Tribunal administratif N° 51802 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:51802 2e chambre Inscrit le 11 novembre 2024 Audience publique du 10 février 2025 Recours formé par la société anonyme (AA) SA, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements
________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51802 du rôle et déposée le 11 novembre 2024 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée VERTUMNUS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1661 Luxembourg, 39, Grand-rue, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B238519, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Max MULLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AA) SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation de la décision d’injonction du directeur de l’administration des Contributions directes du 11 octobre 2024 portant la référence …, lui demandant de fournir des renseignements dans le cadre d’une demande d’échange de renseignements en matière fiscale suivant l’article 3, paragraphe (3) de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2024 ;
Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 11 décembre 2024 autorisant chacune des parties à déposer un mémoire supplémentaire suite à la communication par la partie étatique des raisons avancées par l’autorité étrangère pour justifier la pertinence vraisemblable des renseignements demandés ;
Vu le mémoire supplémentaire de la société à responsabilité limitée VERTUMNUS SARL déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2024, au nom de la société anonyme (AA) SA, préqualifiée ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Caroline PEFFER en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 janvier 2025.
___________________________________________________________________________
Par courrier du 11 octobre 2024, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », enjoignit à la société anonyme (AA) SA, ci-après désignée par « la société (AA) », de lui fournir pour le 19 novembre 2024 au plus tard, certains renseignements concernant Monsieur (A), ladite injonction étant libellée comme suit :
« […] En date du 10 septembre 2024, l'autorité compétente de l'administration fiscale belge nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la Directive du Conseil 2011/16/UE du 15 février 2011, transposée en droit interne par la loi du 29 mars 2013, de la convention fiscale entre le Luxembourg et la Belgique du 17 septembre 1970, modifiée par la loi du 31 mars 2010 portant approbation de l’Avenant et de l’échange de lettres y relatif à ladite convention, ainsi que de la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et de son protocole d’amendement signés le 29 mai 2013, approuvés en droit interne par la loi du 26 mai 2014.
L'autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements et a exclu l'absence manifeste de pertinence vraisemblable.
La finalité fiscale de la demande est la vérification de la situation fiscale de M. (A), né le … et ayant des adresses au …, Belgique, ainsi qu’au … Luxembourg.
Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, les renseignements et documents suivants pour le 19 novembre 2024 au plus tard.
- Veuillez fournir pour la période visée toutes les copies des relevés bancaires de la société (AA) S.A. avec comme contrepartie M. (A) ;
- Veuillez indiquer pour la période visée où l'emploi a été exercé par M. (A) pour le compte de la société (AA) S.A. (en Belgique, au Luxembourg ou ailleurs). Veuillez préciser l'adresse ;
- Veuillez indiquer pour la période visée tout autre revenu reçu à côté de son salaire par M. (A) de la société (AA) S.A., ainsi que les impôts payés par M. (A) ;
- Veuillez indiquer pour la période visée s'il existe un contrat entre M. (A) et la société (AA) S.A.. Veuillez indiquer s'il s'agit d'un contrat oral ou écrit. Dans le dernier cas, veuillez indiquer la date (jj/mm/aaaa) du contrat écrit, ainsi que sa référence ;
- Dans ce contexte, veuillez indiquer quel est (sont) le(s) montant(s) payé(s) et s'il reste des sommes dues, veuillez préciser la devise ;
- Dans ce contexte, veuillez indiquer comment le(s) paiement(s) ont été effectués :
o Paiement en espèces : Veuillez indiquer la date et place de remise ;
o Virement bancaire : Veuillez indiquer :
▪ S'il s'agit d'un compte personnel ou professionnel ;
▪ Le nom de la banque à partir de laquelle et vers laquelle le(s) paiement(s) a/ont été effectué(s) (y compris le code BIC) ;
▪ Le numéro du compte bancaire à partir duquel et sur lequel le(s) paiement(s) ont été effectués (code IBAN) ;
▪ Le nom du détenteur du compte à partir duquel et vers lequel le(s) paiement(s) a/ont été effectué(s) ;
o Carte de crédit ;
o Transfert d'argent en ligne (p.ex. …) ;
o Dans le cas de paiements en espèces, veuillez indiquer comment ces paiements ont été comptabilisés et veuillez fournir les documents probants ;
o Autres ;
- Dans ce contexte, veuillez indiquer qui a réellement effectué le (les) paiement(s) ;
- Dans ce contexte, veuillez indiquer qui a autorisé le(s) paiement(s) ;
- Veuillez fournir pour la période visée les documents comptables relatifs aux paiements et retraits en espèces entre (A) et la société (AA) S.A. ;
- Concernant le compte courant de M. (A) auprès de la société (AA) S.A. duquel un montant de … EUR a été retiré en espèces le 29/08/2014 au profit de M. (A) et dont l'évolution du solde de la dette envers l'associé au 31/12 est la suivante : 2015 …€, 2016 …€, 2017 …€, 2018 …€, 2020 …€. Au 31/12/2019 la société avait une créance sur associé de …€:
o Veuillez indiquer tous les prélèvements sur ce compte courant en précisant la date, le montant et la devise ;
o Veuillez indiquer sous quelle forme les prélèvements ont été réalisés :
• Virement bancaire : Veuillez indiquer :
• le nom de la banque à partir de laquelle et vers laquelle le(s) paiement(s) a/ont été effectué(s) (y compris le code BIC) ;
• le numéro du compte bancaire à partir duquel et sur lequel le(s) paiement(s) ont été effectués (code IBAN) ;
3 • le nom du détenteur du compte à partir duquel et vers lequel le(s) paiement(s) a/ont été effectué(s) ;
▪ Espèces : Veuillez indiquer le donneur d'ordre ;
▪ Autres ;
o Veuillez indiquer si les créances ont été garanties et dans l'affirmative, veuillez spécifier les conditions de la garantie ;
o Veuillez indiquer si les créances ont été remboursées. En cas de remboursement partiel, veuillez spécifier le(s) montant(s) et date(s) (jj/mm/aaaa). En cas de remboursement total, veuillez indiquer la date (jj/mm/aaaa) et si le remboursement a eu lieu par virement bancaire (dans l'affirmative, veuillez préciser les numéros de compte concernés), en espèces (veuillez indiquer le donneur d'ordre), ou autres ;
o Veuillez indiquer le taux d'intérêt annuel et la méthode de calcul ;
o Veuillez indiquer si les ressources étaient suffisantes pour accorder la créance ;
- Veuillez fournir le détail du compte courant de M. (A) auprès de la société (AA) S.A. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 novembre 2024, la société (AA) a fait introduire un recours tendant à l’annulation de ladite décision du 11 octobre 2024 prise par le directeur.
1) Quant à la recevabilité du recours Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.
Aux termes de l’article 6 de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, ci-après désignée par « la loi du 25 novembre 2014 », « (1) Contre la décision d’injonction visée à l’article 3 paragraphe 3, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur de renseignements. […] ».
Il y a lieu de relever que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le recours sous analyse ne serait pas recevable, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.
Il s’ensuit que le recours en annulation est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit selon les formes et délai prévus par la loi.
2) Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse explique que, déjà en date des 28 décembre 2021 et 19 avril 2022, l’administration des Contributions directes aurait émis des décisions d’injonction visant à obtenir des renseignements dans le cadre d’une demande d’assistance émanant des autorités fiscales belges et que, par courrier du 19 mai 2022, les renseignements demandés auraient été fournis.
Elle précise que les renseignements sollicités aux termes de la décision directoriale actuellement litigieuse se recouperaient largement « avec les nouveaux renseignements demandés » et que dans leur réponse adressée au directeur, tant elle-même que le contribuable visé, en l’occurrence Monsieur (A), qui serait son administrateur, actionnaire unique et bénéficiaire effectif, auraient exhaustivement pris position y relativement tout en n’ayant pas manqué de relever que la manière de procéder de l’autorité fiscale belge serait critiquable. Elle ajoute qu’elle-même et Monsieur (A) seraient « en procédures » avec les autorités belges.
La société demanderesse continue en relevant que, dans le passé, l’administration fiscale belge aurait mené des enquêtes la visant elle-même, ainsi que Monsieur (A) et une autre société, tout en précisant que le 20 septembre 2019, ladite administration aurait effectué des visites fiscales dans les bureaux d’une de ses clientes belges, en l’occurrence la société anonyme (BB) SA. Ladite administration aurait également tenté à la même date d’effectuer une visite au domicile de l’épouse de Monsieur (A) en Belgique.
Elle fait ensuite valoir que comme la décision directoriale attaquée se référerait à la seule enquête diligentée à l’encontre de Monsieur (A) en des termes particulièrement vagues, sans que les détails essentiels de cette prétendue procédure ne soient dévoilés, il lui serait, au stade de l’introduction du recours sous analyse, impossible de se défendre, ce d’autant plus qu’il apparaîtrait que l’enquête vise uniquement Monsieur (A) et la période allant du 1er janvier 2021 jusqu’au 31 décembre 2023 tandis que dans le corps de la décision, il serait fait état d’éléments remontant à l’année 2014.
Elle relève encore que la décision attaquée indiquerait erronément une adresse en Belgique alors même que Monsieur (A) serait un résident luxembourgeois et, en tant que tel, non soumis à l’impôt des personnes physiques en Belgique.
Pour ce qui est des visites fiscales effectuées en Belgique, la société demanderesse donne à considérer que comme la législation y relative serait sujette à interprétation, la jurisprudence en la matière serait nécessairement abondante, tout en expliquant qu’en relation avec des visites fiscales opérées au sein de la société de droit belge (BB) SA, le tribunal de grande instance de Gand aurait à plusieurs reprises constaté le non-respect, par l’autorité fiscale belge, des limites du pouvoir d’investigation lui conféré par la loi, respectivement jugé que l’administration fiscale belge avait violé l’article 333 du Code des impôts sur le revenu (CIR), faute d’avoir envoyé préalablement à ses investigations une notification à Monsieur (A) ou à la société (AA), de sorte à avoir jugé qu’au cours des visites effectuées par l’administrationfiscale belge, celle-ci avait examiné et emporté des données pour lesquelles le délai d’investigation s’était déjà écoulé, jugements auxquels l’administration fiscale belge aurait acquiescé.
Au vu de ces considérations, il devrait être admis que les renseignements demandés à travers la décision directoriale litigieuse ne seraient qu’une tentative de contourner les décisions de justice rendues en Belgique.
La société demanderesse ajoute que l’administration fiscale belge n’aurait pas épuisé ses sources d’informations internes puisque Monsieur (A) serait formel pour dire qu’il n’aurait jamais été interpellé par l’autorité fiscale belge de sorte à ne pas pouvoir être considéré comme avoir été requis par celle-ci au sens des articles 315 et 316 CIR. Il s’ensuivrait que la demande de renseignements devrait s’analyser en une fishing expedition.
Elle relève ensuite que la décision attaquée solliciterait également des renseignements « étranges et indifférents » telle que par exemple la personne ayant autorisé un paiement ou réellement effectué un paiement, ce qui illustrerait à suffisance que la partie étatique ne pourrait pas valablement soutenir avoir procédé à un contrôle a priori.
En droit, la société demanderesse se rapporte tout d’abord à prudence de justice en ce qui concerne la légalité externe de la décision directoriale attaquée. Tout en relevant néanmoins que, tel que cela se dégagerait de l’exposé factuel repris ci-avant, il devrait être admis que la demande de renseignements s’inscrirait dans un contexte particulier que le directeur n’aurait pas pu ignorer et qui aurait dû l’amener à ne pas y faire droit, elle déclare laisser au tribunal le soin de juger si les manquements dans l’agissement de l’autorité fiscale belge ne devraient pas in fine s’analyser en une illégalité externe dans la mesure où ces manquements entacheraient la décision directoriale déférée.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée, la société demanderesse conteste en premier lieu la pertinence vraisemblable des renseignements demandés en reprochant au directeur d’avoir donné suite à la demande de l’autorité fiscale belge alors même que, d’une part, les renseignements demandés auraient déjà été fournis et que, d’autre part, l’autorité fiscale belge prétendrait à tort que Monsieur (A) serait un résident belge puisqu’il serait en réalité un résident luxembourgeois, tel qu’en témoignerait le certificat de résidence versé en cause.
Elle estime qu’en tout état de cause, eu égard aux faits et à la précédente demande de renseignements, il aurait appartenu au directeur d’adopter une attitude plus prudente au lieu de se borner à lui enjoindre de fournir les renseignements demandés.
Tout en se référant aux enseignements se dégageant d’un jugement du tribunal administratif du 26 mai 2023, inscrit sous le numéro 48556 du rôle, la société demanderesse estime qu’il devrait être retenu que l’autorité fiscale belge tente manifestement de se livrer à une pêche aux renseignements, le tout sur base d’indices recueillis de manière illicite en Belgique et en se fondant sur des éléments erronés, en l’occurrence la résidence de Monsieur (A) qui serait pourtant connue de l’administration des Contributions directes. A cela s’ajouterait que l’autorité fiscale belge devrait être regardée comme n’ayant pas épuisé ses sources d’informations internes ou alors de les avoir exploitées de manière illicite, ce qui reviendrait au même puisqu’il ne devrait pas lui être permis de détourner le mécanisme del’échange de renseignements pour agir en violation des règles belges applicables ou alors de s’arroger une extension de sa compétence territoriale de manière illicite.
Au vu de ces considérations, la décision directoriale devrait être annulée.
En second lieu, la société demanderesse insiste sur le fait que la décision directoriale déférée aurait été prise en méconnaissance de la situation factuelle connue du directeur étant donné que les renseignements demandés auraient déjà été fournis en très grande partie, que « des procédures » seraient en cours en Belgique et que Monsieur (A) serait un résident luxembourgeois. Elle estime que ces circonstances auraient dû conduire le directeur à adopter un comportement plus prudent au lieu de se borner à lui enjoindre de s’exécuter aveuglément.
