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10/03/2025 | LUXEMBOURG | N°49309

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mars 2025, 49309


Tribunal administratif Numéro 49309 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49309 1re chambre Inscrit le 16 août 2023 Audience publique du 10 mars 2025 Recours formé par Madame (A1), Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49309 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2023 par Maître Géraldine MERSCH, avocat à la Cour

, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), née le ...

Tribunal administratif Numéro 49309 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49309 1re chambre Inscrit le 16 août 2023 Audience publique du 10 mars 2025 Recours formé par Madame (A1), Luxembourg, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49309 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2023 par Maître Géraldine MERSCH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), née le … à … (Erythrée), de nationalité érythréenne, demeurant à …, tendant à l’annulation d’une « décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile […] rendue en date du 15 mai 2023, rejetant la demande de regroupement familial du 10 janvier 2023 de Madame (A1) au bénéfice de ses frères et sœurs mineurs, (A2), (A3), (A4)et (A5) […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2023 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2023 par Maître Laura MALKI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 22 décembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Laura MALKI, au nom de Madame (A1), préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en sa plaidoirie à l’audience publique du 12 février 2025.

En date du 17 juin 2014, Monsieur (A6), de nationalité érythréenne, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 19 mai 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », accorda à Monsieur (A6) le statut de réfugié au sens de la Convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ainsi qu’une autorisation de séjour valable jusqu’au 18 mai 2021.

Par courrier du 5 août 2020, réceptionné par le ministre le 6 août 2022, Monsieur (A6) introduisit auprès du service compétent du ministère une demande de regroupement familial dans le chef de son épouse, Madame (A1).

Par décision du 12 janvier 2021, le ministre accorda une autorisation de séjour temporaire au titre de membre de famille à Madame (A1).

En date du 12 mars 2021, Madame (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Par décision du 17 août 2022, le ministre accorda à Madame (A1) le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, ainsi qu’une autorisation de séjour valable jusqu’au 16 août 2027.

Par courrier du 10 janvier 2023, réceptionné par le ministre le 2 février 2023, Madame (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère une demande de regroupement familial dans le chef de ses frères et sœurs (A2), (A3), (A4) et (A5), tous de nationalité érythréenne.

Par décision du 15 mai 2023, le ministre informa Madame (A1) que sa demande avait été refusée, au motif que le regroupement familial de la fratrie n’était pas prévu par l’article 70 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2023, Madame (A1) a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 15 mai 2023.

Dans la mesure où ni la loi du 29 août 2008, ni aucune autre disposition légale n’instaurent un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit en l’espèce, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit contre la décision du 15 mai 2023, telle que déférée.

En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation, il convient de souligner que le tribunal administratif a été informé par courrier électronique du 11 janvier 2024 que Maître Laura MALKI avait déposé son mandat en date du 10 janvier 2024.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 janvier 2024, la demanderesse a été informée par les soins du greffe du tribunal administratif que son litismandataire avait déposé mandat, de sorte à ne plus défendre sa cause et qu’elle était en conséquence invitée à confier la défense de ses intérêts à un autre avocat à la Cour. De même, elle a été rendue attentive au fait que l’affaire paraîtrait pour fixation à l’audience publique du 31 janvier 2024 et qu’à défaut d’instructions de sa part, son recours risquait d’être rejeté pour défaut d’intérêt. La lettre recommandée a été retournée à son expéditeur avec les mentions « Non réclamé » et « Absent ».

Le 18 janvier 2024, un nouveau courrier du tribunal administratif rappelant à la demanderesse qu’elle devait confier la défense de ses intérêts à un autre avocat à la Cour, que son affaire était fixée pour fixation à l’audience publique du 31 janvier 2024 et qu’à défaut d’instructions de sa part, son recours risquait d’être rejeté pour défaut d’intérêt à agir a été adressé à l’intéressée par lettre recommandée avec accusé de réception. Il ressort de l’avis de réception que la demanderesse a été avisée en date du 19 janvier 2024 et qu’elle a retiré le courrier recommandé en date du 25 février 2024.

