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27/01/2025 | LUXEMBOURG | N°52252

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 janvier 2025, 52252


Tribunal administratif N° 52252 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52252 2e chambre Inscrit le 17 janvier 2025 Audience publique du 27 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52252 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2025 par Maître Sanae IGRI, avoca

t à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mo...

Tribunal administratif N° 52252 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52252 2e chambre Inscrit le 17 janvier 2025 Audience publique du 27 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52252 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2025 par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 10 janvier 2025 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 janvier 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina LIFA, en remplacement de Maître Sanae IGRI, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Il ressort d’un rapport n° … de la police grand-ducale de la région …, Commissariat …, intitulé « Fremdennotiz », du 22 décembre 2024, qu’en date du même jour, Monsieur (A) fut interpellé à la suite d’un incident ayant eu lieu à la gare centrale de Luxembourg et qu’il ne fut, à cette occasion, pas en mesure de présenter des documents d’identité ou de voyage valables.

Par arrêté du 23 décembre 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son encontre.

Par un arrêté ministériel séparé du même jour, également notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.

En date du 24 décembre 2024, une recherche initiée dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du 1règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après dénommé « le règlement Dublin III », révéla que Monsieur (A) avait déposé une demande de protection internationale en Slovénie en date du 8 mars 2024 et en Bulgarie en date du 12 février 2024.

Le 2 janvier 2025, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités bulgares en vue de la reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée en date du 6 janvier 2025 par lesdites autorités sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du même règlement.

Par arrêté du 10 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 13 janvier 2025, le ministre rapporta la décision de retour du 23 décembre 2024 prise à l’égard de Monsieur (A), tout en décidant de transférer l’intéressé vers la Bulgarie.

Par arrêté séparé du 10 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 13 janvier 2025, le ministre ordonna la mainlevée du placement en rétention de Monsieur (A) décidé en date du 23 décembre 2024, tout en ordonnant, dans la même décision et dans l’attente de l’exécution de son transfert, le placement en rétention de ce dernier pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport n° … du 23 décembre 2024 établi par la Police Grand-Ducale, Région … - Commissariat … ;

Vu l’accord de reprise en charge des autorités bulgares du 6 janvier 2025 sur base de de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Vu ma décision de transfert du 10 janvier 2025 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans la chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être effacements appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue du transfert de l’intéressé vont être engagées ;

Considérant que l’exécution de la mesure de son transfert est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 10 janvier 2025.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 22008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur, tout en reprenant certains des faits et rétroactes à la base de la décision déférée, tels que passés en revue ci-avant, explique qu’à son arrivée en Italie il aurait, le 31 octobre 2024, déposé une demande de protection internationale auprès des autorités compétentes tout en mettant en avant que même si la comparaison de ses empreintes digitales effectuée à cette occasion dans la base de données EURODAC avait établi qu’il aurait formulé des demandes d’asile dans d’autres pays de l’Espace Schengen, notamment en Bulgarie le 12 février 2024 et en Slovénie le 8 mars 2024, « [a]ucune d’entre elles n’a[urait] abouti à ce jour ».

En droit, le demandeur fait plaider que la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite, apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, ainsi que du caractère proportionné d’un placement en rétention basé sur ce premier critère et de l’inexistence de mesures adéquates moins coercitives.

Tout en citant l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur fait relever que le recours au placement d’un étranger au Centre de rétention devrait être écarté lorsqu’il n’existerait aucun risque de fuite dans le chef de celui-ci, du fait notamment de l’existence de garanties de représentation, soumises à l’appréciation souveraine du juge.

Il affirme que le placement au Centre de rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d’aller et de venir, garantie tant par la Constitution que par l’article 5, paragraphe (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH ». Il estime qu’il y aurait lieu de réexaminer sa situation et de recourir à une alternative à son placement au Centre de rétention, en ordonnant une mesure moins coercitive au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur citant, dans ce contexte, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », du 6 novembre 1980, dans une affaire Guzzardi c. Italie.

A cet égard, le demandeur fait valoir que le ministre serait resté en défaut d’envisager d’autres solutions plus adaptées et « moins dommageables en termes de privation de liberté », alors qu’il aurait introduit une demande de protection internationale en Italie et sollicite une mesure moins coercitive au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et notamment une assignation à résidence à la maison retour, anciennement la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, la possibilité d’une telle assignation résultant, de l’avis du demandeur, d’un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2024, inscrit sous le numéro 50351 du rôle.

Il donne à considérer que le placement en structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants 3de pays tiers en séjour irrégulier, dénommée ci-après « la directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’est pas légale, article qui serait suffisamment clair et inconditionnel, de sorte qu’il devrait, faute de transposition dans le droit national, être d’application directe.

Sur base de ces éléments, ainsi que du fait qu’il (i) aurait démontré sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, (ii) serait demandeur de protection internationale dans un pays de l’Union européenne, en l’occurrence l’Italie, et (iii) afficherait un comportement irréprochable au Centre de rétention et serait une personne « responsable, particulièrement bien intégrée et respectueuse », le demandeur conclut qu’il n’existerait pas de risque de fuite dans son chef.