Elle ajoute qu’il se poserait inévitablement la question de savoir dans quelle mesure l’autorité fiscale belge avait enquêté préalablement sur son territoire et dans quelle mesure la demande d’échange renseignements actuellement en cause s’inscrit dans une enquête précise, la société demanderesse estimant que le fait même que Monsieur (A) était formel pour dire qu’il n’aurait jamais été interpellé par l’autorité fiscale belge, de sorte à ne pas pouvoir être considéré comme ayant été requis au sens des articles 315 et 316 CIR permettrait d’exclure que la demande de renseignements en cause s’inscrit dans une enquête déterminée.
Au vu de ces considérations, la société demanderesse est d’avis qu’il aurait appartenu au directeur d’adopter une attitude prudente dans l’appréciation de la motivation lui transmise qui resterait à instruire en cours d’instance mais qui semblerait dès à présent ne pas être de nature à pouvoir justifier la décision d’injonction laquelle serait dès lors viciée et à annuler de ce chef.
En troisième lieu, la société demanderesse critique l’absence d’épuisement des sources en droit interne belge. Tout en admettant qu’il ne pourrait pas être exigé de la part du directeur de connaître ou de vérifier de manière approfondie le cadre factuel et juridique étranger, elle estime néanmoins qu’il en irait autrement lorsque le directeur aurait connaissance de demandes antérieures et d’enquêtes fiscales étrangères et a fortiori lorsque, comme en l’espèce, la partie requérante soumettrait des éléments circonstanciés de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements ou la légitimité des agissements de l’autorité requérante. Elle insiste sur le fait que sa décision de résister à la demande de renseignements serait notamment motivée par le fait que Monsieur (A) serait un résident luxembourgeois, que les renseignements demandés auraient déjà été fournis en large partie, que l’autorité fiscale belge n’aurait pas épuisé ses sources en droit interne et tenterait de détourner le dispositif de la demande de renseignements à ses fins alors que ce dispositif tendrait à trouver un équilibre entre les intérêts légitimes de l’Etat requérant et la protection des intérêts des personnes visées qui devraient bénéficier de garanties minimales devant leur permettre d’être protégées contre des demandes abusives.
Enfin, la société demanderesse dénonce une pêche aux renseignements de la part de l’autorité fiscale belge en mettant plus particulièrement en doute que sa demande porte sur un cas d’imposition précis, spécifique et qu’elle soit relative à un contribuable déterminé dans le cadre d’une enquête spécifique qui devrait donc concerner les années 2021 à 2023 et comporter une interpellation préalable de Monsieur (A) laquelle ne serait toutefois pas intervenue. Elle estime que les éléments factuels constants en cause iraient plutôt dans le sens d’une pêche aux renseignements qui devrait être prohibée pour porter atteinte à ses intérêts, lui imposer indument des obligations et l’exposer indument à des sanctions alors même que l’autoritéfiscale belge n’aurait jamais dû procéder comme elle l’a fait et que le directeur n’aurait jamais dû émettre la décision litigieuse.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement reprend, tout d’abord, les informations factuelles fournies par l’autorité fiscale belge se trouvant à la base de la décision litigieuse du 11 octobre 2024 en précisant que le cas d’imposition visé par ladite autorité porterait sur un contribuable déterminé, à savoir principalement Monsieur (A), mais également l’épouse de celui-ci, Madame (B), en ce que l’autorité belge préciserait qu’en Belgique « un couple marié ou cohabitant légal est solidairement responsable des impôts sur les revenus qui résultent ou ont pris naissance au cours de leur cohabitation ».
Il précise que la période visée par le contrôle s’étend du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, tout en soulignant que l’autorité fiscale belge aurait déjà envoyé une demande aux autorités luxembourgeoises le 16 décembre 2021 qui aurait toutefois porté sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020.
Il ajoute que l’autorité fiscale belge aurait fourni des indices concrets soutenant sa conclusion que le contribuable visé réside de facto en Belgique et qu’il pourrait y être soumis à l’impôt sur le revenu. De ce point de vue, la demande d’échange de renseignements serait dès lors pleinement justifiée.
Le délégué du gouvernement relève ensuite qu’il se dégagerait de la demande de l’autorité fiscale belge que les contribuables concernés auraient refusé de coopérer tout en indiquant que plusieurs visites sur place auraient été réalisées au domicile officiel de Madame (B), mais que l’accès leur aurait été refusé, de même que les époux (A)-(B) n’auraient pas répondu aux demandes de renseignements qui leur auraient été adressées par l’autorité fiscale belge.
Pour ce qui est de l’affirmation de la société demanderesse selon laquelle les tribunaux belges auraient à plusieurs reprises constaté le non-respect des limites du pouvoir d’investigation des autorités fiscales belges, le délégué du gouvernement soutient qu’elle resterait en défaut de verser les jurisprudences afférentes, de sorte qu’il serait impossible à la partie étatique de vérifier l’exactitude de ces affirmations respectivement d’en apprécier le lien avec la présente affaire.
Le délégué du gouvernement estime qu’en tout état de cause, les éléments mis en avant par la société demanderesse ne seraient pas de nature à remettre en cause le contenu de la demande d’échange de renseignements en des volets essentiels de la situation factuelle ou juridique à sa base et donc de nature à affecter la vraisemblance de la pertinence des informations sollicitées. Il estime qu’au contraire, ces mêmes éléments viendraient confirmer le manque de coopération de la part des contribuables concernés ainsi que l’épuisement des moyens d’investigation internes par les autorités belges puisqu’au vue des explications fournies, les contribuables concernés sembleraient effectivement avoir empêché par tout moyen les mesures d’investigation entreprises par l’autorité fiscale belge, voire l’utilisation des preuves d’ores et déjà obtenues par celle-ci.
Enfin, le délégué du gouvernent donne à considérer que les informations sollicitées présenteraient toutes un lien avec le cas d’imposition visé en ce qu’elles auraient trait aux revenus professionnels de Monsieur (A), à ses contrats avec la société demanderesse ou à son compte-courant auprès de celle-ci.
Au vu de toutes ces considérations, il devrait être admis qu’il existe une possibilité raisonnable que les renseignements recherchés se révèleront pertinents pour la vérification fiscale menée par l’autorité fiscale belge, le délégué du gouvernement soulignant encore que la décision d’injonction se fonderait sur une demande de renseignements suffisamment motivée portant sur des informations n’apparaissant pas, de manière manifeste, dépourvues de toute pertinence vraisemblable, au regard, d’une part, de l’identité de la personne visée par la demande et, d’autre part, de la finalité fiscale poursuivie.
Dans son mémoire supplémentaire, la société demanderesse conteste tout d’abord « tous les faits qui seraient contraires à ceux mentionnés dans la requête » en reprochant à la partie étatique de se contenter, en substance, de citer un extrait de la demande de renseignements, sans verser la moindre pièce notamment pour sous-tendre l’affirmation suivant laquelle Monsieur (A) serait un résident belge. Elle estime, en tout état de cause, que son propre exposé des faits ne serait nullement remis en cause.
