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31/01/2025 | LUXEMBOURG | N°47455

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 janvier 2025, 47455


Tribunal administratif N° 47455 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47455 5e chambre Inscrit le 19 mai 2022 Audience publique du 31 janvier 2025 Recours formé par Madame (A) et Monsieur (B), … (France) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47455 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2022 par Maître Fabienne GARY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Madame (A) et de Monsieur (B), demeurant tous deux à F-… (France), tendant à ...

Tribunal administratif N° 47455 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47455 5e chambre Inscrit le 19 mai 2022 Audience publique du 31 janvier 2025 Recours formé par Madame (A) et Monsieur (B), … (France) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47455 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2022 par Maître Fabienne GARY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A) et de Monsieur (B), demeurant tous deux à F-… (France), tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 avril 2022, référencée sous le numéro …, ayant rejeté leur réclamation introduite le 4 janvier 2022 à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020 respectifs émis tous les deux en date du 8 décembre 2021, ainsi que « contre le refus implicite du 16 mai 2022 de l’Administration des contributions directes de prendre position par rapport à un recours gracieux introduit en date du 11 mai 2022 contre la même décision […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2022 par Maître Fabienne GARY, préqualifiée, pour le compte de ses mandants, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fabienne GARY et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 mars 2024.

___________________________________________________________________________

En date du 22 juillet 2021, Madame (A)et Monsieur (B) signèrent et déposèrent une déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020.

En date du 8 décembre 2021, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions des directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020 à l’égard de Madame (A) et un autre bulletin d’impôt sur le revenu de l’année 2020 à l’égard de Monsieur (B), ci-après désignés ensemble par les « bulletins d’impôt 2020 », indiquant que l’imposition différait de leur déclaration sur le point 1suivant : « [à] défaut de demande d’assimilation et de demande d’imposition collective au sens des articles 3bis et 157ter (5) L.I.R., une imposition par voie d’assiette n’aura pas lieu. ».

Par courrier du 20 décembre 2021 indiquant avoir pour objet « Demande d’assimilation », Madame (A) et Monsieur (B) demandèrent au bureau d’imposition « […] de bien vouloir annuler le dossier n° 1 de M. (B) et n° 2 de Mme (A) […] » et « de prendre en compte la demande d’assimilation et d’imposition collective pour 2020 de M. (B) et Madame (A) […] ». Ils annexèrent audit courrier une première déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée », datée du 20 décembre 2021 et signée par chacun d’eux.

Par courrier du 23 décembre 2021, le préposé du bureau d'imposition informa Madame (A) et Monsieur (B) « […] qu’aucune modification ne sera effectuée sur les bulletins d’impôts [2020] » en les invitant à se référer aux voies de recours mentionnées sur les bulletins d’impôt 2020.

Par courrier daté du 4 janvier 2022, Madame (A) et Monsieur (B) introduisirent une réclamation contre les bulletins d’impôt 2020 laquelle fut reçue le 6 janvier 2022 par la division Contentieux de l’administration des Contributions directes et fut portée au rôle du contentieux sous le numéro …. Au sein de ladite réclamation, ils précisèrent, en substance, vouloir être assimilés à des contribuables résidents et bénéficier de l’imposition collective au sens des articles 3bis et 157ter, alinéa (5) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR ». Ils joignirent notamment une deuxième déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée », signée par chacun d’eux et datée du 4 janvier 2021.

Par décision du 28 avril 2022, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », rejeta la réclamation susmentionnée des requérants. Cette décision fut libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 6 janvier 2022 par le sieur (B), demeurant à F-…, pour réclamer contre le bulletin de non-imposition par voie d’assiette de l'année 2020, émis en date du 8 décembre 2021 ;

Vu la requête introduite le 6 janvier 2022 par la dame (A), demeurant à F-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l'année 2020, émis en date du 8 décembre 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n'est pas incompatible en l'espèce avec les exigences d'une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu'il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans 2les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;

Considérant que les réclamants font grief au bureau d'imposition de ne pas avoir procédé à une imposition collective par voie d'assiette en vertu des dispositions de l'article 157ter, alinéa 5 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que pour l'année litigieuse, les réclamants, résidents de la France, sont en principe imposables au Luxembourg d'après les dispositions particulières concernant les contribuables non résidents prévues aux articles 156 à 157ter L.I.R. ;

En ce qui concerne l'imposition collective au sens de l'article 157ter, alinéa 5 L.I.R.

