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11/02/2025 | LUXEMBOURG | N°47821

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 février 2025, 47821


Tribunal administratif No 47821 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47821 4e chambre Inscrit le 16 août 2022 Audience publique du 11 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47821 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2022 par Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), commissaire divisionnaire auprès de...

Tribunal administratif No 47821 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47821 4e chambre Inscrit le 16 août 2022 Audience publique du 11 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47821 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2022 par Maître Noémie SADLER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), commissaire divisionnaire auprès de la police grand-ducale, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 17 mai 2022 lui refusant une reconstitution de sa carrière ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Noémie SADLER, préqualifiée, déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2022 pour le compte de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 novembre 2024.

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Il ressort des explications concordantes de part et d’autre, qu’en date du 1er février 2010, Monsieur (A) fut admis au stage dans l’actuel groupe de traitement A1 au sein de la police grand-ducale.

Suite à la réussite de son stage, Monsieur (A) fut nommé au grade de commissaire principal du cadre policier de la Police grand-ducale avec effet au 1er mars 2012.

Par un courrier du 22 avril 2021 adressé au ministre de la Sécurité intérieure, ci-après dénommé « le ministre », Monsieur (A), ensemble avec deux de ses collègues de travail, formula une demande d'alignement de leurs avancements sur ceux des collègues de travail ayant bénéficié d'un changement de carrière du groupe de traitement C1 vers le groupe de traitement A1 sur base de l'article 24 de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d'un 1corps de police grand-ducale et d'une inspection générale de la police, dénommée ci-

après « la loi du 31 mai 1999 ». Cette demande fut motivée comme suit :

« (…) Nous prenons la respectueuse liberté de nous adresser à vous afin de vous faire part d'une application incorrecte de l'ancienneté au sein du groupe de traitement A1 policier qui nous porte préjudice.

Conformément au point 3 de l'article 54 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police Grand-ducale « l'ancienneté se définit pour les groupes de traitement A1 respectivement A2 par la date de première nomination du fonctionnaire dans son groupe en fonction du classement à l'examen de fin de stage. […] ».

Il y a lieu de constater que la loi du 18 juillet 2018 ne fait que réitérer les principes consacrés par les articles 4 et 6 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d'instruction et d'avancement du personnel policier.

Partant, en vertu des dispositions légales actuellement en vigueur, le rang d'ancienneté est fixé par la date de première nomination dans le groupe de traitement A1 en fonction du classement à l'examen de fin de stage.

Toutefois, malgré la clarté des principes énoncés, il échet de constater qu'au fil des dernières années certains collègues nommés dans le groupe de traitement A1 policier suite au changement de carrière prévu à l'article 24 de la loi modifiée du 31 mai 1999 sur la police nous ont dépassés dans la liste d'ancienneté sans justification légale aucune.

Cette pratique généralisée porte évidemment préjudice à nos expectations de carrière légitimes, tant au niveau de l'attribution des postes en général qu'au niveau de la nomination à des postes à responsabilité en particulier.

A l'heure actuelle, 4 membres du groupe de traitement C1 ayant intégré le groupe de traitement A1 via le mécanisme du changement de carrière de l'article 24 précité ont bénéficié d'un avancement accéléré portant préjudice à 31 membres du groupe de traitement A1, recrutés sur base d'un diplôme universitaire.

La liste des personnes lésées risque de s'allonger davantage dans les prochaines années dans la mesure où l'article 95 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 fait revivre jusqu'en 2028 le mécanisme du double, désormais triple changement de carrière de l'article 24 de la loi modifiée du 31 mai 1999.

L'analyse de toutes les dispositions légales en vigueur ne permet pas d'expliquer les avancements particulièrement rapides des membres du groupe de traitement A1 policier ayant bénéficié d'un changement de carrière par rapport aux membres du groupe de traitement Al policier, recrutés sur base d'un diplôme universitaire.

Ce traitement inégal de deux groupes de personnes qui se trouvent dans une situation identique (mêmes postes, mêmes fonctions, mêmes responsabilités) constitue clairement une violation du principe constitutionnel de l'égalité devant la loi consacré par l'article 10bis, paragraphe 1, de notre Constitution. Il paraît en effet aberrant que le niveau d'études plus élevé des policiers A1 recrutés sur base d'un diplôme universitaire, seule différence entre les 2groupes en question, justifierait une discrimination négative dans leur chef tant sur le plan pécuniaire qu'au niveau des avancements et des prévisions de carrière.

Le compte-rendu de la réunion du 27 avril 2018 entre le MSI, le MFP et l’ACSP que vous trouverez en annexe de la présente résume judicieusement la problématique tout en illustrant l'inégalité qui en résulte sur le plan pécuniaire.

Votre prédécesseur, Monsieur le Ministre Etienne SCHNEIDER, en ignorant en connaissance de cause nos doléances légitimes, a permis la création d'une situation conflictuelle et injuste qui ne résulte certainement pas d'un choix délibéré du législateur, tenu par le principe constitutionnel évoqué ci-dessus. Affirmer le contraire serait nier l'évidence.

