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31/03/2025 | LUXEMBOURG | N°49423

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 mars 2025, 49423


Tribunal administratif N° 49423 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49423 1re chambre Inscrit le 14 septembre 2023 Audience publique du 31 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49423 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2023 par la société

à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie et ayant son siège social à L-1630 L...

Tribunal administratif N° 49423 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49423 1re chambre Inscrit le 14 septembre 2023 Audience publique du 31 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49423 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2023 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265326, représentée par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Venezuela), de nationalité vénézuélienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 août 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Julie KIEFFER, en remplacement de Maître Frank WIES, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mars 2025.

Le 14 décembre 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

1En date des 23 septembre, 17 octobre et 5 décembre 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 16 août 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 18 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 14 décembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche manuscrite du 14 décembre 2021, le rapport du Service de Police Judiciaire du 14 décembre 2021 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 23 septembre, 17 octobre et 5 décembre 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de votre demande de protection internationale.

Monsieur, il ressort de votre dossier administratif que vous êtes né le … à …, capitale de l’Etat de … au Venezuela, de nationalité vénézuélienne, de confession chrétienne et célibataire. Vous auriez vécu toute votre vie dans la municipalité de Naguanagua à Valencia en dehors de trois années, respectivement de juillet 2018 à mai 2021, au cours desquelles vous vous seriez installé temporairement au Pérou avant de retourner dans votre pays d’origine.

À l’appui de votre demande de protection internationale, vous avancez que vous auriez quitté le Venezuela car vous auriez été persécuté, intimidé, verbalement maltraité, frappé et extorqué par les forces de l’ordre vénézuéliennes en raison de votre opposition contre le gouvernement de Nicolas Maduro. Vous ajoutez brièvement que votre homosexualité aurait également été un facteur aggravant alors qu’il y aurait beaucoup d’homophobie au Venezuela.

Dans ce contexte, vous expliquez tout d’abord que vous seriez opposé au gouvernement de Nicolas Maduro, régime que vous qualifiez de « dictature » (p.11/30 du rapport d’entretien) et dont vous critiquez les actions telles que l’expropriation des entreprises, les assassinats politiques, la répression de la dissidence ou le non-respect de droits fondamentaux comme celui de la liberté d’expression. Aligné sur l’idéologie politique de vos parents et voulant vous opposer contre le gouvernement, vous auriez adhéré aux valeurs du parti d’opposition Primero Justicia, sans toutefois en détenir une carte de membre, et vous auriez soutenu l’opposant politique Juan Guaidó.

Dès l’année 2016, vous auriez commencé à assister Primera Justicia dans leurs campagnes politiques en distribuant des flyers et du matériel à leur effigie, en gérant leurs 2stands sur la voie publique ou en participant à des manifestations. Toutefois, un tel engagement n’aurait pas été sans risque puisque les forces de l’ordre auraient parfois délogé les stands de Primera Justicia, auraient procédé à l’arrestation de leurs activistes qui auraient fait la promotion du parti et auraient réprimé sévèrement les manifestations antigouvernementales auxquelles vous auriez participé.

Vous mentionnez plus particulièrement que lors de votre dernière participation à une manifestation en novembre 2017 sur l’Avenue Bolivar à Valencia, des militaires auraient réussi à vous interpeller après avoir semé un mouvement de panique dans la foule en faisant usage de gaz lacrymogène, en tirant des balles en caoutchouc et en utilisant un canon à eau.

Ils vous auraient menotté et aveuglé en plaçant votre t-shirt sur votre tête et vous auraient emmené avec d’autres manifestants détenus vers un lieu inconnu où vous auriez été placé dans une cellule avec une quinzaine de personnes. Après trois jours d’emprisonnement dans des conditions précaires, vous auriez été interrogé avec d’autres manifestants par des militaires.

Ils auraient notamment cherché à connaître vos motifs de participation, à savoir si vous aviez été rémunéré, si vous aviez participé à d’autres manifestations et à découvrir le nom de vos leaders. Vous auriez décidé de ne pas répondre à leurs questions de sorte que votre silence aurait agacé votre interrogateur qui se serait mis à vous donner des coups. Il aurait saisi son couteau et l’aurait fait glisser le long de votre bras pour vous menacer de parler avant d’ordonner à un collègue « faites sortir ce Maricon (PD) d’ici » (p.16/30 du rapport d’entretien). Les militaires auraient ensuite saisi vos empreintes digitales avant de vous placer dans un camion avec d’autres manifestants. Vous auriez été conduit vers une destination inconnue où vous auriez finalement tous été abandonnés. Libéré, vous auriez réalisé que d’autres manifestants auraient été encore plus brutalisés que vous. Après concertation et soutien mutuel, vous auriez pris la route ensemble et vous vous seriez retrouvés dans un village où les habitants seraient venus vous secourir. Un téléphone vous aurait été emprunté afin que vous puissiez contacter votre mère qui serait venue vous récupérer.

Vous expliquez qu’après cet incident vous auriez réellement pris conscience « des conséquences et des persécutions que je pouvais avoir, pour avoir participer (sic) aux manifestations » (p.8/30 du rapport d’entretien). Par ailleurs, vos empreintes digitales ayant été saisies, vous auriez estimé avoir été « identifié » (p.8/30 du rapport d’entretien) par les autorités vénézuéliennes et vous auriez dès lors pris des mesures de précaution telles que le changement de votre établissement scolaire et vous auriez cessé de participer à des manifestations antigouvernementales.