Tout en relevant que les autorités belges ne détailleraient aucunement en quoi elles auraient préalablement épuisé leurs sources en droit interne, elle estime qu’il leur aurait pour le moins appartenu de produire une sommation ou un courrier de l’administration fiscale « qui demande la production de cette pièce ou démarche ». A défaut pour l’autorité fiscale belge de produire une quelconque pièce pour soutenir valablement la demande de renseignements, celle-ci devrait s’analyser en une pêche aux renseignements.
Elle insiste ensuite sur le fait qu’il serait constant en cause que l’administration fiscale belge avait bien mené des enquêtes au sujet de Monsieur (A), la société demanderesse elle-
même et une autre société et que celles-ci auraient été censurées par les juges belges, tout en réitérant que les renseignements actuellement demandés ne seraient rien d’autre qu’une tentative de contourner ces décisions.
Tout en réitérant que certains des renseignements sollicités seraient « étranges et indifférents », la société demanderesse ajoute que la demande contiendrait de nombreuses questions qui auraient déjà été posées lors de la précédente demande, respectivement que la demande viserait à obtenir des renseignements dont elle ne disposerait pas, tels que par exemple les impôts payés par Monsieur (A) ou bien l’existence de comptes privés ou professionnels, voire des informations en relation avec des faits remontant à plus de 10 ans, ou encore l’existence de garanties, sans qu’il ne soit précisé en quoi ces nouveaux renseignements seraient nécessaires par rapport à ceux déjà fournis lors de la précédente demande.
Elle estime qu’en tout état de cause, il aurait incombé à l’autorité fiscale belge de motiver correctement sa demande et que le fait de ne pas mentionner les décisions belges ayant censuré ses démarches antérieures devrait conduire les autorités luxembourgeoises à la plus grande circonspection.
Elle ajoute qu’il semblerait qu’à travers ses démarches, l’autorité fiscale belge voudrait lui nuire puisqu’elle se verrait contrainte quasi tous les ans de refaire « une sorte de super comptabilité bis » pour satisfaire à ses demandes de renseignements alors même qu’elle ne serait manifestement pas territorialement compétente et qu’elle essaierait à présent de contourner les décisions de justice belges.
En droit, la société demanderesse continue de se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne la légalité externe de la décision d’injonction.
Quant à la légalité interne, elle invoque une atteinte au principe de proportionnalité.
Tout en renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 24 mai 2022, inscrit sous le numéro 47282C du rôle, elle fait valoir qu’il serait désormais acquis que l’autorité fiscale belge ne produirait aucune pièce et chercherait à détourner le dispositif de demande de renseignements à des fins contraires au principe de proportionnalité ou encore de « loyauté de preuve » et à d’autres principes généraux les plus fondamentaux.
En se référant aux jugements du tribunal de grande instance de Gand des 14 mars 2023 et 28 mai 2024, elle fait encore remarquer que les prétentions des autorités belges quant à la territorialité seraient et resteraient contestées, tout en relevant que le jugement du 25 septembre 2024 émanant de la même juridiction retiendrait également que l’autorité fiscale belge avait agi en violation des règles applicables, notamment en ne procédant pas à une notification appropriée vis-à-vis de Monsieur (A).
Elle estime que dans le cadre de l’appréciation du respect du principe de proportionnalité, il ne devrait pas non plus être perdu de vue que les autorités belges n’auraient aucunement expliqué en quoi, compte tenu d’une précédente demande de renseignements, les nouveaux renseignements sollicités seraient susceptibles d’être pertinents, de même qu’il ne serait toujours pas connu dans quelle procédure précise les renseignements en question s’inscrivent, respectivement s’ils s’inscrivent dans la même procédure que celle ayant été à l’origine de la précédente demande de renseignements.
Ensuite, la société demanderesse maintient ses contestations quant à l’absence de pertinence vraisemblable des renseignements demandés en renvoyant aux mêmes griefs que ceux sur lesquels elle s’est basée pour dénoncer une atteinte au principe de proportionnalité.
Elle est, en effet, d’avis que l’examen de la recherche de la proportion adéquate entre les démarches entreprises et l’ingérence dans la vie privée ne pourrait pas se faire sans prendre en considération les griefs en question en ce qu’ils constitueraient également des manifestations d’un défaut de pertinence vraisemblable.
Elle réitère, pour le surplus, les développements contenus dans sa requête, tout en soulignant que la mauvaise intention de l’autorité fiscale belge se manifesterait également dans l’absence de motivation eu égard aux décisions de justice belges ou de production de pièces, ce qui devrait encore conduire à l’application du principe fraus omnia corumpit.
La société demanderesse maintient ensuite ses reproches suivant lesquels le directeur aurait méconnu une situation factuelle lui pourtant connue et qui aurait dû l’amener à adopter un comportement plus prudent. Elle estime, dans ce contexte, que ce serait à tort que la situation de résident luxembourgeois de Monsieur (A) était remise en cause alors même que l’autorité fiscale belge n’aurait pas fourni le moindre indice concret venant soutenir sa conclusion suivant laquelle celui-ci résiderait de facto en Belgique.
La société demanderesse réitère également son reproche tenant à une absence d’épuisement des sources en droit interne belge en insistant sur le fait que l’autorité fiscale belge agirait de mauvaise foi, faute de verser une quelconque pièce. Si l’exposé factuel présenté par les autorités belges mettait en évidence que certaines démarches en droit interne avaient été entreprises, il n’en resterait pas moins qu’un examen attentif et concret de cesdémarches illustrerait que lesdites autorités ne pourraient pas prétendre recourir au dispositif de renseignements sur demande. Elle estime qu’il se dégagerait au contraire des éléments qu’elle produit en cause que les autorités belges, loin d’avoir épuisé leurs sources en droit interne, les auraient en réalité entamées en violation des règles applicables, sans préjudice des autres carences tenant notamment à l’absence de production des pièces et explications permettant d’organiser sa défense, de connaître la nature et l’envergure des procédures en cours et surtout de constater l’absence de démarches appropriées à l’encontre de Monsieur (A) qui de leur propre aveu serait pourtant la personne cible.
Elle ajoute que si la jurisprudence avait pu retenir en substance que des affirmations d’autorités étrangères quant à l’épuisement des sources en droit interne peuvent faire foi, il en irait autrement en l’espèce puisqu’il serait clairement établi que les démarches en droit interne souffriraient d’importantes carences qu’une demande d’échange de renseignements ne devrait pas permettre de court-circuiter.
Enfin, la société demanderesse maintient son reproche suivant lequel la demande d’échange de renseignements de l’autorité fiscale belge devrait s’analyser en une pêche aux renseignements en réitérant ses développements antérieurs.
Dans son mémoire supplémentaire, la partie étatique réfute que la jurisprudence versée par la société demanderesse puisse être de nature à remettre en cause le contenu de la demande d’échange de renseignements en des volets essentiels. Ce constat se trouverait conforté par le fait que les autorités belges auraient confirmé en date du 9 janvier 2025 que les trois jugements du tribunal de grande instance de Gand ne seraient pas définitifs. Elles auraient également confirmé que la demande de renseignements litigieuse porterait sur la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023 tandis que la demande antérieure aurait porté sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020. Il s’ensuivrait que même si une partie des informations avaient déjà été transmises auparavant aux autorités belges en réponse à la demande d’échange de renseignements du 16 décembre 2021, il n’en resterait pas moins que la demande actuellement en cause resterait justifiée pour porter sur une période postérieure à celle visée par la demande initiale.