Par conséquent nous vous prions de bien vouloir rectifier cette injustice en alignant les nominations aux grades des policiers A1 recrutés sur diplôme universitaire sur les nominations aux grades des policiers A1 issus d'un changement de carrière nommés à la même date ou à une date ultérieure dans le groupe de traitement A1.

L'article 24 de la loi modifiée du 31 mai 1999 précitée dispose que la nomination du fonctionnaire C1, effectuant un changement de carrière, dans la carrière supérieure (groupe de traitement A1) se fait en cas de réussite du candidat à l'école dispensant les études supérieures de police.

En fonction des principes fixant le rang d'ancienneté, la liste d'ancienneté ci-dessous devrait être adaptée :

Extrait de la liste d'ancienneté anonymisée (extrait des données SAP du 15/4/2021) Rang Nom/Prénom Grade 27 … Premier commissaire divisionnaire 28 … Premier commissaire divisionnaire 29 … Premier commissaire divisionnaire 30 … Premier commissaire divisionnaire 31 … Premier commissaire divisionnaire 32 … Premier commissaire divisionnaire 33 … Premier commissaire divisionnaire 34 … Premier commissaire divisionnaire 35 … Commissaire divisionnaire 36 … Commissaire divisionnaire 37 … Commissaire divisionnaire 38 … Commissaire divisionnaire 39 … Commissaire divisionnaire 40 … Commissaire divisionnaire 41 … Commissaire divisionnaire 42 … Commissaire divisionnaire 43 … Commissaire divisionnaire 44 (A) Commissaire divisionnaire 45 … Commissaire divisionnaire 46 … Commissaire divisionnaire 47 … Commissaire divisionnaire 48 … Commissaire divisionnaire 349 … Commissaire divisionnaire 50 … Commissaire divisionnaire 51 … Commissaire divisionnaire 52 … Commissaire divisionnaire 53 … Commissaire divisionnaire 54 … Commissaire divisionnaire 55 … Commissaire divisionnaire 56 … Premier commissaire principal 57 ….

Premier commissaire principal 58 … Premier commissaire principal 59 … Premier commissaire principal 60 … Premier commissaire principal 61 … Premier commissaire principal 62 … Premier commissaire principal 63 … Premier commissaire principal 64 … Premier commissaire principal … (n°28), changement de carrière, ayant terminé ses études supérieures de police fin février 2011, devrait figurer dans la liste d'ancienneté derrière … (n°42), universitaire, qui a terminé ses études supérieures de police en 2009.

Comme … fut nommé au grade de premier commissaire divisionnaire (ancien grade P12 devenu le grade F15) en date du 1er octobre 2015, tous les universitaires (du n°29 … jusqu'au n°42 …), nommés dans la carrière supérieure avant …, devraient être nommés à la même date au grade P12 (devenu F15) afin de garder leur rang d'ancienneté. En effet, si la date de nomination est la même, le classement à l'école permet de fixer le rang.

… (n°40), changement de carrière, ayant terminé ses études supérieures de police en septembre 2014, devrait figurer dans la liste d'ancienneté derrière … (n°50), universitaire, qui a terminé ses études supérieures de police en septembre 2013.

Comme … fut nommé au grade de commissaire divisionnaire (ancien grade P11 devenu le grade F14) en date du 1er octobre 2016, tous les universitaires (du n°43 … jusqu'au n°50 …), nommés dans la carrière supérieure avant … devraient être nommés à la même date au grade P11 (devenu F14) afin de garder leur rang d'ancienneté. En effet, si la date de nomination est la même, le classement à l'école permet de fixer le rang.

… (n°46), changement de carrière, ayant terminé ses études supérieures de police en fin septembre 2015, devrait figurer dans la liste d'ancienneté derrière … (n°55), universitaire, qui a terminé ses études supérieures de police en septembre 2014.

Comme … fut nommé au grade de commissaire divisionnaire (grade F13) en date du 1.06.2019, tous les universitaires (du n°52 … jusqu'au n°55 …), nommés dans la carrière supérieure avant … devraient être nommés à la même date au grade F13 afin de garder leur rang d'ancienneté. En effet, si la date de nomination est la même, le classement à l'école permet de fixer le rang.

… (n°51), changement de carrière, ayant terminé ses études supérieures de police à la fin du mois d'avril 2018, devrait figurer dans la liste d'ancienneté derrière … (n°62), universitaire, qui a terminé ses études supérieures de police en juillet 2017.

4 Comme … fut nommé au grade de commissaire divisionnaire (grade F13) en date du 01.04.2020, tous les universitaires (du n°52 … jusqu'au n°55 …), nommés dans la carrière supérieure avant … devraient être nommés à la même date au grade F13 afin de garder leur rang d'ancienneté. En effet, si la date de nomination est la même, le classement à l'école permet de fixer le rang.

En outre, tout avancement subséquent en grade devrait également faire l'objet d'un alignement afin d'éviter tout traitement discriminatoire des membres policiers A1, recrutés sur base d'un diplôme universitaire.