Par courrier recommandé du 13 février 2024, la demanderesse a été informée par les soins du greffe du tribunal administratif que son affaire avait été fixée à l’audience du 12 février 2025 pour plaidoiries, tout en lui rappelant qu’elle devait confier la défense de ses intérêts à un autre avocat à la Cour et qu’à défaut d’instructions de sa part, son recours risquait d’être rejeté pour défaut d’intérêt à agir. Il ressort de l’avis de réception que la demanderesse a été avisée du courrier en date du 14 février 2024 et qu’elle l’a retiré en date du 19 février 2024.

Par courrier recommandé du 30 janvier 2025, le tribunal s’est à nouveau adressé à Madame (A1) afin de l’informer que son affaire paraîtrait à l’audience publique du 12 février 2025 pour plaidoiries et qu’à défaut d’instructions de sa part, son recours risquait d’être rejeté pour défaut d’intérêt. L’avis de réception a été retourné au tribunal avec la mention « acceptée par le destinataire en personne ».

A l’audience publique du 12 février 2025, le tribunal a soulevé d’office la question du maintien de l’intérêt à agir de la demanderesse et ce, conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, l’intérêt à agir s’analysant en effet en question d’ordre public1.

La demanderesse, n’ayant pas été représentée à l’audience des plaidoiries et n’a pas pris position quant à cette question, tandis que le délégué du gouvernement a conclu que le recours devait être déclaré irrecevable.

Il convient de souligner que si stricto sensu l’intérêt à agir est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action doit être vérifié au jour du jugement sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, d’encombrer le rôle des juridictions administratives et d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de devoir se justifier inutilement devant les juridictions administratives, exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation, sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier.

Or, la première personne à pouvoir justifier s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite, est le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande, et ce, en établissant qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés et que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une 1 Cour adm., 29 mai 2008, n° 23728C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 5 et les autres références y citées.

amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès.

La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès.

Si cette volonté venait à disparaître en cours de procès, il ne serait potentiellement plus satisfait à la condition que la partie litigante conserve effectivement un intérêt concret et personnel à faire statuer sur la demande qu’elle a introduite. Dans l’hypothèse où cette condition n’est plus remplie, il y a alors lieu d’en conclure que le recours encourt le rejet en raison de la disparition de l’intérêt requis en droit.

Or, le défaut de volonté de maintenir une demande peut résulter de la persistance avec laquelle le justiciable s’abstient de toute marque d’intérêt pour le déroulement du procès qu’il a engagé. Une telle absence de toute marque d’intérêt constitue dès lors un motif suffisant pour retenir que l’intérêt requis en droit pour obtenir une décision sur la demande n’existe plus et qu’à défaut de cet intérêt, le recours doit être rejeté comme n’étant plus recevable2.

En l’espèce, force est tout d’abord de relever que le litismandataire s’étant constitué pour la demanderesse avait déposé son mandat avant l’audience de fixation du 31 janvier 2024, de sorte à ne plus avoir pu défendre les intérêts de cette dernière. L’affaire sous analyse a, par la suite, été fixée à l’audience publique du 12 février 2025 pour plaidoiries. Malgré les multiples rappels de la part du greffe du tribunal administratif, il n’y a jamais eu de reprise de mandat, ni de constitution de nouvel avocat. Il s’ensuit que Madame (A1) n’a pas témoigné le moindre intérêt pour le déroulement et le maintien de l’instance qu’elle a introduite par sa requête du 16 août 2023, de sorte qu’il convient de rejeter son recours pour défaut d’intérêt à agir.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

rejette le recours en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mars 2025 par :

Daniel WEBER, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 2 Trib. adm., 11 mai 2016, n° 35579 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 34 et les autres références y citées.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49309
Date de la décision : 10/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-10;49309 ?

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