Tribunal administratif Numéro 49356 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49356 1re chambre Inscrit le 25 août 2023 Audience publique du 24 mars 2025 Recours formé par Madame (A1), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49356 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2023 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), déclarant être née le … à … (Cameroun) et être de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 juillet 2023 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à celle de sa fille mineure, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Danitza GREFFRATH en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 février 2025, Maître Louis TINTI s’étant excusé.
Le 14 juin 2021, Madame (A1) introduisit pour son propre compte et au nom et pour le compte de sa fille mineure, (A2), née le … à … (Grèce), auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».
Une recherche effectuée à cette occasion dans la base de données EURODAC révéla que l’intéressée a déposé une demande de protection internationale en Grèce le 14 février 2018.
Les déclarations de Madame (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du 15 juin 2021.
Le même jour, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 1établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».
Le 26 juillet 2021, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues grecques une demande d’informations concernant Madame (A1) sur base de l’article 34 du règlement Dublin III.
Par courrier du 6 décembre 2021, les autorités grecques informèrent leurs homologues luxembourgeois que la demande de protection internationale de Madame (A1) et de sa fille mineure fut rejetée en date du 24 avril 2020 en Grèce.
En date des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.
Un entretien complémentaire fut tenu par un agent du ministère en date du 30 mai 2023.
Par décision du 21 juillet 2023, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé réceptionné le 25 juillet 2023, le ministre informa Madame (A1) que sa demande de protection internationale, introduite en son nom personnel et au nom et pour le compte de sa fille mineure, avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 14 juin 2021 pour vous ainsi que pour le compte de votre fille mineure (A2), née le … en Grèce, de nationalité camerounaise sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche de données personnelles et votre fiche des motifs, les deux établies lors de l’introduction de vos demandes de protection internationale, le rapport du Service de Police Judiciaire du 14 juin 2021, le rapport d’entretien « Dublin III » du 15 juin 2021, la requête aux fins d’informations sur la base de l’article 34 du Règlement (UE) n°604/2013 adressée aux autorités grecques le 26 juillet 2021, la réponse des autorités grecques en date du 6 décembre 2021, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 20 décembre 2021 et 14 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, Madame, le rapport d’entretien complémentaire du 2 juin 2023 sur les motifs sous-tendant la demande de protection internationale de votre fille, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.
Madame, vous déclarez vous nommer (A1), être née le … à … au Cameroun, être de nationalité camerounaise, d’ethnie Bamiléké et de confession catholique depuis 2020. Votre 2fille, (A2) est née le … en Grèce et a également la nationalité camerounaise.
Madame, vous précisez avoir vécu à Dschang dans votre village natal jusqu’en 2013.
En effet, le 10 décembre 2013, vous auriez été contrainte d’épouser le dénommé Monsieur (A3) par le biais d’un mariage arrangé organisé par vos parents. Vous auriez ensuite vécu avec ce dernier à Yaoundé dans le quartier de … jusqu’au 3 août 2017, date de votre départ définitif du Cameroun (p.2,3,8 et 11 du rapport d’entretien).
Vous expliquez avoir vécu en Grèce depuis le 14 février 2018 et y avoir introduit une demande de protection internationale, qui a été rejetée en deuxième instance en date du 24 avril 2020. Vous vous seriez ensuite renseignée sur le Luxembourg « quand le Luxembourg est venu chercher les mineurs au camp de Moria » (p.8 du rapport d’entretien). Ayant compris qu’il s’agissait d’un pays sûr et multiculturel, vous vous seriez procurée des fausses cartes d’identités françaises et des billets d’avions auprès de la compagnie Lufthansa pour rejoindre le Luxembourg.
Sur votre fiche de motifs, tout comme auprès du Service de Police Judiciaire, vous expliquez avoir introduit vos demandes de protection internationale étant donné que vous auriez subie des persécutions en raison de votre « appartenance sociale » en tant que femme.
Vous précisez à cet égard avoir été mariée de force, avoir subie des violences conjugales et sexuelles et même avoir été maltraitée (p.2 du rapport du Service de Police Judiciaire).
Lors de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous réitérez ces propos et expliquez avoir quitté le Cameroun car vous auriez « subi des persécutions (…) à cause de [votre] appartenance sociale » car vous seriez « une femme » (p.9 du rapport d’entretien). En effet, vous déclarez que « la femme n’a pas le droit de poser des questions (…) je n’avais pas de vie, mon quotidien était de me lever, faire le ménage et l’attendre dans la chambre » (p.10 du rapport d’entretien).