Il y a lieu de noter enfin que Monsieur le Ministre SCHNEIDER a fait référence à l'arrêt 39697C de la Cour administrative, rendu le 12 décembre 2017, pour justifier les nominations rétroactives de … (n°28) et … (n°40) aux grades F15 respectivement F14, sans prendre en considération que l'arrêt en question a analysé la demande d'un policier A1, certes issu d'un changement de carrière, mais qui fut en même temps titulaire d'un diplôme universitaire. Il ressort de la lecture de l'arrêt que le critère du diplôme a influencé le raisonnement de la Cour administrative qui arrive à la conclusion que « la nouvelle carrière A1 du sous-groupe police ne prévoit plus une subdivision suffisante pour fonctionner en tant que frein à l'avancement au-delà du grade F11 [devenu F13] pour un fonctionnaire présentant, au moment pertinent, à la date du 1er octobre 2015 […] les conditions de diplôme requises pour pouvoir accéder plus loin aux grades F11 et F12 [devenus F14 et F15] dans la carrière A1 dorénavant ouverte aux fonctionnaires de la Police Grand-Ducale s'y trouvant d'ores et déjà d'après les dispositions de la loi du 25 mars 2015. » Or, ni … (n°28) ni … (n°40) ne remplissaient la condition du diplôme universitaire au jour de l'arrêté grand-ducal litigieux qui leur confère une reconstitution de carrière particulièrement favorable sur base de l'article 42 (a) de la loi modifiée du 25 mars 2015. En procédant de sorte, l'exécutif ne donne non seulement une interprétation erronée à l'arrêt de la Cour administrative, mais fait surtout volontairement fi de la ratio legis qui réservait le bénéfice de ladite disposition (point a de l'article 42) aux fonctionnaires n'ayant pas encore bénéficié d'un changement de carrière au cours de leur vie professionnelle. Force est de constater que la volonté du législateur résulte à suffisance du commentaire de l'article 38 (devenu l'article 42 de la loi modifiée du 25 mars 2015) qui qualifie comme inéquitable l'approche choisie in fine par le Ministre SCHNEIDER. Le compte-rendu de la réunion du 27 avril 2018 dressé par 1'ACSP en parle également. Monsieur le Ministre SCHNEIDER a donc agi en connaissance de cause, méprisant volontairement la volonté du législateur et nos droits.

Enfin, le raisonnement de la Cour administrative dans l'arrêt précité se fonde intégralement sur l'idée que le législateur ait abandonné en 2015 la limitation aux grades du niveau inférieur (ancien cadre ouvert) portée par l'article 24 de la loi modifiée du 31 mai 1999 à l'avancement des policiers A1, issus d'un changement de carrière. Or la loi modifiée du 18 juillet 2018 fait à nouveau référence audit article 24 sans préciser que la limitation aux trois premières fonctions (correspondant aux grades F11, F12 et F13) du groupe de traitement A1 ne soit enlevée. La seule conclusion possible est que le législateur n'a jamais entendu abroger les dispositions de la loi spéciale du 31 mai 1999 par le texte général de la loi du 25 mars 2015. Cette thèse est par ailleurs appuyée par le fait que la loi du 25 mars 2015 ne comporte aucune disposition transitoire permettant de régler le sort des fonctionnaires C1 qui, au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2015, avaient 5entamé leurs études de police supérieures en vue d'un changement de carrière sur base de l'article 24 précité.

Une fois de plus le pouvoir exécutif a volontairement ignoré la ratio legis réitérée par la loi modifiée du 18 juillet 2018 dont la date de publication est antérieure aux règlements grand-ducaux portant nomination de … (n°28) et … (n°40), datés au 27 juillet 2018.

Au vu des développements qui précèdent, nous contestons que l'ancienneté de … (n°28) et … (n°40) soit légalement acquise au sens de l'article 93 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 et demandons dès lors l'alignement de nos carrières tel que décrit supra.

Il en est de même pour … (n°46) et … (n°51) dont l'avancement accéléré sur base de l'article 79 de la loi du 18 juillet 2018 est dénoué de tout fondement légal dans la mesure où les concernés ont fait un changement de carrière sur base de l'article 24 de la loi du 31 mai 1999 (C1 = A1) et non pas une carrière ouverte (C1 = B1) sur base de l'article 73 et suivants de la loi du 18 juillet 2018 à laquelle l'article précité réfère.

En raison de ce qui précède, nous demandons la nomination rétroactive des personnes lésées aux grades adaptés, conformément aux dates des promotions/avancements des policiers A1 issus du changement de carrière, au but de rétablir l'ancienneté dans la carrière A1 de la police, prescrite par l'article 54 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police Grand-ducale.

Depuis des années, aucune suite n'a été réservée par les responsables politiques à nos doléances alors même que l'ACSP a fait des démarches actives pour trouver une solution équitable et satisfaisante dans l'intérêt de tous les concernés.

La présente est faite sous toutes réserves généralement quelconques et sans reconnaissance préjudiciable aucune et nous nous réservons le droit d'entamer des démarches en justice afin de faire valoir nos droits. (…) ».

En date du 17 mai 2022, le ministre refusa de faire droit à ladite demande, dans le cadre d’une décision motivée comme suit :

« (…) Je me permets de revenir vers vous dans le cadre du courrier repris sous rubrique.