En février 2018, alors que vous auriez été sur le trajet de votre domicile après avoir passé une journée à l’école, vous auriez été contrôlé par des militaires. Ces derniers vous auraient soupçonné d’avoir participé le même jour à une manifestation et d’en avoir décousu avec les forces de l’ordre. L’un des militaires aurait fouillé votre sac et consulté le contenu de votre téléphone portable de sorte que vous estimez qu’il aurait constaté, via les photos, vidéos et messages, votre participation antérieure à des manifestations antigouvernementales. Il vous aurait demandé votre carte d’identité, mais puisque vous ne l’auriez pas possédée sur vous, il vous aurait demandé votre numéro d’identification. Selon vous, ce numéro leur aurait permis d’avoir accès à « une sorte de système où, en introduisant le numéro de la carte d’identité, on pouvait savoir si tu étais pour ou contre le gouvernement » (p.21/30 du rapport d’entretien).

Après vous avoir identifié via ce numéro d’identification, le militaire vous aurait laissé repartir. En récoltant vos affaires personnelles, un militaire aurait insisté pour vous remettre un flacon avec un contenu blanc en clamant qu’il s’agissait du vôtre. Suspectant que « c’était de la cocaïne » (p.8/30 du rapport d’entretien), vous auriez dénié plusieurs fois malgré son 3insistance compte tenu que vous auriez conscience de ce modus operandi, à savoir qu’il s’agissait d’un subterfuge qui allait lui permettre de vous arrêter alors que sans ce motif fictif « ce n’était pas vraiment possible (…), car je n’avais rien fait » (p.8/30 du rapport d’entretien).

Lorsque ce militaire se serait retourné pour discuter avec des collègues, vous auriez saisi l’opportunité pour prendre la fuite malgré le fait de ne pas avoir récupéré votre téléphone portable. Vous auriez néanmoins été rattrapé par les militaires qui se seraient mis à vous frapper violemment. Des passants seraient intervenus et auraient stoppé les militaires. Vous auriez ensuite été conduit à l’hôpital où votre mère vous aurait rejoint.

Après cet incident, votre mère vous aurait averti que les autorités vénézuéliennes « t’ont identifié, n’importe ce que tu fais, tu es identifié, s’ils prennent ton téléphone, ils regardent tes photos et tes réseaux, ils peuvent t’identifier » (p.9/30 du rapport d’entretien). Au cours du semestre suivant, vous auriez par conséquent arrêté votre scolarisation, minimisé vos déplacements et alterné de lieu de résidence entre le domicile de votre mère, de votre tante et de votre grand-mère. Vous précisez que des militaires se seraient présentés au domicile de votre grand-mère alors que vous y auriez été caché mais qu’ils n’auraient pas inspecté l’intérieur. Craignant d’être identifié, arrêté, voire tué, vous auriez décidé de vous exiler au Pérou, où aurait vécu votre unique frère, en date du 18 juillet 2018 par voie terrestre en empruntant les « trochas » afin de ne pas avoir à présenter de documents lors du passage frontalier.

Lors de votre séjour de trois années au Pérou, vous n’auriez pas possédé de permis temporaire de travail malgré le fait d’en avoir sollicité un. En situation irrégulière, vous auriez néanmoins travaillé dans un magasin d’alcool puis en tant que conseiller de vente au sein d’une agence téléphonique. À cause de la xénophobie envers les ressortissants vénézuéliens et croyant que « les choses seraient différentes, car des années avaient passées, et je pensais que ce serait mieux. Je pensais aussi qu’on allait plus me reconnaitre » (p.9/30 du rapport d’entretien), vous auriez décidé de retourner par avion dans votre pays d’origine en mai 2021.

De retour au Venezuela, en possession d’une nouvelle voiture, vous auriez été contrôlé et extorqué « approximativement 25 fois ou plus peut-être » (p.24/30 du rapport d’entretien) à des postes de contrôle routier, par des policiers, militaires ou fonctionnaires en civil corrompus. Qualifiant ces actes de persécution, vous expliquez que généralement les forces de l’ordre vous auraient demandé votre carte d’identité ainsi que votre carnet de la patrie. Or, étant donné que vous n’auriez pas possédé de carnet de la patrie, elles vous auraient fait sortir de votre véhicule, l’auraient inspecté et auraient procédé à une fouille au corps. Puis, elles auraient systématiquement fini par vous extorquer de l’argent, autrement elles vous auraient menacé d’aggraver la situation en essayant de « t’emmener à un point plus grave en tant qu’opposant » (p.24/30 du rapport d’entretien), respectivement « t’arrêter ou si c’est plus grave, te tuer » (p.24/30 du rapport d’entretien) alors qu’elles auraient accès à une liste recensant les divers opposants. La dernière fois que vous auriez été contrôlé, en novembre 2021, les forces de l’ordre auraient exigé une somme plus élevée que d’habitude. Vous n’auriez pas été en mesure de la payer directement et elles vous auraient donc brutalisé en vous poussant par terre et en vous menaçant que « quelque chose de plus grave peut arriver » (p.25/30 du rapport d’entretien). Vous auriez donc été contraint de contacter votre mère et votre oncle afin qu’ils récoltent la somme exigée pendant que les forces de l’ordre vous auraient retenu jusqu’au paiement du pot-de-vin.

Ces actes d’extorsion, notamment le dernier, auraient déclenché en vous le besoin de quitter le Venezuela. Vous auriez encore pris la décision de vous rendre le 23 novembre 2021 4à la Direction générale de la Police de Naguanagua pour y déposer « une plainte par le biais du département des droits humains » (p.18/30 du rapport d’entretien), résumant votre engagement politique dans l’opposition, vos participations à des manifestations, la répression des forces de l’ordre, votre détention de trois jours, les violences commises lors de votre contrôle par les forces de l’ordre en février 2018, votre exil au Pérou et les actes d’extorsion dont vous auriez été victime. Vous précisez que vous auriez déposé une telle plainte « pour qu’il y ait une trace pour qu’on sache, si jamais quelque chose m’arrive, que ma mère et les autres puissent savoir que c’était la faute du gouvernement » (p.18/30 du rapport d’entretien).

Finalement, vous rapportez brièvement que vous auriez été victime de discrimination en raison de votre orientation sexuelle, respectivement votre homosexualité, et qu’il se serait agi d’un facteur aggravant alors que l’homophobie serait omniprésente au Venezuela.

