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26/03/2025 | LUXEMBOURG | N°49127

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2025, 49127


Tribunal administratif N° 49127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49127 3e chambre Inscrit le 5 juillet 2023 Audience publique du 26 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière d’examen-concours

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49127 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2023 par Maître Dominique FARYS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mon

sieur (A), demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du 20 janvier 202...

Tribunal administratif N° 49127 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49127 3e chambre Inscrit le 5 juillet 2023 Audience publique du 26 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, en matière d’examen-concours

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49127 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2023 par Maître Dominique FARYS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du 20 janvier 2023 du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse refusant son admission à l’examen-concours de recrutement pour les fonctions de professeur dans la spécialité « ingénieur en mécanique », ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 19 avril 2023, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2023 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2023 par Maître Dominique FARYS, au nom de Monsieur (A), préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2024 ;

Vu les pièces versées en cause, et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Melanie HUBSCH, en remplacement de Maître Dominique FARYS, et Madame le délégué du gouvernement Patricia SONDHI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 janvier 2025.

___________________________________________________________________________

En date du 4 octobre 2003, Monsieur (A) se vit décerner par l’Institut supérieur de technologie, désigné ci-après par l’« IST », département de mécanique, un diplôme intitulé « Diplôme de 1er cycle ».

En date du 1er octobre 2005, Monsieur (A) se vit décerner par l’Université du Luxembourg, un diplôme intitulé « diplôme d’Ingénieur industriel en Mécanique filière Automation Mecatronique », désigné ci-après par le « diplôme litigieux ».

Par formulaire en ligne, Monsieur (A) s’est inscrit à la session de l’année académique 2022/2023 de l’examen-concours de recrutement du personnel enseignant de l’enseignement 1postprimaire aux fonctions de professeur-ingénieur de la spécialité mécanique A1, désigné ci-

après l’« examen-concours ».

Par courrier du 18 octobre 2022, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, désigné ci-après par le « ministre », informa Monsieur (A) qu’il remplissait les conditions d’admission audit examen-concours telles que prévues par la loi modifiée du 29 juin 2005 fixant les cadres du personnel des établissements d’enseignement secondaire et secondaire technique, désignée ci-après la « loi du 29 juin 2005 ».

Le ministre informa ensuite Monsieur (A), par courriers des 25 octobre et 9 novembre 2022, des dates prévues pour les épreuves écrites et orales en allemand et en français devant se dérouler les 9, 11, 17 et 23 novembre 2022.

Par courrier du 20 janvier 2023, le ministre informa Monsieur (A) qu’il n’était actuellement pas admissible à l’examen-concours sur base des motifs et considérations suivants :

« […] Par la présente, je fais suite à votre demande d’admissibilité à l’examen-concours de recrutement pour les fonctions de professeur dans la spécialité « ingénieur en mécanique » et au courrier du 18 octobre 2022 par lequel vous aviez été erronément informé du fait que vous remplissiez les conditions d’admission telles que prévues par la loi modifiée du 29 juin 2005 fixant les cadres du personnel des établissements d’enseignement secondaire.

En effet, votre « diplôme d’ingénieur industriel » de l’institut Supérieur de Technologie correspond au niveau 6 du Cadre luxembourgeois de qualifications, soit à un niveau « Bachelor », et non pas au niveau 7, correspondant au niveau « Master ».

Au vu des considérations ci-dessus exposées, je vous informe du fait que vous n’êtes donc actuellement pas admissible à l’examen-concours de recrutement pour les fonctions de professeur dans la spécialité « ingénieur en mécanique ». […] ».

En date du 22 mars 2023, Monsieur (A) introduisit à travers son mandataire ad litem un recours gracieux contre la décision du ministre du 20 janvier 2023, précitée.

Par une décision du 19 avril 2023, le ministre confirma la prédite décision du 20 janvier 2023. Cette décision est libellée comme suit :

« […] Par la présente, je fais suite à votre courrier du 22 mars 2023 par lequel vous entendiez former un recours gracieux contre la décision de refus d'admissibilité de votre mandant, Monsieur (A), à l'examen-concours de recrutement pour les fonctions de professeur dans la spécialité « ingénieur en mécanique », du 20 janvier 2023.

Vous arguez notamment le fait que le diplôme de votre mandant, à savoir son diplôme d'ingénieur industriel de l'Université du Luxembourg, correspondrait à un niveau « Master », et non pas à un niveau « Bachelor ». Or, je vous informe d'ores et déjà que cette contestation doit être présentée devant l'autorité compétente en la matière, à savoir le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.

2En effet, le Ministère de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse ne fait que prendre en compte dans son processus de recrutement le niveau du diplôme tel que reconnu par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, qui, en l'espèce, est un niveau de « Bachelor » équivalent au niveau 6 du cadre luxembourgeois des qualifications.

S'il est vrai que votre mandant avait été admis, dans un premier temps, à passer les épreuves relatives à l'examen-concours précité, ceci ne s'est absolument pas fait, contrairement à vos dires, « […] en pleine connaissance du « certificat » émis pour le ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, par Madame (B) en date du 2 août 2022 […] alors que votre mandant n'a jamais communiqué cette pièce à mes services. D'ailleurs, si tel avait été le cas, le refus de son admission aurait été immédiat.

La réalité de la situation est toute autre.

En effet, comme dit, alors que mes services ne sont pas compétents pour attribuer les niveaux de qualifications aux diplômes, c'est de bonne foi que l'admission de votre mandant avait été décidée. Or, et après vérification auprès des services compétents, le véritable niveau du diplôme de votre mandant nous a été communiqué.

Vous conviendrez du fait que cette erreur, ainsi que les prétendus préjudices qui en découlent, auraient aussi pu être évités si votre mandant avait communiqué l'information en sa possession, depuis août 2022, à mes services.

Au vu des considérations ci-dessus exposées, je vous informe du fait que je ne donnerai pas droit à votre recours gracieux.

Toutefois, si la qualification attribuée au diplôme de votre mandant venait à être modifiée, du fait de l'introduction par vous d'un recours contre le « certificat » visant le niveau de qualification du diplôme de votre mandant, si cela est possible, ou du fait de l'introduction d'une demande auprès du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, je vous invite à en informer mes services. […] ».

Par requête déposée le 5 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du 20 janvier 2023 du ministre l’informant qu’il n’était pas admissible à l’examen-concours, ainsi que de la décision confirmative du ministre du 19 avril 2023, intervenue suite à son recours gracieux du 22 mars 2023.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision litigieuse.

Avant tout progrès en cause et notamment avant de pouvoir se prononcer sur la recevabilité du recours sous analyse, le tribunal constate que les parties en cause discutent tant l’objet du recours, lequel est lié à la question de sa recevabilité, que l’intérêt à agir de Monsieur (A), du moins partiellement, dans le cadre de leur argumentation au fond, de sorte qu’il échet d’exposer d’abord l’ensemble de l’argumentation apportée de part et d’autre.

3Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, outre de réitérer les faits et rétroactes exposés ci-

avant, Monsieur (A) explique avoir obtenu un diplôme intitulé « Diplôme de 1er cycle » par l’IST en date du 4 octobre 2003, puis, après l’accomplissement au total, de huit semestres d’études, un diplôme intitulé « Diplôme d’ingénieur industriel en Mécanique » par l’Université du Luxembourg en date du 1er octobre 2005, ce conformément à l’article 55 de la loi du 12 août 2003 portant création de l’Université du Luxembourg, désignée ci-après par la « loi du 12 août 2003 ». Il ajoute qu’un « grade d’ingénieur, de niveau universitaire », ainsi que le titre « d’ingénieur industriel » lui auraient ainsi été délivrés par l’Université du Luxembourg.