Je suis au regret de vous informer que je ne saurais faire droit à votre demande visant à :

a) nommer tous les universitaires du n°29 … jusqu'au n°42 …, nommés à la carrière supérieure (groupe de traitement A1) avant …, à la même date au grade P12 (devenu F15), à savoir au 1er octobre 2015 ;

b) nommer tous les universitaires du n°43 … jusqu'au n°50 …, nommés à la carrière supérieure (groupe de traitement A1) avant …, à la même date au grade P11 (devenu F14), à savoir au 1er octobre 2016 ;

c) nommer tous les universitaires du n°52 … jusqu'au n°55 …, nommés à la carrière supérieure (groupe de traitement A1) avant …, à la même date au grade F13, à savoir au 1er juin 2019 ;

6d) nommer tous les universitaires du n°56 … jusqu'au n°62 …, nommés à la carrière supérieure (groupe de traitement A1) avant …, à la même date au grade F13, à savoir au 1er avril 2020.

En effet, il n'existe pas de base légale permettant de procéder aux nominations sollicitées. Il en va de même de votre demande tendant à ce que tout avancement subséquent en grade devrait également faire l'objet d'un alignement. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2022, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 17 mai 2022, lui refusant la reconstitution de carrière sollicitée en date du 22 avril 2021.

Aucune disposition ne prévoyant un recours en fond en la présente matière, concernant une reconstitution de carrière dans le chef de Monsieur (A), le tribunal doit se déclarer incompétent pour statuer sur le recours principal tendant à la réformation de la décision déférée du 17 mai 2022, contre laquelle seul un recours en annulation a valablement pu être introduit.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours tout en se rapportant à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité en la pure forme et quant au délai du recours.

Force est au tribunal de préciser à cet égard que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-

même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que le délégué du gouvernement est resté en défaut de préciser dans quelle mesure le délai, respectivement les formes n’auraient pas été respectés, les moyens d’irrecevabilité afférents doivent être rejetés, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Le recours subsidiaire en annulation est dès lors recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique qu’il serait titulaire d'un diplôme de master en économie et retrace sa carrière au sein de la police grand-ducale dans le groupe de traitement A1, tout en précisant qu’il aurait accédé au grade F13 le 1er mars 2018 et qu’il n’aurait accédé au grade F14 du niveau supérieur qu’en date du 1er mars 2019.

Il fait ensuite relever qu’un dénommé …, qui ne serait pas titulaire d’un diplôme universitaire de niveau master, ayant fait un changement de carrière du groupe de traitement C1 vers le groupe de traitement A1 sur base de l'article 24 de la loi du 31 mai 1999 qui limiterait expressément les avancements aux trois grades du niveau inférieur (ancienne carrière ouverte), aurait, après ses études supérieures de police à Bruxelles, intégré l’actuel groupe de traitement A1 policier en octobre 2014 en tant que commissaire principal (grade P8 devenu F11) et aurait, en date du 1er octobre 2016, été nommé au grade F14, nomination lui ayant ainsi permis de le dépasser dans la liste d'ancienneté.

7 Le demandeur souligne que malgré le fait que la problématique des avancements accélérés des policiers ayant bénéficié d'un changement de la carrière C1 vers la carrière A1 aurait déjà été thématisée à de multiples reprises lors des discussions ayant eu lieu dans le cadre de l'élaboration de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, dénommée ci-après « loi du 18 juillet 2018 », telles que ces discussions ressortiraient également du compte-rendu de la réunion du 27 avril 2018 entre le ministère de la Sécurité intérieure, le ministère de la Fonction publique, la direction générale de la police grand-

ducale et l’association professionnelle des cadres supérieurs de la police, et faute de réactivité de la part du ministre, il se serait vu contraint à demander l'alignement de ses avancements par rapport à ceux du commissaire divisionnaire … par le courrier précité du 22 avril 2021.

En droit, le demandeur conclut à une mauvaise application du critère de l'ancienneté au sein du groupe de traitement A1 policier qui lui porterait préjudice et ce en violation de l’article 54, point 3 de la loi du 18 juillet 2018 selon lequel l'ancienneté se définirait, pour les groupes de traitement A1 respectivement A2, par la date de la première nomination du fonctionnaire dans son groupe, en fonction du classement à l'examen de fin de stage, principe qui aurait d’ailleurs déjà figuré aux articles 4 et 6 du règlement grand-ducal modifié du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d'instruction et d'avancement du personnel policier, précédemment applicable.

Alors même que le rang d'ancienneté serait fixé par la date de première nomination dans le groupe de traitement A1 en fonction du classement à l'examen de fin de stage, le dénommé …, ayant intégré le groupe de traitement A1 policier deux années et demie après lui, l’aurait cependant dépassé dans la liste d'ancienneté, suite à l’avancement de ce dernier au grade F14 en date du 1er octobre 2016, ce qui lui porterait préjudice tant au niveau de l'attribution des postes en général qu'au niveau de la nomination à des postes à responsabilité et ce, vu l'importance du critère de l'ancienneté dans un environnement policier caractérisé par le respect de la hiérarchie.

