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04/02/2025 | LUXEMBOURG | N°52291

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 février 2025, 52291


Tribunal administratif N° 52291 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52291 4e chambre Inscrit le 28 janvier 2025 Audience publique du 4 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52291 du rôle et déposée le 28 janvier 2025 au greffe du tribunal administratif

par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des ...

Tribunal administratif N° 52291 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52291 4e chambre Inscrit le 28 janvier 2025 Audience publique du 4 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 22, L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52291 du rôle et déposée le 28 janvier 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … en Tunisie et être de nationalité tunisienne, alias (A), déclarant être né le … à … (Libye) et être de nationalité tunisienne, alias …, déclarant être né le … et être de nationalité tunisienne, alias …, déclarant être né le … et être de nationalité tunisienne, alias …, déclarant être né … et être de nationalité algérienne, alias … (A), déclarant être né le … et être de nationalité tunisienne, alias …, déclarant être né le … et être de nationalité indéterminée, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 9 janvier 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom HANSEN en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 février 2025, Maître Philippe STROESSER s’étant excusé.

Il ressort d'un rapport n°… de la police grand-ducale, Région Sud-Ouest, C3R Capellen, daté du 31 août 2022, que Monsieur (A), alias …, alias …, alias …, alias … (A), dénommé ci-

après « Monsieur (A) », fut intercepté par les forces de l'ordre en flagrant délit d’une tentative de vol.

Il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg, dénommé ci-

après le « CPL », du 31 août 2022 que Monsieur (A) fut placé en détention préventive le même jour.

Aux termes d’un relevé journalier du CPL du 21 octobre 2022, Monsieur (A) fut libéré de sa détention préventive.

1Il ressort d'un rapport de la police grand-ducale de la région Sud-Ouest, commissariat Esch (C3R) du 30 octobre 2022, portant le n°…, que Monsieur (A) fut appréhendé par les forces de l'ordre à Mondercange devant un centre d'accueil pour demandeurs de protection internationale.

En date du 18 juillet 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après dénommée « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de la police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l'itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg. Il ressort du rapport afférent que Monsieur (A) avait été signalé dans la base de données SIS par les autorités italiennes en date du 11 septembre 2019, par les autorités allemandes en date du 12 février 2024, de même qu’il était signalé par le Parquet général du Luxembourg depuis le 14 décembre 2023 en vue de l’exécution d’une peine d'emprisonnement de dix-huit mois, conformément à un jugement n°1099/2023 du 3 mai 2023.

La recherche effectuée le 18 juillet 2024 dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé ci-après le « règlement Dublin III », révéla que Monsieur (A) avait précédemment introduit des demandes de protection internationale en Italie le 28 avril 2018, aux Pays-Bas le 23 avril 2021 et le 17 juin 2021, en Allemagne le 9 janvier 2023 et en Suisse le 20 février 2024.

Il ressort encore d’un acte d'écrou du 18 juillet 2024 que Monsieur (A) fut admis au CPL en date du même jour en vue d’y purger sa peine d’emprisonnement dont la fin était fixée au 19 novembre 2025.

En date du 17 septembre 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues suisses en vue de la reprise en charge de Monsieur (A) sur le fondement de l'article 18, paragraphe (1) point b) du règlement DUBLIN III, demande qui fut refusée par ces derniers en date du 18 septembre 2024.

La demande de reprise en charge de Monsieur (A) adressée par les autorités luxembourgeoises aux autorités néerlandaises en date du 17 septembre 2024 sur le fondement de l'article 18, paragraphe (1) point b) du règlement Dublin III, fut refusée par ces dernières en date du 27 septembre 2024.

Contactées en date du 17 septembre 2024 en vue de la reprise en charge de Monsieur (A) sur le fondement de l'article 18, paragraphe (1) point b) du règlement Dublin III, les autorités allemandes informèrent les services du ministère en date du 19 septembre 2024 que leur demande avait été acceptée sur le fondement de l'article 18, paragraphe (1) point c) du même règlement.

2Par un courrier du 20 septembre 2024, les autorités luxembourgeoises informèrent les autorités allemandes que le délai de transfert devait être prolongé en raison de la détention de Monsieur (A).