Par conséquent, vous auriez quitté votre pays d’origine le 6 décembre 2021. Vous auriez pris un vol à l’aéroport de Valencia pour vous rendre en Espagne en transitant par la République dominicaine en étant en possession d’un passeport qui vous a été délivré le 30 juillet 2021. Arrivé en Europe, vous auriez rejoint le Luxembourg en moins d’une semaine pour y introduire une demande de protection internationale en date du 14 décembre 2021.

À l’appui de votre demande, vous remettez les documents suivants :

- Votre passeport vénézuélien délivré en date du 30 juillet 2021;

- une photocopie de votre dépôt de plainte du 23 novembre 2021 à la Direction générale de la Police de Naguanagua en espagnol avec sa traduction en français.

2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Avant tout autre développement, il convient de soulever que suivant l’article 2 p) de la Loi de 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d’origine du demandeur, c’est-à-dire le pays dont vous possédez la nationalité, ce qui dans votre cas est le Venezuela. Ainsi les faits qui se seraient déroulés respectivement les faits exprimés en relation avec le Pérou ne peuvent pas être pris en compte dans l’évaluation de votre demande de protection internationale.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut 5ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il ressort de l’évaluation de vos motifs de fuite que vous auriez quitté le Venezuela car vous auriez été identifié par les autorités vénézuéliennes comme étant un opposant politique, respectivement un traître à la patrie, en raison de votre participation à des manifestations antigouvernementales et pour ne pas avoir possédé un carnet de la patrie. Vous indiquez également que vous auriez continuellement été victime d’actes d’extorsion perpétrés par des forces de l’ordre corrompus et que vous vous y seriez soumis car vous auriez redouté que votre situation ne s’aggrave en raison de votre profil d’opposant. Finalement, vous déclarez que votre orientation sexuelle, respectivement votre homosexualité, aurait été un facteur aggravant et que vous auriez été discriminé. Ainsi, en cas de retour dans votre pays d’origine, vous craindriez d’être tué en raison de votre profil d’opposant politique et redouteriez que le versement de pots-de-vin suite aux extorsions des forces de l’ordre ne soit plus un levier suffisant pour « acheter ma vie » (p.26/30 du rapport d’entretien).

Avant tout progrès en cause, il échet ainsi de relever que l’ensemble de vos déclarations concernant les motifs qui vous auraient poussé à fuir votre pays d’origine restent en l’état de pure allégation et ne sont corroborées par aucun élément de preuve. En effet, vous n’apportez aucune preuve quant à votre adhérence aux idéologies politiques du parti Primera Justicia et de votre engagement dans le cadre de leurs campagnes politiques, de votre participation à des manifestations antigouvernementales, de votre arrestation par les autorités vénézuéliennes et votre détention de trois jours qui en aurait découlée, de vos diverses hospitalisations ou encore des actes d’extorsion dont vous auriez été victime.

De plus, alors que vous tentez de vous vous faire passer pour une personne qui se serait démarquée par son grand intérêt pour la politique, les élections et le soutien de l’opposition au Venezuela, il y a lieu de sérieusement remettre en doute, ou du moins relativiser, le degré de votre engagement politique compte tenu de votre méconnaissance compromettante du paysage politique vénézuélien. En effet, ce constat se base sur le fait qu’il ressort de la lecture de votre rapport d’entretien que vous êtes dans l’incapacité de citer le nom du parti politique de Nicolas Maduro, respectivement le Partido Socialista Unido de Venezuela (PSUV), dont vous faites référence sous le nom du « Parti politique de Chavez » (p.11/30), parti au pouvoir contre lequel vous prétendez tout de même avoir protesté en participant à de nombreuses manifestations et qui vous aurait « identifié » comme opposant. Tout comme vous n’êtes pas en mesure de nommer le parti politique de Juan Guaidó, respectivement Voluntad Popular, alors que ce politicien a occupé un rôle central dans la lutte contre le gouvernement de Nicolas Maduro et que vous prétendez l’avoir soutenu à partir de 2016 (p.11/30 du rapport d’entretien). Or, Monsieur, il est indéniable qu’un activiste engagé au Venezuela, qui prétend « lutter contre le gouvernement qui était au pouvoir » (p.7/30 du rapport d’entretien) en participant activement à des campagnes et à de nombreuses manifestations antigouvernementales en 2016 et 2017, devrait être en mesure de citer exactement le nom du parti politique contre lequel sa lutte se serait dirigée, mais également le nom du parti auquel a appartenu Juan Guaidó, c’est-à-dire l’opposant politique le plus symbolique et médiatisé de 6ces dernières années au Venezuela. Partant, votre méconnaissance à ce sujet pousse inévitablement à remettre en doute l’envergure de votre engagement politique et de votre participation à la lutte pacifique contre le gouvernement de Nicolas Maduro, et par extension le fait que vous auriez été perçu par les autorités vénézuéliennes comme étant un opposant politique.

Ceci dit, en ce qui concerne vos craintes relatives au fait que vous seriez identifié par les autorités vénézuéliennes comme étant un opposant politique, à les supposer avérées, ce qui n’est pas établi, il y a lieu de relever qu’elles ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève et la Loi de 2015 alors qu’elles ne sont pas liées à votre race, votre religion, votre nationalité, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

Même à admettre que vous auriez réellement été opposé au gouvernement en place et que vous auriez participé à des campagnes pour le compte du parti Primera Justicia et à des manifestations antigouvernementales, l’adoption d’opinions politiques en opposition à un régime politique en place n’est pas suffisant pour prétendre au statut de réfugié. Bien que vous déclarez, Monsieur, que vous auriez participé à une trentaine de manifestations antigouvernementales en 2016 et 2017, vous n’indiquez nullement faire partie d’un parti politique d’opposition, ni occuper une quelconque fonction de leader au sein d’un groupe contestataire au Venezuela. Vous ne mentionnez que compendieusement que vous vous seriez aligné sur l’idéologie politique du parti Primera Justicia - sans toutefois posséder une carte de membre ou avoir participé à leurs réunions - car il se serait agi du parti politique que vos parents auraient soutenu et que vous auriez été « d’accord avec les idées qu’ils avaient pour le pays » (p.11/30 du rapport d’entretien) puisqu’il représentait symboliquement votre ambition que « le parti politique au pouvoir quitte le pouvoir » (p.10/30 du rapport d’entretien).

