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07/02/2025 | LUXEMBOURG | N°48364

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2025, 48364


Tribunal administratif N° 48364 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48364 5e chambre Inscrit le 13 janvier 2023 Audience publique du 7 février 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48364 du rôle et déposée le 13 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif par Madame (A), demeurant à L-…, dir

igée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12...

Tribunal administratif N° 48364 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48364 5e chambre Inscrit le 13 janvier 2023 Audience publique du 7 février 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48364 du rôle et déposée le 13 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif par Madame (A), demeurant à L-…, dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 décembre 2022, référencée sous les numéros 1 et 2 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 avril 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 22 janvier 2025, Madame (A) ne s’étant pas présentée.

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Par courrier daté du 24 septembre 2020, Madame (A) introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2019, émis en date du 19 août 2020.

Par courrier daté du 17 juillet 2022 et réceptionné le 20 juillet 2022, Madame (A) introduisit auprès du directeur une réclamation dirigée une nouvelle fois contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2019, émis en date du 19 août 2020, et visant également le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2020, émis en date du 22 décembre 2021. Dans ladite réclamation, Madame (A) exposa que sa « contestation vient tard car depuis Novembre 2020 je suis en traitement contre un cancer du sein », et fit état d’une série de tentatives infructueuses qu’elle aurait précédemment diligentées pour contester son imposition.

Par courrier de mise en état daté du 11 octobre 2022, le directeur invita Madame (A) à fournir certaines pièces justificatives dans le contexte de sa première réclamation du 24 septembre 2020, dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019.

Par décision du 12 décembre 2022, référencée sous les numéros 1 et 2 du rôle, ci-après désignée « la décision directoriale », le directeur déclara la réclamation contre le bulletin del’impôt sur le revenu de l’année 2019 recevable en la forme et partiellement fondée, et celle contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020 irrecevable pour cause de tardiveté, dans les termes suivants :

« […] Vu la requête introduite le 24 septembre 2020 par la dame (A), demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2019, émis en date du 19 août 2020 (portée au rôle sous le numéro 1) ;

Vu la requête introduite le 20 juillet 2022 par la dame (A), demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2020, émis le 22 décembre 2021 (portée au rôle sous le numéro 2) ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 11 octobre 2022 en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO) et les réponses de la réclamante entrées le 31 octobre 2022 et le 7 novembre 2022 ;

Vu les §§ 228 et 301 AO ;

Considérant que, les deux requêtes ayant un objet connexe, il y a lieu de les joindre dans l'intérêt d'une bonne administration de la loi ; que le fait de joindre les deux requêtes ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ;

En ce qui concerne le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2020 Considérant qu'aux termes des §§ 228 et 246 AO, dont la règle a été reprise dans l'instruction sur les voies de recours figurant au bulletin entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;

Considérant que le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2020 a été notifié le 27 décembre 2021 ; qu'ainsi le délai a expiré le 28 mars 2022 ;

Considérant qu'il découle de tout ce qui précède que la réclamation introduite en date du 20 juillet 2022 est tardive ;

Considérant qu'aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant qu'aux termes du § 252 AO la réclamation tardive est irrecevable ;

En ce qui concerne le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2019 Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante se sent lésée par la cote d'impôt fixée à travers le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2019 et demande un réexamen intégral de l'imposition ;

2 Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu'en date du 2 octobre 2013, la réclamante a souscrit un contrat d'épargne-logement auprès de la « (AA) » ; que selon les pièces justificatives fournies par la requérante, il a été procédé, en date du 31 décembre 2019, à l'attribution de la somme épargnée ;

Considérant qu'au vœu de l'article 111, alinéa 1er, littera c de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) sont déductibles comme dépenses spéciales les cotisations versées à des caisses d'épargne-logement agréées au Grand-Duché de Luxembourg ou dans un autre des Etats membres de l'Union Européenne en vertu d'un contrat d'épargne-logement souscrit en vue de financer la construction, l'acquisition ou la transformation d'un appartement ou d'une maison utilisés pour les besoins personnels d'habitation, y compris le prix du terrain, ainsi que le remboursement d'obligations contractées aux mêmes fins ;