Par une décision du 9 janvier 2025, notifiée en mains propres à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, dénommé ci-après « le ministre », décida de transférer Monsieur (A) vers l'Allemagne, pour être l'Etat membre responsable pour le traitement de sa demande de protection internationale.

Par un arrêté du 9 janvier 2025, notifié à Monsieur (A) le même jour, le ministre décida encore de placer ce dernier au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« (…) Vu l'article 22 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu la demande de protection internationale introduite au Luxembourg par l'intéressé en date du 18 juillet 2024 ;

Considérant que l'intéressé se trouve en détention depuis le 18 juillet 2024 ;

Considérant que l'intéressé est signalé au système EURODAC comme ayant introduit des demandes de protection internationale en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse ;

Vu l'accord de reprise en charge des autorités allemandes du 19 septembre 2024 sur base de l'article 18, paragraphe (1), point c) du règlement (UE) 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Vu ma décision de transfert du 9 janvier 2025 ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue du transfert de l'intéressé vont être engagées ;

Considérant que le demandeur a fait usage d'identités multiples sur le territoire des États membres ;

Considérant que l'intéressé fait l'objet d'un signalement dans le Système d'information Schengen (SIS) ;

Considérant que l'intéressé est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage permettant d'établir son identité ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de l'intéressé comme défini à l'article 22, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 précitée ;

Considérant qu'afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement de l'intéressé, il y a lieu d'ordonner le placement en rétention ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 janvier 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 9 janvier 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de sa notification.

Etant donné que l’article 22, paragraphe (6) de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise en vertu de cette loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

3 Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir cité la décision déférée, ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, dénommée ci-après « la loi du 29 août 2008 », fait souligner que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.

Cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à sa liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter son éloignement dans les meilleurs délais.

Le demandeur critique, dans ce cadre, le fait que malgré l’indication dans son arrêté de placement que les démarches nécessaires en vue de son transfert vont être engagées, aucune perspective d’éloignement n’existerait à l’heure actuelle, de sorte à remettre en question que son éloignement puisse être réalisé dans un délai raisonnable et avant la durée maximale de la mesure de rétention.

Le demandeur ajoute que son placement au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

Il en conclut que son placement dans une structure fermée serait disproportionné au regard des prédites circonstances et de son comportement.

Il s’empare enfin de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 pour plaider en faveur d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre et avec l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministre ou de toute autre autorité désignée.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de l’arrêté ministériel litigieux, et plus particulièrement le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, le tribunal relève que l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, en vertu duquel : « La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée (…) », impose une obligation de motivation des décisions de rétention administrative fondées sur ledit article 221.

En l’espèce, force est toutefois au tribunal de constater que la décision déférée satisfait à l’exigence de motivation en ce qu’elle a indiqué les bases légales sur lesquelles elle est 1 En ce sens également : Trib. adm., 5 décembre 2018, n° 42004, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

4fondée, à savoir l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 et la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention, ainsi que les motifs et considérations gisant à la base de la mesure de placement en rétention, à savoir (i) l’introduction par le demandeur d’une demande de protection internationale au Luxembourg le 18 juillet 2024, (ii) la considération que ce dernier se trouvait en détention depuis le 18 juillet 2024, (iii) l’introduction antérieure par le demandeur de demandes de protection internationale en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Suisse, (iv) l'accord de reprise en charge des autorités allemandes du 19 septembre 2024 sur base de l'article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III (v) la décision de transfert du demandeur vers l’Allemagne, (vi) l’usage, par le demandeur, de différents alias sur le territoire des États membres, (vii) le constat qu’il fait l'objet d'un signalement dans le Système d'information Schengen (SIS), (viii) l’absence de tout document d’identité ou de voyage permettant d’établir son identité et (ix) l’existence d’un risque de fuite non négligeable au sens de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 dans le chef du demandeur.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une insuffisance de motivation de l’arrêté litigieux est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, force est d’abord de relever que la mesure de rétention, actuellement déférée, est basée sur l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et non pas sur les articles 120 et suivants de la loi du 29 août 2008, de sorte que les moyens de la requête introductive d’instance, tous relatifs à une violation de l’article 120, paragraphes (1) et (3), ainsi que de l’article 125 de la loi du 29 août 2008 sont d’ores et déjà à rejeter pour manquer de pertinence en l’espèce, de sorte que le recours, basé intégralement sur ces dernières dispositions, encourt le rejet.