Il soutient que le principe selon lequel le placement d’un étranger devrait être nécessaire au but légitime poursuivi figurerait non seulement dans la loi du 29 août 2008 mais également dans la directive 2008/115.

Le demandeur cite encore, dans ce contexte, un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, qui aurait souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre.

Par ailleurs, le demandeur soutient qu’une assignation à résidence à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle et constituerait une garantie de représentation suffisante, tout en relevant qu’une seule garantie de représentation serait exigée. Il donne à considérer qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité p[ourrai]t être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence. ».

Le demandeur s’appuie encore sur les jurisprudences de la Cour de Cassation française en vertu desquelles « la loi n’exige[rait] pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure » et « l’absence de domicile ne constitue[rait] pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence ».

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En vertu de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un 4risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il est, en l’espèce, constant en cause que le demandeur ne dispose pas d’un passeport en cours de validité, ni a fortiori d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de voyage en cours de validité.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers […] est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de disposer d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité telle que prévue au paragraphe (2), point 1. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles 5d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence au sein de la maison retour, anciennement dénommée « SHUK », le tribunal relève qu’à cet égard, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées 6par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite pesant sur lui. A ceci s’ajoute que le demandeur, dont il est constant en cause qu’il ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré ni d’attaches au Luxembourg, n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et notamment celle visée au point b) dudit article, s’impose.

Ses développements ayant trait à son comportement irréprochable, à sa personnalité et à sa volonté de collaborer avec les autorités luxembourgeoises sont, à défaut d’autres éléments, insuffisants à cet égard.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur tendant à son assignation à résidence dans une structure d’hébergement d’urgence, telle que la maison de retour, alors que cette structure d’hébergement ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure n’est pas concevable.

Le même constat s’impose encore quant à l’invocation par le demandeur de jurisprudences de la Cour de cassation française alors que, d’une part, des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites jurisprudences seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.

Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure de prorogation du placement en rétention litigieuse, respectivement d’une application erronée et arbitraire des dispositions légales applicables, encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Pour ce qui est ensuite les démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, il y a lieu de relever qu’en date du 2 janvier 2025 les autorités luxembourgeoises ont pris contact avec les autorités bulgares en vue de la reprise en charge de 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.

7Monsieur (A) en application de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui a été acceptée par lesdites autorités le 6 janvier 2025 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du même règlement. Il ressort encore du dossier administratif qu’en date du 21 janvier 2025, le ministre a chargé l’Unité de Garde et d’Appui opérationnel, dénommée ci-après « l’UGAO », d’organiser le transfert du demandeur vers la Bulgarie, de sorte que le tribunal est amené à constater que le dispositif d’éloignement est en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté de mouvement, consacrée notamment par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la CourEDH a encore retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.

Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».

En l’espèce, étant donné que le demandeur a fait l’objet, en date du 2 janvier 2025, d’une demande de reprise en charge de la part des autorités luxembourgeoises aux autorités bulgares en application de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande ayant été acceptée par lesdites autorités le 6 janvier 2025 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du même règlement, et qu’en date du 21 janvier 2025, le ministre a chargé l’UGAO d’organiser le transfert de l’intéressé vers la Bulgarie, celui-ci fait, par conséquent, l’objet, comme il vient d’être retenu ci-avant, d’une procédure d’éloignement vers la Bulgarie menée avec la diligence requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Au vu des développements faits ci-avant, le tribunal conclut que les contestations du demandeur quant à la légalité, à la nécessité, au caractère justifié et à la proportionnalité de la mesure de placement en rétention litigieuse sont à rejeter dans leur ensemble.

2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 812 (1er volet), et les autres références y citées.

3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.

8Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/1154, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de prorogation du placement en rétention actuellement litigieuse est légale - le tribunal ayant, plus particulièrement, retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que le dispositif d’éloignement est en cours et est exécuté avec toute la diligence requise - et, d’autre part, que le demandeur n’a ni allégué, ni a fortiori prouvé qu’il existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement, respectivement que son éloignement ne puisse pas être mené à bien dans les plus brefs délais. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115 ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de ces derniers.

Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de Monsieur (A) de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

4 Article 15 de la directive 2008/115: « 1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

2. La rétention est ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires.

La rétention est ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit.

Si la rétention a été ordonnée par des autorités administratives, les États membres:

a) soit prévoient qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention, b) soit accordent au ressortissant concerné d’un pays tiers le droit d’engager une procédure par laquelle la légalité de la rétention fait l’objet d’un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question. Dans ce cas, les États membres informent immédiatement le ressortissant concerné d’un pays tiers de la possibilité d’engager cette procédure.

Le ressortissant concerné d’un pays tiers est immédiatement remis en liberté si la rétention n’est pas légale.

[…] 4. Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté. […] ».

9 dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros, telle que formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 27 janvier 2025 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 52252
Date de la décision : 27/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-01-27;52252 ?

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