Considérant qu'aux termes de l'alinéa 7 du même article, la résiliation d'un contrat d'épargne-logement pendant la période d'épargne ou la non-affectation aux fins visées à l'alinéa 1er, lettre c) des fonds attribués à l'échéance du contrat, qui ont pour effet d'enlever aux primes ou cotisations antérieurement déduites leur caractère déductible au sens des dispositions qui précèdent, donne lieu à imposition rectificative des années en cause ; qu'en ce qui concerne les contrats d'épargne-logement, il est renoncé à l'imposition rectificative si la résiliation du contrat est provoquée par le décès ou par l'incapacité de travail permanente de la personne ayant souscrit le contrat d'épargne-logement et qu'il en est de même si le contrat est résilié plus de dix ans après sa souscription ;

Considérant qu'en l'espèce, suivant les pièces justificatives fournies par la réclamante, le contrat d'épargne-logement litigieux n'a pas été résilié par la réclamante, mais il est venu à échéance ;

Considérant que si l'attribution a lieu dans le délai de dix ans, comme en l'occurrence, il faut que les deniers provenant du contrat d'épargne-logement soient employés à une des fins fiscalement favorisées pour que les cotisations antérieurement déduites gardent leur caractère déductible ;

qu'en l'espèce, l'instruction a révélé que la requérante a employé les deniers provenant du contrat d'épargne-logement litigieux pour financer sa future habitation personnelle ;

Considérant que l'alinéa 3a de l'article 111 L.I.R. prévoit que l'affectation des fonds, attribués à l'échéance d'un contrat d'épargne-logement, dans une année d'imposition à une fin autre que celles prévues à l'alinéa 1, lettre c), exclut de la déduction, en tant que dépenses spéciales, les cotisations faites après cette date en vertu d'autres contrats d'épargne-logement pour les années d'imposition subséquentes ; qu'en l'occurrence, les conditions prévues par l'article 111 L.I.R. ont été respectées par la réclamante, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'exclure de la déduction les cotisations versées par la réclamante en 2019 (ni celles versées pour les années subséquentes) en vertu d'un contrat d'épargne-logement ; qu'en vertu de l'article 111, 3 alinéa 5 L.I.R., le plafond déductible s'élève en l'occurrence à … euros pour l'année 2019 ;

qu'il s'ensuit que les cotisations payées par la requérante en 2019 (… euros) sont déductibles à hauteur du prédit plafond de ,… euros en l'espèce ;

Considérant qu'en outre, la requérante a fait valoir des frais de notaire en tant que charges extraordinaires dans la déclaration pour l'impôt sur le revenu de l'année litigieuse, que le bureau d'imposition n'a toutefois pas pris en compte ;

Considérant que l'instruction a révélé qu'il s'agit en l'espèce de frais en relation avec l'acquisition de la future résidence personnelle de la requérante, sise à … ; qu'il est question d'une part de frais relatifs à l'acte d'ouverture de crédit (… euros) et d'autre part de frais liés à l'acte notarié d'acquisition du prédit immeuble (… euros) ;

Considérant qu'en vertu de l'article 105, alinéa le" L.I.R., sont considérées comme frais d'obtention les dépenses faites directement en vue d'acquérir, d'assurer et de conserver les recettes ;

Considérant que d'après l'article 25, alinéa 1er L.I.R., le prix d'acquisition d'un bien est constitué de l'ensemble des dépenses assumées par l'exploitant ou le propriétaire pour le mettre dans son état au moment de l'évaluation ; que le prix d'acquisition d'un bien se compose de l'ensemble des dépenses ayant concouru à sa constitution ; que les frais en relation avec l'acte notarié d'acquisition, en ce qu'ils se conçoivent en étroite liaison avec l'appropriation proprement dite du bien, constituent un accessoire du prix d'acquisition et s'y incorporent dans leur intégralité ; qu'en ce sens les coûts de l'acte notarié de vente représentent une partie constitutive du prix d'acquisition de l'immeuble ; qu'en revanche les frais de financement assumés en relation avec une acquisition immobilière (i.e. les frais relatifs à l'acte d'ouverture de crédit) constituent des frais d'obtention au sens de l'article 105 L.I.R. et sont déductibles, s'il y a lieu, dans le cadre de la détermination du revenu net provenant de la location de biens et ceci, conformément aux dispositions de l'article 108, alinéa 1er, numéro 2 L.I.R., au titre de l'année d'imposition pendant laquelle ils sont réglés (en l'espèce au titre de l'année 2020) ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'est d'ailleurs pas autrement contestée ;

Considérant que le redressement de l'imposition sur le revenu de l'année 2019 fait l'objet de l'annexe qui constitue une partie intégrante de la présente décision ;