Considérant que dans leur requête, les réclamants s'expriment comme suit : « Je vous prie de trouver ci-joint notre déclaration d'imposition 2020 corrigée ((A) et (B)) laquelle nous vous prions de la (sic) prendre en considération […] on a oublié de cocher la case 322 à la page 3/20 de la déclaration. Nous avons effectué la déclaration en commun (classe 2) - on est pacsé depuis le 10 novembre 2010. On a néanmoins oublié de cocher la case 322 […]» ;

Considérant qu'en vertu de l'article 157ter, alinéa 5 L.I.R. les partenaires non résidents, dont les revenus indigènes sont imposés conformément aux dispositions de l'alinéa 1er, première phrase du même article, dont le partenariat a existé du début à la fin de l'année d'imposition et qui ont partagé pendant cette période un domicile ou une résidence commun sont, sur demande conjointe imposés collectivement ;

Considérant que l'imposition collective des partenaires non résidents est dès lors soumise à trois conditions, à savoir l'existence du partenariat pendant toute la durée de l'année d'imposition, la résidence commune pendant cette même période et finalement, la demande conjointe ; que cette demande conjointe représente une condition légale de l'imposition collective des partenaires ; que cette demande conjointe se fait dans le cadre de la déclaration des revenus en remplissant la rubrique spéciale relative à l'imposition collective des partenaires et doit être introduite et signée par chacun des partenaires ;

Considérant qu'il s'ensuit que la demande d'imposition collective doit être faite de façon non équivoque ; qu'à travers cette mesure ne s'exprime nullement l'exigence d'un formalisme outrancier, mais celle d'une manifestation de volonté claire et nette de deux personnes de subir une imposition collective, fût-elle en fin de compte désavantageuse, et de devenir codébiteurs solidaires (Gesamtschuldner au sens du § 7 StAnpG - loi d'adaptation fiscale) d'un impôt commun fixé en fonction des capacités contributives de l'une et de l'autre ;

Considérant que dans son jugement n° 41001 du 7 juin 2019, le Tribunal administratif 3a retenu ce qui suit :

« Le demandeur estime néanmoins que le défaut d'une telle demande conjointe ne saurait lui porter préjudice, étant donné qu'en ayant rempli la page 3 du formulaire F 100 ainsi qu'en ayant indiqué sur la déclaration d'impôt leurs deux noms, il serait évident qu'ils auraient procédé à une demande conjointe au sens de l'article 3bis LIR, en l'absence de toute indication de l'obligation de signature conjointe de la déclaration d'impôt sur le formulaire 100F consacré.

Or, il convient de relever qu'au vu des conséquences différentes découlant d'une imposition individuelle et d'une imposition collective, la demande conjointe visée à l'article 3bis LIR doit non résulter d'indices contenus dans la déclaration d'impôt, mais doit correspondre à une volonté clairement exprimée par les deux partenaires, et ce, d'autant plus que l'imposition collective risque, le cas échéant, d'être désavantageuse et que, par ailleurs, les contribuables en question deviennent codébiteurs solidaires d'un impôt commun fixé en fonction de leurs capacités contributives, étant encore rappelé que l'article 3bis LIR précité exige, comme retenu ci-avant, expressément une demande conjointe.

(…) et qu'il y est effectivement sollicité l'imposition collective au sens de l'article 3bis LIR précité par le fait que la case 301 est cochée. Néanmoins, cette seule circonstance est insuffisante pour retenir l'existence d'une demande conjointe au sens de l'article 3bis LIR, à défaut de manifestation claire de volonté exprimée par Madame (…) matérialisée par l'apposition de sa signature sur ladite déclaration. » ;

Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que la case 402 à la page 4 du formulaire de la déclaration pour l'impôt sur le revenu, faisant office de la demande d'imposition collective des partenaires au sens de l'article 3bis L.I.R. (résidents) ou 157ter, alinéa 5 L.I.R. (non-

résidents), n'a pas été cochée ;

Considérant que dans leur requête, les réclamants avancent avoir « oublié de cocher la case 322 » ; que, toutefois, la case 322 fait office d'une demande d'application des dispositions de l'article 157ter L.I.R., et non pas d'une demande d'imposition collective des partenaires en vertu des dispositions de l'article 157ter, alinéa 5 L.I.R. ; que c'est en cochant la case 322 que les contribuables non résidents, en principe imposables en vertu des dispositions combinées des articles 157 et 157bis L.I.R. - qui ne prévoient pas la prise en compte des revenus mondiaux ni la déduction de certaines dépenses - demandent à être assimilés aux contribuables résidents, avec toutes les conséquences en découlant, notamment l'imposition au taux d'impôt qui serait applicable s'ils étaient des résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leurs revenus tant indigènes qu'étrangers ;

Considérant que le contribuable doit attirer l'attention du bureau d'imposition sur les faits dont il espère un allégement d'impôt ; que si la demande n'est ni une manifestation de volonté ni une formalité mais une allégation au sens des charges de procédure, en revanche elle doit être antérieure au bulletin et ne peut plus être suppléée au contentieux ; qu'en l'espèce, il n'a même pas été allégué qu'une demande conjointe complète et valable aurait été déposée avant l'émission du bulletin litigieux, au contraire ;