Vous continuez en détaillant qu’après plusieurs mois votre époux, le dénommé (A3), aurait commencé à être un « homme agressif et violent » alors qu’il vous « frappait » et vous « abusait sexuellement » (p.9 et 12 du rapport d’entretien). A titre d’exemple, vous évoquez un épisode survenu en mars 2015, où ce dernier vous aurait pris le bras et l’aurait déposé sur le feu vous causant une grosse brûlure. Vous en auriez alors eu assez et auriez essayé de porter plainte, mais sans succès. Votre entourage n’aurait également pas pu vous aider (p.12 du rapport d’entretien).
Désormais vous craindriez de retourner au Cameroun car votre mariage forcé serait encore toujours en vigueur. Votre famille ou encore votre époux pourrait dès lors vous retrouver et vous forcer à honorer ce mariage. Or, vous souhaiteriez être libre (p.13 du rapport d’entretien).
Vous craignez également les répercussions futures que votre fille, née hors mariage en Grèce, pourrait subir en cas de retour dans votre pays d’origine. En effet, vous expliquez que selon les « us et coutumes, et traditions » votre fille s’exposerait à « un mariage forcé, l’excision et les violences sexuelles, le repassage des seins » (p.2 et 3 du rapport d’entretien complémentaire et p.13 du rapport d’entretien). Or, vous souhaiteriez, « pour son bien », qu’elle ne subisse pas de telles pratiques et qu’elle soit en sécurité.
A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous ne présentez aucun titre 3d’identité ou de voyage tout en expliquant que vous n’auriez jamais été en possession de tels documents (p.3 du rapport d’entretien).
En revanche, vous remettez les documents suivants pour appuyer vos propos :
- Un certificat médical du 30 décembre 2021 établi par le Dr. … attestant d’une ancienne cicatrice compatible avec une brûlure du second degré ;
- Un certificat du 21 décembre 2021 établi par la psychologue … de la Croix Rouge attestant que vous auriez bénéficié d’un suivi psychologique du 11 juin 2021 au 3 septembre 2021 ;
- Une attestation de suivi depuis le 13 septembre 2021 établie par le psychologue … et attestant que vous présenteriez des troubles de l’humeur et du sommeil et des difficultés de concentration ;
- Une ordonnance médicale du 11 janvier 2022 ;
- Un acte de naissance grec de votre fille (A2) ;
- Un document grec de l’hôpital.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, il convient de noter que vous craignez dans un premier temps re-subir des persécutions en tant que femme. A cet égard, vous expliquez ne plus vouloir être liée par ce mariage forcé et subir les violences physiques et sexuelles imposées par votre époux depuis 2013. Vous souhaiteriez être libre et ne plus vivre sous la contrainte et la coutume. Or, selon vous, cela serait impossible en cas de retour dans votre pays d’origine, alors que vous 4risqueriez d’être retrouvée par votre époux ou encore par votre famille et par conséquent d’être forcée d’honorer ledit mariage.
Force est de constater que les faits dont vous faites état ne relèvent pas du champ d’application de la Convention de Genève, étant donné qu’il n’existe aucune crainte de persécution en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social.
En effet, il y a lieu de noter que le seul fait d’être une femme au Cameroun ne suffit pas pour se voir octroyer le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève et plus particulièrement selon le motif de l’appartenance à un groupe social.
Quand bien même, les faits invoqués auraient un lien avec la Convention de Genève, quod non, force est de relever que vous n’avez jamais jugé nécessaire de quitter le domicile familial de votre époux, alors que vous y auriez vécu de 2013 à 2017 et que vos problèmes auraient débutés dès le cinquième mois après le scellement de votre union (p.12 du rapport d’entretien). Il convient notamment de s’interroger pour quelles raisons vous seriez resté auprès de ce dernier pendant tout ce laps de temps et sans rechercher une quelconque forme d’aide ou encore une échappatoire à votre situation, alors même que vous auriez largement eu la possibilité de le faire.
Certes, il convient de noter que vous auriez, au bout de deux ans de vie commune, décidée d’aller porter plainte au commissariat de police contre les agissements de votre époux (p.9 et 12 du rapport d’entretien), or, force est de constater que vous n’auriez pas concrétisé votre plainte et que vous seriez retournée auprès de votre époux et ce pendant encore un laps de temps considérable, notamment deux ans, sans jamais plus réessayer ou redemander une quelconque forme d’aide.
Or, le fait que vous soyez donc resté auprès de votre époux pendant plus de quatre ans consécutifs, sans jamais recherché une quelconque forme d’aide est manifestement étonnant et suscite de fortes interrogations quant à la gravité de votre situation dans votre pays d’origine.
