Tribunal administratif Numéro 52265 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52265 5e chambre Inscrit le 23 janvier 2025 Audience publique du 29 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52265 du rôle et déposée le 23 janvier 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 29 décembre 2024 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PEREDERIY en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 janvier 2025, Maître Philippe STROESSER n’étant ni présent ni excusé.
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Le 12 janvier 2022, Monsieur (A), alias (A), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducal, section Criminalité organisée – Police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, que Monsieur (A) avait introduit trois demandes de protection internationale aux Pays-Bas les 21 juin 2015, 28 septembre 2016 et 11 août 2021 ainsi qu’une demande en Allemagne le 10 octobre 2016.
Le 13 janvier 2022, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues néerlandais une demande de reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18, 1paragraphe (1), point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Par arrêté du 18 janvier 2022, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile assigna Monsieur (A) à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg pour une durée de trois mois à partir de sa notification.
Le 21 janvier 2022, les autorités néerlandaises acceptèrent la demande de reprise en charge de Monsieur (A) sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III.
Il ressort d’un rapport, dit « Fremdennotiz », de la police grand-ducale, région Capitale, …, du 2 février 2022, qu’en date du même jour, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre pour avoir participé à un vol d’un téléphone portable à Luxembourg.
Par décision du 15 février 2022, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 16 février 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur (A) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer dans les meilleurs délais vers les Pays-Bas sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III.
Il ressort d’un acte d’écrou du Centre pénitentiaire de Luxembourg du 20 juillet 2022, Monsieur (A) fut condamné à 18 mois d’emprisonnement pour vol à l’aide de violences et de menaces par jugement du 9 juin 2022 du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg siégeant en matière correctionnelle, peine ayant commencé à courir le 3 février 2022 pour s’achever le 27 juillet 2023.
Le 1er août 2023, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 10 août 2023, notifiée à l’intéressé en mains propres le 17 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur (A) du fait que le Grand-Duché du Luxembourg était devenu responsable de sa demande de protection internationale, refusa dans le cadre d’une procédure accélérée de faire droit à ladite demande pour être non fondée, et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
En date du 30 août 2023, les autorités suisses demandèrent aux autorités luxembourgeoises de reprendre en charge Monsieur (A) sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point (b) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par les autorités luxembourgeoises en date du 4 septembre 2023 en vertu du point d) de l’article 18, paragraphe (1) du même règlement.
Suivant le rapport, dit « Fremdennotiz », de la police grand-ducale, région Capitale, …, du 28 octobre 2024, Monsieur (A) fut interpellé en date du même jour par les forces de l’ordre pour avoir participé à une bagarre à Luxembourg.
2 Il résulte d’un autre rapport, dit « Fremdennotiz », de la police grand-ducale du même commissariat, daté du 28 décembre 2024, que le même jour Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre pour avoir participé à un vol commis à l’aide de violences à Luxembourg.
Par arrêté du 29 décembre 2024, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », ordonna le placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification. Ladite décision est basée sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no 1 du 28 décembre 2024 établi par la Police grand-ducale, unité Région Capitale, … ;
Vu la décision de retour du 10 août 2023, lui notifiée le 17 août 2023 ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 janvier 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 29 décembre 2024.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement en rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
3Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique. Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.
Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter son éloignement dans les meilleurs délais.
Le demandeur critique le fait que malgré l’indication dans son arrêté de placement que « les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais », aucune perspective d’éloignement n’existerait à l’heure actuelle, de sorte à remettre en question que son éloignement puisse être réalisé dans un délai raisonnable et avant la durée maximale de la mesure de rétention.
Le demandeur ajoute que son placement au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.
Il en conclut que son placement dans une structure fermée serait disproportionné au regard des prédites circonstances et de son comportement.
Il s’empare enfin de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour plaider en faveur d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre et avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, il convient de souligner que ces développements sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, de sorte que le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse.
Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
4En ce qui concerne ensuite la légalité interne du placement en rétention litigieux, force est d’abord de constater qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que :
« Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 10 août 2023.
Il ressort par ailleurs du dossier administratif que l’intéressé ne dispose ni d’un document d’identité ou de voyage valable, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
5Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé à cet égard que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figure justement celle d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité, telle que prévue au paragraphe (2), point 1. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste toutefois en défaut de faire.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant de l’argumentation de Monsieur (A) selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, 6conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
Or, en l’espèce, le tribunal vient de retenir que l’existence d’un risque de fuite est présumée dans le chef du demandeur, et tel que retenu ci-avant, le demandeur, lequel ne dispose ni d’un domicile fixe, ni d’une quelconque autre attache au Luxembourg2, n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser ladite présomption. A défaut de précisions du demandeur à cet égard, il y a lieu de conclure qu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article dont l’application est sollicitée par le demandeur ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à écarter.
S’agissant, enfin, des démarches entreprises en l’espèce par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, le tribunal constate qu’il ressort du dossier administratif qu’en date du 3 janvier 2025, les autorités ministérielles luxembourgeoises ont contacté par courrier le Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire à Bruxelles pour l’identification de Monsieur (A) en vue de la délivrance d’un laissez-passer, tout en y joignant un jeu d’empreintes digitales et une photo d’identité du concerné. Il ressort encore d’une note au dossier administratif que l’agent en charge du dossier a eu un entretien téléphonique avec Madame le Vice-Consul du Consulat de l’Algérie en date du 23 janvier 2025, lors duquel celle-
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
2 Suivant le rapport, dit « Fremdennotiz », de la police grand-ducale, région Capitale, …, du 28 octobre 2024, figurant au dossier administratif, le demandeur avait répondu à la question des forces de l’ordre : « Wo und bei wem wohnen Sie in Luxemburg? », en indiquant :« Ich lebe auf der Straße. ».
7ci a confirmé que la demande d’identification du 3 janvier 2025 avait été acheminée aux autorités compétentes pour traitement.
Au regard des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal conclut que les démarches entreprises sont, à ce stade, à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables, de croire que l’éloignement puisse être mené à bien. Le moyen sous analyse est par conséquence à rejeter.
Dans le dispositif de la requête introductive d’instance, le demandeur conclut encore à titre subsidiaire à l’annulation de la décision ministérielle du 29 décembre 2024 « pour violation de la loi, détournement, sinon excès de pouvoir, sinon violation des formes destinées à protéger les intérêts privés ». Pour autant que le demandeur a entendu conclure à l’annulation de la décision déférée dans le cadre du recours en réformation, force est au tribunal de constater que le demandeur se contente d’énumérer les cas d’ouverture d’un recours contentieux devant le tribunal administratif tels que prévus par l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, sans fournir la moindre explication relative aux tenants et aboutissants de ce moyen. Il s’ensuit que ce moyen simplement suggéré est à rejeter, étant donné qu’il n’incombe pas au tribunal de rechercher les éventuels argumentaires susceptibles de sous-tendre un moyen non explicité.
Il suit des considérations qui précèdent que, contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de placement et de maintien en rétention litigieuse n’est ni injustifiée, ni disproportionnée.
Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 janvier 2025 par :
8 Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 janvier 2025 Le greffier du tribunal administratif 9