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19/02/2025 | LUXEMBOURG | N°52373

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 février 2025, 52373


Tribunal administratif Numéro 52373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52373 5e chambre Inscrit le 14 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52373 du rôle et déposée le 14 février 2025 au greffe du tribunal admin

istratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord...

Tribunal administratif Numéro 52373 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52373 5e chambre Inscrit le 14 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52373 du rôle et déposée le 14 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Russie) et être de nationalité biélorusse, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 février 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique du 19 février 2025, Maître Philippe STROESSER s’étant excusé.

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Le 10 avril 2019, Monsieur (A), connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 22 juin 2020, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile refusa de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur (A) pour être non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

En date du 5 septembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile chargea la police grand-ducale de procéder au signalement national de l’intéressé en vue de son placement en rétention.

1Il ressort d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») ainsi que d’un document émis par le CPL intitulé « Mise en liberté », datant tous les deux du 7 octobre 2022, que Monsieur (A) fut libéré du CPL en date du même jour après y avoir été détenu pendant 630 jours pour des faits de vol, d’organisation criminelle et de blanchiment.

Le 13 octobre 2022, Monsieur (A) introduisit une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi du 18 décembre 2015, demande qui fut déclarée irrecevable par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 novembre 2022.

En date du 27 octobre 2023, Monsieur (A) fut transféré au Luxembourg par les autorités belges, suite à deux demandes afférentes desdites autorités des 6 et 20 septembre 2023 basées sur le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Suivant un relevé journalier du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (« CPU ») du 27 octobre 2023, Monsieur (A) fut placé, en date du même jour et par le biais d’un mandat d’amener, en détention préventive du chef de menaces d’attentat.

Suivant un relevé journalier du CPL du 4 octobre 2024, Monsieur (A) fut, en date du même jour, transféré du CPU au CPL.

Il ressort d’un acte d’écrou du CPL du 14 novembre 2024 que par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 27 avril 2023, Monsieur (A) fut condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois pour des faits de vol, peine ayant commencé à courir le 3 octobre 2024 pour s’achever le 6 janvier 2025.

Une vérification faite le 27 décembre 2024 dans les bases de données du Centre de coopération policière et douanière (« CCPD ») révéla que l’intéressé était connu en Allemagne pour « Totschlag » et qu’il y faisait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire.

Suite à une recherche effectuée le même jour dans la base de données du système d’information Schengen (« SIS »), il s’avéra que Monsieur (A) faisait l’objet d’un signalement par les autorités allemandes au motif de constituer une « [g]rave menace pour la sécurité ».

Les autorités allemandes informèrent, toujours en date du même jour, les autorités luxembourgeoises via le réseau nommé « SIRENE » (Supplément d’Information Requis à l’Entrée Nationale) avoir obtenu des renseignements sur l’intéressé de la part de l’International Criminal Police Organisation (« INTERPOL ») selon lesquels « he is involved in a case of manslaugther, and therefore a threat for public safety and order ». Il ressort, à cet égard, encore du dossier administratif et plus particulièrement d’un signalement émis par INTERPOL que Monsieur (A) est recherché pour des faits d’« [a]gression/mauvais traitements ».

Par arrêté du 27 décembre 2024, notifié à l’intéressé le 6 janvier 2025, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », entretemps en charge du dossier, prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à l’égard de Monsieur (A) à partir de la sortie de l’Espace Schengen.

2Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé le 6 janvier 2025, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ladite décision est basée sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les antécédents judiciaires de l’intéressé ;

Vu la décision de refus du 22 juin 2020 suite à une demande de protection internationale au Luxembourg introduite par l’intéressé en date du 10 avril 2019 ;

Vu la décision de retour du 22 juin 2020, lui notifiée le 26 juin 2020 ;

Vu la décision d’irrecevabilité du 8 novembre 2022 suite à une demande de protection internationale au Luxembourg introduite par l’intéressé en date du 13 octobre 2022 ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans du 27 décembre 2024 ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par jugement du tribunal administratif du 20 janvier 2025, portant le numéro 52212 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 13 janvier 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 27 décembre 2024.

Par arrêté du 6 février 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 27 décembre 2024, notifié le 6 janvier 2025, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 27 décembre 2024 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».

3Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 6 février 2025.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.

Or, cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il fait par ailleurs valoir qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement, de sorte qu’il y aurait lieu de s’interroger sur les chances de succès de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et, en toute circonstance, avant l’écoulement de la durée maximale de la mesure de sa rétention.

Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

Au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.

Il conclut à l’absence du caractère justifié de son maintien au Centre de rétention et sollicite, en conséquence, la réformation de l’arrêté ministériel du 6 février 2025 en vue de sa libération et d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

4En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

5En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Tel que d’ores et déjà retenu par le tribunal dans son jugement prémentionné du 20 janvier 2025, inscrit sous le numéro 52212 du rôle, il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, une décision de retour ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans ayant été prises à son encontre respectivement les 22 juin 2020 et 27 décembre 2024, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, le concerné ne disposant en outre ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé à cet égard que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des 6garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.