Ce constat est d’autant plus avéré, alors qu’il ressort de vos dires que vous auriez plutôt été libre de vos allers et venues et que vous vous rendiez régulièrement au marché central de Yaoundé, endroit où vous vous êtes d’ailleurs procurée les documents qui vous ont permis de quitter le Cameroun en 2017 (p.6 du rapport d’entretien), de sorte qu’il convient de s’interroger pour quelles raisons vous n’auriez pas saisi cette opportunité pour demander une quelconque forme d’aide plus tôt.
Ainsi, force est en l’espèce de relever que vous avez préféré garder le silence au sujet des violences physiques et abus sexuels que vous enduriez et que vous n’avez manifestement pas eu la volonté de vous désengager de votre union. Force est encore de constater que vous n’avez pas non plus entrepris de démarches afin que votre situation s’améliore ou encore en dénonçant officiellement les agissements de votre époux.
Votre inaction est d’autant plus incompréhensible, alors que les autorités de votre pays dénoncent fermement la pratique du mariage forcé, notamment à l’article 52 du code civil camerounais, qui énonce ce qui suit à propos des conditions pour contracter un mariage: « Aucun mariage ne peut être célébré : si la fille est mineure de 15 ans ou le garçon mineur de 18 ans, sauf dispense accordée par le président de la République pour motif grave; s’il n’a été 5précédé de la publication d’intention des époux de se marier; si les futurs époux sont de même sexe; si les futurs époux n’y consentent pas ». En ce qui concerne l’article 356 du code pénal camerounais, celui-ci prévoit également des peines de prison et des amendes et dispose que « 1. Est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 25 000 à 1 000 000 francs [47 (XE 22 août 2012a) à 188 dollars canadiens (ibid. 22 août 2012b)] celui qui contraint une personne au mariage. 2. Lorsque la victime est une mineure de dix-huit ans, la peine d’emprisonnement, en cas d’application des circonstances atténuantes, ne peut être inférieure à deux ans. 3. Est puni des peines prévues aux deux alinéas précédents, celui qui donne en mariage une fille mineure de quatorze ans ou un garçon mineur de seize ans ».
Ainsi, il ressort sans nul doute de ces informations que selon la loi camerounaise, l’arrangement de mariages forcés est interdit et que vous auriez donc pu refuser le mariage, respectivement obtenir une protection en vous adressant aux autorités.
Il convient d’ajouter que vous auriez également pu vous adresser à diverses organisations non gouvernementales pour trouver de l’aide dans ce contexte, notamment parmi les ONG qui viennent en aide aux filles et aux femmes en particulier, comme par exemple « Child Care Cameroon », « Plan » ou encore « Association de lutte contre les violences faites aux femmes », organisations qui « militent pour l’élimination de toutes formes de violences physiques, sexuelles ou morales envers les femmes et les filles, dans leur vie privée ou publique ».
Cette possibilité se trouve d’autant plus renforcée alors qu’il existe en l’occurrence des structures d’accueil pour les femmes en détresse et victimes de violences tout comme encore de nombreuses autres organisations non-gouvernementales qui militent en faveur de la protection des femmes, comme par exemple « WAA Camerooon » et « Foundation for women’s advancement ».
Toujours dans cette lignée, force est de constater qu’« under the Civil Code, women have the same rights as men to initiate and finalise a divorce (Ordinance 81-02, 1981) ». En effet, les femmes célibataires ou en rupture d’union ont la possibilité de vivre seules alors que « the government did not implement any official discriminatory policy against women in such areas as divorce, child custody, employment, credit, pay, owning or managing business or property, education, the judicial process, or housing ».
Madame, vous auriez donc également eu la possibilité d’entamer une procédure de divorce, afin de mettre un terme à votre union célébrée religieusement au Cameroun, procédure de divorce que vous pourriez d’ailleurs encore toujours entamer en cas de retour dans votre pays et qui vous permettrait de recommencer une vie libre loin des problèmes que vous auriez eus par le passé. Ce constat vaut également pour les éventuelles violences physiques et sexuelles que vous craindriez de subir à nouveau, alors que vous avez manifestement une large panoplie de solutions à votre disposition pour ne plus devoir endurer lesdites représailles.
Ainsi, il n’existe aucune bonne raison de considérer que les violences que vous auriez subies pourraient se reproduire, alors qu’une énième solution s’offre à vous. En effet, vous pouvez vous établir dans une autre grande ville de votre pays, comme par exemple Douala ou encore dans une autre partie de votre pays, comme par exemple l’Est ou le Sud-Est, ville et région qui se trouve être éloigné du lieu de résidence de votre famille, Dschang, ou encore du lieu de résidence de votre époux, ….