Analyse du tribunal A titre liminaire, le tribunal constate que la demande d’échange de renseignements des autorités belges ayant donné lieu à la décision d’injonction litigieuse est basée sur la directive du Conseil 2011/16/UE du 15 février 2011, ci-après désignée par « la directive 2011/16/UE », transposée en droit interne par la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ci-après désignée par « la loi du 29 mars 2013 », et sur la convention entre le Luxembourg et la Belgique en vue d’éviter les doubles impositions et de régler certaines autres questions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 17 septembre 1970, telle qu’amendée, ci-après désignée par « la Convention ». La demande en cause est également fondée sur la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et son protocole d’amendement, approuvés par la loi du 26 mai 2014, ci-
après désignée par la « Convention d’assistance mutuelle ». La décision d’injonction du 11 octobre 2024, est, quant à elle, fondée sur la loi du 25 novembre 2014.
La Convention et la directive 2011/16/UE présentent deux ensembles de dispositions ayant des champs d’application distincts en ce qui concerne tant les Etats liés que les personnes et les impôts visés, de manière qu’ils sont susceptibles de s’appliquer parallèlement à unesituation donnée. La directive 2011/16/UE prime cependant dans les relations entre Etats membres de l’Union européenne sur les conventions de non-double imposition conclues par deux d’entre eux non pas en tant que disposition postérieure, mais en tant que disposition du droit de l’Union européenne hiérarchiquement supérieure en ce sens que la directive laisse en principe entière l’application de la convention de non-double imposition, mais peut imposer à deux Etats membres un échange de renseignements dans des hypothèses où la convention de non-double imposition entre ces deux Etats membres ne le prévoit pas tout en admettant, au vœu de son article 1er, alinéa 3, « […] l’exécution de toute obligation des Etats membres quant à une coopération administrative plus étendue qui résulterait d’autres instruments juridiques, y compris d’éventuels accords bilatéraux ou multilatéraux. ». Etant donné que la directive 2011/16/UE prime sur les conventions de non-double imposition convenues entre Etats membres, et que ni la Convention, ni la Convention d’assistance mutuelle ne prévoient de manière vérifiée un échange de renseignements plus étendu que la directive 2011/16/UE, il y a lieu de conclure que la directive 2011/16/UE, ensemble la loi du 29 mars 2013 ayant transposé son contenu en droit interne, constitue le cadre légal par rapport à la décision d’injonction du 11 octobre 2024.
En ce qui concerne tout d’abord la légalité externe de la décision d’injonction litigieuse, il y a lieu de rappeler que si le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut certes à une contestation1, force est toutefois de constater que la société demanderesse reste en défaut de libeller un quelconque moyen concret en ce qui concerne la légalité externe de la décision directoriale attaquée, le seul fait de « laisser au tribunal le soin de juger si le manquement dans l’agissement des autorités fiscales belges ne devrait pas in fine s’analyser en une illégalité externe » ne pouvant, en tout état de cause s’analyser en un moyen en droit intelligible. Or, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la société demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, une telle obligation incombant au seul litismandataire de la société demanderesse, professionnel de la postulation.
Quant à la légalité interne de la décision directoriale déférée, il y lieu de relever que, pour ce qui est de la notion de pertinence vraisemblable, l’article 6 de la loi du 29 mars 2013 dispose comme suit :
« A la demande de l’autorité requérante, l’autorité requise luxembourgeoise lui communique les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne de l’Etat membre requérant relative aux taxes et impôts visés à l’article 1er, dont elle dispose ou qu’elle obtient à la suite d’enquêtes administratives ».
L’article 6bis, qui constitue la transposition de l’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal est libellé comme suit dans ses paragraphes (1) et (2) :
« (1) Aux fins d’une demande visée aux articles 5 et 6, les informations demandées sont vraisemblablement pertinentes lorsque, au moment où la demande est formulée, l’autorité requérante estime que, conformément à son droit national, il existe une possibilité raisonnable que les informations demandées soient pertinentes pour les affaires fiscales d’un ou plusieurs contribuables, identifiés par leur nom ou autrement, et justifiées aux fins de l’enquête.
1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 905 et les autres références y citées.
(2) Dans le but de démontrer la pertinence vraisemblable des informations demandées, l’autorité requérante fournit au moins les informations suivantes à l’autorité requise :
a) la finalité fiscale des informations demandées ; et b) la spécification des informations nécessaires à l’administration ou à l’application de son droit national ».
L’article 3 de la loi du 25 novembre 2014 dispose encore que : « (1) L’administration fiscale compétente vérifie la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements.
La demande d’échange de renseignements est régulière en la forme si elle contient l’indication de la base juridique et de l’autorité compétente dont émane la demande ainsi que les autres indications prévues par les Conventions et lois.
L’administration fiscale compétente s’assure que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause. […] ».
Il résulte des dispositions précitées que l’administration fiscale compétente doit, d’une part, vérifier la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements et, d’autre part, s’assurer que les renseignements demandés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable eu égard à l’identité de la personne visée par la demande d’échange de renseignements et à celle du détenteur des renseignements, ainsi qu’aux besoins de la procédure fiscale en cause.
Concernant plus particulièrement la notion de pertinence vraisemblable, conformément à la jurisprudence en la matière2, il convient de déduire de la nouvelle définition du critère de la pertinence vraisemblable telle que découlant de l’article 6bis, paragraphe (1) de la loi du 29 mars 2013, et des exigences découlant du respect des droits fondamentaux, qu’il y a lieu de vérifier si le descriptif de la finalité fiscale poursuivie, tel que fourni par l’autorité requérante d’un autre Etat membre, est suffisant pour justifier que son appréciation quant à l’existence d’une possibilité raisonnable de pertinence des renseignements sollicités et spécifiés dans la demande par rapport à l’objet fiscal de l’enquête en cours à l’égard d’un ou de plusieurs contribuables identifiés, ne soit pas manifestement infondée. Une décision d’injonction est dès lors à qualifier de « pêche aux renseignements » si elle est basée sur une demande d’échange de renseignements dont le descriptif de la finalité fiscale poursuivie ne permet manifestement pas de justifier l’appréciation de l’autorité requérante quant à l’existence d’une possibilité raisonnable de pertinence des renseignements concrètement sollicités par rapport à l’objet de l’enquête et à l’identité du ou des contribuables visés.
S’agissant ensuite du contrôle à opérer par les juridictions administratives, le tribunal relève qu’il est de jurisprudence3 que le rôle du juge administratif luxembourgeois saisi, en tant que juridiction compétente de l’Etat requis dans le cadre d’une procédure d’échange de renseignements diligentée par un autre Etat, d’un recours en annulation contre une décision d’injonction du directeur de communiquer des renseignements, est limité à la vérification de la cohérence de l’ensemble des explications exposées par l’autorité requérante à la base de sa 2 Cour adm, 25 janvier 2024, n° 49787Cdu rôle ; Cour adm, 13 février 2024, n° 49865C du rôle, Cour adm, 9 juillet 2024, n° 50519C du rôle, disponibles sous www.jurad.etat.lu.