Etant donné qu’aucune disposition légale en vigueur ne permettrait d'expliquer les avancements particulièrement rapides des membres du groupe de traitement A1 policier ayant bénéficié d'un changement de la carrière C1 vers la carrière A1, par rapport aux membres du groupe de traitement A1 policier, recrutés sur base d'un diplôme universitaire de niveau master et ayant intégré ledit groupe de traitement à une date antérieure, le demandeur estime que l’avancement accéléré du dénommé … résulterait d'une application incorrecte de l’arrêt de la Cour administrative du 12 décembre 2017, inscrit sous le numéro 39697C du rôle, alors que cet arrêt aurait concerné l’avancement d’un agent qui serait certes issu d'un changement de carrière (C1 vers A1), mais qui aurait également été titulaire d’un diplôme université du niveau master, ce qui n’aurait cependant pas été le cas du dénommé ….

Ainsi, le dénommé … aurait bénéficié d’une reconstitution de carrière particulièrement favorable sur base de l'article 42, point (a) de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat, dénommée ci-après « la loi du 25 mars 2015 », par laquelle l'exécutif ne donnerait non seulement une interprétation erronée à l'arrêt précité de la Cour administrative, mais ferait surtout volontairement fi de la ratio legis qui aurait réservé le bénéfice de ladite disposition (point a) de l'article 42 précité aux fonctionnaires n'ayant pas encore bénéficié d'un changement de carrière au cours de leur vie professionnelle.

8Le demandeur donne à considérer que la volonté du législateur résulterait à suffisance du commentaire de l'article 38 (devenu l'article 42 de la loi du 25 mars 2015) qui qualifierait comme inéquitable l'approche choisie in fine par le ministre.

Enfin, le demandeur fait plaider que le raisonnement de la Cour administrative dans l'arrêt précité se fondant intégralement sur l'idée que le législateur aurait abandonné en 2015 la limitation aux grades du niveau inférieur (ancien cadre ouvert) portée par l'article 24 de la loi du 31 mai 1999 à l'avancement des policiers Al, issus d'un changement de carrière Cl vers A1, se heurterait à l’esprit de la loi du 18 juillet 2018, laquelle, dans sa référence audit article 24, ne préciserait pas que la limitation aux trois premières fonctions (correspondant aux grades F11, F12 et F13) du groupe de traitement A1 serait enlevée. Il faudrait dès lors en conclure que le législateur n'aurait jamais entendu abroger les dispositions de la loi spéciale du 31 mai 1999 par le texte général de la loi du 25 mars 2015, d’autant plus que cette dernière ne comporterait aucune disposition transitoire permettant de régler le sort des fonctionnaires Cl qui, au moment de son entrée en vigueur, auraient entamé leurs études supérieures de police en vue d'un changement de carrière sur base de l'article 24 de la loi du 31 mai 1999 précitée. Au contraire, dans l’hypothèse où la loi du 25 mars 2015 aurait purement et simplement abrogé les dispositions de l'article 24 de la loi du 31 mai 1999 (et partant la limitation aux trois premiers grades du groupe de traitement Al), le changement de carrière des fonctionnaires Cl dont les études supérieures de police auraient toujours été en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi du 25 mars 2015, en l'occurrence le 1er octobre 2015, serait dépourvu de base légale.

Une fois de plus le pouvoir exécutif aurait volontairement ignoré la ratio legis réitérée par la loi modifiée du 18 juillet 2018 dont la date de publication est antérieure au règlement grand-ducal portant nomination de Monsieur …, daté au 27 juillet 2018, sans préjudice quant à la date exacte.

Au vu des développements qui précèdent, le demandeur conteste que l'ancienneté de Monsieur … aurait légalement été acquise au sens de l'article 93 de la loi du 18 juillet 2018 et demande l'alignement de sa carrière pour rétablir son ancienneté conformément aux dispositions légales en vigueur, alors que par la décision de refus déférée, le ministre aurait accepté le maintien d'une situation illégale qui violerait le principe constitutionnel de l'égalité devant la loi.

En effet, le traitement inégal de deux groupes de personnes qui se trouveraient dans une situation identique (même carrière, mêmes postes, mêmes fonctions, mêmes responsabilités) constituerait clairement une violation du principe constitutionnel de l'égalité devant la loi, alors qu’il serait aberrant que le niveau d'études plus élevé des policiers A1 recrutés sur base d'un diplôme universitaire, seule différence entre les groupes en question, justifierait une discrimination négative dans leur chef tant sur le plan pécuniaire qu'au niveau des avancements et des prévisions de carrière, surtout si l'on considèrerait que les fonctionnaires A1 lésés, recrutés sur base d'un diplôme universitaire, auraient intégré la carrière A1 policière antérieurement aux fonctionnaires A1 ayant effectué le changement de carrière C1 vers A1 sur base de l'article 24 de la loi précitée du 31 mai 1999.

En l’espèce, il accéderait au niveau supérieur de son groupe de traitement (grade F14), plus ou moins 5 ans plus tard que le dénommé …, alors même que ce dernier aurait intégré la carrière policière A1 deux années et demie après lui.

9Enfin, l'article 14 de la loi du 25 mars 2015 conditionnerait l'accès au dernier grade de traitement (grade F15) à l'accomplissement de 20 années de grade à partir de la première nomination. Si le pouvoir exécutif analysait la condition des 20 années par rapport à la première nomination dans la carrière d'inspecteur (C1), Monsieur … pourrait accéder au grade F15 en 2024, alors que, pour lui-même, l'accès au dernier grade ne deviendrait possible qu'en 2032.