En droit, l’intéressé conclut tout d’abord à l’existence d’un intérêt à agir dans son chef.

A cet égard, il fait plus particulièrement valoir que suite à l’admission à l’examen-concours, il aurait acheté des livres et du matériel et qu’il aurait, à l’âge de … ans, investi un temps important à préparer ses examens. Or, dans la mesure où les actes litigieux lui retireraient un droit lui initialement accordé, d’une part, et l’empêcheraient de participer audit examen-

concours et en subséquence d’avoir accès à la fonction de professeur dans l’enseignement secondaire dans la spécialité « ingénieur en mécanique », d’autre part, il disposerait d’un intérêt personnel et direct, alors qu’il pourrait tirer de l’annulation desdits actes une satisfaction certaine et personnelle.

Quant au fond, Monsieur (A) conclut tout d’abord à l’annulation des actes litigieux pour incompétence dans le chef du ministre, en ce que celui-ci aurait décidé de la qualification à attribuer à son diplôme, en l’occurrence le niveau 6 du cadre luxembourgeois des qualifications, désigné ci-après par le « CLQ », soit le niveau de Bachelor, incompétence que ledit ministre aurait lui-même admise dans son courrier du 19 avril 2023 en indiquant que cette compétence revenait au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il reproche encore, dans ce contexte, au ministre d’avoir omis de fournir une quelconque explication sur base de quels éléments il serait venu à la conclusion que son diplôme correspondrait au niveau d’un Bachelor plutôt qu’à celui d’un Master.

L’intéressé se prévaut ensuite d’une violation d’un droit acquis dans son chef à travers un courrier du même ministre du 18 octobre 2022 par lequel il aurait été informé qu’il remplirait les conditions d’amissions à l’examen-concours prévues par la loi du 29 juin 2005 et qu’il serait dès lors admissible audit examen-concours. Il précise à cet égard qu’il aurait, au moment de son inscription audit examen-concours pris le soin de verser au ministre tous les documents relatifs à son diplôme et de préciser dans le formulaire d’inscription y relatif qu’il aurait effectué quatre années universitaires, de sorte qu’au moment de reconnaître, par ledit courrier du 18 octobre 2022, son admissibilité audit examen-concours, le ministre aurait disposé de l’ensemble des informations nécessaires pour faire une évaluation complète de son dossier d’inscription et qu’il y aurait dès lors été admis en pleine connaissance de cause. Il en conclut que le ministre, en lui retirant son droit d’être admissible à l’examen-concours, aurait violé les articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par le « règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 », de sorte que les actes litigieux du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023 seraient à annuler de ce chef.

Monsieur (A) conclut encore à l’annulation des actes litigieux pour absence de base légale, alors que les courriers des 20 janvier et 19 avril 2023 du ministre n’indiqueraient pas la base légale sur laquelle celui-ci se serait basé pour conclure à l’équivalence de son diplôme 4litigieux au niveau d’un Bachelor et non pas d’un Master, le mettant ainsi dans l’impossibilité de vérifier la conformité desdites décisions, ainsi qualifiées, aux dispositions légales relatives à la qualification des diplômes universitaires, l’intéressé précisant encore dans ce contexte que les diplômes de Bachelor délivrés par l’Université de Luxembourg comporteraient six semestres d’études, tandis que le diplôme litigieux lui aurait été délivré à l’issue de huit semestres d’études.

Toujours dans le contexte de son moyen relatif à une absence de base légale, le concerné met en exergue que les courriers litigieux du ministre ne comporteraient aucune indication quant à leur effet dans le temps, alors que la date à laquelle ils prennent effet n’y serait pas indiquée, Monsieur (A) s’interrogeant à cet égard quant au sort réservé à sa candidature et notamment si son admissibilité à l’examen-concours est simplement suspendue ou annulée avec effet rétroactif.

Monsieur (A) fait ensuite valoir une atteinte au principe de l’égalité devant la loi, dans la mesure où les personnes qui se sont inscrites à l’Université du Luxembourg avant l’entrée en vigueur de la loi du 27 mai 2010 portant modification de la loi du 29 juin 2005, et qui se seraient par la suite vues délivrer le diplôme d’ingénieur rempliraient, notamment en vertu de l’article 4, paragraphe (5) de ladite loi, les conditions pour accéder à la fonction de professeur-

ingénieur. L’intéressé précise dans ce contexte que le diplôme serait resté le même et qu’uniquement la loi aurait été modifiée en ce que non plus « un cycle de quatre années au moins », mais un Master serait dorénavant exigé. Tout en réitérant ses difficultés de décerner sur quels éléments le ministre se serait basé pour décider que son diplôme serait l’équivalent d’un Bachelor, le concerné en conclut qu’il aurait été traité différemment des personnes se trouvant dans la même situation, dans la mesure où celles-ci auraient, sur base du même diplôme que celui dont il se prévaut, été éligibles aux fonctions de professeur-ingénieur, de sorte que les décisions litigieuses, ainsi qualifiées, seraient à annuler.

L’intéressé estime ensuite que les actes litigieux pêcheraient d’une erreur manifeste d’appréciation de la part du ministre, alors que ce serait à tort que ce dernier aurait décidé de classer son diplôme au niveau d’un Bachelor. Il fait à cet égard valoir qu’en matière de classification de diplômes universitaires, le cadre européen des certifications, désigné ci-après par le « CEC », serait applicable, lequel prévoirait huit niveaux de classifications, parmi lesquels le niveau 7, correspondant à un diplôme de Master, qui serait attribué aux personnes ayant acquis des savoirs et aptitudes spécialisées dans un domaine pour résoudre des problèmes et gérer et transformer des contextes de travail ou d’études complexes, imprévisibles et nécessitant une nouvelle approche stratégique, qualités qu’il aurait, en l’occurrence, acquises au long de son parcours universitaire, de sorte que le diplôme litigieux serait l’équivalent d’un Master. Cette analyse serait par ailleurs, d’après l’intéressé, reconnue en Belgique où la formation qu’il aurait suivie ainsi que le diplôme dont il se prévaut seraient inscrits au niveau 7 du Cadre francophone des certifications, désigné ci-après par le « CFC », lequel serait tiré du CEC. En retenant dès lors que le diplôme litigieux ne correspondrait qu’à un niveau 6 du CLQ, le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des niveaux fixés par le CEC, de sorte que les décisions litigieuses, ainsi qualifiées, encourraient l’annulation de ce chef.

Finalement, Monsieur (A) estime que même à admettre que son diplôme serait l’équivalent d’un Bachelor et non pas d’un Master, il remplirait néanmoins les conditions d’admission à la fonction de professeur-ingénieur prévues par la loi du 29 juin 2005. Après avoir cité, dans ce contexte, l’article 4 de ladite loi, il fait plaider que les conditions d’admission y prévues seraient alternatives, à savoir celle d’être détenteur d’un diplôme luxembourgeois de 5Master, ou celle de l’inscription du titre ou grade étranger en question au registre des diplômes.

L’intéressé fait à cet égard valoir que si son diplôme litigieux « n’était pas à qualifier de « Master », il ne saurait pas non plus être qualifié de « Bachelor », notamment par opposition aux études à l’Université du Luxembourg du « Bachelor en Ingénierie – Génie Mécanique » qui ne comporte[rait] que 6 semestres (par rapport aux 8 semestres accomplis par [lui]), et par opposition au niveau attribué au même diplôme par un autre Etat membre de l’Union européenne », de sorte que son diplôme serait de nature sui generis pour ne pas correspondre entièrement à l’une ou l’autre catégorie. Le concerné en déduit que son diplôme devrait dès lors logiquement être traité de la même façon que les titres et grades étrangers, lesquels feraient l’objet d’une inscription d’office au registre des diplômes tel que prévu à l’article 29, paragraphe (2) de la loi du 11 août 1996 portant réforme de l’enseignement supérieur, abrogée par la loi du 12 août 2003, ainsi qu’à l’article 55, paragraphe (5) de la loi du 12 août 2003.

