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28/03/2025 | LUXEMBOURG | N°49557

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 mars 2025, 49557


Tribunal administratif N°49557 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49557 5e chambre Inscrit le 13 octobre 2023 Audience publique du 28 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49557 du rôle et déposée en date du 13 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur

(A), demeurant à L-…, contre « une décision de rejet du Ministre de la mobil...

Tribunal administratif N°49557 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49557 5e chambre Inscrit le 13 octobre 2023 Audience publique du 28 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49557 du rôle et déposée en date du 13 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, contre « une décision de rejet du Ministre de la mobilité et des travaux publics, département de la mobilité et des transports du 19 juillet 2023 […] d'un recours gracieux présenté le 12 juin 2023 par le requérant […], décision de rejet confirmée par le même Ministre en date du 1er août 2023 […] suite à un nouveau recours en grâce présenté par le requérant en date du 26 juillet 2023 […] contre une décision initiale d'échec aux épreuves pratiques du permis de conduire catégorie D*) du 9 juin 2023 rendue par la Société Nationale de Circulation Automobile (SNCA), société établie auprès du ministère de la mobilité des travaux publics, département de la mobilité des transports » ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 27 décembre 2023 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 12 janvier 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT pour le compte de son mandant, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 8 février 2024 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Jacques SCHONCKERT et Monsieur le délégué du gouvernement Tom HANSEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 octobre 2024.

___________________________________________________________________________

En date du 16 février 2023, la Société Nationale de Circulation Automobile, ci-après désignée par « la SNCA », réceptionna une demande de Monsieur (A) tendant à l’obtention du permis de conduire luxembourgeois de la catégorie D.

Il ressort d’un bulletin d’examen pratique émis par la SNCA en date du 9 juin 2023, référencé sous le numéro …, qu’à cette même date, Monsieur (A) fut soumis à des épreuves pratiques portant respectivement (i) sur le Code de la route ainsi que (ii) sur la maîtrise duvéhicule. Ledit bulletin d’examen précité indique notamment la mention suivante :

« L’examinateur soussigné certifie que le candidat désigné au verso […] a échoué aux épreuves pratiques catégorie D*) ».

Par courrier daté du 12 juin 2023, réceptionné le lendemain par le Ministère de la Mobilité et des Travaux publics, ci-après désigné par « le ministère », Monsieur (A) introduisit un recours (« Beschwerde ») à l’encontre dudit bulletin d’examen devant le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, ci-après désigné par « le ministre ».

Par courrier électronique du 15 juin 2023, le ministre sollicita une prise de position de la SNCA au sujet du susdit recours de Monsieur (A).

La prise de position de la SNCA datée du 12 juillet 2023 transmise au ministère est libellée comme suit :

« […] Sehr geehrter Herr …, Nachstehend die Stellungnahme des Prüfers Herrn (B) bezugnehmend der Beschwerde von Herm (A).

Wir beziehen uns auf die schriftliche Beschwerde von Herrn (A) bezüglich seiner praktischen Fahrprüfung der Kategorie D zum Busführerschein. Nach einer gründlichen Prüfung der Angelegenheit möchten wir Ihnen folgende detaillierte Informationen zur Verfügung stellen, die auf den von Herrn (A ) und Herrn (B) bereitgestellten Informationen basieren.

Am Prüfungstag, dem 9. Juni 2023, traf sich Herr (A) um 07:00 Uhr morgens in … mit seinem Fahrlehrer, Herrn (C). Gemeinsam holten sie den Fahrschulbus ab und fuhren zum Prüfungsgelände am Findel. Um 07:45 Uhr trafen sie dort ein und begaben sich ins Büro des zuständigen Prüfers, Herrn (B).

Der Prüfer überprüfte die vorgelegten Dokumente und bestätigte deren Ordnungsgemäßheit. Anschließend wurde Herr (A) aufgefordert, zum Bus zu gehen und sich auf die praktische Prüfung vorzubereiten. Herr (C) teilte ihm mit, dass der Prüfer Herr (B) sei.

Kurze Zeit später erschien Herr (B) am Fahrschulbus und inspizierte den Zustand des Busses von außen. Anschließend stieg er in den Bus ein und forderte Herrn (A) auf, ihm die Tankanzeige und den Betätigungsknopf der Warnblinkanlage zu zeigen. Nachdem dies erfolgt war, wurde Herr (A) aufgefordert, den Bus zu starten und loszufahren.