3 Cour adm., 28 janvier 2025, n° 52107C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu. demande, sans que celle-ci n’ait à prouver le respect des règles de son droit interne pas plus que la matérialité des faits invoqués. En conséquence, il n’appartient en principe pas au juge luxembourgeois de procéder, en la présente matière, à un contrôle de la matérialité des faits invoqués par l’autorité requérante ou de la conformité de l’enquête à la base de la demande d’échange au droit interne de l’Etat requérant. Il s’ensuit que les personnes concernées par la demande de renseignements ne sauraient être admises à apporter la preuve, au cours de la phase contentieuse, que les explications soumises par l’Etat requérant reposent sur des faits inexacts ou sur une enquête non conforme à son droit interne, cette démarche imposant, en effet, au juge luxembourgeois de se livrer à un contrôle de la matérialité des faits à la base de la demande de renseignements de l’autorité étrangère ou à une analyse du droit interne de l’Etat requérant. Un tel débat doit, le cas échéant, être porté par le contribuable concerné devant les autorités compétentes de l’Etat requérant.
Il n’est fait exception à cette limitation du rôle du juge luxembourgeois que dans les hypothèses où la personne ayant recouru contre une décision directoriale d’injonction de fournir des renseignements soumet en cause des éléments circonstanciés qui sont de nature à ébranler sérieusement le contenu de la demande de renseignements étrangère en des volets essentiels de la situation factuelle ou juridique à la base de la demande d’échange de renseignements et qui reviennent ainsi à affecter sérieusement la vraisemblance de la pertinence des informations sollicitées ou d’autres conditions posées à un échange de renseignements4, dont celle relative à l’épuisement des sources d’informations internes.
En l’espèce, le tribunal constate que la demande de renseignements émanant de l’autorité fiscale belge indique, outre sa base juridique et l’autorité belge compétente dont elle émane, l’identité du contribuable visé, à savoir principalement Monsieur (A), nommément désigné, de même qu’elle contient un descriptif de l’affaire et de la finalité fiscale pour laquelle les renseignements sont demandés, à savoir la vérification de la situation fiscale du contribuable visé, dont l’autorité fiscale belge estime que, dans les faits, il réside en Belgique avec son épouse, Madame (B), de sorte à y être soumis ensemble avec celle-ci à la législation fiscale belge laquelle prévoirait une déclaration complète en Belgique de ses revenus mondiaux. L’objectif de la demande d’échange de renseignements litigieuse consiste ainsi plus particulièrement à permettre à l’autorité fiscale belge de disposer du détail des revenus mondiaux de Monsieur (A) et d’obtenir, dans ce contexte, pour la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, des informations « notamment en ce qui concerne la régularisation du compte courant [à lire : du contribuable visé auprès de la société (AA)] et les retraits du compte courant », ainsi que les revenus professionnels perçus par Monsieur (A) en sa qualité de bénéficiaire effectif, administrateur unique et employé de la société demanderesse.
La demande étrangère contient, à cet égard, sous l’intitulé « C.9. PRETS et CREDITS », des « Informations contextuelles spécifiques », à savoir que « M. (A) a déclaré qu’au 28 août 2014, il disposait d’un compte courant auprès de (AA) d’un peu plus de … EUR, qui a connu une croissance historique. Le 29.08.2014, un montant de … EUR a été retiré en espèces du compte de (AA) au profit de M. (A). » et qu’« Une précédente demande d’informations a confirmé que cette somme était effectivement imputée au compte courant. Evolution du solde de la dette envers l’associé au 31/12 des années suivantes : 2015 …€, 2016 …€, 2017 …€, 2018 …€, 2020 …€. Au 31/12/2019 la société avait une créance sur associé de …€. ».
4 Cour adm., 1er octobre 2020, n° 44825C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1529 ; Cour adm., 20 avril 2023, n°48650C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.Elle renseigne également que l’autorité fiscale belge a épuisé, dans son pays, toutes les sources habituelles de renseignements à sa disposition pour obtenir les renseignements requis, tout en donnant, dans ce contexte, les précisions suivantes : « […] toutes les sources disponibles au niveau national ont été épuisées afin de rassembler les informations nécessaires pour déterminer la situation fiscale du contribuable concerné par le présent contrôle fiscal.
Compte tenu de la réticence de M. (A) à nous fournir les informations demandées et certaines pièces justificatives, la coopération de l’administration fiscale luxembourgeoise est sollicitée pour fournir les informations ci-dessous et pour vérifier l’exactitude des informations déjà en notre possession ». Suite au reproche formulé par la société demanderesse à travers son recours suivant lequel les renseignements demandés auraient déjà été sollicités et fournis par le passé, l’autorité fiscale belge a encore fourni, sur demande afférente de l’autorité luxembourgeoise, des explications supplémentaires en confirmant que la demande du 10 septembre 2024 à la base de la décision d’injonction actuellement litigieuse « porte sur la période allant du 1.01.2021 au 31.12.2023. », contrairement à la « demande de renseignements précédente [qui] portait sur la période allant du 1.01.2014 au 31.12.2020. ».
D’un point de vue formel, il y a dès lors lieu d’admettre que la demande de renseignements répond aux exigences légales.
Ensuite, il y a lieu de relever que les contestations de la société demanderesse visent en substance à reprocher au directeur d’avoir donné suite à la demande d’informations étrangère alors même (i) qu’il ne serait pas établi que Monsieur (A) serait à considérer, pour la période d’imposition en cause, comme résident belge, vu que, suivant le certificat de résidence versé en cause, il aurait été un résident luxembourgeois, (ii) que l’autorité fiscale belge tenterait d’obtenir des renseignements en se basant sur des indices recueillis de manière illicite en Belgique et en se fondant sur des éléments erronés, en l’occurrence la résidence de Monsieur (A) (iii) que l’autorité fiscale belge solliciterait des renseignements qui auraient d’ores et déjà été fournis, de sorte à se livrer à une pêche aux renseignements, (iv) qu’au vu de toutes ces considérations, il ne serait pas clair si et dans quelle mesure la demande étrangère s’inscrit dans une enquête précise et (v) que l’autorité requérante n’aurait pas épuisé toutes les sources en droit interne belge. Ce serait ainsi à tort que malgré le fait que ces éléments factuels auraient été connus du directeur, celui-ci aurait pris la décision litigieuse.