En tout état de cause, il échet de relever qu’en vertu de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, sur lequel le ministre a fondé sa décision, dispose comme suit : « (2) Un demandeur ne peut être placé en rétention que : (…) d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride (refonte) et lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement. Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants :

i. si le demandeur s’est précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de sa demande de protection internationale en vertu du droit de l’Union européenne ou à l’exécution d’une décision de transfert ou d’une mesure d’éloignement ;

ii. si le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-admission et d’interdiction de séjour conformément au règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n ° 1987/2006, tel que modifié, ou d’un signalement aux fins de retour conformément au règlement (UE) 2018/1860 du Parlement européen et du Conseil du 528 novembre 2018 relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, tel que modifié ;

iii. si le demandeur a été débouté de sa demande de protection internationale dans l’État membre responsable ;

iv. si le demandeur est de nouveau présent sur le territoire luxembourgeois après l’exécution effective d’une mesure de transfert ou s’il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure de transfert ;

v. si le demandeur a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un document d’identité ou de voyage ou s’il a fait usage d’un tel document ;

vi. si le demandeur a dissimulé des éléments de son identité ou s’il est démontré qu’il a fait usage d’identités multiples soit sur le territoire luxembourgeois, soit sur celui d’un autre État membre ;

vii. si le demandeur qui a refusé le lieu d’hébergement proposé ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou si le demandeur qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;

viii. si le demandeur a exprimé l’intention de ne pas se conformer à une décision de transfert vers l’État responsable de sa demande de protection internationale ou si une telle intention découle clairement de son comportement ;

ix. si le demandeur, sans motif légitime et bien que régulièrement convoqué ou informé, ne s’est pas soumis à une mesure préparatoire et nécessaire à l’exécution matérielle de son transfert vers l’État membre responsable ou s’il a antérieurement manifesté son intention de ne pas se conformer à une telle mesure ; ».

Le paragraphe (3) de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « (3) La décision de placement en rétention est ordonnée par écrit par le ministre sur la base d’une appréciation au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence dans les lieux fixés par le ministre, si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;

l’assignation à résidence peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour le demandeur l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du demandeur dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer au demandeur, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé 6utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour le demandeur de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder si les motifs énoncés au paragraphe (2) ne sont plus applicables ou en cas de retour volontaire.

Les mesures moins coercitives sont ordonnées par écrit et peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Le paragraphe (4) de l’article 22 de la même loi ajoute que : « (4) La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée. Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. ».

L’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, sur base duquel la mesure litigieuse a été prise, qui renvoie à l’article 28 du règlement Dublin III, permet dès lors de placer un demandeur de protection internationale en rétention administrative pour une durée maximale de trois mois en vue de garantir les procédures de transfert prévues par ledit règlement, sous condition (i) qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de cette personne, (ii) que le placement en rétention soit proportionnel et (iii) que d’autres mesures moins coercitives ne puissent être effectivement appliquées.

L’article 22, paragraphe (3) de la même loi ajoute que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) - à savoir (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, (ii) l’assignation à résidence, assortie, le cas échéant, d’une mesure de surveillance électronique, et (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros - ne peut être efficacement appliquée.

L’article 22, paragraphe (4) de la même loi précise, par renvoi au règlement Dublin III, que la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au 7paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne puissent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter le transfert dans les meilleurs délais et que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises. Cette mesure de placement en rétention peut être reconduite, chaque fois pour une durée de trois mois, tant que les motifs énoncés à l’article 22, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

S’agissant tout d’abord de l’existence d’un risque de fuite non négligeable dans le chef du demandeur, par ailleurs non contesté en l’espèce, il convient de rappeler que l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 dispose notamment que « (…) Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants : (…) si le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-admission et d’interdiction de séjour (…) si le demandeur a dissimulé des éléments de son identité ou s’il est démontré qu’il a fait usage d’identités multiples soit sur le territoire luxembourgeois, soit sur celui d’un autre État membre ; (…) ».