Monsieur (A) conclut ainsi à l’annulation des actes litigieux pour violation de la loi.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement ajoute, quant aux faits à la base du litige, que le courrier du ministre du 20 janvier 2023 serait basé sur un écrit émis par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui retiendrait que le diplôme litigieux de Monsieur (A) correspondrait au niveau 6 du CLQ, soit au niveau d’un Bachelor.

Dans cet ordre d’idées, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours, pour défaut d’objet, sinon pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur (A).

La partie étatique souligne à cet égard, qu’il se dégagerait de l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi du 29 juin 2005, lequel prévoirait les diplômes requis pour pouvoir être recruté dans la catégorie de traitement A, groupe de traitement A1, sous-groupe enseignement secondaire et sous-groupe à attributions particulières, ainsi que des articles 66, paragraphes (1), (2) et (3) et 68, paragraphes (3) et (5) de la loi modifiée du 28 octobre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, désignée ci-après par la « loi du 28 octobre 2016 », que la compétence en matière de reconnaissance des titres et diplômes de l’enseignement supérieur reviendrait exclusivement au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, tandis que le ministre ne disposerait que d’une compétence liée consistant à vérifier si les conditions d’admissibilité à l’examen-concours sont remplies.

Il souligne à cet égard que si certes les courriers du 20 janvier et 19 avril 2023 informeraient Monsieur (A) du fait que son diplôme litigieux serait classé au niveau 6 du CLQ, soit au niveau d’un Bachelor, cette information ne constituerait qu’un rappel d’une décision en ce sens de la part du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 août 2022, laquelle il aurait appartenu à Monsieur (A) d’attaquer aux fins de voir inscrire le titre litigieux au niveau 7 du CLQ.

Il s’ensuivrait que, faute d’avoir attaqué la décision précitée du 2 août 2022, Monsieur (A) ne disposerait d’aucun intérêt à agir contre les lettres du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023, dans la mesure où le seul grief lui éventuellement causé résulterait de la décision du 2 août 2022 auquel ne saurait être remédié par l’annulation des actes du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023. Il ajoute, qu’en tout état de cause, Monsieur (A) ne saurait tirer un quelconque profit d’une annulation des actes litigieux, alors que même en ayant un accès à l’examen-

concours, il ne saurait, en vertu de l’article 4, alinéa 1er de la loi du 29 juin 2005 être engagé dans une carrière A1 auprès de l’Etat, faute de disposer d’un diplôme de Master.

6Quant au fond et quant au moyen tiré de l’incompétence du ministre, le délégué du gouvernement fait valoir que précisément la loi ne lui attribuerait pas de compétence en matière de reconnaissance de diplômes et que l’objet des courriers litigieux se limiterait d’une part, à rappeler à l’intéressé que son diplôme serait classé au niveau 6 du CLQ par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et d’autre part, que faute de disposer d’un diplôme de Master, tel que prévu à l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi du 29 juin 2005, il ne serait pas admissible à l’examen-concours. Le ministre n’aurait dès lors, contrairement aux développements de l’intéressé, pas dépassé les pouvoirs lui attribués par la loi et aurait uniquement appliqué, dans son champ de compétences, la décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche laquelle aurait classé son diplôme au niveau 6 du CLQ.

En ce qui concerne les développements du demandeur relatifs à une atteinte à son droit acquis lequel découlerait de son admission à l’examen-concours par un courrier du ministre du 18 octobre 2022, la partie étatique rétorque qu’aucun droit n’aurait, par ledit courrier, été reconnu à Monsieur (A). Il fait, dans ce contexte, valoir qu’un courrier d’admission à l’examen-

concours, tel que celui du 18 octobre 2022, permettrait simplement à un candidat de se présenter aux différentes épreuves organisées dans le cadre dudit examen-concours et que seulement la réussite de ces épreuves permettrait d’avancer dans le processus de recrutement, de sorte que la simple admission à celui-ci ne serait pas créatrice d’un quelconque droit dans le chef de l’intéressé. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement souligne que l’intéressé n’aurait, en tout état de cause, pas établi qu’il remplirait les conditions pour pouvoir accéder à la fonction d’enseignant telles que prévues à l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi du 29 juin 2005, alors qu’il admettrait, dans son courrier adressé au ministre en date du 22 mars 2023, ne pas être titulaire d’un Master. Il ajoute que le courrier du ministre du 20 janvier 2023 constituerait un simple rappel à Monsieur (A) du contenu du courrier du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 août 2022, de sorte que le ministre n’aurait ni révoqué, ni modifié pour l’avenir une décision antérieure ayant créé ou reconnu des droits dans le chef de l’intéressé, tout en soulignant que le ministre aurait ainsi agi dans le cadre d’une compétence liée consistant dans le simple constat que les conditions d’accès à l’examen-concours ne seraient pas réunies dans son chef, de sorte que le moyen tenant à une violation des articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait à rejeter.

La partie étatique réfute encore le moyen tiré de l’absence d’une base légale du courrier litigieux du 20 janvier 2023, en faisant valoir que les courriers litigieux ne tomberaient pas dans le champ d’application de l’article 6, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tout en se référant à la jurisprudence administrative en la matière d’après laquelle la sanction d’une absence de motivation ne consisterait pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et que l’administration aurait la faculté de produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois en phase contentieuse. Le délégué du gouvernement souligne, par ailleurs, qu’en tout état de cause les moyens en fait et en droit ressortiraient à suffisance de droit du courrier litigieux du 20 janvier 2023, de sorte que le moyen y afférent serait à rejeter pour ne pas être fondé.

Quant aux moyens tirés d’une violation du principe de l’égalité devant la loi, sinon d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre, le délégué du gouvernement renvoie à ses développements précédents relatifs à l’absence de décision du ministre relative au classement au CLQ du diplôme litigieux de Monsieur (A), de sorte que le moyen y afférent encourrait à son tour le rejet.

7Le délégué du gouvernement réfute ensuite l’argumentation de l’intéressé relative aux conditions d’admission prévues par la loi du 29 juin 2005 suivant lesquelles son diplôme litigieux serait de nature sui generis et lui permettrait ainsi l’accès à la fonction d’enseignant dans l’enseignement secondaire, alors qu’au contraire l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1 de ladite loi réserverait l’accès à cette fonction dans la catégorie de traitement A, groupe de traitement A1, sous-groupe enseignement secondaire aux titulaires d’un diplôme de Master.

Or, dans la mesure où il ne saurait être contesté que Monsieur (A) ne dispose pas d’un tel diplôme, son recours serait à déclarer non fondé.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur (A) entend réfuter l’argumentation de la partie étatique selon laquelle les courriers du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023 ne comporteraient aucun élément décisionnel par rapport au classement au CLQ de son diplôme litigieux, alors que le ministre n’aurait pas indiqué dans lesdits courriers qu’il se baserait sur une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 août 2022, le concerné mettant encore en exergue qu’aucune telle décision ne figurerait dans le dossier administratif et que la partie étatique ne verserait à cet égard qu’un échange de courriers entre son ministère et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, duquel il ressortirait, par ailleurs, que le ministre n’aurait eu connaissance du classement de son diplôme qu’en date du 16 janvier 2023. Tout en s’interrogeant pour quelle raison le ministre aurait procédé à un réexamen de son dossier, suite à son admission à l’examen-concours par courrier du 18 octobre 2022, le concerné précise encore qu’au moment de sa demande d’admission à l’examen-concours le courrier du 2 août 2022 du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’aurait pas existé, de sorte qu’il aurait été dans une impossibilité matérielle de l’annexer à sa demande et qu’il aurait, suite au courrier du ministre lui confirmant l’admission à l’examen-concours, légitimement pu estimer que la classification de son diplôme par ledit courrier du 2 août 2022 n’aurait pas d’impact sur son admissibilité.

