lui soumettant des précisions quant aux activités exercées par la société (AA), ainsi qu’en lui faisant parvenir des factures, un « tableau de bord », un « résumé du poste : Frais de déplacement – Direction », et un « contrat signé » (« Framework Agreement »), tout en annonçant leur intention de déposer encore deux classeurs contenant des « extraits de compte VISA » et des tickets et factures y relatifs.

Par une décision du 18 octobre 2022, référencée sous le numéro … du rôle, le directeur reçut la réclamation en la forme et par réformation in pejus retint des distributions cachées de bénéfice à hauteur de … euros, pour ainsi (i) fixer l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2019, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à … euros, (ii) établir la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019 à … euros, (iii) fixer l’impôt commercial communal de l’année 2019 à … euros et (iv) fixer la retenue de l’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2019 à … euros, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 18 janvier 2022 par la dame (B) et le sieur (A), au nom de la société à responsabilité limitée (AA), radiée, ayant eu son siège social à L-…, afin d’obtenir « une révision » du « dossier » ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 13 juin 2022 en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO) et la réponse de la réclamante entrée le 27 juillet 2022 ;

Considérant que la réclamante ne désigne pas de façon explicite quelle(s) décision(s) elle entend attaquer ; que par application du principe de l’effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas 1er et 2 AO, à interpréter les requêtes des contribuables selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés, la requête est à considérer comme étant dirigée contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019, ainsi que contre le bulletin de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de l’année 2019, tous émis le 22 décembre 2021 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 235, n°5, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir admis des distributions cachées de bénéfices en relation avec des frais de déplacements ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

Considérant que les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019 avaient été émis sur pied du § 100a AO en date du 18 novembre 2020 ; qu’aux termes du paragraphe 100a AO, le bureau d’imposition peut, sous réserve d’un contrôle ultérieur, fixer l’impôt en tenant compte de la seule déclaration d’impôt ; qu’en l’occurrence, le bureau d’imposition a procédé à un tel contrôle ultérieur ;

Considérant que dans ce cadre, en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d’imposition a informé la réclamante en date du 18 novembre 2021, qu’une partie des frais de voyage, pour un montant arrondi de … euros, serait considérée comme distributions cachées de bénéfices ; que ce montant serait dès lors ajouté hors bilan au résultat de l’exercice 2019 et soumis à une retenue d’impôt de 15% ;

Considérant qu’aux termes du § 205, alinéa 3 AO, des divergences notables par rapport à la déclaration du contribuable doivent, pour autant qu’elles soient en sa défaveur, lui être communiquées pour observation préalablement à l’émission du bulletin ; que le but du § 205, alinéa 3 AO, en tant que principe de bonne administration, consiste à vérifier les conclusions auxquelles tend une instruction en défaveur du contribuable et partant à éviter d’éventuels malentendus ;

Considérant que le paragraphe 171 AO retient dans son alinéa 1er que « Auf Verlangen (§ 205 Absätze 1 und 2) hat der Steuerpflichtige die Richtigkeit seiner Steuererklärung nachzuweisen. Wo seine Angaben zu Zweifeln Anlass geben, hat er sie zu ergänzen, den Sachverhalt aufzuklären und seine Behauptungen, soweit ihm dies nach den Umständen zugemutet werden kann, zu beweisen, zum Beispiel den Verbleib von Vermögen, das er früher besessen hat » ; qu’en « cas de contestations émises par l’administration des Contributions sur la déclaration faite par le contribuable, celui-ci est légalement tenu à faire parvenir à l’administration des Contributions les renseignements et explications demandés, étant donné que la charge de la preuve de l’exactitude des déclarations faites pèse désormais sur le contribuable » ;