Die Fahrstrecke führte von dem Prüfungsgelände nach rechts in Richtung Kreuzung Flughafen in der „…“. An der genannten Kreuzung wurde Herr (A) angewiesen, nach rechts in die „…“ in Richtung … einzubiegen. An einer weiteren Kreuzung in der „…“ wurde er angewiesen, nach links in Richtung … einzubiegen.

Aufgrund von Baustellen war die Strecke an einigen Stellen sehr eng, und Herr (A) musste die Gegenfahrbahn nutzen, um an abgestellten Fahrzeugen mit ausreichendem Seitenabstand vorbeizufahren. In Höhe der Pizzeria „…“ stand ein … mit deutschen Kennzeichen, der verkehrswidrig abgestellt war und teilweise auf der Fahrbahn stand. Bei dem Versuch, das Fahrzeug zu umfahren, kam es zu einer Beinahe-Berührung mit dem Fahrzeug, 2 was vom Prüfer als zu geringer seitlicher Sicherheitsabstand bewertet wurde.

Auf der „…“ kam es zu einer weiteren Situation, in der Herr (A) das rechte Hinterrad des Busses gegen den Bürgersteig streifte. Dies geschah während einer Rechtskurve, bei der eine rechtzeitige Lenkkorrektur erforderlich gewesen wäre, um den Bordstein zu vermeiden …“.

Herr (A) erkannte seine Fehler in den entsprechenden Abschnitten des Prüfungsprotokolls an und bestätigte sie. Es wurde jedoch festgestellt, dass seine Reaktionen auf die verschiedenen Situationen nicht angemessen und zeitnah waren, was zu Gefährdungen des Fahrzeugs, der Fahrgäste und anderer Verkehrsteilnehmer führte.

Basierend auf diesen Informationen und den von Herrn (A) und Herrn (B) bereitgestellten Aussagen ist es unser Ziel, eine umfassende Analyse der Situation durchzuführen und angemessene Mallnahmen zu ergreifen, um die Sicherheit im Straßenverkehr zu gewährleisten.

Die Fahrprüfung ist nicht bestanden, Herr (A) muss die vom Gesetz vorgeschrieben Fahrstunden absolvieren um sich zu einer neuen Fahrprüfung zu stellen. […] ».

Par décision du 19 juillet 2023, notifiée le 24 juillet 2023, le ministre confirma la décision de l’examinateur, telle que contenue dans le bulletin d’examen pratique daté du 9 juin 2023. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] Sehr geehrter Herr (A), Infolge Ihres Schreibens vom 12. Juni 2023 betreffend die oben genannte Angelegenheit, möchte ich Ihnen mitteilen, dass ich die Fachexperten der SNCA um eine Stellungnahme gebeten habe.

Diesbezüglich bitte ich Sie anbei eine Kopie des Schreibens der SNCA bezüglich der Stellungnahme zu finden.

Nachdem ich die verschiedenen Positionen überprüft habe, bin ich in der Lage, bestätigen zu können, dass Herr (B) die Prüfung objektiv und unparteiisch bewertet hat, basierend auf den nachgewiesenen Fakten während der Prüfung. Es liegt in seiner Verantwortung, sicherzustellen, dass ein Fahrschüler das Fahrzeug in Übereinstimmung mit den bestehenden Verkehrsregeln beherrscht.

Das Ergebnis der Fahrprüfung bleibt so wie vom Fahrprüfer Herrn (B) bewertet und somit haben Sie die Prüfung nicht bestanden. […] ».

Par courrier daté du 26 juillet 2023, réceptionné le 28 juillet 2023 par le ministère, Monsieur (A) introduisit auprès du ministre un recours (« Einspruch ») à l’encontre de la prise de position de la SNCA, datée du 12 juin 2023, précitée.

Par décision du 1er août 2023, réceptionnée le 3 août 2023, le ministre confirma la décision de l’examinateur, telle que contenue dans le bulletin d’examen pratique daté du 9 juin 2023 dans les termes suivants :

« […] Sehr geehrter Herr (A), Infolge Ihres Schreibens vom 26. Juli 2023 bezüglich Ihren Anmerkungen zur Stellungnahme der SNCA zu den Vorfällen bei der praktischen Prüfung der Kategorie D vom 9. Juni 2023, möchte ich erneut darauf verweisen, dass das Ergebnis der Fahrprüfung bestehen bleibt und somit Sie die Prüfung nicht bestanden haben.

Hiermit möchte ich Ihnen noch mitteilen, dass dieser Fall endgültig abgeschlossen ist.