6 Dans un deuxième temps, et concernant les craintes futures que votre fille pourrait personnellement subir en cas de retour au Cameroun et auxquelles vous faites référence lors de vos demandes de protection internationale, notamment le mariage forcé, l’excision ou encore le repassage des seins, force est de constater qu’il s’agit de craintes purement hypothétiques.
Concernant tout d’abord l’hypothèse du mariage forcé, il convient de noter que le Cameroun interdit fermement cette pratique au niveau législatif, comme déjà largement développé précédemment, de sorte qu’il parait plus qu’improbable que votre fille se voit imposée un mariage forcé, alors même que vous en tant que son parent unique condamnez fermement cette pratique. Il paraît dès lors évident que vous n’imposeriez à aucun moment un tel arrangement à votre fille.
Concernant ensuite l’hypothèse que votre fille puisse subir une excision ou encore la pratique du repassage des seins, il convient de noter que des enfants non mutilés pourraient a priori constituer un groupe social déterminé au sens de la Convention de Genève de 1951 lorsqu’il s’agit d’un pays où l’excision constitue une norme sociale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
En effet, « according to estimates from UN Women, (…), the prevalence of FGM/C among girls and women aged 15 to 49 years was 2 percent » et que « (…) female genital mutilation impacts approximately 1% of women ». Toujours dans ce contexte « the practice is decreasing (…) ».
De plus, dans un tel cas de figure les autorités doivent encore être dans l’incapacité respectivement ne doivent pas être disposées à fournir une protection adéquate, ce qui n’est de nouveau pas le cas en l’espèce, alors que les autorités camerounaises condamnent et sanctionnent fermement lesdites pratiques mises en avant.
En effet « The law protects the bodily integrity of persons and prohibits genital mutilation for all women, including women ages 18 and older and girls younger than 18.
Perpetrators are subject to a prison sentence of 10 to 20 years, or imprisonment for life if the offender habitually carries out this practice for commercial purposes or if the practice causes death ».
Dans le même sens, le Cameroun « has enacted some laws pertaining to different forms of violence against women, such as rape, sexual harassment, and female genital mutilation. In 2012, the government drafted a National Strategy to Combat Violence against Women, provided health and financial assistance victims, established and operates a hotline for victim support and reporting cases, and implemented awareness-raising activities at the national and local levels ».
Ainsi, il resort clairement des informations que « the Penal Code adopted in 2016 strengthened the mechanism for the fight against sexual and gender-based violence by punishing genital mutilations (Section 277-1) ».
Au vu de tous ces éléments, il ressort avec évidence que les autorités de votre pays condamnent et luttent contre la pratique des mutilations génitales, alors même que le pourcentage de femmes et filles soumises à de telles pratiques est considérablement bas. Par 7conséquent, il n’est dès lors pas établi que vous ne seriez pas en mesure d’obtenir une protection suffisante dans votre pays d’origine si votre fille devrait être en proie à des menaces ou violences de telles sorte. Dès lors, il n’est pas établi que des raisons suffisantes existent et permettent de justifier une crainte fondée de persécution dans le chef de votre fille.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Madame, il ressort en l’espèce à suffisance de votre dossier administratif que vous fondez vos demandes de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de vos demandes en obtention du statut de réfugié.
Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il apert que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, respectivement, que les autorités camerounaises seraient dans l’impossibilité de vous offrir une quelconque forme de protection.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2023, Madame (A1) a fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 21 juillet 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale dans son chef et dans celui de sa fille mineure, et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
81) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 21 juillet 2023 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 21 juillet 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Madame (A1) expose en substance les faits et rétroactes repris ci-avant et explique les motifs à la base de sa demande de protection internationale et celle de sa fille mineure ainsi que son itinéraire pour venir au Luxembourg. A ce sujet, elle explique être de nationalité camerounaise, d’ethnie Bamiléké, de confession catholique et avoir quitté son pays d’origine en date du 3 août 2017.
Elle avance, d’abord, comme motif gisant à la base de sa demande de protection internationale, qu’elle aurait été forcée d’épouser, en tant que mineure de seize ans, un dénommé (A3) en date du … 2013 et ajoute qu’elle aurait quitté son pays d’origine en raison des violences physiques et psychiques lui infligées par son époux, la demanderesse versant à cet égard divers documents médicaux visant à établir les conséquences des violences qu’elle aurait subies dans son pays d’origine.