PAR CES MOTIFS dit la réclamation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2020 irrecevable pour cause de tardiveté, reçoit la réclamation contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2019 en la forme, la dit partiellement fondée, réformant, ramène l'impôt sur le revenu dû, y compris la contribution au fonds pour l'emploi, pour l'année 2019 à … euros, 4 renvoie au bureau d'imposition pour exécution, notamment pour imputation des retenues. […] 1, 2 Annexe (A) Impôt sur le revenu 2019 Revenu net provenant d'une occupation salariée … € Revenu net provenant de la location de biens - …€ Total des revenus nets …€ Dépenses spéciales Intérêts débiteurs et primes d'assurance …€ Cotisations versées à une caisse d'épargne-logement …€ Cotisations sociales …€ …€ …€ Revenu imposable …€ Revenu imposable ajusté …€ Revenu imposable ajusté arrondi …€ Classe d'impôt 2 Impôt suivant barème …€ Contribution au fonds pour l'emploi …€ Montant total dû …€ ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2023, Madame (A) a introduit un recours non autrement qualifié contre la décision directoriale.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Madame (A) n’ayant pas qualifié son recours, il y a lieu d’admettre qu’elle a entendu introduire le recours prévu par la loi1.

Conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.

Le tribunal est, dès lors, compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 12 décembre 2022, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1286 et les autres références y citées.2) Quant au fond Arguments et moyens des parties La demanderesse fait grief à la décision directoriale d’avoir « invoqu[é] le non-respect du délai » en rapport avec « la déclaration d’impôt 2019,2020 et de 2021 ». La demanderesse explique qu’un cancer aurait été diagnostiqué chez elle en novembre 2020. Elle fait valoir qu’en 2020, elle aurait « tenté de [c]ontester » en envoyant des courriers au bureau d’imposition de l’administration des Contributions directes de …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition ».

Elle expose qu’elle n’aurait pas réussi à joindre le bureau d’imposition par téléphone, ni n’aurait pu s’y rendre en raison de la fermeture des bureaux provoquée par la pandémie du Covid-19. Elle aurait finalement été informée par téléphone que des dégâts causés par des inondations empêcheraient le bureau d’imposition d’accéder à son dossier. La demanderesse souligne encore qu’à l’époque son quotidien se serait constitué des séances de traitement de son cancer, réparties entre le Luxembourg et la France. Elle demande au tribunal de « contrôler à nouveau [s]on dossier ».

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé. Selon le délégué du gouvernement, il découlerait de la formulation de la requête introductive d’instance, et notamment du fait que seule la recevabilité ratione temporis y serait visée, que le recours se limiterait au volet de la décision directoriale faisant suite à la réclamation contre le bulletin de l’année 2020, laquelle aurait été la seule à avoir été déclarée irrecevable. Dès lors, le volet de la décision directoriale ayant procédé à la réformation partielle du bulletin de l’année 2019 ne serait pas mise en cause. De même, l’année d’imposition 2021, mentionnée par la demanderesse dans son recours, ne serait pas concernée.

Le délégué du gouvernement souligne que les démarches que la demanderesse affirme avoir entreprises en 2020 n’auraient pas pu viser le bulletin de l’année 2020, émis en 2021, lequel le délégué du gouvernement estime précisément être « le seul bulletin concerné par la présente procédure ». Le délégué du gouvernement ajoute que l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle aurait tenté en vain de joindre l’administration des Contributions directes par téléphone manquerait de pertinence, alors qu’une réclamation ne saurait être valablement introduite par voie téléphonique. Le délégué du gouvernement fait encore valoir qu’aucune date desdits appels téléphoniques ne serait renseignée dans le recours.

Appréciation du tribunal A titre liminaire, le tribunal constate que la décision directoriale déférée en l’espèce comporte deux volets, à savoir (i) un premier volet relatif à la réclamation dirigée par la demanderesse contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020, déclarant ladite réclamation irrecevable pour cause de tardiveté et (ii) un second volet relatif à la réclamation dirigée par la demanderesse contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2019, déclarant ladite réclamation partiellement fondée.

Toujours à titre liminaire, le tribunal constate que le libellé de la requête introductive d’instance peut prêter à confusion, dans la mesure où la requête, d’un côté, précise être dirigée contre « la décision du 12.12.2022 No Rôle 1…» et, d’un autre côté, fait grief à la décision directoriale dans les termes suivants : « En effet ils invoquent le non-respect du délai, il s’agit de la déclaration d’impôt 2019, 2020 et de 2021 ».