[…] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours contre « une décision de rejet du Ministre de la mobilité et des travaux publics, département de la mobilité et des transports du 19 juillet 2023 […] d'un recours gracieux présenté le 12 juin 2023 par le requérant […], décision de rejet confirmée par le même Ministre en date du 1er août 2023 […] suite à un nouveau recours en grâce présenté par le requérant en date du 26 juillet 2023 […] contre une décision initiale d'échec aux épreuves pratiques du permis de conduire catégorie D*) du 9 juin 2023 rendue par la Société Nationale de Circulation Automobile (SNCA), société établie auprès du ministère de la mobilité des travaux publics, département de la mobilité des transports ».

1) Quant à l’objet du recours A titre liminaire, le tribunal est amené à examiner la question de l’objet du recours.

Celui-ci, correspondant au résultat recherché par le plaideur, est circonscrit dans le dispositif de la requête introductive d’instance, notamment par rapport aux actes ou décisions critiqués à travers le recours1. Néanmoins, dans l’hypothèse où ces éléments ressortent de manière claire du corps de la requête introductive d’instance, soutenant directement le dispositif, cette approche ne conduit pas à l’irrecevabilité de la demande, à condition qu’elle n’ait pas eu pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense2.

Par ailleurs, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’Homme, « [o]n peut légitimement attendre d’un professionnel du droit qu’il soit particulièrement rigoureux dans la rédaction d’un recours, et en particulier dans le choix des mots qu’il emploie »3.

En l’espèce, force est au tribunal de relever que le dispositif de la requête introductive d’instance vise expressément à « annuler […] les décisions attaquées » - non autrement qualifiées. Néanmoins, la première page de ladite requête précise que le recours serait dirigé contre « une décision de rejet du Ministre de la mobilité et des travaux publics, département de la mobilité et des transports du 19 juillet 2023 […] d'un recours gracieux présenté le 12 juin 2023 par le requérant […], décision de rejet confirmée par le même Ministre en date du 1er août 2023 […] suite à un nouveau recours en grâce présenté par le requérant en date du 26 juillet 2023 […] contre une décision initiale d'échec aux épreuves pratiques du permis de conduire catégorie D*) du 9 juin 2023 rendue par la Société Nationale de Circulation Automobile (SNCA), société établie auprès du ministère de la mobilité des travaux publics, département de la mobilité des transports ».

1 Trib. adm., 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 398 (1er volet) et les autres références y citées.

2 Cour adm., 16 mars 2006, n° 20688C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 401 et les autres références y citées.

3 Cour européenne des droits de l’homme, 15 janvier 2009, Guillard c/France, req. n° 24488/04.

Dès lors, se pose la question des actes effectivement attaqués par Monsieur (A).

A cet égard, le tribunal constate, d’une part, que la première page de la requête introductive met en exergue la « décision de rejet du Ministre de la mobilité et des travaux publics, département de la mobilité et des transports du 19 juillet 2023 » par l’utilisation de caractères dactylographiés en gras, tout en mentionnant que cette « décision de rejet » aurait été « confirmée par le même Ministre en date du 1er août 2023 ». Dans les deux cas, une référence est faite aux pièces annexées à la requête introductive d’instance. L’exposé des faits incorporé dans la requête mentionne également les deux décisions.

Dans ces conditions, le tribunal retient que Monsieur (A) a entendu diriger un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 19 juillet 2023 ainsi que contre la décision du 1er aout 2023, précitée, par laquelle le ministre a confirmé la décision du 19 juillet 2023.

2) Quant à la compétence du tribunal Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignée par « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « l’arrêté du 23 novembre 1955 », ni aucune autre disposition légale ne prévoient de recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation dirigé contre les décisions ministérielles datées des 19 juillet et 1er août 2023.

3) Quant à la recevabilité du recours Le recours en annulation dirigé contre les décisions ministérielles du 19 juillet 2023 et 1er août 2023 est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

4) Quant au fond Arguments et moyens des parties Dans sa requête introductive d’instance et en fait, le demandeur reprend en substance les rétroactes tels que exposés ci-avant, tout en insistant sur le fait qu’il ne se serait, à aucun moment, rendu coupable d’un défaut de maîtrise du véhicule lors des épreuves pratiques du permis de conduire luxembourgeois de la catégorie D, contrairement aux reproches formulés par l’examinateur dans le bulletin d’examen pratique. Il conteste également l’affirmation selon laquelle l’examinateur aurait procédé à une « intervention de secours », telle que mentionnée dans ledit bulletin d’examen, ou que l’examinateur aurait dû intervenir, tel que l’examinateur l’affirmerait. Le demandeur admet néanmoins qu’il y aurait eu des « moments un peu plus délicats » pendant la durée du trajet en raison de nombreux chantiers entraînant des chaussées rétrécies à certains endroits, rendant d’une manière générale la circulation plus difficile qu’en temps normal.