Partant, votre emprisonnement de trois jours après votre interpellation par les forces de l’ordre dans le cadre d’une manifestation en novembre 2017 n’est pas à percevoir comme ayant été motivée contre vous personnellement, respectivement en raison de votre prétendu statut d’opposant politique. Il est plutôt établi, que vous n’êtes pas à considérer comme un activiste politique au Venezuela et que vous n’y avez pas été menacé à cause de vos opinions politiques, mais que vous feriez plutôt partie de ces centaines de milliers de Vénézuéliens qui ont déjà exprimé leur mécontentement envers le gouvernement à travers différentes méthodes (réseaux sociaux, manifestations), sans que ceux-ci ne soient tous personnellement visés par les autorités vénézuéliennes. Ce constat est d’ailleurs corroboré par le fait que vous confirmez ne pas avoir été la seule personne interpellée au cours de cette manifestation puisque vous auriez été placé en détention puis interrogé avec d’autres manifestants interpelés.

Par ailleurs, en dépit du fait que les autorités vénézuéliennes auraient prétendument pris vos empreintes digitales lors de votre troisième journée de détention - et nonobstant des incohérences qui parsèment votre dossier administratif à cet égard alors que vous ne mentionnez aucunement ce fait dans votre dépôt de plainte du 23 novembre 2021- il appert qu’elles ne vous auraient certainement pas identifié en tant qu’opposant politique puisque vous indiquez qu’elles vous auraient libéré le même-jour. Tout comme il est évident que vous n’êtes pas dans le viseur des autorités vénézuéliennes puisqu’elles n’auraient pas procédé à votre arrestation lors d’un contrôle de routine en février 2018 lorsqu’elles vous auraient brièvement suspecté d’avoir participé à une manifestation le jour-même. Au contraire, en dépit même du fait qu’un militaire aurait prétendument contrôlé votre identité via votre numéro 7d’identification - et qu’il aurait supposément eu accès à un registre recensant tous les opposants politiques - vous expliquez qu’il vous aurait autorisé à reprendre votre chemin puisque « pour eux ce n’était pas vraiment possible de m’arrêter, car je n’avais rien fait » (p.8/30 du rapport d’entretien).

Vous prétendez que les six mois ayant suivi ce contrôle de routine en février 2018, vous auriez limité vos déplacements et que vous auriez alterné de lieu de résidence entre le domicile de votre mère, de votre tante et de votre grand-mère car vous auriez été « déjà identifié » (p.21/30 du rapport d’entretien) et que les autorités « connaissaient mon adresse, c’est pour cela que je ne voulais pas rester tous les jours chez moi » (p.21/30 du rapport d’entretien).

Vous tentez même de dramatiser votre récit en ajoutant que des militaires se seraient présentés au domicile de votre grand-mère, sous-entendant qu’ils auraient été à votre recherche, mais qu’ils n’auraient pas fouillé le domicile en raison de son âge avancé. Faisant abstraction de cette justification insensée, il est évident que vous n’étiez aucunement recherché par les autorités vénézuéliennes puisque vous indiquez que l’adresse à laquelle vous auriez été inscrit officiellement, respectivement celle que les autorités « connaissaient », aurait été celle de votre père : « à l’époque j’avais mon adresse à l’adresse de mon père » (p.22/30 du rapport d’entretien) et vous admettez que les autorités ne s’y seraient jamais présentés (p.22.30 du rapport d’entretien).

Finalement, le constat que la mention de votre supposé activisme politique et de votre identification en tant que telle par les autorités vénézuéliennes n’aurait été qu’une tentative de conférer une connotation politique aux problèmes que vous auriez rencontrés au Venezuela dans l’unique but d’augmenter les probabilités de vous voir octroyer le statut de réfugié est corroboré par le fait que vous n’auriez eu aucune difficulté à vous voir remettre un nouveau passeport en date du 30 juillet 2021 et que vous n’auriez rencontré aucun obstacle à l’aéroport avec les autorités vénézuéliennes pour quitter votre pays légalement en date du 6 décembre 2021. Nonobstant du caractère non crédible de votre récit lorsque vous prétendez que vous auriez dû faire appel à une conseillère du SAIME pour qu’elle vous aide à entreprendre les démarches pour obtenir un nouveau passeport en échange du versement de 500 dollars car « si je le faisais moi-même, je ne l’aurais jamais eu » (p.3/30 du rapport d’entretien), il appert que vous vous seriez tout de même déplacé personnellement au bureau du SAIME pour vous voir remettre votre passeport après avoir donné vos empreintes digitales et vous être fait photographier. En ce qui concerne votre passage à l’aéroport, vous expliquez que vous auriez été contrôlé et interrogé de manière protocolaire par des militaires, tout comme tous les autres passagers vénézuéliens, et que ceux-ci ne vous auraient pas posé de problèmes. Or, cela reviendrait à dire que les autorités vénézuéliennes, tout en vous ayant prétendument identifié comme un activiste antigouvernemental, ne se seraient pas opposées à vous délivrer un nouveau passeport et à vous autoriser à quitter votre pays d’origine. Partant, il est évident que vous ne vous trouveriez nullement dans leur collimateur.

À cela s’ajoute que les faits dont vous auriez été victime, et qui constituent indubitablement des actes répréhensibles, ne revêtent néanmoins pas un degré de gravité tel qu’ils permettent d’être considérés comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, et de retenir que vos conditions de vie au Venezuela vous soient devenues intolérables.