Considérant, à titre purement superfétatoire, que dans le modèle de la déclaration d'impôt « corrigée » jointe à la présente requête, la case 322 a été cochée, mais non pas la 4case 402, faisant office de la demande d'imposition collective des partenaires non résidents ;

Considérant qu'il ressort de tout ce qui précède qu'une imposition collective par voie d'assiette des réclamants en vertu des dispositions de l'article 157ter, alinéa 5 L.1.R. ne peut avoir lieu ;

En ce qui concerne l'imposition par voie d'assiette de la réclamante Considérant que la réclamante entretient un cabinet de kinésithérapie au Grand-Duché et a de ce fait réalisé un bénéfice provenant de l'exercice d'une profession libérale au sens de l'article 91 L.I.R. ; qu'en 2020, la réclamante a réalisé un revenu imposable de … euros et est de ce fait obligatoirement imposable par voie d'assiette ; que l'imposition effectuée par le bureau d'imposition, conformément aux dispositions combinées des articles 157 et 157bis L.I.R., ne prête pas à critique et n’est d’ailleurs pas autrement contestée ;

En ce qui concerne le bulletin de non-imposition par voie d'assiette de l'année 2020 du réclamant Considérant qu'aux termes de l'article 157, alinéa 4 L.I.R. les contribuables non résidents occupés comme salariés au Grand-Duché pendant neuf mois de l'année d'imposition au moins et y exerçant leurs activités d'une façon continue pendant cette période, tombent sous l'application de l'article 153, alinéa 1er, numéro 1 L.I.R., en ce qui concerne les conditions et modalités de l'imposition par voie d'assiette ;

Considérant que le réclamant répond aux conditions de l'article 157, alinéa 4 L.I.R. et qu'il y a ainsi lieu de vérifier s'il est obligatoirement imposable par voie d'assiette en vertu des dispositions de l'article 153 L.I.R. ;

Considérant qu'il s'avère que le réclamant ne dépasse aucune des limites de revenu imposable visées à l'article 153 L.I.R. et que c'est dès lors à bon escient que le bureau d'imposition n'a pas procédé à une imposition par voie d'assiette ; qu'il en découle que le bulletin de non-imposition par voie d'assiette de l'année 2020, émis en date du 8 décembre 2021 à l'égard du réclamant, est à confirmer ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».

Par courrier de leur litismandataire daté du 11 mai 2022, Madame (A) et Monsieur (B) s’adressèrent au directeur pour introduire un « recours gracieux » contre la décision précitée du 28 avril 2022. Ils expliquèrent notamment avoir « erronément indiqué ne pas avoir coché la case 322 sur la Déclaration d’impôt de l’année 2020, alors qu’ils auraient dû cocher la case 402 […] » et qu’« il ressort de la réclamation du 4 janvier 2022 que l’intention non équivoque des parties était d’être imposés collectivement. » Ils joignirent également une troisième déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée », signée par chacun d’eux et datée du 4 mai 2022.

5Par courrier du 16 mai 2022, le secrétaire de la division Contentieux de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « secrétaire », invita Madame (A) et Monsieur (B) à se référer aux instructions sur les voies de recours annexées à la décision directoriale du 28 avril 2022, précitée.

Par requête déposée le 19 mai 2022 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 47455 du rôle, Madame (A) et Monsieur (B) ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 28 avril 2022, ainsi que « contre le refus implicite du 16 mai 2022 de l’Administration des contributions directes de prendre position par rapport à un recours gracieux introduit en date du 11 mai 2022 contre la même décision […] ».

I.

Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Concernant, tout d’abord, le volet du recours dirigé contre la décision du directeur du 28 avril 2022, il convient de constater que conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931 telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO » et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite contre un bulletin d’impôt.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale du 28 avril 2022, lequel recours est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délais de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Concernant, ensuite, le volet du recours dirigé contre « le refus implicite du 16 mai 2022 », le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre le courrier du 16 mai 2022 de l’administration. Dans leur mémoire en réplique, Madame (A) et Monsieur (B) s’opposent à ce moyen en affirmant qu’un recours gracieux serait à porter devant l’auteur de la décision administrative contestée et qu’il suspendrait le délai de recours contentieux conformément à l’article 13 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 ». Ils en concluent qu’il serait faux de prétendre qu’un recours gracieux contre une décision du directeur n’existerait pas.

A cet égard, le tribunal constate de prime abord qu’il n’existe pas de recours gracieux à l’encontre d’une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation dirigée contre un bulletin de l’impôt sur le revenu1.

En effet, en matière d’impôts directs, une procédure spécifique est expressément prévue à travers la voie de la réclamation à introduire devant le directeur.

Conformément au § 228 AO, la seule voie de recours précontentieuse ouverte à 1 Trib. adm., 9 mars 2011, n° 27253 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°1183.

