Tribunal administratif N° 52489 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52489 1re chambre Inscrit le 6 mars 2025 Audience publique du 12 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52489 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2025 par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 25 février 2025 ayant ordonné la prorogation son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina LIFA, en remplacement de Maître Sanae IGRI, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom HANSEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2025.
Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région Sud-Ouest, commissariat Käerjeng/Pétange (C2R), référencé sous le numéro …, dit « Fremdennotiz », du 23 janvier 2025 qu’en date du même jour, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre dans le cadre d’un contrôle dans un bar à …, sans être en mesure de présenter des documents d’identité ou de voyage valables. Il s’avéra à cette occasion qu’il était signalé dans le système d’information Schengen (SIS) par les autorités françaises en raison d’une « Interdiction d’accès/séjour » dans ce pays, valable jusqu’au 29 octobre 2029.
Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale de la région Sud-Ouest, commissariat Differdange, référencé sous le numéro …, du 28 janvier 2025 qu’en date du même jour, Monsieur (A) fut de nouveau interpellé par les forces de l’ordre et qu’il n’était toujours pas en mesure de présenter des documents d’identité ou de voyage valables.
Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans 1délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à son encontre.
Par arrêté séparé du 28 janvier 2025, également notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 28 janvier 2025 établi par la Police grand-ducale, Commissariat Differdange ;
Vu la décision de retour du 28 janvier 2025, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 3 ans ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant que l’intéressé n’est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d’origine ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par jugement du tribunal administratif du 19 février 2025, portant le numéro 52355 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 11 février 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 28 janvier 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention.
Par arrêté du 25 février 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 28 février 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 28 janvier 2025, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 28 janvier 2025 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
2Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 25 février 2025.
Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.
En droit, après avoir souligné que le placement en rétention, qui constituerait une forme de privation de liberté au sens de l’article 5 (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », devrait rester une ultima ratio, Monsieur (A) fait plaider que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni justifié, ni proportionné et serait, dès lors, illégal, étant donné que conformément aux dispositions de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, il aurait appartenu au ministre de lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence à la maison retour, alors qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes et qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef.
A cet égard, il soutient avoir fait preuve d’un comportement irréprochable au Centre de rétention et être une personne responsable, particulièrement bien intégrée et respectueuse, le demandeur se prévalant, dans ce contexte, d’une attestation testimoniale d’une dénommée « Madame (B) », tout en soulignant qu’il aurait démontré sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises.
Il ajoute qu’il « […] pourrait être en mesure […] » de déposer une garantie financière, alors qu’il aurait un emploi rémunéré en France.
En conclusion, le demandeur soutient, en substance, qu’au vu du caractère illégal de son placement en rétention, il devrait être immédiatement remis en liberté, conformément aux dispositions de l’article 15 (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 ».
En outre, le demandeur conteste l’existence de chances raisonnables de croire que son éloignement puisse être mené à bien, alors qu’à ce jour, les autorités consulaires algériennes n’auraient ni procédé à son identification, ni délivré de laissez-passer dans son chef.
3Par ailleurs, il reproche au ministre de ne pas avoir accompli les démarches nécessaires à son éloignement avec la diligence requise afin d’écourter au maximum la durée de son placement en rétention. En effet, le ministre ne se serait plus enquis auprès des autorités algériennes en vue de l’organisation de son éloignement depuis le 29 janvier 2025.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont 4réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 28 janvier 2025, se trouve en situation de séjour irrégulier au Luxembourg.
Etant donné qu’à cette dernière date, il a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Ainsi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence, le tribunal relève qu’à cet égard, l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
5 La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant.
En effet, ses développements ayant trait à son comportement irréprochable, à sa personnalité et à sa volonté de collaborer avec les autorités luxembourgeoises sont, à défaut d’autres éléments, insuffisants à cet égard. La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’attestation testimoniale versée par le demandeur dans ce contexte, aux termes de laquelle il serait « […] un travailleur […] », « […] très serviable […] », « […] gentil et respectueux […] ».