Or, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif et notamment du rapport précité de la police grand-ducale du 18 juillet 2024, ainsi que du courrier d’acceptation de la reprise en charge par l’Allemagne que Monsieur (A) est connu en Europe sous cinq alias et qu’il a fait l’objet de deux signalements dans le système SIS, par l’Italie depuis le 11 septembre 2019, respectivement par l’Allemagne depuis 12 février 2024.

Il s’ensuit qu’un risque de fuite non négligeable est présumé dans le chef du demandeur, sans que ne se dégagent du dossier soumis au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption dudit risque de fuite dans son chef, de sorte que c’est a priori à juste titre que le ministre a pris une décision de placement en rétention à son encontre sur base de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 28 du règlement Dublin III.

En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, le tribunal rappelle que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues aux points a), b) et c) de l’article 22, paragraphe (3), précités, de la loi du 18 décembre 2015 ne peut être efficacement appliquée.

A cet égard, et en ce qui concerne plus précisément la mesure moins coercitive prévue au point a) de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement devant les services ministériels, force est de constater que celle-ci n’est pas concevable en l’espèce dans la mesure où le demandeur ne dispose pas de l’original de son passeport, ni d’aucun autre document d’identité, étant encore rappelé à cet égard que la remise aux services ministériels de l’original du passeport, accompagné, le cas échéant, d’un autre document justificatif de son identité, est, au vu du libellé du point a) de l’article 22, paragraphe (3) une condition sine qua non à l’application éventuelle de cette même mesure coercitive.

Quant à l’assignation à résidence telle que prévue par l’article 22, paragraphe (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015, il échet de rappeler que celle-ci n’est envisageable que si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de 8fuite. Or, en l’espèce, le demandeur n’a pas fourni le moindre élément au tribunal qui serait de nature à renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur est resté en défaut de fournir un quelconque élément qui établirait l’existence dans son chef d’attaches particulières au Luxembourg, respectivement d’une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, éléments qui seraient susceptibles d’établir dans son chef l’existence de garanties de représentation effective propres à prévenir un risque de fuite conformément à la disposition légale prémentionnée, lequel est, tel que relevé ci-avant, non seulement présumé dans son chef, mais également corroboré par son comportement personnel pour avoir présenté de multiples demandes de protection internationale en Europe, de surcroît, sous différents alias.

S’agissant ensuite de la mesure moins coercitive prévue par le point c) de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, force est au tribunal de constater que le demandeur n’a fourni aucune proposition d’une telle garantie financière.

Le moyen du demandeur tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure de placement litigieuse est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne, finalement, les diligences entreprises par le ministre pour écourter au maximum le placement en rétention du demandeur, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, précité, la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne puissent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises afin que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises.

En l’espèce, il convient d’abord de noter qu’il résulte des éléments du dossier administratif que, par courriel du 17 septembre 2024, les autorités luxembourgeoises ont sollicité la reprise en charge du demandeur auprès des autorités allemandes sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, reprise en charge que ces dernières ont acceptée sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point c) du même règlement en date du 19 septembre 2024, transfert qui a dû être mis en suspens en raison de la détention du demandeur au CPL.

Il échet ensuite de constater qu’une décision de transfert a été prise à l’encontre de Monsieur (A) en date du 9 janvier 2025, le ministre y ayant désigné l’Allemagne comme l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, force est au tribunal de constater que les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises en vue d’organiser le transfert du demandeur ont été exécutées avec toute la diligence voulue, conformément à l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’il existe au stade actuel de la procédure une perspective raisonnable de transfert de Monsieur (A) vers l’Allemagne, de sorte que les contestations y afférentes de celui-ci encourent le rejet.

9Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, même à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 février 2025 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 52291
Date de la décision : 04/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-02-04;52291 ?

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