6l’encontre d’un bulletin de l’impôt sur le revenu est la réclamation à introduire dans un délai de trois mois auprès du directeur qui procède alors à un réexamen intégral de la cause du réclamant. Il résulte encore de la combinaison du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi du 7 novembre 1996 que la décision du directeur statuant sur les mérites de cette réclamation peut seulement être entreprise par un recours contentieux à introduire devant le tribunal administratif.

Ainsi, à défaut de textes légaux instituant en matière d’impôts directs une voie de recours gracieux à l’encontre d’une décision prise par le directeur sur réclamation, le courrier précité du 16 mai 2022 de l’administration ne saurait a fortiori être interprété comme une décision intervenue sur recours gracieux.

De surcroît, ledit courrier (i) n’émane pas du directeur, mais du secrétaire et (ii) se limite à inviter les requérants à se « référer aux instructions sur les voies de recours annexées à la décision directoriale … du 28 avril 2022 », de sorte qu’elle s’analyse en une simple information, dépourvue de tout élément décisionnel et qu’elle ne saurait partant en tout état de cause pas être qualifiée de décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

Il s’ensuit que le recours est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le courrier du secrétaire du 16 mai 2022.

II.

Quant au fond du recours L’analyse des moyens tenant à la légalité externe devant toujours précéder celle des moyens tenant à la légalité interne, il y a d’abord lieu d’analyser le moyen relatif à la compétence du directeur et du secrétaire.

1) Concernant le moyen des demandeurs relatif à la compétence du directeur et du secrétaire Moyens et arguments des parties A l’appui de leur recours, les demandeurs se rapportent à prudence de justice quant à la compétence du directeur et du secrétaire.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement estime qu’il n’appartiendrait « pas au tribunal de suppléer à la carence des parties dans l’indication précise de moyens simplement suggérés. ».

Analyse du tribunal À l’instar du délégué du gouvernement, le tribunal relève que, si le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut effectivement à une contestation, une contestation non autrement développée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans la présentation de leurs moyens, le tribunal n’entrevoyant pas non plus de moyen relatif à une quelconque incompétence du directeur qui serait à soulever d’office.

7Partant, il y a lieu de rejeter le moyen sous analyse.

2) Concernant le moyen des demandeurs relatif à la violation des articles 3, point d) et 157ter, alinéa (5) LIR, ainsi que du § 243, alinéa (1) AO Moyens et arguments des parties Les demandeurs donnent à considérer que le refus du directeur de les imposer collectivement, à la suite du dépôt d’une déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 en « mai 2021 », ne serait pas fondé.

Ils font plaider que, bien qu’ils n’auraient, par inadvertance, pas coché la case 402 du formulaire de déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020, celle-ci constituerait néanmoins une « demande conjointe » au sens de l’article 3, point d) LIR.

En effet, leur déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 indiquerait leur numéro de dossier commun, à savoir le …, ainsi que les indications relatives à leurs revenus et leurs dépenses, et comporterait leurs signatures respectives. De plus, ils seraient imposés collectivement depuis l'année 2011.

Ils ajoutent qu’en vertu du § 243, alinéa (1) AO, le directeur serait tenu de procéder d'office à l'examen de la situation de fait et de droit à la base de la réclamation, et partant à un réexamen intégral de la situation du contribuable et à l'établissement de l'impôt en lieu et place du bureau d'imposition. Le § 244 AO conférerait à cet effet au directeur les mêmes prérogatives que celles revenant au bureau d'imposition dans le cadre de la procédure d'imposition.

Si une modification ex post du choix exprimé par un contribuable, une fois une manifestation claire de volonté exprimée que ce soit dans le sens d'une imposition collective ou dans le sens d'un imposition individuelle, à défaut de choix d'une imposition collective, ne serait pas permise, au risque de lui permettre de modifier ses choix en fonction du résultat de l'imposition, il en irait différemment en présence d'une manifestation de volonté ambiguë. En effet, le contribuable serait, dans ce cas, admis à clarifier son choix dans le cadre de la procédure de réclamation, tandis que le directeur serait alors obligé de procéder à un réexamen du dossier en fonction de la situation ainsi clarifiée.

Les termes de l'article 3, point d) LIR ne s'opposerait d’ailleurs pas à une telle interprétation suivant une jurisprudence constante, étant donné que cette disposition requerrait « une demande conjointe » des partenaires, sans poser d'autres conditions de forme ou de délai, les demandeurs réitérant que leur déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 déposée en « mai 2021 » constitue une telle « demande conjointe » au sens de cette disposition.

Enfin, les demandeurs donnent à considérer qu’il ressortirait encore des bulletins de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020 que leur déclaration de l'impôt sur le revenu pour l'année 2020 des parties serait ambiguë, et que lesdits bulletins indiqueraient qu'une imposition collective n'aurait pas été retenue, ce qui sous-entendrait qu'une imposition collective aurait été demandée.