Quant à sa demande en obtention du statut de réfugié, la demanderesse soutient que dans la mesure où elle aurait subi des violences physiques et psychiques graves résultant de son mariage forcé, celles-ci seraient à qualifier de « violences basées sur le genre », la demanderesse prenant, à cet égard, appui sur la notion de « violence à l’égard des femmes fondée sur le genre » telle que définie par la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, faite à Istanbul, le 11 mai 2011, ci-après désignée par la « Convention d’Istanbul ». Les violences basées sur le genre seraient définies comme des actes préjudiciables commis contre le gré de quelqu’un en se fondant sur les différences établies par la société entre les hommes et les femmes, à savoir le genre. Les actes en question causeraient un préjudice ou des souffrances physiques, psychologiques ou sexuelles, de même que la menace de tels actes, la contrainte et d’autres privations de liberté, que ce soit dans la sphère publique ou dans la sphère privée.
Après avoir cité l’article 37 (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015, elle fait plaider qu’il y aurait lieu, dans le cas d’espèce, de prendre en considération la problématique des violences domestiques subies par des femmes camerounaises qui auraient, en particulier, fait l’objet d’un mariage forcé, la demanderesse se référant à un rapport international qui démonterait la réalité des mariages forcés et des violences domestiques dans ce pays.
Ensuite et après avoir invoqué les articles 2, point f), 39, 40 et 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, la demanderesse fait valoir que les faits qu’elle aurait subis seraient encore d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils constitueraient des « violences physiques ou mentales, y compris les violences sexuelles » au sens du paragraphe (2), point a) du même article, dans la mesure où elle risquerait de subir des violences physiques et psychiques en cas de retour dans son pays d’origine.
Elle estime que les faits seraient étroitement liés à son statut de femme en raison des règles traditionnelles camerounaises ainsi qu’à son mariage forcé. Elle serait donc en droit de 9se prévaloir de l’article 43, point d) de la loi du 18 décembre 2015 du fait d’être victime d’une persécution en lien avec son genre et appartiendrait en raison de ce fait à un certain groupe social.
Elle indique, dans ce contexte, que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ci-après désigné par l’« UNHCR », ainsi que l’Union européenne considéraient que le genre devrait être pris en compte pour interpréter correctement tous les motifs de persécutions définis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par la « Convention de Genève », pour en conclure que toutes les persécutions infligées à une personne en raison de son sexe devraient être considérées comme des persécutions liées au genre.
Citant une décision du 20 décembre 2018 du Conseil du contentieux belge, numéro 214378 du rôle, qui aurait accordé la protection internationale à une jeune femme de nationalité camerounaise, la demanderesse plaide, en substance, la similarité des faits en soulignant que la problématique des violences domestiques au Cameroun n’aurait depuis lors pas évolué.
Elle ajoute que la conclusion selon laquelle la preuve des violences physiques et psychiques qu’elle aurait subies aurait été rapportée à suffisance, notamment eu égard à son récit cohérent et aux diverses pièces versées à l’appui de son recours, ne serait pas énervée par le fait que l’auteur des persécutions dont elle ferait l’objet serait une personne privée, dans la mesure où le système judiciaire et policier camerounais ne lui accorderait pas de protection suffisante en tant que femme victime de violences domestiques perpétrées dans le cadre d’un mariage forcé, la demanderesse renvoyant dans ce contexte à un rapport d’une organisation « OSAR ».
Elle prend ensuite position sur la question de la fuite interne, telle que prévue par l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, et estime que, dans son cas particulier, toute réinstallation dans une autre région de son pays d’origine serait exclue, alors qu’elle aurait à sa charge exclusive un enfant en bas âge, qu’elle n’aurait pas les moyens financiers et que son époux serait policer, de sorte qu’il pourrait aisément la retrouver en cas de retour dans son pays d’origine.
Par ailleurs, en prenant appui sur l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, elle souligne qu’il y aurait lieu de présumer que les faits qu’elle aurait subis se reproduiraient en cas de retour au Cameroun, tout en soulignant que la problématique des violences domestiques continuerait de marquer profondément la société camerounaise.
Elle conteste ensuite l’argumentation du ministre suivant laquelle elle n’aurait pas jugé nécessaire de quitter le domicile conjugal de son époux et de ne pas avoir recherché de l’aide auprès des autorités camerounaises, en justifiant son inaction par sa situation de dépendance matérielle et psychique ainsi que par l’absence d’aide. Elle rappelle l’impossibilité d’obtenir une aide suffisante de la part des autorités camerounaises, en se référant une fois de plus au rapport de l’organisation « OSAR » précité et en expliquant qu’en 2015 elle aurait voulu porter plainte contre son époux, mais aurait été chassée du commissariat.
S’agissant de l’argumentation du ministre selon laquelle elle aurait pu refuser le mariage forcé, la demanderesse fait valoir qu’il lui aurait était impossible, eu égard de son jeune âge, de s’opposer valablement au mariage décidé par sa famille, en renvoyant à un document international sur les mariages forcés dans ce pays.