7En l’espèce, le tribunal est amené à retenir, à l’instar de ses conclusions retenues dans son jugement prémentionné du 20 janvier 2025, que le demandeur, qui ne dispose au Luxembourg d’aucun domicile fixe déclaré ni d’une quelconque autre attache, ne lui a toujours pas soumis d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, à laquelle le demandeur a fait référence en particulier, ne sauraient être efficacement appliquées et l’arrêté déféré de prorogation de placement en rétention ne saurait être considéré comme étant disproportionné ou injustifié de ce fait.

Il s’ensuit que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de permettre l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, le tribunal relève que dans son jugement, prémentionné, du 20 janvier 2025, il a retenu que les démarches entreprises à l’époque par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, à savoir (i) le fait pour le ministre d’avoir chargé, en date du 27 décembre 2024, l’Unité de Garde et d’Appui opérationnel de la police grand-ducale d’organiser le départ du demandeur vers son pays d’origine, la Biélorussie, (ii) le fait pour les autorités ministérielles d’avoir, en date du 7 janvier 2025, contacté les autorités biélorusses en vue du rapatriement de l’intéressé vers son pays d’origine, tout en leur communiquant une copie de son passeport biélorusse, de même que (iii) le fait pour les autorités ministérielles de s’être adressées, en date du 8 janvier 2025, aux autorités lituaniennes en vue de l’organisation du rapatriement de l’intéressé vers la Biélorussie via le territoire lituanien, devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Quant aux démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate qu’un plan de vol daté du 14 janvier 2025 figure dans le dossier administratif, fixant l’éloignement de Monsieur (A) à destination de Vilnius (Lituanie) au 24 février 2025. De même, il ressort du dossier administratif qu’en date du 16 janvier 2025, le ministre a contacté l’agence … en vue de l’émission d’un billet d’avion Luxembourg-Vilnius au nom du demandeur, ainsi que des billets aller-retour pour l'escorte. En outre, par courrier électronique du 17 janvier 2025, les autorités ministérielles ont informé leurs homologues biélorusses de l’organisation du vol aux fins d’organiser les lieu et heure de la remise de Monsieur (A) aux autorités biélorusses à la frontière lituanienne, en précisant le lieu du « checkpoint » à la frontière lituanienne et biélorusse, ainsi que la tranche horaire de l’arrivé du demandeur, de l’escorte policière et d’un agent du ministère des Affaires intérieures. D’après une « Note au dossier » du 23 janvier 2025 figurant au dossier administratif, un entretien téléphonique a eu lieu en date du même jour entre l’agent en charge du dossier du demandeur et le Consul de l’Ambassade de la République de Biélorussie, lors duquel ledit Consul a confirmé, en substance, que les informations seraient transmises aux autorités compétentes, qu’il recontacterait ledit agent dès que possible et qu’il aurait « bon espoir » que la demande serait approuvée par les autorités compétentes biélorusses. Par courrier électronique envoyé le 24 janvier 2025 aux autorités ministérielles, l’Ambassade de la République de Biélorussie a confirmé avoir mis au courant les autorités compétentes et qu’aucune difficulté quant à la remise ne devrait être rencontrée. Par courrier électronique du 10 février 2025, les autorités ministérielles se sont enquises de l’état du dossier 8auprès de leurs homologues biélorusses, lesquels ont répondu par voie électronique le même jour qu’ils n’avaient pas encore reçu de réponse de la part du ministère biélorusse compétent, mais qu’ils le recontacteraient le lendemain.

Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, et compte tenu du fait que, d’une part, le vol en vue de l’éloignement de Monsieur (A) a d’ores et déjà été organisé et fixé au 24 février 2025 et que, d’autre part, les autorités luxembourgeoises sont actuellement tributaires de la collaboration des autorités étrangères compétentes pour organiser les dernières modalités de remise de Monsieur (A) – étant relevé qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels leur adressés – il échet de conclure que le dispositif d’éloignement est toujours en cours, voire en voie de finalisation, et poursuivi avec la diligence légalement requise.

Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.

Finalement, il y a lieu de relever que c’est à tort que le demandeur affirme que son éloignement n’aurait pas de chances d’être mené à bien. En effet, il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien, conclusion qui s’impose d’autant plus que l’éloignement effectif de Monsieur (A) est, tel que relevé ci-avant, prévu pour le 24 février 2025, étant encore relevé à cet égard, qu’il ne s’agit en l’occurrence que de la première prorogation du placement de Monsieur (A).

Dès lors, les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal conclut, en l’état actuel du dossier, qu’il ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

9Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 février 2025 par :

Benoît HUPPERICH, premier juge, Sibylle SCHMITZ, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier DREBENSTEDT.

s. Xavier DREBENSTEDT s. Benoît HUPPERICH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 52373
Date de la décision : 19/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-02-19;52373 ?

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