Les indications dans la déclaration de l'impôt sur le revenu de l’année 2020 initiale seraient suffisantes pour admettre qu’ils n'auraient pas entendu modifier un choix à travers leur 8réclamation, mais auraient seulement entendu clarifier une déclaration ambiguë.

Les demandeurs en concluent que le refus du directeur de procéder à leur imposition collective par voie d’assiette suivant l’article 157ter, alinéa (5) LIR serait non fondé.

Partant, la décision encourrait la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen afférent, d’abord, en soulignant que les demandeurs auraient, dans une première étape, fait valoir qu’ils auraient omis de cocher la case 322 du formulaire, mais qu’après lecture de la décision directoriale, ils feraient désormais valoir qu’ils auraient oublié de cocher la case 402. Il soulève, ensuite, que les demandeurs prétendraient avoir demandé à être imposés collectivement alors même qu’ils n’auraient pas coché la case 402 du formulaire de déclaration. Or, il s’agirait d’une formalité essentielle et protectrice qui serait en toute état de cause à respecter. A défaut, l’imposition collective serait à rejeter, faute de « demande conjointe » en ce sens. Le délégué du gouvernement se réfère à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 7 juin 2019, inscrit sous le numéro 41001 du rôle.

Dans leur réplique, les demandeurs réitèrent, en substance, leur argumentation, en particulier quant à l’existence d’une « demande conjointe » au sens de l’article 3, point d) LIR, alors même qu’ils n’auraient pas coché la case 402 du formulaire de déclaration, et au fait que ce qui importerait serait leur intention d’avoir voulu solliciter une telle « demande conjointe » pour être imposés collectivement.

Analyse du tribunal À titre liminaire, le tribunal relève qu’il n’est pas contesté en cause que les demandeurs sont liés par un partenariat enregistré depuis le 10 novembre 2010 et qu’ils ont à ce titre été imposés collectivement depuis l’année 2011. Le litige porte sur la question de leur imposition collective au titre de l’année d’imposition 2020 qui leur a été refusée. À cet égard, les demandeurs argumentent dans le cadre du recours sous examen que « […] la déclaration pour l’impôt sur le revenu 2020 déposé en mai 2021 par Madame (A) et Monsieur (B) constitue néanmoins une demande conjointe au sens de l’article 3, d) LIR ; ».

Ledit article 3, point d) LIR susmentionné dispose que :

« Sont imposés collectivement […] d) sur demande conjointe, les époux qui ne vivent pas en fait séparés, dont l’un est contribuable résident et l’autre une personne non résidente, à condition que l’époux résident réalise au Luxembourg au moins 90 pour cent des revenus professionnels du ménage pendant l’année d’imposition. L’époux non résident doit justifier ses revenus annuels par des documents probants. ».

Force est de constater que la « demande conjointe » visée à l’article 3, point d) LIR concerne les époux et non les partenaires2, qui sont, quant à eux, concernés par l’article 3bis LIR. De plus, tant l’article 3 LIR que l’article 3bis LIR ne sont applicables qu’aux 2 Cour const., 12 juin 2020, n°154 du register, disponible sur le site www.justice.lu.

9contribuables résidents, à tout le moins aux couples dont l’un est résident, de sorte à ne pas être applicables aux demandeurs qui sont, de façon non contestée, tous les deux non-résidents.

Or, il ressort de l’argumentation des demandeurs que ces derniers ont bel et bien voulu faire reconnaître que leur déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 constitue une demande conjointe d’imposition collective en tant que partenaires non-résidents pour être assimilés à des contribuables résidents, de sorte que leur référence à l’article 3 LIR s’analyse en une simple erreur matérielle, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.

Il y a, dès lors, lieu d’admettre que les demandeurs ont entendu demander l’imposition collective sur base de l’article 157ter, alinéa (5) LIR, disposition à laquelle ils se sont par ailleurs référés dans le cadre du présent recours contentieux.

L’article 157ter, alinéa (1) LIR dans sa version applicable à l’année 2020, dispose que :

« Par dérogation aux dispositions correspondantes des articles 157 et 157bis, les contribuables non-résidents imposables au Grand-Duché du chef d’au moins 90 pour cent du total de leurs revenus tant indigènes qu’étrangers et ceux dont la somme des revenus nets non soumis à l’impôt sur le revenu luxembourgeois est inférieure à 13 000 euros sont, soit sur demande, soit en vertu des dispositions de l’article 157bis, alinéa 3, imposés au Grand-Duché, en ce qui concerne leurs revenus y imposables, au taux d’impôt qui leur serait applicable s’ils étaient des résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leurs revenus tant indigènes qu’étrangers. Pour l’application de la disposition qui précède, les contribuables mariés sont imposables collectivement au titre des revenus indigènes, à moins qu’ils ne demandent conjointement, jusqu’au plus tard le 31 mars de l’année d’imposition suivant l’année d’imposition concernée, à être imposés individuellement. Dans ce contexte, les revenus étrangers des deux époux sont pris en compte en vue de la fixation du taux d’impôt applicable. ».