En effet, il ressort de la lecture de votre entretien que les autorités vénézuéliennes vous auraient détenu pendant trois jours en novembre 2017 et vous aurait fait subir un interrogatoire musclé lors de votre dernière journée de captivité avant de procéder à votre 8remise en liberté. Ainsi, il appert que les autorités vénézuéliennes n’auraient finalement pas estimé que votre prétendu activisme représentait un élément déstabilisateur pour le gouvernement en place et n’auraient plus continué à vous considérer comme activiste étant donné qu’aucune suite n’a été donnée et qu’il ne vous serait plus rien arrivé dans ce contexte.

Le même constat s’impose en ce qui concerne le contrôle arbitraire par des militaires en février 2018 alors qu’il ressort de vos dires que leurs actions violentes à votre encontre découleraient du fait que vous auriez été rattrapé par ces derniers après avoir essayé de prendre la fuite et qu’après vous avoir donné quelques coups, ils ne vous auraient pas placé en détention - alors qu’ils auraient désormais possédé un motif valable pour vous arrêter puisque vous auriez essayé de leur échapper - ou poursuivi d’une quelconque manière par après.

Ce constat du manque de gravité est aussi renforcé par le fait qu’il ne vous serait rien arrivé de particulier entre ce contrôle arbitraire en février 2018 et votre départ vers le Pérou en date du 18 juillet 2018, soit une période d’environ cinq mois. Or, les actes considérés comme une persécution au sens de la Convention de Genève doivent être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, ce qui n’est pas le cas en l’espèce De plus, il y a surtout lieu de soulever qu’après votre exil de trois années au Pérou, vous avez décidé par vous-même de retourner au Venezuela en mai 2021. Or, il est évident qu’un retour volontaire ne reflète en rien le comportement d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée ou de devenir victime d’atteintes graves. En effet, une personne réellement en danger aurait comme seul but de rester en sécurité dans un pays où elle aurait trouvé refuge et certainement pas de retourner dans son pays d’origine en se basant sur des considérations aléatoires et évaluations personnelles lui permettant de penser que la situation aurait changé favorablement en sa faveur.

Par ailleurs, le fait que les autorités vénézuéliennes n’auraient pas procédé à votre interpellation lors de votre retour au Venezuela, alors que vous auriez été contrôlé par des militaires à l’aéroport et qu’il n’y aurait « pas [eu] de problème » (p.10/30 du rapport d’entretien), que « tout se passe relativement normalement » (p.22/30 du rapport d’entretien), démontre clairement que vous n’étiez aucunement dans leur viseur et que vos craintes dès lors par rapport à votre sécurité personnelle sont infondées et traduisent un simple sentiment d’insécurité.

En ce qui concerne les actes d’extorsion dont vous auriez été victime lors de contrôles routiers sur la voie publique entre mai et décembre 2021, respectivement entre votre retour du Pérou et votre départ définitif du Venezuela, force est de constater que ces actes n’ont aucun lien avec la Convention de Genève et la Loi de 2015 qui prévoient l’obtention du statut de réfugié à toute personne personnellement persécutée dans son pays d’origine, ou qui risque de personnellement devenir la cible de persécutions à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

En effet, il ressort clairement de vos dires que les extorqueurs, à savoir des organismes étatiques tels que des policiers, militaires ou fonctionnaires en civil corrompus, auraient uniquement agi dans un but de lucre. Quand bien même vous tentez d’attribuer une connotation politique à ces actes d’extorsion en expliquant que « leur objectif commun était ou bien essayer de t’extorquer ou bien de t’identifier comme opposant » (p.24/30 du rapport d’entretien), il s’avère que vos extorqueurs ne vous auraient que soutiré de l’argent sans avoir d’autres exigences permettant de pouvoir relier ces faits à l’un des cinq critères de la Convention de 9Genève. Vous mentionnez par exemple qu’« ils attendaient que je leur donne de l’argent » (p.23/30 du rapport d’entretien), que l’un de vos extorqueurs vous aurait précisé « Donne-moi quelque chose de valeur, de l’argent ou autre chose de valeur » (p.23/30 du rapport d’entretien) ou encore, lorsque cela vous serait arrivé pour la dernière fois, que vos extorqueurs « ne voulaient pas seulement quelque chose de valeur, ils voulaient beaucoup plus d’argent » (p.23/30 du rapport d’entretien). Or, tout en prétendant qu’ils auraient systématiquement consulté votre carte d’identité et eu accès à une base de données recensant tous les opposants politiques, vous ne faites jamais état d’une autre exigence formulée de la part de ces extorqueurs. En d’autres termes, il est évident qu’au vue de vos descriptions, l’unique objectif de ces individus issus d’organismes étatiques auraient été de nature financier alors qu’ils n’auraient jamais rien exigé d’autres de votre part ou fait allusion à votre prétendu statut d’opposant politique en dépit d’avoir supposément eu accès à une telle information, d’autant plus que vos dernières activités d’activisme politique auraient remonté au mois de novembre 2017, soit presque quatre années auparavant.

De plus, ces faits constituent indubitablement des actes répréhensibles mais ils ne revêtent néanmoins pas un degré de gravité tel qu’ils permettent d’être considérés comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, et de retenir que vos conditions de vie au Venezuela vous soient devenues intolérables.

De manière générale, il s’avère que votre expérience relative aux paiements de pots-de-

vin à des membres d’organismes étatiques lors de contrôles routiers est une expérience partagée par de nombreux autres citoyens vénézuéliens et qu’il s’agit d’une pratique récurrente au Venezuela. En effet, il ressort des recherches ministérielles qu’il est courant de devoir verser une somme d’argent au passage d’une « alcabala » et qu’il ne s’agit pas de quelque chose de nouveau dans la réalité quotidienne de votre pays d’origine mais que ce processus a évolué au cours du temps au point de s’imposer dans les rues vénézuéliennes comme un modus operandi commun.