Le tribunal se doit de relever qu’il n’est pas tenu par l’ordre dans lequel lui sont présentés les moyens, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
Il y a tout d’abord lieu de constater que l’autorité fiscale belge part de la prémisse qu’en application de son droit interne, Monsieur (A) est à considérer comme résident fiscal belge pour la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, étant relevé que, dans sa demande, elle a précisé que l’administration fiscale belge avait enquêté sur la situation fiscale de Monsieur (A) et que cette enquête avait révélé que conformément à l’article 4 de la Convention, celui-ci devait être considéré comme résident belge et, en tant que tel, comme soumis à la législation fiscale belge et obligé de déclarer de manière complète ses revenus mondiaux en Belgique. Il se dégage plus particulièrement de la demande de renseignements que la conclusion de l’autorité fiscale belge suivant laquelle l’intéressé était à considérer, pour ce qui est de la période d’imposition en cause, en tant que résident fiscal en Belgique assujetti en tant que tel à la législation fiscale belge se dégagerait de l’examen de différentes données dont disposerait ladite autorité, à savoir sur le fait que « M. (A) et Mme (B) forment toujours une famille unie et il n’y a pas de séparation de fait. La famille est établie en Belgique, par 15 conséquent, d’un point de vue fiscal, M. (A), en tant que membre de la famille, doit également être considéré comme résident belge (Parce que la famille réside légalement en Belgique et que les recherches démontrent que M. (A) réside effectivement en Belgique, la présomption irréfutable s’applique) », et que « M. (A) (indépendamment de cette présomption légale) est également résident effectif en Belgique. M. (A) et n’a jamais exprimé l’intention ou la volonté de transférer son domicile à l’étranger de manière complète et définitive. Son domicile réel était et est toujours la Belgique ». La demande d’informations étrangère indique dès lors clairement l’enquête précise dans laquelle elle s’inscrit, de sorte que les reproches afférents sont à rejeter.
Il convient ensuite de rejeter, pour être non fondées, les contestations quant à la qualité de résident fiscal belge de Monsieur (A) en ce qu’elles visent, en substance, à critiquer le fait que ce serait sur base de données récoltées de manière illicite que l’autorité fiscale belge estime que son domicile réel se trouverait en Belgique et non au Luxembourg. Comme ces contestations ont trait à des considérations factuelles, voire à la conformité de la procédure fiscale menée en Belgique au droit interne belge, un tel examen de la situation fiscale du contribuable visé dans l’Etat requérant excèderait le rôle et les pouvoirs du tribunal dans le cadre du présent recours en annulation, tel qu’il a été décrit ci-avant. En effet, il est de jurisprudence que l’application et l’interprétation de la législation fiscale étrangère relèvent de la seule compétence de l’autorité requérante étrangère, de sorte qu’il n’appartient pas au tribunal de remettre en question les constatations effectuées par l’autorité requérante conformément à son droit interne. En tout état de cause, les contestations liées à la résidence fiscale des contribuables constituent des éléments de droit matériel qui relèvent de la seule compétence des administrations et juridictions de l’Etat requérant où ils sont soupçonnés disposer de leur résidence fiscale et où il leur est loisible d’introduire les recours qui leur sont garantis aussi bien par le droit interne que par le droit de l’Union européenne5.
Si, tel que relevé ci-avant, il est vrai qu’il est fait exception à cette limitation du rôle du juge luxembourgeois lorsque la personne ayant recouru contre une décision directoriale d’injonction de fournir des renseignements soumet des éléments circonstanciés qui sont de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements étrangère en des volets essentiels de la situation factuelle ou juridique à la base de la demande d’échange de renseignements et qui reviennent ainsi à affecter sérieusement la vraisemblance de la pertinence des informations sollicitées ou d’autres conditions posées à un échange de renseignements, dont celle relative à l’épuisement des sources d’information internes, le tribunal se doit, dans ce contexte, de relever que les trois jugements du tribunal de grande instance de Gand versés en cause ne sont pas de nature à remettre en cause le contenu de la demande d’échange de renseignements en des volets essentiels.
En effet, d’un côté, il se dégage des informations complémentaires fournies par l’autorité belge à ce sujet, sur demande afférente de l’autorité luxembourgeoise, que les trois jugements en question n’ont pas encore acquis autorité de chose jugée pour faire l’objet, en ce qui concerne les deux premiers, de procédures d’appel, respectivement pour s’agir, en ce qui concerne le troisième, d’un jugement interlocutoire, et que, de l’autre côté, même si ces jugements font état de preuves qui auraient été recueillies par l’administration fiscale belge en violation de certaines dispositions légales lors d’une visite fiscale effectuée en date du 20 septembre 2019 au siège de la société de droit belge (BB) SA, dont le contribuable visé est, selon la demande étrangère, l’administrateur indirect, cet état de fait ne permet pas d’exclure 5 Cour adm., 17 mars 2022, n° 47008C du rôle, c. trib. adm., 24 janvier 2022, n° 46272 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.que l’autorité fiscale belge dispose d’autres éléments sous-tendant sa déclaration, dans la demande d’échange de renseignements, suivant laquelle elle possède des données dont l’examen avait permis de révéler que, d’un point de vue fiscal, Monsieur (A) était à considérer comme un résident belge. Ce constat s’impose d’autant plus que la demande étrangère se réfère non seulement à la visite effectuée le 20 septembre 2019, objet des jugements prévisés, mais également à des visites effectuées les 20 septembre et 7 octobre 2019 au domicile officiel de l’épouse de Monsieur (A) sis à B-… - dont elle soupçonne que le contribuable visé y réside lui-
aussi, malgré le fait qu’il dispose d’une adresse au Luxembourg - lors desquelles l’accès a été à chaque fois refusé aux agents de contrôle, ainsi qu’aux diverses demandes de renseignements adressées aussi bien au contribuable visé et à son épouse qu’à la société demanderesse et restées sans réponse.
Pour ce qui est des développements de la société demanderesse visant, en substance, à reprocher à l’autorité fiscale belge de demander des renseignements qui, pour la plupart, auraient d’ores et déjà été fournis, respectivement de ne pas avoir épuisé toutes les sources en droit interne, tout en contestant un défaut de coopération dans son chef, voire dans celui du contribuable visé, ceux-ci sont également à rejeter pour manquer de fondement.
En effet, tel que relevé ci-avant, l’autorité fiscale belge a indiqué, dans le formulaire utilisé pour introduire sa demande d’échange de renseignements, avoir épuisé les sources habituelles de renseignements qu’elle aurait pu déployer pour obtenir les informations recherchées sans courir le risque de compromettre le résultat de son enquête, cette information étant appuyée par le fait que l’autorité fiscale belge a précisé dans le formulaire en question que « [c]ompte tenu de la réticence de M. (A) à [lui] fournir les informations demandées et certaines pièces justificatives, la coopération de l’administration fiscale luxembourgeoise » était sollicitée pour fournir les informations requises dans la demande et pour vérifier l’exactitude des informations déjà en sa possession.