L’article 157ter LIR, qui institue le régime dit de l’assimilation des non-résidents aux résidents luxembourgeois, octroie aux contribuables non-résidents mariés, soit sur demande, soit en vertu des dispositions de l’article 157bis, alinéa (3) LIR, la faculté d’être imposés collectivement – sauf demande conjointe contraire – au Luxembourg, en ce qui concerne leurs revenus y imposables, au taux d’impôt qui leur serait applicable s’ils y étaient résidents et imposables en raison de leurs revenus mondiaux, luxembourgeois et étrangers, à la condition alternative (i) qu’ils soient imposables au Luxembourg du chef d’au moins 90% de leurs revenus mondiaux, professionnels ou non, ou (ii) que la somme de leurs revenus nets non soumis à l’impôt sur le revenu luxembourgeois soit inférieure à 13.000 euros3.

Par ailleurs, l’article 157ter, alinéa (5) LIR dans sa version applicable à l’année 2020, dispose que :

« Les partenaires non résidents, dont les revenus indigènes sont imposés conformément aux dispositions de l’alinéa 1er, première phrase, dont le partenariat a existé du début à la fin de l’année d’imposition et qui ont partagé pendant cette période un domicile ou une résidence commun sont, sur demande conjointe, imposés collectivement. Les dispositions du présent article applicables en cas d’imposition collective des époux sont également applicables dans les mêmes conditions en cas d’imposition collective des partenaires. » 3 Trib. adm., 7 février 2024, n° 46783 du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

10 Il ressort de l’alinéa (5) précité de l’article 157ter LIR que le régime dit de l’assimilation des non-résidents aux résidents luxembourgeois applicables aux contribuables non-résidents mariés visés à l’alinéa (1), précité, s’applique dans les mêmes conditions aux partenaires non-

résidents pour autant que (i) leur partenariat a existé du début à la fin de l’année d’imposition, (ii) qu’ils ont partagé pendant cette période un domicile ou une résidence commune, et (iii) qu’ils ont introduit une demande conjointe.

En l’espèce le litige porte sur la question de savoir si les demandeurs ont introduit une demande conjointe en vue d’une imposition collective. En effet, le bureau d’imposition a refusé de procéder à l’imposition collective des demandeurs en considérant qu’à défaut pour ceux-ci d’avoir coché la case 402 du formulaire de leur déclaration initiale de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020, ils n’auraient pas soumis de demande conjointe en vue d’une telle imposition collective. Cette approche a ensuite été confirmée par le directeur. Il s’ensuit que les deux autres conditions visées à l’article 157ter, alinéa (5) LIR ne sont pas litigieuses en l’espèce.

Par rapport à la condition tenant à l’existence d’une demande conjointe, le tribunal retient que dans la mesure où l’article 3, 3bis et 157ter, alinéa (5) LIR tendant, in fine, tous à subordonner le bénéfice de l’imposition collective aux contribuables mariés ou pacsés au respect de cette condition, les principes dégagés par la jurisprudence des juridictions administratives relatifs aux conditions formelles de la « demande conjointe » visée aux articles 3 et 3bis LIR s’appliquent par analogie, à la demande conjointe visée à l’article 157ter.

Dans le cadre de l’application de l’article 3, point d) LIR, il a déjà été jugé que ni cette disposition, ni une disposition d’exécution réglementaire, n’imposent que la seule forme admissible de la « demande conjointe » visée par cette disposition puisse consister dans le fait de cocher la case prévue dans le formulaire de déclaration annuelle de l’impôt sur le revenu et que toute autre forme serait exclue pour pareille demande. Partant, il doit être admis qu’une demande conjointe peut être formulée sous la forme d’une annexe à la déclaration du moment qu’elle permet de retenir de manière non équivoque que les époux ont conjointement demandé à être imposés collectivement en y apposant leur signature respective4.

Dans le cadre de l’application de l’article 3bis LIR, la jurisprudence des juridictions administratives a ainsi pu retenir qu’au vu des conséquences différentes découlant d’une imposition individuelle et d’une imposition collective, la demande conjointe visée à l’article 3bis, alinéa (1) LIR doit non seulement résulter d’indices contenus dans la déclaration d’impôt, mais doit également correspondre à une volonté clairement exprimée par les partenaires. En effet, d’une part, l’imposition collective risque, le cas échéant, d’être désavantageuse et, par ailleurs, les contribuables en question deviennent, en application du § 7 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934 (« Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StanpG »), codébiteurs solidaires d’un impôt commun fixé en fonction de leurs capacités contributives, et, d’autre part, par le biais de l’imposition collective sur option prévue à l’article 3bis, alinéa (1) LIR, le Luxembourg étend sa souveraineté fiscale au-delà de ses compétences usuelles5.