Dérives donc récurrentes, touchant aléatoirement de nombreux Vénézuéliens et s’étant aggravées durant la crise du COVID19 en raison de l’augmentation du nombre d’« alcabalas » pour freiner l’expansion du virus, à tel point que le gouvernement vénézuélien est déterminé à lutter contre ces pratiques en ayant entrepris plusieurs démarches pour lutter contre celles-ci.

En effet, il appert que Nicolas Maduro a ordonné en juillet 2021 que tous les obstacles aux déplacements imposés par les « alcabalas » seront éliminés, prouvant que le gouvernement vénézuélien est déterminé à lutter contre ce fléau.

Partant, il ressort donc de ces différentes informations que les faits dont vous vous prétendez victime et que vous critiquez ne sont pas isolés, et que vous n’êtes donc pas personnellement ciblé, et par extension persécuté, alors que ces problèmes touchent aussi une grande partie de vos compatriotes.

Finalement, en ce qui concerne le fait que votre orientation sexuelle, respectivement votre homosexualité, aurait constitué un facteur aggravant et que vous auriez été discriminé pour cette raison dans votre pays d’origine, il s’avère que si un tel motif de fuite peut à priori entrer dans le champ d’application de la Convention de Genève, il n’en reste pas moins que les soucis que vous invoquez ne revêtent manifestation pas un degré de gravité suffisant pour pouvoir être perçus comme des actes de persécution.

Nonobstant du fait que vous prétendez en toute fin d’entretien que votre orientation 10sexuelle constituerait un motif de fuite pour finir par préciser sans équivoque qu’elle constituerait plutôt un facteur aggravant, vous indiquez de manière vague et générale que les problèmes que vous auriez personnellement rencontrés au Venezuela à cet égard auraient consisté en un traitement discriminatoire. Dans ce contexte, il convient de relever que vous restez en défaut total de donner un quelconque exemple précis quant aux discriminations concrètement vécues.

Force est de constater que vous ne faites en réalité pas état de quelconques incidents concrets et graves, respectivement de problèmes précis, personnels et actuels qui seraient liés à votre homosexualité. Vous admettez vous-même que « non », il ne vous serait « concrètement » (p.27/30 du rapport d’entretien) jamais rien arrivé dans ce contexte, que « je n’ai jamais été, par exemple, frappé parce que j’étais gay ou qu’on m’ait fait quoi que ce soit pour ce motif-là » (p.27/30 du rapport d’entretien) et que « tout ce qui m’est arrivé, est à cause du parti politique et non parce que j’étais gay » (p.27/30 du rapport d’entretien).

Votre vécu au Venezuela en tant que personne homosexuelle, ainsi que vos allégations générales quant à la situation générale des personnes homosexuelles ne permettent en tout cas pas de retenir que vous ayez été victime de persécutions au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, ni que vous risqueriez de devenir victime de telles persécutions dans le futur.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Monsieur, il y a lieu de souligner qu’à l’appui de votre demande de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de votre demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits 11que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour au Venezuela, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou vôtre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors rejetée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Vénézuela ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 16 août 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 16 août 2023 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 16 août 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en réitérant, en substance, ses déclarations, telles qu’actées lors de ses auditions par un agent du ministère.

En droit et quant à la demande d’octroi du statut de réfugié, le demandeur conteste, avant tout progrès, l’argumentation du ministre selon laquelle ses motifs de fuite ne seraient que de simples allégations, non corroborées par des éléments de preuve. Il souligne à cet égard qu’il serait illusoire d’espérer prouver les actes d’extorsion ou de détention par les autorités vénézuéliennes, qui auraient pris soin de ne laisser aucune trace, le demandeur insistant sur le fait qu’il aurait fourni toutes les preuves en sa possession lors de ses auditions auprès du ministère et qu’il n’aurait pas déposé de plainte pénale au Venezuela si les faits avaient été inventés.

Le demandeur critique encore le ministre qui lui aurait dû accorder le bénéfice du doute au lieu de remettre en cause sa crédibilité en raison de l’absence de preuves suffisantes, en citant des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, dénommée ci-après la « CourEDH », et l’article 37 (3), point c) de la loi du 18 décembre 2015.

12 Par ailleurs, et après avoir renvoyé à l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, ci-après désignée par la « Convention de Genève », et aux articles 2, point f) et 39 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur fait valoir qu’il aurait été identifié par les autorités vénézuéliennes comme un opposant politique, de sorte que ses craintes seraient liées à ses opinions politiques et entreraient dans le champ d’application de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

Dans ce contexte, il se réfère aux conclusions d’un avocat général présentées devant la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») précisant la notion d’opinions politiques, pour en déduire que ses opinions politiques seraient en cause, dans la mesure où elles iraient à l’encontre de la politique nationale en raison de son soutien de l’opposition dès ses 16 ans et qu’il devrait donc bénéficier d’une protection renforcée.

Il critique encore la décision du ministre en précisant qu’il ne serait pas nécessaire d’occuper une fonction de leader au sein d’un groupe contestataire au Venezuela, de posséder une carte de membre ou de participer à des réunions du parti politique en question pour être qualifié d’opposant politique, le demandeur décrivant son rôle d’opposant par son soutien au parti politique « Primero Justicia » et à Juan Guaidó lors des campagnes politiques et des manifestations. Dans ce contexte, il précise que son emprisonnement de trois jours, tel que détaillé lors de ses auditions auprès du ministère, aurait été motivé par son statut d’opposant politique et que les mauvais traitements envers les opposants seraient un mode opératoire largement répandu au Venezuela, comme le confirmeraient les rapports internationaux versés en cause.