Monsieur (A) conclut de ces développements que faute par le ministre de s’être référé, dans les courriers litigieux, à ladite décision du 2 août 2022, l’objet desdits courriers aurait était celui d’indûment classer son diplôme litigieux au niveau 6 du CLQ.

L’intéressé fait, par ailleurs, plaider que le caractère décisionnel des courriers litigieux du ministre résiderait encore dans le refus de l’admettre à l’examen-concours au motif qu’il ne remplirait pas les conditions de la loi du 29 juin 2005. Il estime encore qu’en tout état de cause sa situation individuelle aurait été affectée par les actes litigieux, dans la mesure où il n’aurait pas pu poursuivre les épreuves de l’examen-concours, auxquelles il aurait déjà partiellement participé, ce qui l’aurait définitivement privé de la fonction de professeur-ingénieur. Il ajoute qu’entre le 18 octobre 2022, date à laquelle il aurait été informé de son admissibilité à l’examen-concours, et le courrier du ministre du 20 janvier 2023, soit pendant trois mois, il aurait, sans être habitué à étudier à l’âge de … ans, consacré son temps exclusivement à la préparation de l’examen-concours.

L’intéressé fait encore valoir que même à admettre que son diplôme serait classé au niveau 6 du CLQ, son recours ne serait pas pour autant dépourvu d’objet ou d’intérêt à agir à l’encontre des courriers du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023, alors qu’il arguerait à titre subsidiaire, dans sa requête introductive d’instance que suivant l’article 4 de la loi du 29 juin 2005, il serait également admissible à l’examen-concours en tant que détenteur d’un Bachelor.

Il réfute ensuite l’argumentation de la partie étatique selon laquelle l’objet des actes querellés aurait disparu du fait que la session de l’année 2022/2023 de l’examen concours serait 8dorénavant achevée, alors qu’une annulation desdits actes aurait pour conséquence d’établir son admissibilité à l’examen-concours, peu importe la session. Une analyse contraire, empêcherait, selon Monsieur (A), tout recours effectif contre des décisions restreintes dans le temps, telles les décisions relatives à une inscription à un examen ou un semestre à une université, ce qui serait contraire aux dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après par la « CEDH ».

Quant au fond, outre de réitérer ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance, le concerné insiste plus particulièrement sur son droit acquis découlant du courrier du ministre du 18 octobre 2022 suivant lequel il serait admis à l’examen-concours.

Il se réfère, à cet égard, à un arrêt … du Conseil d’Etat français du 6 mars 2009, n° 306084, dans le cadre duquel il aurait été jugé que l’inscription d’une personne à l’ordre des chirurgiens-

dentistes serait à qualifier de droit acquis, Monsieur (A) en concluant qu’il devrait en être de même de son admission à l’examen-concours par courrier du 18 octobre 2022, de sorte qu’en révoquant ladite décision le ministre aurait méconnu les articles 8 et 9 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement réitère ses développements relatifs aux conditions à remplir afin d’accéder à la fonction de professeur dans la catégorie de traitement A, groupe de traitement A1, sous-groupe enseignement secondaire, lesquelles seraient prévues à l’article 4, alinéa 1er, point 1, lettres a) à c) de la loi du 29 juin 2005 et d’après lesquelles le professeur devrait être titulaire d’un diplôme de Bachelor et d’un diplôme de Master, la partie étatique soulignant que ces conditions seraient cumulatives. Elle précise ensuite que les lettres d) et e) du même article ne seraient applicables qu’aux détenteurs d’un diplôme, titre ou grade étranger homologués ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, de sorte que l’intéressé devrait, pour pouvoir accéder à la fonction litigieuse remplir les conditions prévues aux lettres a) à c) dudit article.

Tout en réitérant ses développements relatifs à l’absence d’élément décisionnel attaché aux courriers litigieux en ce qui concerne le classement au niveau 6 du CLQ du diplôme litigieux de l’intéressé, le délégué du gouvernement s’offusque encore de la critique de ce dernier que le courrier du 2 août 2022 du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ne figurerait pas dans le dossier administratif, alors que ladite décision lui aurait été adressée en personne par ledit ministre et qu’il en aurait, au plus tard à sa date de notification, non seulement eu connaissance mais l’aurait encore disposé matériellement. Il se poserait d’ailleurs la question si Monsieur (A) n’a pas volontairement omis de verser ledit courrier dans le cadre de sa demande d’admission à l’examen-concours.

Quant aux interrogations de l’intéressé relatives à la nécessité de réexaminer son dossier après une première admission à l’examen-concours par courrier du 18 octobre 2022, le délégué du gouvernement explique, tout en se référant à un document d’information qui figurerait sur le site du ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, désigné ci-après par « le ministère », que lors de l’inscription à l’examen-concours, à défaut de toutes les pièces requises, les agents du ministère accepteraient les inscriptions et les candidats seraient informés de la possibilité de compléter leur dossier jusqu’avant le déroulement des épreuves de classement et de la date de clôture des admissions, ce qui expliquerait non seulement qu’avant le début des épreuves les agents du ministère procéderaient à une nouvelle évaluation des demandes d’admission, mais également que le courrier adressé à l’intéressé le 18 octobre 2022 ne serait aucunement créateur d’un droit dans son chef d’être admis à l’examen-concours.

9La partie étatique estime, par ailleurs, que si certes les actes litigieux ont eu pour objet d’informer Monsieur (A) du fait qu’il n’était pas admissible à l’examen-concours, cette conclusion aurait été inéluctable au vu de la classification de son diplôme par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Quant à l’argumentation de Monsieur (A) tenant au préjudice subi en raison du temps investi dans la préparation des épreuves, le délégué du gouvernement rétorque que celui-ci a, en connaissance de cause du classement de son diplôme à un niveau de Bachelor, demandé l’admission à un examen-concours pour lequel l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi du 29 juin 2005 exige la détention d’un diplôme de Master, de sorte que la perte de temps lui serait entièrement imputable. Il ajoute encore qu’il serait, par ailleurs, loisible à Monsieur (A) de s’inscrire à un examen-concours en vue du recrutement de professeurs d’enseignement technique dans la catégorie de traitement A, groupe de traitement A2, sous-groupe enseignement secondaire, fonction pour laquelle la détention d’un Bachelor suffirait, de sorte que ce serait à tort que ce dernier argumenterait être définitivement empêché d’intégrer une fonction dans l’enseignement secondaire.

Quant aux développements du concerné tendant à établir un intérêt à agir dans son chef dans la mesure où il serait, en cas d’annulation des actes querellés, admissible à une prochaine session de l’examen concours, il rétorque que tel ne serait pas le cas, dans la mesure où une nouvelle demande d’admission audit examen-concours de la part de l’intéressé, sans détenir un diplôme inscrit au niveau de Master dans le CLQ, se solderait par un refus d’admission du ministre, à la différence près que ce refus lui serait communiqué immédiatement et sans qu’il ne puisse, tel que pour la session 2022/2023, provisoirement être admis audit concours. La partie étatique précise, dans ce contexte, que l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi du 29 juin 2005 exigerait toujours la détention d’un diplôme de Master et que les développements de Monsieur (A) quant à la suffisance d’un diplôme de Bachelor seraient erronés.