Toutefois, l’argumentation de la demanderesse ainsi que les moyens invoqués à l’appui de sa requête, font ressortir sans équivoque son intention de diriger son recours contre le seul volet de la décision directoriale déférée ayant déclaré irrecevable la réclamation introduite contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020.

A cet égard, il convient de rappeler que si dans le cadre d’un recours en réformation le juge administratif est investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond, il n’en demeure pas moins que saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé, l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur2.

Concrètement, en l’espèce, il y a partant lieu de conclure, au vu des moyens avancés par la demanderesse, que le recours est limité au volet de la décision directoriale déférée ayant trait à la question de la recevabilité ratione temporis de la réclamation introduite par la demanderesse, par courrier du 17 juillet 2022 réceptionné le 20 juillet 2022, contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020, émis le 22 décembre 2021.

Il convient de rappeler que le délai pour introduire une réclamation devant le directeur contre un bulletin d’impôt est fixé à travers les §§ 228 et 245, alinéa (1) AO à trois mois.

Il s’agit, selon les §§ 83, alinéa (2) et 246, alinéa (1) AO, d’un délai de forclusion, qui court en principe à partir de la notification du bulletin.

En l’espèce, la décision directoriale a retenu que « le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2020 a été notifié le 27 décembre 2021 ». La date de notification du bulletin n’est pas contestée par la demanderesse.

Au vu de ces considérations, il doit être admis que conformément aux §§ 228, 245 et 246 AO, le délai de forclusion de trois mois pour introduire une réclamation devant le directeur contre ledit bulletin a commencé à courir, en application des dispositions des articles 3 et 4 de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, à partir du 27 décembre 2021 pour prendre fin le lundi 28 mars 2022, le 27 mars 2022 ayant été un dimanche.

Il n’est pas contesté en l’occurrence que la réclamation est entrée auprès du directeur le 20 juillet 2022, c’est-à-dire au-delà de la date butoir du 28 mars 2022.

Toutefois, force est au tribunal de constater que le grief exposé par la demanderesse dans son recours, critiquant la décision directoriale d’avoir retenu un « non-respect du délai » en dépit de son état de santé et de ses tentatives infructueuses de contestation, constitue en substance un reproche à la décision directoriale de ne pas lui avoir accordé le bénéfice du relevé de forclusion, tel que prévu aux §§ 86 et 87 AO.

En effet, le § 86 AO dispose comme suit :

« Nachsicht wegen Versäumung einer Rechtsmittelfrist kann beantragen, wer ohne sein Verschulden verhindert war, die Frist einzuhalten. Das Verschulden eines gesetzlichen Vertreters oder eines Bevollmächtigten steht dem eigenen Verschulden gleich. ».

2 Trib. adm., 17 novembre 2004, n° 18360a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 31 et les autres références y citées.Quant au § 87 AO, il prévoit que :

« (1) Über den Antrag auf Nachsicht entscheidet die Stelle, die über das versäumte Rechtsmittel zu entscheiden hat.

(2) Der Antrag ist innerhalb zweier Wochen nach Ablauf des Tags zu stellen, an dem der Antrag zuerst gestellt werden konnte; dabei sind die Tatsachen, die den Antrag begründen sollen, anzuführen und glaubhaft zu machen. Innerhalb dieser Frist ist die Einlegung des versäumten Rechtsmittels nachzuholen.

(3) Auslagen, die durch den Antrag auf Nachsicht entstehen, trägt in allen Fällen der Antragsteller.

(4) Die Nachsicht kann auch ohne Antrag bewilligt werden, falls das versäumte Rechtsmittel innerhalb der im Absatz 2 bezeichneten Frist eingelegt ist.

(5) Nach Ablauf eines Jahrs, von dem Ende der versäumten Frist an gerechnet, kann die Nachsicht nicht mehr begehrt oder ohne Antrag bewilligt werden. ».

Dans ce contexte, le tribunal précise encore que le directeur doit, y compris lorsqu’aucune demande formelle de relevé de forclusion n’est formulée par le réclamant, vérifier d’office si les conditions des §§ 86 et 87 AO sont remplies3, 4.

Interrogé à cet égard par le tribunal à l’audience publique des plaidoiries par rapport à la formulation éventuelle d’une demande de relevé de forclusion de la demanderesse dans le cadre de sa réclamation, le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice en affirmant que le directeur n’avait pas identifié une telle demande dans la réclamation.