10 La demanderesse fait ensuite valoir que la situation fragile de sa fille mineure devrait être prise en compte dans sa demande de protection internationale alors qu’elle considère que le fait que sa fille soit née hors mariage l’exposerait à des violences dont seraient particulièrement victimes les femmes camerounaises.
La demanderesse donne à considérer qu’en cas de retour au Cameroun, les « persécutions recommenceraient » et que sa fille mineur, née hors mariage, risquerait de subir un mariage forcé, une excision et le repassage des seins.
A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, la demanderesse invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié. Plus particulièrement, elle fait valoir qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, risque qui serait à considérer comme réel et sérieux.
Elle invoque à cet égard diverses jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’Homme pour en déduire qu’en cas de retour dans son pays d’origine elle risquerait de subir des actes d’une extrême violence de la part de son époux constituant en un traitement inhumain ou dégradant, dès lors qu’ils se traduiraient par des abus sexuels et autres et qu’ils porteraient une atteinte intolérable à sa dignité. Elle soutient encore, dans ce contexte, qu’en cas de retour dans son pays d’origine, elle serait obligée de partager la vie de celui qui n’aurait aucun respect pour sa personne.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
11 Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent 12une présomption réfragable que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, force est de constater que la demanderesse déclare craindre retourner au Cameroun par peur (i) de subir des violences physiques et psychiques de la part de son mari1 auquel elle aurait été mariée de force le … 20132 à l’âge de seize ans3 et (ii) d’exposer sa fille mineure, née hors mariage en Grèce, à un mariage forcé, l’excision, les violences sexuelles et le repassage des seins4.
En l’espèce, le tribunal ne partage tout d’abord pas l’analyse de la demanderesse selon laquelle elle risquerait, en raison de sa qualité de femme au Cameroun ayant été victime d’un mariage forcé et des violences domestiques, de subir des persécutions en raison de son appartenance à un groupe social.
En effet, aux termes de l’article 43 (1), point d) de la loi du 18 décembre 2015 : « Un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier :
- ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce ; et - ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante.
En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. L’orientation sexuelle ne peut pas s’entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d’après la législation luxembourgeoise. Les aspects liés au genre, y compris l’identité de genre, aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe sont dûment pris en considération ; ».
Ainsi, un certain groupe social est un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune autre que le risque d’être persécutées, et qui sont perçues comme un groupe par la société. Cette caractéristique sera souvent innée, immuable, ou par ailleurs fondamentale pour l’identité, la conscience ou l’exercice des droits humains5.
Or, on ne saurait admettre que toutes les femmes camerounaises victimes d’un mariage forcé, voire de violences domestiques, pourraient, en tant que telles, être considérées comme formant un groupe ayant une identité propre pour être perçu par la société environnante comme 1 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 13.
2 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 2.
3 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 13.
4 Rapport d’entretien complémentaire du 30 mai 2023, page 2.
5 HCR, Principes directeurs sur la protection internationale no 2 : « L’appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés, 7 mai 2002, doc. NU HCR/GIP/02/02.
13étant différent, la demanderesse restant d’ailleurs en défaut de donner des précisions circonstanciées à cet égard.
Certes, il se dégage du rapport de l’organisation « OSAR » cité par la demanderesse, notamment que le mariage forcé est une réalité très répandue au Cameroun, ayant un impact négatif sur l’accès à l’éducation des femmes qui sont susceptibles d’être victimes de violences conjugales.
Néanmoins, il ne se dégage pas des éléments à la disposition du tribunal que toutes les femmes camerounaises, qui entendent se soustraire à un mariage imposé, même victimes de violences domestiques, seraient regardées par tout ou partie de la société camerounaise comme transgressives à l’égard des lois et coutumes en vigueur, de sorte qu’elles seraient susceptibles d’être exposées de ce fait à des persécutions contre lesquelles les autorités refuseraient ou ne seraient pas en mesure de les protéger, auquel cas ces femmes devraient être regardées comme appartenant à un groupe social au sens des dispositions de l’article 1er, A, (2) de la Convention de Genève6.
En effet, il ressort des explications de la partie étatique, qu’en vertu du Code civil camerounais, les femmes ont les mêmes droits que les hommes pour initier et finaliser un divorce et que le Code pénal camerounais de 20167 interdit formellement le mariage forcé.