Le délégué estime, par ailleurs, que l’objet du recours de Monsieur (A) aurait disparu, dans la mesure où les actes litigieux du ministre n’auraient porté que sur son admissibilité à l’examen-concours de l’année 2022/2023, session à laquelle il ne saurait, même en cas d’annulation desdits actes, plus participer.

En ce qui concerne le droit acquis dont Monsieur (A) se prévaut, la partie étatique réitère, en substance ses développements y relatifs, tout en se référant à deux jugements du tribunal administratif du 22 mai 2017, inscrit sous le numéro 36579 du rôle, et du 14 novembre 2016, inscrit sous les numéros 36988 et 36989 du rôle, pour conclure qu’une décision administrative créant un droit acquis devrait constituer une décision administrative régulière et conforme au droit existant, ce qui ne serait pas le cas du courrier du ministre du 18 octobre 2022 informant l’intéressé de son admission à l’examen-concours, alors que ce dernier ne remplirait pas les conditions prévues par la loi du 29 juin 2005.

Pour le surplus, il conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal I.

Quant à l’objet du recours ainsi que sa recevabilité Il y a, à titre liminaire, lieu de rappeler que la portée d'un recours est conditionnée par la décision déférée et délimitée en principe par les moyens invoqués dans la requête 10introductive d'instance, sous réserve des moyens d'ordre public qui peuvent être produits en tout état de cause, voire être soulevés d'office par la juridiction saisie1.

En l’espèce, il se dégage du dossier administratif que suite à une demande d’inscription du diplôme litigieux de l’intéressé au registre des titres de formation, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a, par décision du 2 août 2022, classé le diplôme de Monsieur (A) intitulé « diplôme d’ingénieur industriel en mécanique ; filière : automation mécatronique » lui décerné par l’Université du Luxembourg en date du 1er octobre 2005 au niveau 6 du CLQ, à savoir au niveau de Bachelor, tel que défini à l’article 69 de la loi du 28 octobre 2016.

Il en ressort encore que suite à une demande d’admission à l’examen-concours, le concerné a été informé par courrier du ministre du 18 octobre 2022 de son admissibilité à celui-ci et que par courrier du 20 janvier 2023 il a été informé par le même ministre que, faute de disposer d’un diplôme classé au niveau 7 du CLQ, à savoir au niveau de Master, il ne remplirait pas les conditions d’admission audit concours, information confirmée par courrier du même ministre du 19 avril 2023.

En ce qui concerne d’abord la question de l’objet circonscrit par la requête introductive d’instance de l’intéressé, le tribunal constate qu’il ressort du dispositif de celle-ci que Monsieur (A) demande l’annulation de « la décision du Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 20 janvier 2023 et [de] la décision confirmative du 19 avril 2023 », l’ensemble des moyens contenus dans ladite requête visant par ailleurs lesdites courriers du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023. Le tribunal constate, à cet égard, que si certes les développements de l’intéressé tendent en partie à discuter le classement de son diplôme au niveau 6 du CLQ, ce dernier estime que ledit classement résulterait des courriers litigieux du ministre, seuls objets de son recours.

Il s’ensuit que l’objet du recours est circonscrit, tant par le dispositif que par les moyens contenus dans la requête introductive d’instance de l’intéressé, aux seuls courriers du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023.

En ce qui concerne ensuite la question de la portée du recours tel que conditionnée par les actes déférés, le tribunal constate que les parties sont en désaccord concernant le caractère décisionnel des courriers du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023, l’intéressé estimant plus particulièrement que le ministre y aurait, d’une part, décidé du classement de son diplôme litigieux au niveau 6 du CLQ et, d’autre part, sur base de ce constat, décidé de son inadmissibilité à l’examen-concours, cette question relevant tant de la question de l’objet du recours que de la recevabilité de celui-ci dans la mesure où il appartient au tribunal d’analyser si le recours en annulation, en ce qu’il vise des « décisions », ainsi qualifiées, du ministre des 20 janvier et 19 avril 2023 est dirigé contre des actes administratifs susceptibles de recours contentieux, seuls les éléments décisionnels y contenus ne pouvant ainsi faire l’objet d’un recours.

Le tribunal est ainsi amené à examiner le caractère décisionnel des actes attaqués, cette question ayant non seulement été soulevée par la partie étatique et librement discutée par les parties dans le cadre de la procédure contentieuse, mais relevant, par ailleurs, de l’ordre public.

1 Trib. adm. 15 mars 2000, n°11557 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n°381 et les autres références y citées.

11A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ».

Il résulte, d’une part, de cette disposition que le tribunal administratif est par essence saisi d’un recours contentieux portant contre un acte déterminé et non sur une situation de fait et de droit donnée, de sorte que l’examen auquel il doit se livrer ne peut s’effectuer que dans le cadre des moyens invoqués par le demandeur pour contrer l’acte déféré, son rôle ne consistant pas à procéder indépendamment des moyens du demandeur à un réexamen général et global de l’affaire.

Il convient ensuite de souligner que l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste2.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame3.

Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision4 qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci5.

En ce qui concerne tout d’abord la question de savoir si les actes déférés contiennent un élément décisionnel par rapport au classement au CLQ du diplôme litigieux de Monsieur (A), le tribunal relève que si certes le ministre affirme dans son courrier du 20 janvier 2023 que le diplôme litigieux « correspond au niveau 6 du Cadre luxembourgeois des qualifications, soit à un niveau « Bachelor », et non pas au niveau 7, correspondant au niveau « Master » », sans y préciser que ce constat se baserait sur la décision du 2 août 2022 du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche classant le diplôme litigieux de l’intéressé audit niveau du CLQ, cette information ressort toutefois clairement de son courrier du 19 avril 2023 intervenu suite au recours gracieux de l’intéressé du 22 mars 2023. En effet, dans ledit courrier du 19 avril 2023, le ministre informe Monsieur (A) que son ministère prendrait en compte « dans son processus de recrutement le niveau du diplôme tel que reconnu par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche » et se réfère, dans ce contexte, expressément au 2 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 46, p. 28.

3 Trib. adm., 18 juin 1998, n°s 10617 et 10618, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 51 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas. adm.

2024, V° Actes administratifs, n° 80 (1er volet) et les autres références y citées.

5 Cour adm., 22 janvier 1998, n°s 9647C, 9759C, 10080C et 10276C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 79 et les autres références y citées.

12« « certificat » émis pour le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche […] en date du 2 août 2022 […] », lequel l’intéressé a d’ailleurs lui-même mentionné dans le cadre de son recours gracieux du 22 mars 2023. Cette analyse est, par ailleurs, confirmée par la partie étatique dans le cadre du recours sous analyse, le délégué du gouvernement confirmant expressément que le ministre n’aurait par les courriers litigieux, faute de compétence dans son chef de ce faire, pas procédé à un quelconque classement du diplôme litigieux de l’intéressé au CLQ prévu à l’article 69 de la loi du 28 octobre 2016, et que le constat y afférent, contenu dans ses courriers des 20 janvier et 19 avril 2023, serait exclusivement basé sur la décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 août 2022 de classer ledit diplôme au niveau 6 du CLQ.

Il s’ensuit que les courriers litigieux ne contiennent aucun élément décisionnel relatif au classement du diplôme de l’intéressé au CLQ prévu à l’article 69 de la loi du 28 octobre 2016, la mention dudit classement par une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche constituant une simple information de la part du ministre à l’égard de Monsieur (A).