Considérant cependant que la seule réponse de la réclamante fut un courriel de la dame (B) du 9 décembre 2021 dont la teneur est la suivante : « J’en ai parlé avec mon mari et je pense qu’il vaut mieux ne pas créer de frais supplémentaire avec le comptable » ; qu’en conséquence, le bureau d’imposition émit les bulletins définitifs, objet de la présente requête, en date du 22 décembre 2021, reflétant les redressements communiqués dans sa missive ; qu’il découle de ce qui précède que la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu’il ressort des statuts de la réclamante que celle-ci avait « pour objet de tenir un bureau de consultance et d’expertise et donner aux tiers qui la consultent tous conseils dans le domaine du développement, de la communication et de l’informatique, réaliser toutes études et publications, créer tous programmes, exécuter toutes expertises, remplir des missions de médiation, créer et gérer des sites internet pour compte de ses clients. Elle peut organiser les relations entre des entreprises ou des personnes poursuivant des projets compatibles, étudier leurs convergences, présider à leurs négociations et rédiger des accords. Elle peut assister des entreprises ou des personnes dans leurs démarches relevant du droit administratif. » ;

Considérant que la réclamante a toujours été détenue à parts égales par la dame (B) et le sieur (A), qui en étaient également les gérants pour une durée indéterminée ;

Considérant qu’au cours de l’exercice litigieux, la réclamante a fait valoir des frais de voyages et de déplacements pour un montant total de … euros ;

Considérant qu’aux termes de l’article 45, alinéa 1er de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) sont considérées comme dépenses d’exploitation déductibles les dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise ; que « Pour qu’une dépense puisse être qualifiée de dépense d’exploitation, il faut qu’il existe un lien de causalité suffisamment étroit entre la dépense et le revenu actuel ou à naître, ce lien devant présenter un caractère d’exclusivité suffisant » ;

Considérant qu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article 164 L.I.R., il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ; que l’article 164, alinéa 3 L.I.R. est l’application du principe suivant lequel il y a lieu, pour les besoins du fisc, de restituer aux actes leur véritable caractère et doit partant s’interpréter en fonction de cette finalité ; que l’ « administration peut supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées » ;

Considérant qu’il convient de vérifier, sur base des règles et principes relatifs à la charge de la preuve et aux distributions cachées de bénéfices dégagés ci-avant, si les associés et gérants de la réclamante ont pu en l’espèce bénéficier d’avantages de la part de cette dernière qui s’analysent en un emploi de revenus sans contrepartie effective ayant entraîné une diminution de l’actif de la réclamante, avantages que les associés et gérants n’auraient pas pu obtenir en l’absence de relation particulière ;

Considérant qu’à cet effet, le directeur, tenu d’instruire sur le revenu imposable au même titre que le bureau d’imposition, procéda le 13 juin 2022 à une mise en état invitant la réclamante à fournir (i) une copie des factures émises et incluant le détail des services rendus par elle ainsi que (ii) le détail des frais de déplacements et de représentation incluant une copie des factures, du ou des carnet(s) de bord et, le cas échéant, la justification du lien entre chacune des dépenses et l’activité de la réclamante ;

Considérant, quant au premier point, que la réclamante versa une copie des factures émises par elle en expliquant avoir eu 2 clients au cours de l’exercice litigieux ; qu’il s’agit, d’une part, de la société de droit belge (BB) avec laquelle a été conclu un « framework agreement » dont il ressort que la réclamante était rémunérée en fonction de l’exécution de certains contrats avec des tiers et en fonction d’un certain tarif décrit dans une annexe, lesdits contrats avec les tiers et l’annexe en question n’étant cependant pas versés, et, d’autre part, de la société de droit belge (DD), avec laquelle aucun contrat écrit n’aurait été conclu ;

Considérant que, dans le cadre du second point, la réclamante versa tout d’abord un document intitulé « Carnet de bord pour les déplacements 2019 » listant différents déplacements tout en leur assignant un bénéficiaire ((BB), (DD), ou la réclamante elle-même) et le cas échéant une facture émise ; qu’il n’est toutefois pas possible de réconcilier les informations fournies dans ce document avec les factures émises alors que ni le « carnet de bord » ni les factures émises ne contiennent de détails quant aux services effectivement prestés par la réclamante ; qu’à titre d’exemple, concernant le client (DD), la seule facture émise date de janvier 2019 et mentionne en descriptif « Expertise January 2019 » alors que selon le « Carnet de bord pour les déplacements 2019 », 3 déplacements seraient en lien avec ce client, un déplacement ayant eu lieu en janvier 2019 (Bruxelles) et les deux autres (Ile Maurice et Tel Aviv) ayant par contre étonnamment eu lieu après l’émission de ladite facture ; qu’il ressort en outre de ce document qu’une moitié environ des déplacements n’est liée à aucun client mais concerne de la « prospection » sans plus de détails ;