4 Cour admin., 4 août 2021, n° 45396C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°918.

5 Trib. adm., 16 novembre 2016, n° 36922 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 917 et les autres références y citées.

11De surcroît, une demande tendant à une imposition collective faite pour une année fiscale ne vaut pas pour les années subséquentes. En effet, les contribuables qui ont recouru à l’application des dispositions de l’article 3bis, alinéa (1) LIR pour une année fiscale peuvent, pour des raisons qui leurs sont propres, être amenés à ne pas solliciter une telle imposition pour les années subséquentes. De même, une imposition collective retenue éventuellement à tort à défaut de demande afférente durant les années précédentes n’empêche pas le bureau d’imposition de conditionner l’imposition collective par une manifestation claire de volonté des deux partenaires tel que l’exige l’article 3bis LIR6.

Enfin, dans le cadre de l’application de l’article 157ter LIR, il a été jugé qu’une déclaration d’impôt déposée par un non-résident et qui, sans que la case relative à la demande formelle de pouvoir bénéficier du régime d’assimilation aux contribuables résidents prévu par l’article 157ter LIR ne soit formellement cochée, comporte l’indication de certains frais et dépenses qui ne sont déductibles que sous l’égide de ce régime, doit être qualifiée de demande de se voir imposer par voie d’assiette conformément à l’article 157ter LIR, ce régime étant le seul par application duquel les frais et dépenses mis en avant par le contribuable peuvent être rendus déductibles dans son chef7.

En l’espèce, les demandeurs ont fait parvenir à l’administration quatre versions de déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020, à savoir une déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « initiale » datée du 22 juillet 2021, une première déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée » annexée à un courrier dont l’objet était une « [d]emande d’assimilation et demande d’imposition collective au sens des articles 3Bis et 157ter(5) L.I.R. », une seconde déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée » jointe à leur réclamation introduite en date du 4 janvier 2022, ainsi qu’une troisième déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée » annexée au « recours gracieux » datée du 4 mai 2022.

Il convient d’analyser successivement les trois premières versions de déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020, à l’exclusion de la déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée » annexée au « recours gracieux » laquelle doit être d’ores et déjà écartée, le tribunal ayant retenu ci-avant qu’aucun recours n’avait pu être valablement introduit en l’espèce.

De manière générale, le tribunal constate d’abord que le formulaire de déclaration d’impôt sur le revenu de l’année 2020 contient une case 402 à cocher, à travers laquelle les partenaires peuvent demander l’imposition collective au sens des articles 3bis et 157ter, alinéa (5) LIR. Cette case comporte expressément la mention que « [l]a demande est valablement formulée lorsque la présente rubrique « partenaires » est remplie et lorsque la déclaration pour l’impôt sur le revenu est introduite et signée par chacun des partenaires. ».

Sur base de ces considérations, le tribunal est amené à préciser que dans l’hypothèse où le contribuable peut exercer une option fiscale, il n’est pas admis à modifier ex post son choix, une fois une manifestation claire de volonté exprimée, que ce soit dans le sens d’une imposition collective ou dans le sens d’une imposition individuelle – à défaut de choix d’une imposition 6 Voir en ce sens Trib. adm., 26 avril 2021, n° 43867 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°919.

7 Trib. adm., 18 janvier 2012, n° 27668 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 juillet 2012, n° 29911C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Impôts, n° 1375.

12collective –, au risque de lui permettre de modifier ses choix en fonction du résultat de l’imposition8.

Les demandeurs sollicitant en l’espèce l’application des dispositions de l’article 157ter LIR et partant d’un régime fiscal susceptible de réduire leur charge fiscale, la preuve des faits réduisant leur cote d’impôt leur incombe, en vertu de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, de sorte qu’il leur appartient de prouver qu’ils ont manifesté leur intention d’être imposé collectivement avant l’émission des bulletins d’impôts 2020.

En l’espèce, il est constant en cause que les demandeurs n’ont pas coché cette case prévue dans le formulaire de la déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « initiale » datée du 22 juillet 2021 afin de solliciter le bénéfice de l’imposition collective au sens de l’article 157ter LIR. Il est encore constant en cause que les demandeurs n’ont ajouté aucune annexe à ladite déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « initiale » datée du 22 juillet 2021 faisant ressortir une demande conjointe de leur part de bénéficier d’une imposition collective.

Force est dès lors au tribunal de constater que préalablement à l’établissement des bulletins d’impôt 2020, les demandeurs sont restés en défaut de manifester de manière claire et non équivoque leur intention de vouloir bénéficier d’une imposition collective, en cochant la case prévue à cet effet dans le formulaire de déclaration.