Or, dans la mesure où la portée d'un recours est conditionnée par la décision déférée, le constat s’impose que les courriers ne contiennent pas d’élément décisionnel relatif au classement du diplôme litigieux de Monsieur (A) au niveau 6 du CLQ, classement qui résulte exclusivement de la décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 août 2022, de sorte à ne pas pouvoir être remis en cause par la requête introductive d’instance laquelle vise, tel que relevé ci-avant, exclusivement les courriers du ministre du 20 janvier et 19 avril 2023, à l’exclusion de la décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 août 2022.

En ce qui concerne ensuite la question de savoir si les actes déférés contiennent un élément décisionnel par rapport à l’inadmissibilité de l’intéressé à l’examen-concours, le tribunal constate qu’il ressort du courrier du 20 janvier 2023 du ministre que celui-ci « informe » l’intéressé du fait qu’il ne serait « […] actuellement pas admissible à l’examen-

concours de recrutement pour les fonctions de professeur dans la spécialité « ingénieur en mécanique ». ». Si certes le ministre base son constat d’inadmissibilité de l’intéressé à l’examen-concours sur le classement de son diplôme au niveau 6 du CLQ par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans sa décision du 2 août 2022, et si, certes, le tribunal n’est pas saisi de cette dernière décision, il n’en reste pas moins que l’exclusion d’un administré d’un examen-concours auquel il a demandé de participer constitue une décision administrative séparée, dans la mesure où ledit acte est de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale dudit administré. En effet, l’exclusion de Monsieur (A) à l’examen-concours ne découle pas de la décision précitée du 2 août 2022, mais bien des courriers litigieux, de sorte que ceux-ci lui causent un grief distinct du courrier précité du 2 août 2022. A cet égard, le tribunal ne saurait par ailleurs partager l’analyse de la partie étatique suivant laquelle une décision d’admission à un examen-concours ne créerait aucun droit subjectif dans le chef du candidat admis, alors qu’une éventuelle embauche à l’issue de l’examen dépendrait en tout état de cause de sa réussite audit examen-

concours et que dès lors une décision d’inadmission audit concours ne causerait aucun grief audit candidat. En effet, si certes l’embauche dudit candidat dépend de sa réussite audit concours, ladite réussite est, à son tour, conditionnée par une admission audit concours. C’est dès lors à bon droit que le demandeur argue que les décisions déférées, en ce qu’elles lui refusent la participation à l’examen-concours litigieux, lui causent un grief.

13Dans la mesure où les courriers litigieux du ministre comportent dès lors l’élément décisionnel d’exclure l’intéressé de sa participation à l’examen-concours, le moyen d’irrecevabilité de la partie étatique tenant à l’absence d’élément décisionnel contenu dans lesdits courriers encourt le rejet pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la question de l’intérêt à agir de Monsieur (A), le tribunal rappelle qu’il n’est pas saisi de la question du classement du diplôme litigieux, classement lequel constitue l’unique motif se trouvant à la base des décisions déférées. Or, contrairement à l’analyse de la partie étatique, ce constat n’emporte pas pour autant l’absence d’un intérêt à agir dans le chef de Monsieur (A), ce dernier invoquant notamment des moyens tenant à la légalité externe desdits décisions, de même qu’il argue, à titre subsidiaire, qu’il serait admissible à l’examen-concours en sa qualité de détenteur d’un Bachelor, sinon d’un diplôme sui generis, questions relevant d’une analyse au fond effectuée, le cas échéant, ci-dessous, le demandeur gardant ainsi un intérêt à faire vérifier la légalité des décisions litigieuses.

Ce constat n’est pas énervé par les développements de la partie étatique relatifs à l’impossibilité pour Monsieur (A) d’être embauché par la suite dans la fonction publique dans le cadre de la catégorie de traitement A, sous-groupe de traitement A1, faute de disposer d’un diplôme de Master, ni par l’argumentation de la partie étatique tenant à l’impossibilité pour Monsieur (A) de participer aux épreuves de la session de l’examen-concours de l’année 2022/2023, alors que, tel que soutenu à bon droit par l’intéressé, en cas d’une annulation des décisions déférées, le ministre ne saurait, dans le cadre d’une nouvelle demande d’admission à l’examen-concours de la part de l’intéressé, sur base des motifs jugés le cas échéant contraires à la loi, refuser l’admission de celui-ci, le bien-fondé des décisions déférées relevant toutefois d’une analyse au fond effectuée, le cas échéant, ci-dessous.

Il s’ensuit que le moyen tenant à l’irrecevabilité du recours de Monsieur (A) pour défaut d’intérêt à agir dans son chef encourt également le rejet et que celui-ci est à déclarer recevable, pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

II.

Quant au fond Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

1. Quant à la légalité externe Il appartient dès lors au tribunal d’analyser les moyens de légalité externe soulevés par le demandeur, à savoir (i) le défaut de motivation des décisions déférées et (ii) l’atteinte à ses droits acquis en violation des articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, étant relevé que le moyen tenant à l’incompétence du ministre de classer le diplôme litigieux au niveau 6 du CLQ est d’ores et déjà à rejeter pour défaut d’objet, les décisions déférées ne contenant, tel que relevé ci-avant, aucune telle décision de la part du ministre.

Quant au moyen tiré d’un défaut de motivation L’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, certes non invoqué par le demandeur, mais auquel s’apparente son reproche au ministre de ne pas avoir indiqué de base 14légale à la base des décisions déférées, dispose que : « Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle:

- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé;

- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit;

- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle;

- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale.

Dans les cas où la motivation expresse n’est pas imposée, l’administré concerné par la décision a le droit d’exiger la communication des motifs. […] ».

Cette disposition consacre dès lors le principe selon lequel d’une manière générale toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux, et certaines catégories de décisions, notamment celles refusant de faire droit à la demande de l’intéressé et celles intervenant sur recours gracieux doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.

Le tribunal constate, à cet égard, tout d’abord que, dans la mesure où les décisions déférées refusent de faire droit à la demande d’admission à l’examen-concours du demandeur, la décision du 19 avril 2023 étant, par ailleurs, intervenue sur recours gracieux, ledit article leur est, contrairement à l’analyse de la partie étatique, applicable.

Il échet ensuite au tribunal de rejeter d’ores et déjà les développements du demandeur relatifs à l’absence de motivation et plus particulièrement à un défaut d’indication d’une base légale de la prétendue décision du ministre de classer son diplôme litigieux au niveau 6 du CLQ, alors que, tel que relevé ci-avant, aucune telle décision n’a été prise par le ministre.

En ce qui concerne ensuite le reproche du demandeur suivant lequel le ministre omettrait d’indiquer la date de prise d’effet des décisions déférées, ce qui le mettrait dans l’impossibilité de connaître le sort réservé à sa candidature, respectivement de savoir si son admission à l’examen-concours serait actuellement suspendue ou annulée avec effet rétroactif, le tribunal rappelle que la sanction de l'obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours et non point dans son annulation, étant relevé que la décision reste valable et l'administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif6.

En l’espèce, le tribunal constate que si, certes, la partie étatique n’a, dans le cadre de ses mémoires en réponse et en duplique pas explicitement pris position par rapport à ces interrogations du demandeur, le délégué du gouvernement a néanmoins, dans le cadre de ses développements par rapport au moyen tenant à une prétendue atteinte aux droits acquis de l’intéressé, fait valoir que les décisions déférées ne seraient pas à considérer comme retirant un droit préalablement reconnu à Monsieur (A), dans la mesure où le courrier du ministre du 18 6 Cour. adm., 8 juillet 1997, n°9918C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure administrative non contentieuse, n°93 et les autres références y citées.