Le demandeur fait ensuite valoir que ses craintes d’être persécuté seraient encore justifiées dans la mesure où ses empreintes aurait été enregistrées par les autorités vénézuéliennes dans un fichier permettant de l’identifier comme opposant politique, ce qui aurait entrainé des persécutions lors des arrestations et des contrôles d’identité. Il explique également que ce fichier permettrait de connaître ses données personnelles, ce qui l’aurait contraint à limiter ses déplacements et à trouver refuge chez sa grand-mère suite aux menaces qu’il aurait reçues. Néanmoins, cela n’aurait pas découragé les autorités vénézuéliennes qui auraient pris le soin de procéder à un contrôle chez sa grand-mère, bien que son adresse officielle aurait été celle de son père.

Contrairement à l’argumentation du ministre selon laquelle il n’aurait eu aucune difficulté d’obtenir un nouveau passeport et à quitter son pays d’origine légalement, le demandeur souligne qu’il aurait dû payer un tiers corrompu pour se voir fournir son passeport, qu’il aurait fait l’objet d’un entretien avec les militaires assorti d’un contrôle minutieux à l’aéroport en raison de son statut d’opposant politique et qu’il aurait dû mentir en affirmant qu’il reviendrait au Venezuela pour réussir son interrogatoire.

Après avoir cité l’article 42 (2) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur conclut qu’il aurait subi des violences physiques et mentales de la part des autorités vénézuéliennes, comme décrit dans ses auditions auprès du ministère, et que l’ensemble de ses expériences permettrait de conclure que ses conditions de vie au Venezuela seraient devenues intolérables.

Les faits invoqués rempliraient encore le critère de gravité nécessaire pour être considérés comme des actes de persécutions au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’ils seraient graves de par leur nature et leur caractère répété.

13 En outre, le demandeur justifie son retour au Venezuela après trois années d’exil au Pérou par son espoir naïf que ce laps de temps lui aurait offert un droit à l’oubli mais surligne que son sentiment d’insécurité aurait été bien réel, et que les actes de persécutions auraient repris dès son retour.

Il conteste ensuite l’augmentation du ministre selon laquelle les extorsions n’auraient aucun lien avec la Convention de Genève, le demandeur précisant que la connotation politique desdits actes ne saurait valablement être exclue, étant donné que les organismes étatiques extorqueurs se montreraient plus exigeants face à un opposant politique.

Enfin, le demandeur conteste le constat du ministre selon lequel son homosexualité ne constituerait pas une circonstance aggravante permettant de retenir que les actes subis revêtiraient un degré de gravité suffisant pour être perçus comme acte de persécution, en raison de l’absence d’exemples précis de discriminations concrètement vécues. Il explique à cet égard que les discriminations et violences physiques de la part des autorités vénézuéliennes auraient été toujours plus accentuées lorsque son homosexualité aurait été découverte, le demandeur citant dans ce contexte un rapport international décrivant la discrimination face aux personnes homosexuelles au Venezuela. Il souligne encore que l’absence d’un événement spécifique relatif à son homosexualité se justifierait par le fait qu’il n’aurait jamais assumé pleinement son orientation sexuelle.

En ce qui concerne le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur, après avoir renvoyé aux articles 2, point g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015, invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié pour conclure qu’il existeraient des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il encourrait un risque réel de subir des atteintes graves. Plus particulièrement, il cite un passage d’un article publié sur internet concernant la répression des opposants au Venezuela et précise que les violences qu’il aurait subies au Venezuela constitueraient des traitements inhumains et dégradants qu’il revivrait en cas de retour audit pays, en raison de son statut d’opposant politique et de son orientation sexuelle, sans pouvoir compter sur une protection dans son pays d’origine. Il indique encore qu’il ne pourrait ni exercer une activité salariée ni s’établir dans un endroit sûr en cas de retour dans son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant «tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, 14point g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 15et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra 16porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal est tout d’abord amené à rappeler qu’en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, il doit examiner, en plus de la situation générale du pays d’origine, la situation particulière du demandeur de protection internationale et vérifier, concrètement, si sa situation subjective a été telle qu’elle laissait supposer un danger pour sa personne.

En l’espèce, le tribunal relève que Monsieur (A) déclare avoir quitté le Venezuela aux motifs suivants :

- une détention de trois jours dans des conditions précaires et des violences lors d’un interrogatoire en novembre 2017 ;

- des violences physiques subies par des militaires lors d’un contrôle en février 2018 ;

- des extorsions financières répétées par des militaires et des violences physiques lors d’un contrôle en novembre 2021 et - son orientation sexuelle.

En l’espèce, indépendamment de la qualification des faits invoqués par le demandeur et plus particulièrement la question de savoir si ces faits ont été motivés par son opposition politique, de sorte à rentrer dans les conditions de fond de la Convention de Genève, l’examen des déclarations faites par lui lors de ses auditions, ensemble les moyens et les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les faits invoqués par le demandeur n’atteignent pas le niveau de gravité requis pour être qualifiés de persécutions au sens des articles 1A de la Convention de Genève et 42 de la loi du 18 décembre 2015 ou d’atteintes graves au sens de l’article 48 la même loi.

En ce qui concerne tout d’abord l’arrestation du demandeur en novembre 2017, le tribunal est amené à retenir (i) que l’arrestation en question s’inscrit dans le contexte spécifique du maintien de l’ordre dans le cadre d’une manifestation non autorisée, sans que le demandeur, qui a expliqué avoir été arrêté ensemble avec d’autres manifestants, ait été personnellement et individuellement visé par les forces de l’ordre et (ii) qu’il a été libéré au bout de trois jours, de sorte que cette arrestation, même dans des conditions soi-disant précaires – le demandeur ayant déclaré auprès du ministère que la nourriture n’était pas de son goût – ne revêt pas le caractère de gravité nécessaire au sens des articles 42 et 48 de la loi du 18 décembre 2015. En ce qui concerne les violences subies lors de cette arrestation, à savoir un coup de poing dans l’estomac, une blessure au bras avec un couteau ainsi que des insultes de la part des militaires, force est de constater qu’individuellement ainsi que dans leur ensemble, ces violences, certes condamnables, ne sont pas non plus d’une gravité suffisante pour être qualifiées de violations graves des droits de l’Homme au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2018, voire de traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 48 de la même loi dans la mesure où le demandeur n’a pas dû être hospitalisé et n’a pas de séquelles, étant souligné (i) que le demandeur a déclaré lui-même que sa blessure au bras n’était pas grave en indiquant que « C’était une blessure pas très profonde, […]. Il y avait beaucoup de sang ce qui m’a fait penser que c’était beaucoup plus grave que cela ne l’était en réalité »1 et (ii) que les insultes 1 Rapport d’entretien, page 17.