Le constat fait ci-avant que les femmes camerounaises qui entendent se soustraire à un mariage imposé, même victimes de violences domestiques, ne sauraient être considérées comme appartenant à un groupe social, n’est pas remis en cause par l’invocation des dispositions de la Convention d’Istanbul, ratifiée par le Luxembourg par la loi du 20 juillet 2018 portant approbation de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique que la demanderesse estime violée, dont son article 2 dispose comme suit : « 1. La présente Convention s’applique à toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, qui affecte les femmes de manière disproportionnée.
2. Les Parties sont encouragées à appliquer la présente Convention à toutes les victimes de violence domestique. Les Parties portent une attention particulière aux femmes victimes de violence fondée sur le genre dans la mise en œuvre des dispositions de la présente Convention.
3. La présente Convention s’applique en temps de paix et en situation de conflit armé. ».
Aux termes de l’article 60 de la Convention d’Istanbul, « 1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre puisse être reconnue comme une forme de persécution au sens de l’article 1, A (2), de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection complémentaire/subsidiaire.
2. Les Parties veillent à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention et à ce que les demandeurs d’asile se voient octroyer le 6 En ce sens : trib. adm., 3 avril 2006, n° 20750 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 211 et l’autre référence y citée.
7 Art. 356 du Code pénal camerounais.
14statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ces motifs, conformément aux instruments pertinents applicables.
3. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour développer des procédures d’accueil sensibles au genre et des services de soutien pour les demandeurs d’asile, ainsi que des lignes directrices fondées sur le genre et des procédures d’asile sensibles au genre, y compris pour l’octroi du statut de réfugié et pour la demande de protection internationale. ».
Il convient ainsi de constater que ni l’article 2.1. de la Convention d’Istanbul définissant le champ d’application de celle-ci, ni l’article 60 de la même Convention – à travers lequel les Etats signataires se sont engagés à adopter un cadre légal susceptible de prendre en compte la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre comme forme de persécution, respectivement comme préjudice grave donnant lieu à une protection subsidiaire et à veiller à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention d’Istanbul et que les demandeurs de protection internationale se voient octroyer le statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ceux-ci –, ne confèrent un droit autonome et automatique à l’obtention du statut de réfugié à toute femme se prévalant d’avoir subi des violences domestiques, mais il appartient en tout état de cause au ministre et par la suite au tribunal de procéder à une analyse au cas par cas et ce au regard des conditions de la Convention de Genève8, examen qui a été fait en l’espèce.
Dans la mesure où les faits ainsi invoqués ne sont, par ailleurs, pas liés à la race, la religion, la nationalité ou les opinons politiques de la demanderesse, le tribunal retient qu’ils ne sont motivés par aucun des motifs de persécution visés par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte à ne pas être de nature à établir l’existence d’une crainte fondée de persécution dans son chef et dans celui de sa fille mineure.
Ensuite et quant à la crainte future de la demanderesse que sa fille mineure, née hors mariage en Grèce, pourrait subir des violences en cas de retour au Cameroun, dont notamment le mariage forcé, l’excision ou encore le repassage des seins, et indépendamment de la qualification de ces craintes, force est de constater que le tribunal ne dispose, à part de l’affirmation de la demanderesse que « […] selon les us et coutumes, et traditions de mon ethnie Bamiliké, elle va subir le mariage forcé, l’excision, et les violences sexuelles, le repassage des seins »9, d’aucun autre élément tangible sous-tendant cette crainte, de sorte que celle-ci est à qualifier comme étant purement hypothétique, respectivement doit s’analyser en un sentiment général d’insécurité.
En effet, tel que relevé à juste titre par la partie étatique dans son mémoire en réponse, il y a lieu de rappeler que le Cameroun interdit le mariage forcé au niveau législatif10 et que du fait que la demanderesse condamne fermement cette pratique, il paraît évident qu’elle n’imposerait à aucun moment un tel arrangement à sa propre fille.
8 Trib. adm., 19 octobre 2020, n° 42799 du rôle, confirmé par Cour adm., 4 février 2021, n° 45229C du rôle, Pas.
adm. 2024, V° Etrangers, n° 210.
9 Rapport d’entretien complémentaire du 30 mai 2023, page 2.
10 Art. 356 du Code pénal camerounais et pièce n°2 de la demanderesse, page 7.
15En ce qui concerne l’hypothèse de l’excision et la pratique du repassage des seins, il ressort encore du mémoire en réponse de la partie étatique ainsi que des pièces versées à son appui11 que les autorités camerounaises condamnent et sanctionnent fermement lesdites pratiques. La partie étatique cite encore un passage d’un rapport international de 2022, intitulé « BTI 2022 Country Report Cameroon » selon lequel la mutilation génitale affecte seulement environ 1% des femmes au Cameroun.