15octobre 2022 ne lui aurait reconnu aucun droit définitif d’être admissible à l’examen-concours.

Si certes le bien-fondé de cette argumentation devra faire l’objet d’un examen dans le cadre du moyen tenant à une violation des articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il en ressort néanmoins que la partie étatique argue dès lors que, faute de retirer un droit préalablement reconnu à l’intéressé, les décisions déférées n’auraient point d’effet rétroactif, de sorte que le moyen tiré d’une insuffisance de motivation des décisions déférées, en ce qu’elle n’indiqueraient pas leur date d’effet, est à rejeter.

Quant au moyen tiré d’une atteinte aux droits acquis de l’intéressé, respectivement d’une violation des articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 Conformément au principe de l'intangibilité des droits acquis, un acte administratif individuel ne peut pas être abrogé lorsqu'il a créé des droits au profit des administrés. Il s'en dégage qu'un droit acquis doit nécessairement trouver son origine dans un acte administratif individuel créateur de droits: un administré ne peut prétendre au respect d'un droit acquis que si, au-delà de ses expectatives, justifiées ou non, l'autorité administrative a réellement reconnu ou créé un droit subjectif dans son chef7.

Aux termes de l'article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 : « En dehors des cas où la loi en dispose autrement, le retrait rétroactif d´une décision ayant créé ou reconnu des droits n´est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision. Le retrait d´une telle décision ne peut intervenir que pour une des causes qui auraient justifié l´annulation contentieuse de la décision ».

L’article 9 du même règlement grand-ducal prévoit quant à lui que « Sauf s'il y a péril en la demeure, l'autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d'office pour l'avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d'une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l'amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d'au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.

Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.

L'obligation d'informer la partie concernée n'existe que pour autant que l'autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l'adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles. ».

Il y a lieu de relever, en ce qui concerne ces dispositions réglementaires, que la solution que prévoit l’article 8 en matière de retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits ne s’applique pas si une disposition légale en dispose autrement : sur ce point la loi prime effectivement les dispositions de l’article 8 du règlement grand-ducal8. Par ailleurs, ledit article ne vise que le retrait rétroactif d’un acte administratif individuel illégal créateur ou générateur de droits, étant souligné que la notion de « retrait » d’une décision administrative est conçue 7 Trib. adm. 7 juillet 2008, n° 23873 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 206 et les autres références y citées.

8 Jean Olinger, La procédure administrative non contentieuse, Instruction et commentaire, 1992, p.80 n° 136.

16comme étant l’acte par lequel l’administration annule en tout ou partie une de ses décisions, le retrait ayant pour effet que la décision disparaît rétroactivement de l’ordonnancement juridique9. En prononçant le « retrait » d’une décision, l’autorité administrative procède en effet à l’annulation de la décision qui en fait l’objet. La décision sera réputée ne jamais avoir existé. Ainsi, au niveau de ses effets, le retrait par l’autorité administrative a les mêmes effets qu’une décision d’annulation prononcée par la juridiction administrative, en ce sens que, dans les deux cas les décisions disparaissent rétroactivement de l’ordonnancement juridique10.

D’un autre côté, la « révocation » est l’acte par lequel l’administration annule ou modifie une décision administrative avec effet pour l’avenir seulement, hypothèse visée quant à elle par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, le terme « révocation » n’étant pas considéré en droit luxembourgeois comme un synonyme du terme « retrait », s’agissant de deux notions distinctes.

En l’espèce, et indépendamment de la question de savoir si, tel que le soutient le demandeur, le courrier du ministre du 18 octobre 2022 l’informant de son admissibilité à l’examen-concours a créé des droits dans son chef et indépendamment de la question de savoir si les décisions déférées sont à analyser comme un retrait ou une révocation d’un tel droit, le tribunal constate que le demandeur se borne à invoquer les articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la prémisse suivant laquelle aucun acte administratif ayant reconnu des droits ne saurait, en toute hypothèse, être révoqué ou retiré par l’administration.

Or, tel que relevé ci-avant, un acte administratif ayant reconnu des droits dans le chef d’un administré peut, certes sous certaines conditions, être retiré ou révoqué, de sorte que l’argumentation non autrement différenciée suivant laquelle le ministre n’aurait pas pu retirer ou révoquer l’admission du demandeur à l’examen-concours doit a priori être rejetée.

Dans la mesure où les actes administratifs bénéficient d’une présomption de légalité, il appartient d’ailleurs au demandeur qui entend faire annuler une telle décision d’établir qu’un tel retrait ou révocation est contraire aux articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, ce que le demandeur est, en l’espèce, resté en défaut de faire. En effet, si certes le demandeur reproche à la partie étatique de ne pas préciser la date d’effet de son admission à l’examen-concours, il n’en reste pas moins que la simple invocation des articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, sans précision en quelle mesure ceux-ci auraient été violés est insuffisante à cet égard. Il y a, en effet, lieu de rappeler qu’afin de pouvoir utilement réformer ou annuler une décision administrative, le tribunal, en tant qu’organe juridictionnel, est appelé à statuer par rapport aux moyens tant en droit qu’en fait qui lui sont soumis par la partie demanderesse, mais il ne lui appartient pas, en l’absence de moyens concrètement soumis, - sous la réserve de moyens d’ordre public qui sont à soulever d’office -, d’instruire de sa propre initiative une demande qui lui est adressée : ainsi l’exposé d’un moyen de droit requiert normalement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué11. Il n’appartient en effet pas au tribunal administratif de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens 9 Henri Campill, Conséquences de l’incompatibilité de décisions administratives définitives et de jugements définitifs des juridictions administratives des Etats membres avec la législation européenne, Colloque de l’Association des Conseils d’Etat et des juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne, rapport luxembourgeois, octobre 2007, p.1.

10 Ibidem, p.3.

11 Trib. adm., 27 mai 2013, n° 32017 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 520 et les autres références y citées.

17juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions12. D’autre part, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à des moyens simplement suggérés sans être soutenus effectivement.

Il s’ensuit que, faute de développements circonstanciés de la part du demandeur à cet égard, le moyen tendant à une atteinte à son droit acquis, sinon d’une violation des articles 8 et 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est à rejeter pour ne pas être fondé.

2. Quant à la légalité interne Quant à la légalité interne, le tribunal relève tout d’abord que, dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, le classement du diplôme litigieux du demandeur au registre des titres de formation prévu par la loi du 28 octobre 2016 ne fait pas l’objet des décisions déférées, l’ensemble des moyens tenant au classement au CLQ dudit diplôme sont d’ores et déjà à rejeter pour défaut d’objet.

Il s’ensuit que les seuls moyens desquels le tribunal saurait connaître sont, d’une part, le moyen du demandeur tenant à une violation de l’article 4 de la loi du 29 juin 2005 en ce qu’il remplirait les conditions d’admission à l’examen-concours en sa qualité de détenteur d’un diplôme de Bachelor, sinon d’un diplôme sui generis et, d’autre part, le moyen du demandeur tenant à une inégalité de traitement dans son chef, alors qu’antérieurement à une modification législative par une loi du 27 mai 2010 des conditions d’admission audit examen-concours prévues par la loi du 29 juin 2005, le même diplôme lui aurait permis l’admission à l’examen-concours.