Force est de constater qu’en l’espèce, dans le cadre de sa réclamation du 20 juillet 2022, la demanderesse a indiqué que : « Ma contestation vient tard car depuis Novembre 2020 je suis en traitement contre un cancer du sein. J’ai contesté auprès des impôts de … mais avec la pandémie du COVID et les restrictions pas de réponse. J’ai réclamé aussi à … on m’a dit que le calcul est juste. J’ai insisté on m’a répondu Mme les locaux de … ont été inondés. ».

Même en l’absence d’une prétention formelle de relevé de forclusion, l’intention de la demanderesse ressort sans équivoque des moyens de fait de sa réclamation du 20 juillet 2022, en ce qu’elle a aspiré au bénéfice d’une analyse au fond de sa réclamation nonobstant la tardiveté de celle-ci qu’elle explique notamment par le fait qu’elle suivait un traitement médical.

3 Trib. adm., 29 mars 2024, n° 47407 du rôle, disponible sur www.justice.public.lu.

4 Hübschmann-Hepp-Spitaler, Kommentar zur RAO, ad § 87, Anm. 4 : « Im allgemeinen ist es ratsam, daß der Pflichtige einen Antrag auf Nachsicht stellt und die Gründe dafür darlegt. Sind aber die Voraussetzungen für Nachsichtgewährung erkennbar, so muß sie auch ohne Antrag gewährt werden. Die Behörde muß stets von sich aus prüfen, ob Anlaß zur Nachsichtgewährung vorliegt. Macht die Entscheidung der VorInst. nicht ersichtlich, ob die Frage der Bewilligung der Nachsicht wegen Versäumung einer Frist geprüft worden ist, so kann hierin unter Umständen ein Verfahrensmangel liegen (RFH II A 272/20 v. 16. 7. 20, RFH 3, 195). […] Im Rechtsbeschwerdeverfahren ist die mangelhafte Prüfung der Nachsichtfrage nur auf Rüge zu beachten (RFH GrS 6/21 v. 12. 12. 21, RFH 7, 314 = Kartei AO § 236 R. 2). Legt der Pflichtige ein Rechtsmittel verspätet ein, so kann darin unausgesprochen auch der Antrag auf Nachsicht wegen Fristversäumung erblickt werden, wenn die Voraussetzungen erfüllt sind (vgl. RFH VI A 358/50 v. 20. 3. 30, Kartei AO § 68 R. 25 = RFH 26, 266). Sind die Voraussetzungen nicht erkennbar, so sind sie von Amts wegen zu prüfen, und gegebenenfalls muß der Pflichtige gefragt werden. In der Unterlassung der Anhörung des Rechtsmittelführers über die Gründe der Fristversäumung kann ein Verfahrensmangel liegen (RFH II A 1139/24 v. 27. 2. 24, Kartei AO § 69 Abs. 4 R. 3). […] »Ainsi, la demanderesse a porté à travers ladite réclamation à la connaissance du directeur des circonstances de nature à mériter une considération au regard d’un éventuel relevé de forclusion, implicitement demandé par elle.

Cependant, la décision directoriale ne prend aucunement position par rapport auxdites circonstances.

Par son recours au tribunal, la demanderesse a précisément fait grief à la décision directoriale d’avoir déclaré irrecevable ratione temporis sa réclamation sans égard aux circonstances invoquées par elle.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la réclamation de la demanderesse contenait une demande implicite de relevé de forclusion du délai de réclamation qu’il aurait appartenu au directeur d’analyser tant quant à sa forme que quant au fond.

Partant, le recours est à déclarer fondé et il y a lieu, dans le cadre du recours en réformation, d’annuler le seul volet de la décision directoriale ayant statué sur les mérites de la réclamation introduite le 20 juillet 2022 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2020, et de renvoyer l’affaire en prosécution de cause au directeur pour vérifier si les circonstances invoquées justifient un relevé de forclusion.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 décembre 2022, référencée sous les numéros 1 et 2 du rôle ;

au fond, le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation, annule le seul volet de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 décembre 2022, référencée sous les numéros 1 et 2 du rôle, ayant déclaré irrecevable la réclamation introduite le 20 juillet 2022 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année d’imposition 2020, émis en date du 22 décembre 2021 ;

renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le directeur de l’administration des Contributions directes ;

condamne l’État aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 février 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s. Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 48364
Date de la décision : 07/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-02-07;48364 ?

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