Si certes il se dégage des éléments du dossier que des demandes de renseignements ont déjà été adressées par l’autorité fiscale belge aussi bien à la société demanderesse qu’à Monsieur (A), il n’en reste pas moins qu’outre le fait qu’elles ne portaient pas sur la même période d’imposition, la demande de renseignements à la base de la décision d’injonction actuellement litigieuse indique que la société demanderesse a répondu à la demande de renseignements lui adressée le 18 août 2020, concernant les exercices d’imposition 2014 à 2020, qu’elle n’avait pas l’obligation de donner suite à cette demande, tandis que la demande de renseignements adressée à Monsieur (A) et à son épouse le 15 mars 2022, laquelle contenait des questions relatives cette fois-ci aux exercices d’imposition 2016 à 2022, n’a pas non plus connu de suites. L’autorité fiscale belge a encore précisé à ce sujet dans sa prise de position complémentaire du 9 janvier 2025, sur demande afférente des autorités luxembourgeoises, qu’au cours de son enquête « une demande de renseignements a déjà été envoyée à deux reprises à l’adresse résidentielle réelle de M. (A) en Belgique (en 2020 et 2022), à laquelle il a été répondu qu’il ne devait pas répondre car il se considérait comme un résident luxembourgeois. Dans ce cadre, il a été interrogé sur ses revenus mondiaux ». S’il se dégage encore des pièces versées en cause qu’en date des 28 décembre 2021 et 19 avril 2022, le directeur a déjà adressé, à la suite d’une demande d’échange de renseignements lui transmise par l’autorité fiscale belge le 16 décembre 2021, des décisions d’injonction à la société demanderesse, respectivement directement à Monsieur (A), celles-ci visaient, quant à elles, à obtenir des renseignements pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020.
La société demanderesse se contente, de son côté, d’affirmer péremptoirement que les renseignements sollicités à travers la décision directoriale actuellement litigieuse auraient déjà été fournis pour dénier toute pertinence vraisemblable aux renseignements demandés, sans toutefois sous-tendre cette affirmation par un quelconque élément de preuve tangible, étant rappelé que les décisions d’injonction des 28 décembre 2021 et 19 avril 2022 visaient la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020, tandis que suivant les éléments du dossier, les demandes de renseignements adressées directement par l’autorité fiscale belge à la société demanderesse, respectivement au contribuable visé sont restées sans réponse et qu’il se dégage du complément d’informations fourni par les autorités belges qu’à « l’heure actuelle, aucun détail n’est connu concernant la structure/composition du compte courant et les retraits sur le compte courant » et que « [d]ans le cadre de l’enquête, les autorités fiscales belges souhaitent obtenir des informations sur le compte courant accumulé et les reprises du compte courant ».
Le tribunal se doit, dans ce contexte, de relever qu’il ne lui appartient, en tout état de cause, pas d’apprécier le caractère complet ou non des informations d’ores et déjà fournies par le contribuable visé ou le détenteur des renseignements à l’autorité belge, l’analyse des informations et pièces collectées, de même que la détermination de l’étendue de l’obligation fiscale en Belgique revenant en tout état de cause aux autorités de l’Etat requérant, tel que relevé ci-avant.
Enfin, le tribunal rejoint la partie étatique dans son constat suivant lequel le fait même que le contribuable visé n’a, de manière non contestée, pas donné suite à la demande de renseignements lui adressée par l’autorité fiscale belge le 15 mars 2022, laquelle contenait des questions relatives aux années d’imposition 2016 à 2022, respectivement le fait que lors d’une visite effectuée le 20 septembre 2019 au domicile officiel de son épouse en Belgique, l’accès a été refusé aux autorités belges, ensemble les autres éléments du dossier, sont de nature à corroborer l’affirmation de l’autorité fiscale belge suivant laquelle le contribuable visé est réticent à lui fournir les informations demandées.
En l’absence de tout élément circonstancié de nature à venir contredire les indications de l’autorité fiscale belge, il y a lieu d’admettre en l’état que celle-ci a bien respecté à suffisance la condition de l’épuisement des sources disponibles au niveau national avant d’introduire sa demande d’échange de renseignements.
Au vu des considérations qui précèdent, les contestations de la société demanderesse visant en substance à reprocher au directeur d’avoir donné suite à la demande d’informations étrangère malgré les divers manquements dont celle-ci aurait été entachée sont dès lors à rejeter in globo.
En ce qui concerne ensuite concrètement la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités, il y a lieu de constater que la demande des autorités belges renseigne les liens entre le contribuable visé et la société demanderesse en indiquant que Monsieur (A) serait, selon leurs informations, « le bénéficiaire effectif (…) de (AA) SA », de même qu’il serait « employé par (AA) SA » et que depuis le 22 décembre 2015, il serait « administrateur unique de (AA) SA », étant relevé que ces liens ne sont pas autrement remis en cause.
En tout état de cause, au regard du descriptif de la demande formulée par l’autorité fiscale belge et de la finalité étayée des informations qu’elles souhaitent collecter par le biais des autorités luxembourgeoises, à savoir déterminer si le contribuable visé, dont elles estiment qu’il est à considérer comme un résident fiscal belge et, en tant que tel, soumis à la législation fiscale belge, a perçu au cours de la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023 desrevenus de la part de la société demanderesse et s’il a ou non effectué des retraits ou des paiements sur le compte courant de la société demanderesse au cours de cette même période en vue d’obtenir un avantage imposable pour lui-même, le tribunal est amené à retenir qu’un lien entre l’ensemble des questions posées et le but fiscal affirmé, d’une part, et une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révèleront pertinents pour la vérification fiscale menée par l’autorité requérante, d’autre part, ne peuvent pas être exclus au regard des éléments figurant au dossier administratif, de sorte que le recours sous examen, en l’absence d’autres moyens, encourt le rejet pour manquer de fondement.
Concernant enfin l’argumentation de la société demanderesse selon laquelle la décision d’injonction porterait atteinte au principe de proportionnalité, ensemble le principe « de loyauté de preuve », il y a lieu de relever que le caractère proportionné d’une ingérence étatique dans la sphère d’activité privée par rapport au but légitime poursuivi est seulement donné s’il est suffisamment probable que les renseignements sollicités serviront à la fixation de l’impôt. Ce critère de la pertinence vraisemblable des informations demandées pour l’enquête en cours et la finalité fiscale avancée par l’Etat requérant s’analyse partant en une application particulière en matière d’échange de renseignements du critère plus général de la proportionnalité découlant de ces dispositions. La Cour de Justice de l’Union européenne a notamment jugé dans son arrêt du 16 mai 20176 que la pertinence vraisemblable des informations demandées par un Etat membre à un autre Etat membre constitue une condition à laquelle la demande d’informations doit satisfaire pour déclencher l’obligation de l’Etat membre requis d’y donner suite, et par là même, une condition de légalité de la décision d’injonction adressée par cet Etat membre à un administré7. Or, la conclusion ci-avant tirée qu’une possibilité raisonnable que les renseignements demandés en l’espèce se révéleront pertinents pour la vérification fiscale menée doit également emporter la conclusion de la conformité de la décision d’injonction par rapport au principe général du droit de proportionnalité entre la protection des personnes et l’intervention de la puissance publique tel qu’établi par la jurisprudence de la CJUE. Le reproche afférent est dès lors également à rejeter.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Compte tenu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la société demanderesse tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.-
euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le déclare non justifié et en déboute ;
rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure telle que sollicitée par la société anonyme (AA) SA ;
6 CJUE (grande chambre), 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund SA c. directeur de l’administration des Contributions directes, C-682/15.
7 Cour adm., 12 décembre 2019, n° 43732C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
condamne la société anonyme (AA) SA aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 10 février 2025 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 20