Il leur appartient dès lors de faire état d’un faisceau d’indices permettant de conclure qu’ils ont, préalablement à l’émission des bulletins d’impôt 2020, clairement et sans équivoque manifesté leur intention d’être imposé collectivement, malgré le fait qu’ils n’ont pas coché la case afférente dans ledit formulaire.

Or, en l’espèce, s’il est constant que les demandeurs n’ont pas rempli deux déclarations individuelles distinctes, mais une seule déclaration commune, laquelle contenait leurs données signalétiques respectives, les revenus respectifs ainsi que leurs signatures conjointes, et que ces circonstances constituent des indices d’une volonté conjointe d’être imposés collectivement, force est de constater que ces indices se révèlent être, à eux seuls, insuffisants pour conclure que les demandeurs auraient de manière claire et sans équivoque manifesté leur volonté d’être imposés collectivement, préalablement à l’émission des bulletins d’impôt 2020.

Ensuite, si les demandeurs ont fait parvenir à l’administration en date du 20 décembre 2021 – soit quelques jours après l’émission des bulletins d’impôt 2020 – un courrier dont l’objet était une « [d]emande d’assimilation et demande d’imposition collective au sens des articles 3Bis et 157ter(5) L.I.R. », qui était signée par chacun d’eux et qui était accompagnée d’une première déclaration de l’impôt sur le revenu pour l’année 2020 « corrigée » dans laquelle les cases 322 et 402 ont été cochées et qui comportait également leurs signatures respectives, et si, dans le cadre de leur réclamation introduite le 4 janvier 2022, les demandeurs ont expressément indiqué vouloir « […] l’assimilation et une imposition collective au sens des articles 3bis et 157ter (5) LIR […] », ces manifestations de volonté sont intervenues après l’émission desdits bulletins d’impôt 2020, c’est-à-dire, tel que le tribunal vient de le retenir, à un moment où les demandeurs n’étaient plus admis à modifier leurs choix.

8 Trib. adm., 13 février 2017, n° 37501 du rôle, publié sur www.jurad.etat.lu.

13Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les demandeurs sont restés en défaut de faire état d’un faisceau d’indices permettant de conclure qu’ils auraient soumis une demande faisant ressortir leur volonté claire et non équivoque de bénéficier d’une imposition collective au sens de l’article 157ter LIR préalablement à l’émission des bulletin d’impôt 2020, de sorte que le directeur a valablement pu rejeter la réclamation du demandeur pour ne pas être fondée.

Cette conclusion n’est pas énervée par les explications des demandeurs affirmant de manière non contestée avoir été imposés collectivement depuis l’année 2011. En effet, en vertu du principe de l'annualité de l'impôt, tel qu'ancré dans l'article 116, alinéa (2) de la Constitution et dans l'article 1er LIR, la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, établies du moment. Dès lors, les bases d’imposition du chef d’une année d’imposition sont à déterminer indépendamment de celles retenues pour une année d’imposition antérieure9. Les demandeurs ne peuvent partant pas se prévaloir du fait qu’ils auraient été imposés collectivement depuis l’année 2011 pour conclure qu’ils devraient également a fortiori être imposés collectivement pour l’année 2020.

Le recours en réformation sous examen est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

3) Concernant la demande d’allocation d’une indemnité de procédure Moyens et arguments des parties Sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, les demandeurs sollicitent la condamnation de l’Etat à leur payer une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros au motif que le « […] refus de l’administration des contribution directes de prendre en compte le recours gracieux introduit contre la décision du 28 avril 2022 […] » n’aurait pas été fondé.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de la demande afférente.

Analyse du tribunal Tout d’abord, il convient de rappeler que, comme précisé précédemment, il n’existe pas de recours gracieux à l’encontre d’une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation dirigée contre un bulletin de l’impôt sur le revenu. Par conséquent, aucune indemnité de procédure ne saurait être allouée au motif d’un refus infondé de prendre en compte un tel recours gracieux.

En second lieu, et tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, les demandeurs ne prouvent pas non plus en quoi il serait inéquitable de laisser à leur charge les frais qu’ils ont exposés.

Il s’ensuit que les conditions d’octroi d’une indemnité de procédure ne sont pas remplies.

Partant, il y a lieu de rejeter la demande d’allocation d’une indemnité de procédure des demandeurs.

9 Trib. adm. 19 janvier 2011, n° 26701 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 27 et les autres références y citées.

14Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours pour autant qu’il est dirigé « contre le refus implicite du 16 mai 2022 de l’Administration des contributions directes de prendre position par rapport à un recours gracieux introduit en date du 11 mai 2022 contre la même décision […] » ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme pour autant qu’il est dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 28 avril 2022 (C 30468) ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par les demandeurs ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 janvier 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 janvier 2025 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47455
Date de la décision : 31/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-01-31;47455 ?

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