Considérant que la réclamante versa ensuite un document intitulé « (AA) – Historique des comptes généraux », document décrit dans le courrier d’accompagnement comme étant un « résumé du poste : Frais de déplacement – Direction » ; que ce document n’apporte aucun éclairage quant à la nature des frais supportés alors qu’il ne fait que reprendre les soldes des extraits du compte VISA ; qu’il en ressort seulement que la quasi-intégralité des frais de voyages et de déplacements de la réclamante a été réglée au travers du compte VISA de la réclamante ;

Considérant que la réclamante versa finalement deux volumineux classeurs contenant des extraits de son compte VISA, ainsi que d’innombrables factures et tickets de caisse y relatifs ;

qu’il s’agit de factures, notes, tickets et billets de provenances diverses tels que notamment des restaurants, cafés, taxis, trains, avions, hôtels, incluant des hôtels de vacances, mais aussi des magasins de vêtements et d’ameublements, des librairies, des coiffeurs, pharmaciens, opticiens et des supermarchés ;

Considérant que les pièces versées, en vrac, ne sont pas utilement supportées par des explications ou annotations qui permettraient de faire ressortir la nature professionnelle des dépenses engagées ou le lien avec les activités de la réclamante ; que force est même de constater que la plus grande majorité de ces frais est difficilement rattachable, voire s’avère tout simplement incompatible, avec une activité de consultance ;

Considérant que la jurisprudence a déjà retenu dans un cas similaire que « le demandeur s’est contenté de verser en vrac à titre de justificatifs de ses frais de restaurant un certain nombre de factures, de reçus de paiement, respectivement d’extraits bancaires portant sur des frais de restaurant, sans toutefois qu’il ne soit possible – le demandeur étant resté en défaut de prendre position de manière circonstanciée et de produire des éléments probants – de déterminer, au regard des contestations de la partie étatique, premièrement, si les dépenses avaient effectivement été engagées par le demandeur ou par une tierce personne, deuxièmement, si le demandeur avait réglé l’ensemble de la facture, et, troisièmement, si les dépenses ainsi invoquées ont servi plutôt à l’exercice exclusif de sa profession ou plutôt à son train de vie, de sorte que c’est à bon droit que le directeur a retenu que l’intégralité des montants invoqués au titre des frais de restauration, pour les années d’imposition litigieuses, ne sont pas déductibles » ;

Considérant qu’ainsi, en principe et en l’absence d’éléments justificatifs probants apportés par la réclamante, il y a lieu de conclure que lesdits frais de l’espèce ne sont dans leur intégralité pas à considérer comme des dépenses directement liées aux activités de la réclamante ;

Considérant qu’un dirigeant même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, n’assumerait pas des frais dont la relation avec l’activité de la société n’est pas clairement établie ; que cet avantage tire son origine de la relation entre la réclamante et ses associés alors qu’il n’est pas litigieux que l’intégralité des dépenses susmentionnées a été occasionnée par la dame (B) et le sieur (A), associés et gérants de la réclamante ;

Considérant qu’il convient toutefois d’admettre que la réclamante a pu légitiment subir des frais de voyages et de déplacements en relation avec son chiffre d’affaires de sorte qu’une part raisonnable de ces frais, fixée par la présente instance à … euros en vertu du § 217 AO, est à qualifier de dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 L.I.R. ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les frais de voyages et de déplacements pour un montant de (…-… i.e.) … euros, arrondi à … euros, sont à requalifier en distributions cachées de bénéfices au profit des associés de la réclamante ;

Considérant qu’en vertu de l’article 146 L.I.R., les distributions de bénéfices tant ouvertes que cachées doivent faire l’objet d’une retenue d’impôt sur les revenus de capitaux ;

Considérant qu’aux termes de l’article 148, alinéa 1er L.I.R., le taux de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux applicable pour les années litigieuses est de 15%, à moins que le débiteur des revenus ne prenne à sa charge l’impôt à retenir, ce qui, même en matière de distribution cachée de bénéfices n’est jamais présumé ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

Considérant que le redressement des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019, ainsi que du bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2019 fait partie de l’annexe qui constitue une partie intégrante de la présente décision ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, réformant in pejus, fixe l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2019, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à … euros, établit la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019 à … euros, fixe l’impôt commercial communal de l’année 2019 à … euros, fixe la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2019 à … euros, renvoie au bureau d’imposition pour exécution. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 janvier 2023, les consorts (AB) ont introduit un recours non autrement qualifié contre la décision directoriale précitée du 18 octobre 2022.