Le demandeur soutient que, sans cette appréciation erronée de l’examinateur, il se serait vu délivrer le permis de conduire sollicité.

En droit, le demandeur invoque, en premier lieu, une violation de la loi, sinon un excès de pouvoir, sinon un détournement de pouvoir, au motif que le ministre aurait fondé sa décision expressis verbis sur le bulletin d’examen pratique du 9 juin 2023, lequel fait état d’une « intervention de secours », dont il conteste formellement la réalité.

Le demandeur fait valoir, à cet égard, que la prise de position de la SNCA, datée du 12 juin 2023, serait demeurée silencieuse quant à ladite « intervention de secours » de l’examinateur, ce qui, selon lui, viendrait soutenir son affirmation.

Il ajoute qu’il aurait déposé une plainte pénale pour faux, sur base de l’article 195 du Code pénal, à l’encontre de l’examinateur, à laquelle il renvoie quant aux faits qui y seraient développés.

Le demandeur renvoie encore aux faits qu’il aurait développés dans ses deux recours gracieux. En soulevant une erreur manifeste qu’aurait fait l’examinateur dans l’appréciation de ses capacités à conduire un bus, il soutient que le ministre aurait violé la loi. Subsidiairement, en le privant de son permis de conduire de la catégorie D* sur la base d’un rapport d’examen erroné, le ministre aurait commis un excès de pouvoir, sinon un détournement de pouvoir.

En dernier lieu, le demandeur se prévaut d’un préjudice matériel et moral, qu’il évalue à la somme de … euros et pour lequel il sollicite l’indemnisation sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que le remboursement des frais d’avocat s’élevant à la somme de … euros sur la base de l’article 240 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur ajoute qu’il conteste, en l’absence de production des pièces relatives à sa formation, à son évaluation et au questionnaire destiné à l’évaluation individuelle des modalités de la qualité de l’examen, que l’examinateur remplirait les conditions requises pour procéder valablement à l’examen litigieux. Il en conclut que cet examen se serait déroulé dans des conditions illégales.

A l’appui de son argumentation, et sur la base des articles 8.1, 8.2 et 9 du règlement grand-ducal du 7 août 2012 déterminant les normes applicables aux examinateurs chargés de la réception des examens en vue de l’obtention du permis de conduire, ci-après « le règlement grand-ducal du 7 août 2012 », le demandeur reproche à l’examinateur (i) de ne pas avoir été soumis au contrôle annuel portant sur le développement professionnel des examinateurs sur le lieu de travail, (ii) de ne pas lui avoir soumis le questionnaire requis aux fins d’une évaluation individuelle des modalités de la qualité de l’examen et (iii) de ne pas avoir suivi une formation continue obligatoire.

Le demandeur en conclut que l’examinateur n’aurait pas été à même de juger de façon objective et qualifiée son comportement.

Il reproche également au délégué du gouvernement de n’avoir pas tenu compte de la « déclaration » du moniteur de l’auto-école ainsi que du « grand étonnement [de celui-ci] quant à l’échec étant persuadé que son élève avait réussi l’épreuve ! ». A cet égard, et « [a]fin de respecter les principes d’un débat contradictoire », le demandeur sollicite l’audition du moniteur de l’auto-école pour établir le déroulement exact de l’épreuve pratique litigieuse.

Pour le surplus, le demandeur maintient son argumentation exposée dans sa requête introductive d’instance.

La partie étatique conclut au rejet du recours pour être non fondé.

Appréciation du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève qu’il n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégagent4.

S’agissant du moyen soulevé par le demandeur tiré d’une violation de la loi, d’un excès de pouvoir, sinon d’un détournement de pouvoir, au motif que le ministre aurait fondé les décisions litigieuses expressis verbis sur le bulletin pratique précité du 9 juin 2023, lequel fait état d’une « intervention de secours » de l’examinateur lors de l’examen pratique du demadeur, le tribunal relève que l’article 82 de l’arrêté du 23 novembre 1955, dans sa version applicable au moment de la prise des décisions déférées, dispose que :

« Le permis de conduire est délivré par le ministre ayant les Transports dans ses attributions sur le vu d’un procès-verbal attestant que les connaissances du candidat et son aptitude de conduire un véhicule automoteur sont suffisantes. […] Sans préjudice des dispositions des articles 84 et 86, aucun permis de conduire n’est délivré sans examen préalable comprenant des épreuves théoriques et pratiques et donnant un résultat suffisant dans les deux épreuves. […] ».