Dans la mesure où ces pratiques sont interdites au Cameroun, la seule estimation de la demanderesse que sa fille serait exposée à des violences à cause du seul fait de vivre au Cameroun, reste une simple affirmation non autrement soutenue par un élément quelconque du dossier.
Au vu de ces considérations, la demanderesse ne justifie pas de criante fondée de persécution dans le chef de sa fille mineure au sens de la loi du 18 décembre 2015.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a refusé d’accorder à la demanderesse le statut de réfugié.
En ce qui concerne la demande en obtention d’une protection subsidiaire, force est de constater qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir des atteintes graves et que cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi 11 Section 277-1 du Code pénal camerounais et rapport du « US Department of State » intitulé « CAMEROON 2022 HUMAN RIGHTS REPORT », page 36.
16des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal relève que la question essentielle qui se pose en l’espèce et qu’il est amené à examiner dans le cadre du recours en réformation dont il est saisi est celle de savoir quels sont les risques encourus par la demanderesse si elle retourne actuellement dans son pays d’origine et plus particulièrement s’il existe encore actuellement un risque réel et sérieux qu’en cas de retour dans son pays d’origine, elle aurait à craindre des atteintes graves au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, en l’occurrence des traitements inhumains ou dégradants, en ce compris une atteinte à sa vie, en relation avec les faits avancés par elle à l’appui de sa demande de protection internationale, étant relevé que la demanderesse n’allègue ni risquer la peine de mort ou l’exécution dans son pays d’origine, ni l’existence d’un conflit armé au Cameroun.
Force est à cet égard de constater que la demanderesse allègue avoir subi des violences de la part de son époux à partir du cinquième mois12 du mariage forcé du 10 décembre 2013, sans, pour autant, à part un prétendu essai de porter plainte, avoir essayé de chercher une quelconque aide ou un refuge dans son pays d’origine13. Au contraire, elle a jugé plus utile de se procurer des faux documents d’identité14 afin d’acheter un billet d’avion à destination d’Istanbul avec de l’argent volé de la caisse du magasin de son époux15 pour quitter son pays d’origine et se rendre en Europe.
Il est encore constant que la demanderesse a fui son pays d’origine le 3 août 201716 après avoir vécu presque quatre ans chez son époux17, de sorte qu’elle est séparée de son mari depuis presque 8 ans.
Cela amène le tribunal à retenir que la demanderesse ne risque pas de subir, actuellement, les mêmes faits ou d’autres traitements inhumains et dégradants de la part de son mari au Cameroun, en ce compris au motif qu’elle a eu un enfant hors mariage, étant donné qu’elle (i) n’est pas obligée de vivre avec son mari et (ii) peut entamer une procédure de divorce.
Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir que la crainte de la demanderesse de faire l’objet de violences domestiques ou de représailles de la part de son mari en cas de retour au Cameroun demeure hypothétique.
Etant donné que le tribunal a retenu, dans le cadre de l’analyse de la demande en obtention du statut de réfugié, que les craintes de la demanderesse relatives aux futures 12 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 12.
13 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 13.
14 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 6.
15 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 7.
16 Rapport d’entretien des 20 décembre 2021 et 14 février 2022, page 3.
17 Idem.
17violences de sa fille mineure sont purement hypothétiques, cette même conclusion s’impose au niveau de l’analyse de la demande en obtention d’une protection subsidiaire.
Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres éléments, le tribunal est, dès lors, amené à conclure que c’est également à bon droit que le ministre a retenu que les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire ne sont pas remplies dans le chef de la demanderesse, de sorte que son recours dirigé contre le refus ministériel de lui accorder, ainsi qu’à sa fille mineure, une protection internationale en son double volet est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
La demanderesse demande la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation du refus d’une protection internationale, et se prévaut, en substance, du principe de non-refoulement visé à l’article 33 de la Convention de Genève et 54 (1) de la loi du 18 décembre 2015.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre.
Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à la demanderesse l’un des statuts conférés par la protection internationale, ni la légalité ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.
En ce qui concerne les risques prétendument encourus par la demanderesse en cas de retour dans son pays d’origine, le tribunal a conclu ci-avant à l’absence, dans le chef de celle-
ci, de tout risque réel et actuel de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 dans son pays d’origine, de sorte que le tribunal ne saurait se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion et qu’aucune violation du principe de non-
refoulement n’est à retenir en l’espèce.
Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.
18Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 21 juillet 2023 portant rejet d’un statut de protection internationale dans le chef de la demanderesse et dans celui de sa fille mineure ;
au fond, déclare ledit recours en réformation non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond le dit non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 mars 2025 par :
Michèle STOFFEL, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Michèle STOFFEL 19