1) Quant à la compétence du tribunal Si, comme en l’espèce, la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision déférée, il y a lieu d’admettre que le demandeur ait entendu introduire le recours prévu par la loi1.

Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 » le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre des bulletins d’imposition.

1 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1286 et les autres références y citées.

Le tribunal est, dès lors, compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 18 octobre 2022.

2) Quant à la recevabilité du recours Arguments et moyens des parties Dans le cadre de son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève tout d’abord l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté, au motif qu’il ressortirait du récépissé du dépôt d’envoi à la poste, tel que transmis au tribunal, que la décision directoriale déférée aurait été expédiée le mardi 18 octobre 2022, de sorte à être présumée, en application du § 88, alinéa (3) AO, avoir été notifiée le vendredi 21 octobre 2022. Ainsi, la requête introductive d’instance, déposée au greffe du tribunal administratif seulement en date du mercredi 25 janvier 2023, l’aurait été en dehors du délai légal.

Toujours pour conclure à l’irrecevabilité du recours, le délégué du gouvernement reproche un défaut de qualité à agir aux consorts (AB), au motif qu’ils auraient agi en leurs noms personnels, tandis que la décision directoriale aurait « statué sur la réclamation de la société à responsabilité limitée (AA) ». Le délégué du gouvernement souligne que la dénomination de la société n’aurait pas été mentionnée dans la requête.

Finalement, le délégué du gouvernement estime que le recours serait encore irrecevable au motif qu’aucun moyen de droit n’y serait invoqué ni aucun reproche légal formulé à l’encontre de la décision directoriale.

Monsieur (A) et Madame (B) n’ont pas pris position par rapport aux moyens d’irrecevabilité soulevés par le délégué du gouvernement, que ce soit par écrit à travers le dépôt d’un mémoire en réplique ou oralement à l’audience publique des plaidoiries.

Appréciation du tribunal En ce qui concerne d’abord la recevabilité ratione temporis du recours sous examen, il convient de préciser qu’aux termes de l’article 8, paragraphe (3), point 4. de la loi du 7 novembre 1996, le délai pour agir contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation en application du § 228 AO est de trois mois.

Ce délai court à partir de la notification de la décision du directeur.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le directeur a procédé à la notification de sa décision du 18 octobre 2022 par la voie d’une lettre recommandée simple, de sorte à avoir fait usage de la voie de la notification prévue par le § 88, alinéa (3) AO.

En effet, le § 88 AO, en ses alinéas (1) à (3), dispose comme suit :

« (1) Für Zustellungen gelten die Vorschriften der Zivilprozessordnung über Zustellungen von Amts wegen.

(2) Zustellen können auch Beamte der Steuer-, der Polizei-

oder der Gemeindeverwaltung.

(3) Die Behörde kann durch eingeschriebenen Brief zustellen. Die Zustellung gilt mit dem dritten Tag nach der Aufgabe zur Post als bewirkt, es sei denn, dass der Zustellungsempfänger nachweist, dass ihm das zuzustellende Schriftstück nicht innerhalb dieser Zeit zugegangen ist.

[…] ».

Il se dégage partant du § 88 AO que si la « Zustellung » doit, au vœu de son alinéa (1), en principe être opérée en conformité avec les dispositions de la « Zivilprozessordnung » – renvoi qui doit être compris au Luxembourg comme visant le Nouveau Code de procédure civile (NCPC) –, il autorise à travers son alinéa (3) toute « Behörde » visée par ses dispositions, donc également le directeur en sa qualité d’autorité compétente pour statuer sur une réclamation au sens du § 228 AO, à utiliser un mode simplifié de « Zustellung » par le biais de la notification par voie de « eingeschriebener Brief ».