Il résulte des dispositions légales qui précèdent que le ministre doit délivrer le permis de conduire (« le permis de conduire est délivré ») à un candidat après que celui-ci a été soumis à un examen préalable comprenant des épreuves théoriques et pratiques, lesquelles ont abouti à un résultat suffisant dans chacune de ces épreuves, attesté par un procès-verbal consignant ses connaissances et son aptitude à la conduite d’un véhicule automoteur. Inversement, en cas de résultat insuffisant dans lesdites épreuves le ministre ne peut pas délivrer de permis de conduire. Dès lors, le ministre ne dispose, dans ce contexte, que d’une compétence liée.

En l’espèce, il est constant que le demandeur a été soumis à des épreuves pratiques le 9 juin 2023 et que le bulletin d’examen de ces épreuves, daté du même jour, mentionne, notamment, expressément : « L’examinateur soussigné certifie que le candidat désigné au verso […] a échoué aux épreuves pratiques catégorie D*) ». Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a, par ses décisions des 19 juillet 2023 et 1er août 2023, confirmé l’échec du demandeur aux épreuves et qu’il ne lui a, sur cette base, pas délivré le permis de conduire de la catégorie D.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le moyen avancé par le demandeur selon lequel le bulletin d’examen pratique du 9 juin 2023 aurait été pris en violation des articles 8.15, 4 Trib. adm., 27 octobre 1999, n° 11231 et 11232 du rôle, conf. par Cour adm., 18 mai 2000, n° 11707C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 1052 et les autres références y citées.

5 Art. 8.1 du règlement grand-ducal du 7 août 2012 : « Le contrôle annuel des examinateurs sur leur lieu de travail consiste notamment en un contrôle de leur développement et de leur perfectionnement professionnels ainsi qu'en une analyse périodique des résultats enregistrés aux examens pratiques qu'ils ont reçus. Cette analyse comporte en particulier une évaluation comparative des taux de réussite et d'échec aux examens pratiques reçus par les différents examinateurs en tenant compte à cet égard de différents indicateurs dont notamment la catégorie du permis de conduire sollicitée, la durée de l'examen, le trajet parcouru et les causes qui étaient à l'origine d'un échec.

7 8.26 et 97 du règlement grand-ducal du 7 août 2012. En effet, force est au tribunal de relever que l’argumentation du demandeur selon laquelle, en substance, l’examen pratique se serait déroulé dans des conditions illégales, au motif que l’examinateur n’aurait pas rempli les conditions requises pour effectuer valablement l’examen en question, en ce sens que la partie étatique serait restée, selon lui, en défaut de produire les pièces relatives à la formation, à l’évaluation et au questionnaire destiné à l’évaluation individuelle des modalités de la qualité de l’examen de l’examinateur, n’est pas fondée au vu des pièces versées au dossier administratif.

En effet, le bulletin d’examen pratique daté du 9 juin 2023 mentionne expressément Monsieur (B) en qualité d’examinateur. Or, il ressort, tout d’abord, d’un premier arrêté ministériel daté du 18 janvier 2013 que ce dernier a été agréé conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 7 août 2012 en tant qu’examinateur chargé de la réception des examens pour l’obtention du permis de conduire pour une durée de cinq ans. Cet agrément a ensuite été renouvelé pour une durée de cinq ans par un second arrêté ministériel daté du 2 janvier 2018, puis encore pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2023 par un troisième arrêté ministériel daté du 21 novembre 2022.

Il s’ensuit que Monsieur (B) remplissait bien les conditions légales pour exercer ses fonctions à la date de l’examen pratique le 9 juin 2023 et qu’il était pleinement habilité, contrairement à ce qu’affirme le demandeur, à évaluer de manière objective et en toute compétence son comportement lors des épreuves pratiques, de même qu’à consigner le résultat de l’examen pratique dans un procès-verbal dressé par lui conformément à l’article 8.1, paragraphe 4, alinéa 2 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955. Dès lors, le moyen afférent soulevé par le demandeur encourt le rejet.