Aux termes de l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 29 juin 2005, « Les conditions générales d’admission, ainsi que les conditions spécifiques propres à différentes fonctions, les conditions et modalités de nomination des fonctionnaires des carrières définies à l’article 2 sont fixées par règlement grand-ducal sous réserve des dispositions suivantes:

1. Dans la catégorie de traitement A, groupe de traitement A1, sous-groupe enseignement secondaire et sous-groupe à attributions particulières, les professeurs et les formateurs d’adultes en enseignement théorique doivent:

a) soit être détenteurs d’un diplôme de bachelor en lien avec la spécialité requise et d’un diplôme de master inscrits au registre des diplômes prévu par la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur;

b) soit être détenteurs d’un diplôme de bachelor et d’un diplôme de master en lien avec la spécialité requise inscrits au registre des diplômes prévu par la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur;

c) soit être détenteurs d’un diplôme de bachelor en lien avec la spécialité requise et d’un diplôme de master dans la spécialité préparant à la fonction d’enseignant de l’enseignement secondaire, inscrits au registre des diplômes prévu par la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur;

d) soit avoir obtenu un diplôme étranger en lien avec la ou les spécialités requises sanctionnant des études de quatre années au moins, inscrit au registre des diplômes prévu par 12 Trib. adm., 5 juillet 2000, n° 11527 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 525 (1er volet) et les autres références y citées.

18la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur;

e) soit avoir obtenu l’homologation de leurs titres et grades étrangers d’enseignement supérieur selon la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades d’enseignement supérieur. ».

En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur a demandé l’admission à l’examen-concours de recrutement du personnel enseignant de l’enseignement postprimaire aux fonctions de professeur-ingénieur de la spécialité mécanique A1, les parties s’accordant par ailleurs sur le fait que l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 29 juin 2005 est applicable, celui-ci prévoyant les conditions d’admission à la catégorie de traitement A, groupe de traitement A1, sous-groupe enseignement secondaire et sous-groupe à attributions particulières pour les professeurs et les formateurs d’adultes en enseignement théorique.

Or, en ce qui concerne d’abord les conditions à remplir prévues aux points a) à c) de l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1er, c’est à bon droit que le ministre a estimé que le demandeur ne remplit pas lesdites conditions, alors qu’il ne dispose pas d’un diplôme de Master inscrit au registre des diplômes, actuellement régi par la loi du 28 octobre 2016.

En effet, tel que relevé ci-avant, le diplôme litigieux du demandeur a été classé, par une décision du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 août 2022 au niveau 6 du CLQ prévu à l’article 69 de la loi du 28 octobre 2016, le tribunal n’étant dans le cadre du présent recours pas saisi de l’examen de cette décision.

Or, dans la mesure où lesdits points a) à c) prévoient les conditions cumulatives d’être détenteur d’un diplôme de Bachelor et d’un diplôme de Master inscrits au registre des diplômes, le demandeur ne remplit pas ces conditions.

En ce qui concerne ensuite les conditions prévues aux points d) et e) de l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 29 juin 2005, le tribunal constate que le demandeur soutient en substance que son diplôme aurait dû être inscrit au registre des diplômes au même titre qu’un diplôme étranger, sinon qu’il devrait faire l’objet d’une inscription d’office au registre des diplômes tel que prévu aux articles 29, paragraphe (2) de la loi du 11 août 1996 portant réforme de l’enseignement supérieur, abrogée par la loi du 12 août 2003, ainsi qu’à l’article 55, paragraphe (5) de la loi du 12 août 2003.

Or, au-delà du constat que lesdits points d) et e) visent des titres étrangers, ce qui n’est pas le cas du diplôme litigieux, en ce qu’il n’est pas contesté qu’il a été délivré par l’Université de Luxembourg et non pas par un établissement étranger, de sorte que les points d) et e) ne sont a priori pas applicables au diplôme litigieux, le tribunal est, dans le cadre du présent recours saisi du rejet de la demande de Monsieur (A) d’être admis à l’examen-concours litigieux et non pas d’un refus d’inscription du diplôme litigieux audit registre, ou de refus d’homologation de celui-ci en tant que titre sui generis et assimilable à un titre ou grade étranger d’enseignement supérieur. En effet, le tribunal est uniquement appelé à vérifier si le demandeur dispose d’un titre inscrit au prédit registre ou homologué tel qu’exigé par l’article 4 de la loi du 29 juin 2005.

Il appartient dès lors au demandeur d’établir que son diplôme litigieux est effectivement inscrit au registre des formation, sinon qu’il a été homologué conformément aux points d) et e), ce qu’il reste en l’espèce en défaut de faire.

19Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut d’établir qu’il remplirait les conditions prévues à l’un quelconque des points a) à e) prévus par l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 29 juin 2005, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a pu décider qu’il ne remplissait pas les conditions d’admissibilité de l’examen-concours litigieux.

En ce qui concerne ensuite l’argumentation du demandeur suivant laquelle l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 29 juin 2005 serait contraire à l’égalité de traitement devant la loi, en ce que dans sa version applicable avant la loi modificative du loi du 27 mai 2010, la détention d’un diplôme à l’issue de quatre années universitaires aurait suffi pour être admissible à l’examen-concours de la fonction de professeur-ingénieur et pour autant que le demandeur ait ainsi entendu soulever une violation de l’ancien article 10bis de la Constitution, dans sa version applicable au présent litige, ce moyen laisse également d’être fondé.

En effet, il échet de relever qu’il est de jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle que le principe constitutionnel d’égalité permet qu’il y soit dérogé et que des différentiations peuvent être instaurées à condition que, si certaines catégories de personnes sont soumises à des régimes différents, la différence instituée procède de disparités objectives et qu’elle soit rationnellement justifiée et proportionnée13. En toute hypothèse, l’application du principe d’égalité de traitement présuppose que les intéressés se trouvent dans la même situation de fait et de droit.

Or, en l’espèce aucune différence de traitement ne résulte de l’article 4, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi du 29 juin 2005, alors que toute personne souhaitant accéder à « la catégorie de traitement A, groupe de traitement A1, sous-groupe enseignement secondaire et sous-groupe à attributions particulières, [dans la fonction d]es professeurs et les formateurs d’adultes en enseignement théorique », doit remplir les conditions à l’un des points a) à e) prévues audit article.

En effet, le demandeur n’invoque en réalité aucune différence de traitement entre différentes catégories de personnes souhaitant accéder aux prédites fonctions qui résulterait de l’application même dudit article, celui-ci prévoyant en effet les mêmes conditions pour tous les candidats, sans différencier de l’année de délivrance de leurs diplômes.

Or, si le demandeur estime certes que sous l’égide de l’article 4 de la loi du 29 juin 2005 avant sa modification par la loi du 27 mai 2010 un diplôme sanctionnant quatre années universitaires aurait été suffisant pour pouvoir accéder à la fonction litigieuse, il ne s’agit pas pour autant d’une différence de traitement résultant des termes de l’article 4 de la loi du 29 juin 2005, mais d’un choix politique du législateur de modifier les conditions d’accès à ladite fonction. Or, si le principe de l’égalité devant la loi interdit le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée, il n’interdit néanmoins pas le changement, pour le futur, du traitement réservé à un type de situation.

Admettre le contraire reviendrait à empêcher toute modification de la réglementation existante14.

Il s’ensuit que la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement, de sorte que le moyen y afférent encourt le rejet.

13 Cour adm. 18 février 2016, n° 35374C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et Règlements, n° 7 et les autres références y citées.

14 Trib. adm. 25 septembre 2017, n° 37637 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et Règlements, n° 15 et les autres références y citées.

20A défaut d’autres moyens, le recours est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mars 2025 par :

Géraldine Anelli, vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, en présence du greffier Yannick Maquet.

s. Yannick Maquet s. Géraldine Anelli Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 mars 2025 Le greffier du tribunal administratif 21


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 49127
Date de la décision : 26/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-26;49127 ?

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