Le demandeur propose, à titre subsidiaire, de poser la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle :

« L'application de la reconstitution de carrière prévue au point a) de l'article 42 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat au cas des fonctionnaires A1 hors cadre ayant bénéficié du changement de carrière de l'article 24 de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d'un corps de police grand-ducale et d'une inspection générale de la police ne porte-

elle pas atteinte au principe de l'égalité devant la loi consacré par l'article 10bis de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg dans la mesure où elle permet aux changements de carrière C1 = A1 d'accéder beaucoup plus rapidement (de l'ordre de 10 ans) aux grades F14/F15 du groupe de traitement A1 policier que les personnes titulaires d'un diplôme universitaire de niveau Master ayant intégré à une date antérieure le groupe de traitement A1 policier et qui sont freinés dans leurs avancements par le jeu des dispositions de l'article 14 de la loi du 25 mars 2015 précitée ? ».

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conteste les affirmations du délégué du gouvernement selon lesquelles l'ancienneté de Monsieur … serait légalement acquise au sens de l'article 93 de la loi du 18 juillet 2018, alors que l’argumentation de la partie étatique suivant laquelle la reconstitution de carrière du dénommé … serait valablement fondée sur base du point a) du paragraphe 1er de l'article 42 de la loi du 25 mars 2015 dans la mesure où ce dernier n'aurait pas bénéficié d'un changement de carrière sur base de la loi modifiée du 14 novembre 1991 fixant les conditions et les modalités de l'accès du fonctionnaire à une carrière supérieure à la sienne, dénommée ci-après « la loi du 14 novembre 1991 », manquerait clairement de fondement.

En effet, la partie gouvernementale continuerait à faire une application strictement littéraire de la disposition de l'article 42 de la loi du 25 mars 2015 sans prendre position par rapport à ses arguments tirés de l'analyse de la ratio legis ressortant pourtant clairement du commentaire d'article relatif à l'article 42 de la loi du 25 mars 2015 et s'inscrivant dans la logique des textes en vigueur à l'époque.

En effet, il faudrait se poser la question pourquoi l'article 42 précité de la loi du 25 mars 2015 aurait institué deux modes de reconstitution de carrière différents suivant que le fonctionnaire aurait bénéficié ou non d'un changement de carrière sur base de la loi du 14 novembre 1991.

Le demandeur donne encore à considérer, dans ce contexte, qu’à l'époque, la loi du 14 novembre 1991 aurait institué le régime général de la carrière ouverte permettant à un fonctionnaire remplissant certaines conditions d'accéder à la carrière immédiatement supérieure à la sienne sans disposer des diplômes requis pour entamer cette carrière, en limitant la possibilité de la carrière ouverte à un seul changement de carrière, à savoir soit de 10la carrière inférieure à la carrière moyenne, soit de la carrière moyenne à la carrière supérieure.

Le régime spécial institué par l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999 aurait permis aux inspecteurs de police, issus de la carrière inférieure, d'accéder aux trois premiers grades de la carrière supérieure policière, faute de carrière moyenne au sein de la police à l'époque, alors que le troisième grade de traitement de la carrière supérieure correspondrait exactement au dernier grade de traitement de la carrière moyenne. Ainsi, le législateur aurait entendu conférer aux inspecteurs de police, par le mécanisme de l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999, les mêmes opportunités de changement de carrière qu'aux fonctionnaires de la carrière inférieure de l'administration générale en suivant un raisonnement par analogie au régime général de la loi du 14 novembre 1991.

De même, comme le fonctionnaire de la carrière moyenne désirant effectuer un changement de carrière vers la carrière supérieure sur base de la loi du 14 novembre 1991 aurait dû avoir au moins dix années de service depuis la date de son admission au stage, l'inspecteur de police, issu de la carrière inférieure, désirant effectuer un changement de carrière vers la carrière supérieure policière sur base de la loi du 31 mai 1999 aurait également dû avoir au moins dix années de service depuis la date de sa première nomination et partant 12 années depuis la date de son admission au stage, le demandeur relevant que les deux années d'écart tiendraient, par analogie, compte du fait que l'âge fictif de début de carrière dans la carrière moyenne aurait été à l'époque 21 ans, alors que l'âge fictif de début de carrière de la carrière inférieure de l'inspecteur de police aurait été à l'époque de 19 ans.

Ainsi, le législateur aurait donc pris soin en 1999 de ne pas favoriser l'inspecteur de police par rapport aux fonctionnaires de la carrière moyenne soumis au régime général de la loi du 14 novembre 1991.