En vue de déterminer les formalités obligatoirement attachées à l’envoi d’un « eingeschriebener Brief », il convient de constater que la « Zustellung » au sens du § 88 AO s’analyse par essence en une remise actée entourée d’un certain formalisme, lequel est destiné à constituer une preuve de la réception de l’acte à notifier par son destinataire. L’originalité de l’alinéa (3) du § 88 AO par rapport à son alinéa (1) réside dans le fait que l’autorité est dispensée de l’obligation de s’aménager une preuve concrète de la prise de connaissance effective de l’acte par son destinataire et que l’autorité est seulement tenue de prouver la date à laquelle l’enveloppe contenant l’acte a été remise à la poste. En outre, la preuve concrète de la réception par le destinataire est remplacée par l’alinéa (3) en cas de notification par « eingeschriebener Brief » par une présomption juris tantum de réception au troisième jour après la remise à la poste.

Le § 88, alinéa (3) AO autorise ainsi les autorités visées à procéder à une notification par voie de lettre recommandée simple, un avis de réception n’étant pas requis au vu de la dispense de la preuve d’une réception effective par le destinataire, la seule preuve à charge de l’autorité étant celle de la remise de l’acte à la poste sous forme de pli fermé expédié en tant que lettre recommandée2.

Le § 88, alinéa (3) AO est une émanation du principe général à valeur constitutionnelle de sécurité juridique, en ce qu’il vise à éviter autant que possible les litiges relatifs à la date exacte de réception de la décision du directeur. Il remplit par ailleurs une fonction de décharge de preuve au profit de l’administration des Contributions directes, laquelle n’a pas à prouver la réception effective de cette décision.

En l’espèce, il ressort effectivement du récépissé de dépôt d’un envoi dressé par l’établissement (CC) le 18 octobre 2022, figurant au dossier administratif, que la décision directoriale a été remise à la poste pour envoi par lettre recommandée simple le 18 octobre 2022.

Par voie de conséquence, la notification afférente est présumée avoir eu lieu trois jours après, soit 2 Cour adm., 13 janvier 2005, n° 18477C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1181 et les autres références y citées.

le 21 octobre 2022. Le délai de recours contentieux de trois mois a dès lors expiré, conformément aux dispositions précitées de l’article 8, paragraphe (3), point 4. de la loi du 7 novembre 1996 et à la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, le samedi 21 janvier 2023, à minuit, de sorte à avoir été prolongé jusqu’au lundi 23 janvier 2023, à minuit3.

Il convient par ailleurs de relever qu’il n’est pas contesté que la décision directoriale a été valablement expédiée à l’adresse indiquée par les consorts (AB) dans la réclamation introduite auprès du directeur.

Dans leur requête introductive d’instance, les consorts (AB) admettent avoir reçu le courrier contenant la décision litigieuse et ne contestent pas la date présumée de sa réception, de sorte que la présomption de nature réfragable du § 88, alinéa (3) AO n’est en l’occurrence pas utilement renversée par la preuve de la date effective de réception.

Il suit de ce qui précède que le recours déposé au greffe du tribunal administratif le mercredi 25 janvier 2023 a été introduit en dehors du délai légal de trois mois ayant expiré le lundi 23 janvier 2023, de sorte qu’il est à déclarer irrecevable pour cause de tardiveté, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur les autres moyens d’irrecevabilité sinon sur le fond.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 18 octobre 2022 ;

déclare ledit recours irrecevable ;

condamne Monsieur (A) et Madame (B) aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 janvier 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Paulo ANICETO LOPES.

s. Paulo ANICETO LOPES s. Françoise EBERHARD 3 L’article 5 de ladite Convention prévoyant que : « Il est tenu compte des samedis, dimanches et fêtes légales dans la computation d'un délai. Toutefois, lorsque le dies ad quem d'un délai avant l'expiration duquel un acte doit être accompli est un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou considéré comme tel, le délai est prolongé de façon à englober le premier jour ouvrable qui suit. » 10


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 48454
Date de la décision : 24/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-01-24;48454 ?

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