Pour les mêmes motifs, le moyen du demandeur selon lequel le ministre aurait commis une erreur manifeste d’appréciation quant à ses capacités à conduire un bus et aurait violé la loi en fondant les décisions litigieuses sur un bulletin d’examen pratique prétendument erroné, encourt lui aussi le rejet, étant rappelé que la compétence du ministre est liée de sorte qu’il L'observation des examinateurs lors de la réception des examens pratiques par un expert externe approuvé par le ministre, a notamment comme objectif d'évaluer la conformité et les compétences des examinateurs au regard des exigences figurant aux points 2. et 4. de l'annexe du présent règlement.

Cette évaluation porte également sur la qualité de l'examen pratique en général en termes d'organisation, de contenu et d'évaluation, de sorte à assurer des examens équitables et homogènes. » 6 Art. 8.2 du règlement grand-ducal du 7 août 2012 : « Par ailleurs, la SNCA soumet aux candidats qui se sont présentés à un examen pratique en vue de l'obtention du permis de conduire, suivant une méthode statistique adéquate, un questionnaire aux fins d'une évaluation individuelle des modalités et de la qualité de l'examen qu'elle a organisé. » 7 Art 9 du règlement grand-ducal du 7 août 2012 : « 1. Les examinateurs, indépendamment du nombre de catégories pour lesquelles ils sont agréés, doivent suivre une formation continue obligatoire.

Cette formation continue obligatoire comporte : • une formation continue régulière minimale de quatre jours au total par période de deux ans, pour maintenir et développer les compétences nécessaires pour l'exercice de leur profession ; • une formation continue minimale d'au moins cinq jours au total par période de cinq ans pour développer et maintenir les compétences pratiques nécessaires à la conduite. La SNCA prend les mesures nécessaires pour que les examinateurs répondent aux conditions de formation continue obligatoire précitées.

2.Lorsqu'un examinateur est agréé pour recevoir des examens pratiques pour plusieurs catégories du permis de conduire, il suffit qu'il suive une formation continue obligatoire pour une de ces catégories seulement, à condition d'avoir reçu des examens pratiques dans les autres catégories au cours des 24 derniers mois.

Si un examinateur n'a pas reçu d'examen pratique dans une catégorie du permis de conduire sur une période dépassant 24 mois, il doit faire l'objet d'une réévaluation adaptée avant d'être autorisé à recevoir de nouveau des examens pratiques relatifs à cette catégorie. Cette réévaluation a lieu dans le cadre de la formation continue obligatoire telle que prévue au paragraphe 1. ».n’est légalement habilité qu’à délivrer ou refuser de délivrer le permis de conduire sur base des conclusions tirées par l’examinateur dans son procès-verbal, sans pouvoir les remettre en cause.

En conséquence, l’argumentation du demandeur suivant laquelle le bulletin d’examen pratique du 9 juin 2023 ferait état de faits « faux », qu’il aurait dénoncés dans une plainte déposée à l’encontre de l’examinateur, celle-ci n’est pas fondée. D’ailleurs, il ressort d’un courrier daté du 20 décembre 2023, émanant du Parquet du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, que cette plainte a été classée sans suite pénale le 19 décembre 2023, au motif que les faits invoqués n’étaient pas susceptibles de revêtir une qualification pénale.

En ce qui concerne le reproche du demandeur à l’égard du délégué du gouvernement de ne pas avoir tenu compte de la « déclaration » du moniteur de l’auto-école ainsi que du « grand étonnement [de celui-ci] quant à l’échec étant persuadé que son élève avait réussi l’épreuve ! », le tribunal retient que ces affirmations, non autrement circonstanciées, restent à l’état de pures allégations, et sont, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause les conclusions de l’examinateur agrée consignées dans le procès-verbal.

En dernier lieu, quant aux développements du demandeur relatifs à ses préjudices matériels et moraux allégués qu’il estime à un montant de … euros et à son droit à une indemnisation sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil, ainsi que le remboursement de ses frais d’avocat d’un montant de … euros sur base de l’article 240 Nouveau Code de procédure civil, il sied de relever que le tribunal de céans n’est pas compétent pour allouer une quelconque indemnisation au demandeur, ce dernier devant faire valoir ses prétentions indemnitaires éventuelles devant le juge judiciaire, seul compétent en la matière.

Il s’ensuit que les développements afférents du demandeur sont à rejeter.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précédent et à défaut de tout autre moyen, le recours en annulation sous analyse est à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 28 mars 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Shania HAMES.

s. Shania HAMES s. Françoise EBERHARD 9


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 49557
Date de la décision : 28/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-28;49557 ?

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