En suivant le raisonnement de la partie étatique, il faudrait admettre que le législateur ait abandonné de manière délibérée ce traitement par analogie en 2015, en permettant aux fonctionnaires de police, ayant bénéficié du changement de carrière de l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999, d'obtenir la reconstitution de carrière plus que favorable du point a) de l'article 42 précité, tout en refusant cette même reconstitution de carrière aux fonctionnaires de droit commun, ayant bénéficié d'un changement de carrière sur base du régime général de la loi du 14 novembre 1991, au motif qu’il serait inéquitable de les privilégier par rapport aux fonctionnaires ayant accédé à la carrière supérieure sur diplôme, telle que cette position ressortirait clairement du commentaire de l'article 42 de la loi de 2015 où il serait expliqué qu’afin d'éviter que la reconstitution de carrière, rendue nécessaire par l'abolition du mécanisme du hors cadre, ne porterait atteinte aux droits et expectatives de carrière d'autres fonctionnaires ayant intégré à une date antérieure sur diplôme la carrière à laquelle le bénéficiaire du changement de carrière aurait accédé via le mécanisme de la carrière ouverte, il aurait été décidé de fixer le rang d'ancienneté des fonctionnaires hors cadre ayant bénéficié d'un changement de carrière par rapport à la date du dernier avancement en traitement ou de la dernière promotion (reconstitution de carrière du point b) et non pas par rapport à la date de première nomination dans l'ancienne carrière (reconstitution de carrière du point a)).

L'esprit de la loi suivrait ainsi une logique cohérente et juste selon laquelle les années passées dans l'ancienne carrière ne devraient pas être considérées comme ayant été fictivement prestées ab initio dans la nouvelle carrière en vue de ne pas permettre aux agents concernés de passer en toute vitesse les grades de traitement dans la carrière supérieure, dépassant ainsi des fonctionnaires ayant antérieurement intégré la même carrière par voie de 11concours sur base du diplôme universitaire requis pour la carrière supérieure. La seule exception, au point b), étant que, pour le calcul des seuils de 12 ans (accès au niveau supérieur) et de 20 ans (accès au dernier grade de carrière), la date de référence ne serait pas la date du dernier avancement en traitement ou de la date de la dernière promotion, mais la date de première nomination dans l'ancienne carrière. Cette exception ne porterait néanmoins nullement atteinte aux droits des autres membres de carrière recrutés antérieurement par voie de concours sur base du diplôme universitaire requis pour la carrière dans la mesure où le mécanisme de la carrière ouverte ne serait possible qu'après 10 ans de service dans la carrière d'origine.

Le demandeur met dès lors en doute que le législateur, conduit par de telles considérations liées à l'équité, aurait alors volontairement fait fi de son propre raisonnement pour conférer aux fonctionnaires de police ayant bénéficié d'un changement de carrière sur base de l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999 un traitement ultra favorable tant par rapport aux policiers recrutés sur base d'un diplôme universitaire que par rapport aux fonctionnaires ayant bénéficié d'un changement de carrière selon le régime général de la loi du 14 novembre 1991.

Au même titre, le demandeur fait souligner que la supposition selon laquelle l'article 42 de la loi du 25 mars 2015 abrogerait purement et simplement les dispositions spéciales de l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999 serait d’ailleurs infirmée par le législateur lui-même dans la mesure où il ferait à nouveau référence auxdites dispositions spéciales à l'article 95 de la loi du 18 juillet 2018.

Sur base d’un tableau comparatif, le demandeur conteste encore l’importance disproportionnée accordée à l'expérience professionnelle du dénommé … dans la carrière inférieure policière tout autant que le fait de dénier toute valeur, d'une part, à son diplôme universitaire sanctionnant un cycle complet de 5 années de droit complété par le certificat de cours complémentaires en droit luxembourgeois et, d'autre part, à son l'expérience professionnelle plus importante dans la carrière supérieure policière.

Quant à son moyen tenant à une violation du principe d’égalité, le demandeur fait encore répliquer qu’il contesterait formellement et énergiquement la position de la partie étatique affirmant que sa situation ne serait pas comparable à celle du dénommé … du fait que ce dernier, contrairement à lui, se serait trouvé placé hors cadre au moment de l'adoption de la loi du 25 mars 2015, sans analyser la raison de cette mise hors cadre et son impact sur l'ancienneté et les avancements de ce dernier et sur les siens.

En effet, la mise hors cadre des fonctionnaires ayant accédé à la carrière supérieure par le biais de l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999 n'aurait pas pour vocation de régler autrement leur rang d'ancienneté et leurs avancements, alors que les règles régissant les avancements des membres du cadre supérieur, leur ancienneté ou encore l'attribution de postes seraient restés identiques, peu importe qu'ils aient été placés hors cadre ou non.

La partie étatique semblerait ainsi faire un amalgame avec la mise hors cadre dans les carrières inférieures de l'inspecteur ou du brigadier de police, limitée au personnel affecté à certains services spécialisés (Service de police judiciaire, Unité spéciale, Unité de la police de l'aéroport, Services de la direction générale etc.), dont les avancements et promotions auraient été conditionnés par ceux d'un fonctionnaire de référence placé dans le cadre.

12Or, la mise hors cadre de l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999 aurait au contraire eu pour seule finalité de faire en sorte que les policiers ayant intégré la carrière supérieure policière par la voie du changement de carrière de l'article 24 A) précité ne soient pas repris dans les effectifs de la carrière supérieure policière qui auraient été plafonnés par la loi, de sorte que l'intention du législateur à l'époque aurait été de faire en sorte que les changements de carrière de l'article 24 A) n'aient pas d'incidence sur le recrutement par voie de concours externe de candidats titulaires d'un diplôme universitaire.