Le tribunal constate, par ailleurs, qu’il ressort des rapports de police des 23 et 28 janvier 2025, tels que mentionnés ci-avant, que lors de ses interpellations par les forces de l’ordre, le demandeur a affirmé qu’il ne quitterait pas volontairement le Luxembourg, affirmation qui est de nature à corroborer le risque de fuite présumé dans son chef, la notion de risque de fuite visant, en effet, un risque de soustraction à la mesure d’éloignement projetée.
Dans ces circonstances, le tribunal retient que le demandeur, qui ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg, n’a pas présenté d’éléments permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125 (1) 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
6de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes y visées s’impose.
Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur tendant à son assignation à résidence à la maison retour, alors que celle-ci ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure n’est pas concevable.
La susdite conclusion n’est pas non plus énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il « […] pourrait être en mesure […] » de déposer une garantie financière, compte tenu du fait qu’il aurait un emploi rémunéré en France. En effet, il ne ressort d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que le demandeur aurait effectivement les moyens financiers requis pour verser une telle garantie financière, qui, aux termes de l’article 125 (1) c) de la loi du 29 août 2008, doit s’élever à 5.000 euros pour pouvoir être prise en considération à titre de mesure moins coercitive.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.
En ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal a constaté dans son jugement, précité, du 19 février 2025 (i) que par courrier du 29 janvier 2025, soit le lendemain du placement au Centre de rétention de Monsieur (A), l’agent en charge du dossier au sein de la direction générale de l’Immigration s’était adressé aux autorités consulaires algériennes en vue de l’identification du demandeur et de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef, tout en y joignant quatre photos d’identité, ainsi qu’un jeu d’empreintes digitales de l’intéressé, (ii) que ledit courrier avait encore été envoyé par voie électronique aux autorités consulaires algériennes en date du même jour, (iii) que l’autorité ministérielle luxembourgeoise avait, par courrier électronique du 18 février 2025, contacté les autorités consulaires algériennes afin de s’enquérir sur l’état d’avancement de la demande d’identification leur adressée le 29 janvier 2025 et (iv) que celles-ci avaient, par courrier électronique du même jour, répondu que ladite demande était en cours d’instruction.
Dans ledit jugement du 19 février 2025, le tribunal a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises jusqu’à cette date devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008. Ce jugement ayant autorité de chose jugée, l’analyse du tribunal se limitera aux démarches accomplies à la suite du jugement en question.
A cet égard, le tribunal constate que par courriel du 7 mars 2025, les autorités luxembourgeoises ont relancé leurs homologues algériens, lesquels ont répondu, par courriel du même jour, que le dossier de Monsieur (A) était toujours en cours d’examen.
Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, actuellement tributaire de la collaboration des autorités algériennes, le tribunal conclut que c’est à tort que le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de procéder à son éloignement, de sorte que ses contestations afférentes sont à rejeter pour ne pas être fondées.
7Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective d’éloignement, étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.
En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté de mouvement, consacrée notamment par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».
Il ressort du libellé de l’article 5 (1) f), précité, de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays.2 Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la Cour européenne des droits de l’Homme a encore retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir. Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».
En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour, ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans en date du 28 janvier 2025, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
Au vu des développements faits ci-avant, le tribunal conclut que les contestations du demandeur quant à la légalité, à la nécessité, au caractère justifié et à la proportionnalité de la mesure de placement en rétention litigieuse sont à rejeter dans leur ensemble.
S’agissant finalement de la référence faite par le demandeur à l’article 15 (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de placement en rétention litigieuse est légale – le tribunal ayant plus précisément retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que, par ailleurs, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise – et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement. Dans ces circonstances, une remise en 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 et les autres références y citées.
3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.
8liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115, ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de ces derniers.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de Monsieur (A) de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 9