Dans l'ancien régime modifié par la disposition critiquée de la loi du 25 mars 2015, la mise hors cadre du cadre supérieur policier issu du changement de carrière de l'article 24 A) de la loi du 31 mai 1999 n'aurait à aucun moment eu un impact même purement hypothétique sur le rang d'ancienneté et les avancements ultérieurs des cadres supérieurs policiers dans la mesure où les règles y afférentes auraient été et seraient restées identiques pour tous les cadres supérieurs policiers peu importe qu'ils fussent ou non placés hors cadre.

Tout en se référant à un nouveau tableau comparatif entre sa carrière et celle du dénommé …, le demandeur soutient que la mise hors cadre du cadre supérieur policier ayant bénéficié d'un changement de carrière sur base de l'article 24 A de la loi du 31 mai 1999 n'aurait aucune incidence sur les règles fixant le rang d'ancienneté et les avancements dans la carrière supérieure policière en vigueur avant l'adoption de la loi du 25 mars 2015, alors que la situation du dénommé … et la sienne (même carrière, même poste, mêmes fonctions, mêmes responsabilités) ainsi que les règles (ancienneté, avancements, promotions) qui les régissent, auraient été identiques avant l'adoption de la loi du 25 mars 2015, telle que critiquée à la lumière du principe d'égalité devant la loi.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

Force est d’abord au tribunal de retenir que le présent recours se limite, tel que cela ressort des conclusions respectives des parties, à la seule question de la reconstitution de carrière du demandeur par rapport à son collègue de travail …, sans concerner les revendications d’ordre général formulées dans le courrier du 22 avril 2021 et concernant une demande de rectification globale de la liste d’ancienneté dans le groupe de traitement A1 auprès de la police grand-ducale.

Il échet ensuite de constater que le demandeur ne conteste pas que le déroulement de sa carrière se soit fait en conformité avec la législation lui applicable, de sorte qu’aucun de ses propres avancements ne porte, en lui-même, à critique.

En effet, les arguments du demandeur se limitent à contester la position, sur la liste d’ancienneté, de son collègue de travail …, à laquelle il entend se faire aligner.

Or, à défaut de base légale permettant au ministre, en dehors d’une nomination ou d’une promotion, d’aligner la carrière d’un agent sur celle d’un autre, c’est à bon droit que la décision déférée a refusé la demande afférente du demandeur.

Il ne saurait ainsi pas être demandé au ministre de rectifier, de manière spontanée, la place du demandeur sur la liste d’ancienneté, étant relevé qu’il été jugé que la liste d’ancienneté auprès de la police grand-ducale ne constitue, par nature, pas en elle-même un acte administratif faisant grief, alors qu’elle n’est que le résultat, à un moment précis, de tous 13les actes individuels relatifs aux différentes nominations, avancements et départs intervenus au sein de la police grand-ducale1.

Ainsi, la place du demandeur sur la liste d’ancienneté de la police grand-ducale ne dépend pas seulement du déroulement de sa propre carrière, mais également du déroulement de celles de tous les autres agents y figurant.

Si le demandeur met certes en cause le déroulement de la carrière de son collègue de travail …, qui l’aurait illégalement devancé sur la liste d’ancienneté, force est cependant de constater que le demandeur n’a pas agi contre les décisions portant sur l’avancement de ce dernier, de sorte qu’il ne saurait, dans le cadre du présent litige, mettre en cause les actes y relatifs de manière incidente. Il s’ensuit que son moyen relatif à une violations des règles d’avancement de son collègue de travail … encourt le rejet pour manquer de pertinence, y compris la question préjudicielle afférente, relative à une violation du principe de l’égalité de traitement au sens de l’ancien article 10bis de la Constitution.

En tout état de cause et quand bien même les nominations du dénommé … auraient violé la législation pertinente applicable, respectivement se seraient basées sur une interprétation erronée de la jurisprudence, il ne saurait être reproché au ministre de ne pas avoir procédé à l’alignement de la carrière du demandeur par rapport à une carrière qui ne se serait pas déroulée de manière légale, de surcroit en lui accordant des nominations, en l’occurrence un avancement au grade F14, auxquels, de son propre aveu, il n’aurait pas encore eu droit à ce moment en vertu des dispositions légales lui applicables.

En effet, il échet de relever qu’il ne saurait y avoir d’égalité dans l’illégalité, ce principe impliquant si un avancement avait effectivement été illégalement accordé à un certain agent, cela ne saurait emporter le droit, pour les autres agents, même en application du principe de l’égalité de traitement et de la non-discrimination, de profiter du même avancement sans y avoir personnellement droit.

Il s’ensuit que le moyen tenant à une violation du principe de l’égalité de traitement au sens de l’ancien article 10bis de la Constitution encourt également le rejet.

A défaut de tout autre moyen, le recours est à rejeter pour manquer de fondement.

Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000,- euros formulée par le demandeur est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation introduit contre la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 17 mai 2022 portant refus d’une reconstitution de carrière dans le chef du demandeur ;

1 Trib. adm. 3 mars 2023, inscrit sous le n° 45943 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 14au fond, le dit non justifié et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 février 2025 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 47821
Date de la décision : 11/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-02-11;47821 ?

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