17se sont limitées à des propos homophobes2. Par ailleurs, le tribunal retient qu’il y a de bonnes raisons de croire que les incidents dont le demandeur déclare avoir été victime, qui s’inscrivent dans le contexte particulier de la manifestation en 2017 contre le gouvernement, ne vont pas se reproduire dans ce contexte en cas de retour du demandeur dans son pays d’origine et qu’il convient raisonnablement d’admettre que le demandeur ne risque pas de vivre des évènements similaires en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant aux actes de violences dont le demandeur soutient avoir été victime lors d’un contrôle par les forces de l’ordre en février 2018, à savoir des coups de pieds, dont un au visage ayant causé la perte d’une dent, le tribunal constate tout d’abord que ce contrôle ordinaire par les forces de l’ordre s’est envenimé en raison de la circonstances particulière que le demandeur a essayé de se soustraire audit contrôle et de prendre la fuite, le demandeur ayant déclaré lui-même que « Une fois que le mec s’est retourné, j’ai commencé à courir pour m’échapper »3, forçant ainsi les militaires de l’attraper et de l’immobiliser. Il ressort encore des déclarations de Monsieur (A), telles qu’actées lors de ses auditions auprès du ministère, que ses blessures après cet incident étaient principalement musculaires, que son séjour à l’hôpital était bref, de seulement quelques heures4, et que le personnel soignant lui a confirmé « […] que le reste allait se soigner avec le temps. La dent, la cicatrice »5, de sorte que le tribunal est amené à retenir que les faits mis en avant par le demandeur en relation avec ce contrôle ne révèlent pas non plus le degré de gravité suffisant pour être qualifiés de violations graves des droits de l’Homme au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, respectivement des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 48 de la même loi.

Quant aux extorsions, le demandeur a déclaré qu’entre mai 2021, dès son retour du Pérou, et novembre 2021, avant de quitter définitivement le Venezuela, il avait été victime d’extorsions par « […] la police, ou bien des militaires, ou bien des civils avec une plaque et il se disaient fonctionnaires »6. Dans ce contexte, il a précisé que lors des contrôles, qui avaient eu lieu environ vingt-cinq fois, les forces de l’ordre avaient réclamé des sommes de plus en plus importantes. Plus particulièrement, il ressort de ses propres déclarations auprès du ministère qu’il avait donné aux extorqueurs, une fois, 200 dollars et son téléphone7, une autre fois 300 dollars8, et la dernière fois, il avait réussi à réunir, avec l’aide de son oncle, 500 dollars9 mais que cette fois-ci, il avait été poussé à terre par un policier qui lui avait mis le pied sur son dos en le menaçant que « Quelque chose de plus grave peut arriver »10.

Force est tout d’abord au tribunal de constater qu’il résulte des explications circonstanciées de la partie étatique, pièces à l’appui, que la circonstance de payer une somme d’argent au passage d’une « alcabala » constitue une pratique récurrente au Venezuela qui concerne une grande partie de la population vénézuélienne et que de tels actes d’extorsion ont un objectif purement financier, de sorte qu’ils ne sauraient de manière générale être considérés comme violations graves des droits de l’Homme ou comme des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 42 et 48 de la loi du 18 décembre 2015. Par ailleurs, force est encore de constater que l’altercation isolée au cours de laquelle Monsieur (A) a été poussé et 2 Rapport d’entretien, pages 7 et 16.

3 Rapport d’entretien, page 8.

4 Rapport d’entretien, page 20.

5 Idem.

6 Rapport d’entretien, page 24.

7 Rapport d’entretien, page 23.

8 Rapport d’entretien, page 26.

9 Rapport d’entretien, page 25.

10 Idem.

18maintenu au sol par un policier ne présente pas non plus le degré de gravité requis pour être qualifié d’acte de persécution ou d’atteintes graves au sens des textes applicables, d’autant plus que le demandeur n’a pas mentionné avoir subi de blessures.

Il résulte de tout ce qui précède que les faits précités mis en avant par le demandeur ne sauraient être considérés comme des persécutions ou des atteintes graves conformément à la Convention de Genève et à la loi du 18 décembre 2015 pour, pris isolément ainsi que dans leur ensemble, ne pas revêtir le caractère d’une gravité suffisante pour être qualifiés comme une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, voire d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la même loi.

Quant à l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait également quitté son pays d’origine en raison de son homosexualité, force est au tribunal de constater que Monsieur (A) ne fait état d’aucun incident concret dans son pays d’origine, ni de menaces concrètes et personnelles en raison de son homosexualité. Même s’il se dégage certes du rapport d’Amnesty International pour l’année 2022/2023, intitulé « La situation des droits humains dans le monde » et versé par le demandeur, que les personnes LGBTI continueraient à faire face à des discriminations, il ne ressort d’aucune pièce versée en cause que la situation au Venezuela soit telle que les personnes homosexuelles y risqueraient systématiquement de subir des actes homophobes ou discriminatoires, respectivement d’être arrêtés et emprisonnés ou de subir des actes susceptibles d’être qualifiés de persécutions ou d’atteintes graves du seul fait de leur orientation sexuelle.

Cette affirmation mise en avant par le demandeur doit dès lors s’analyser en un sentiment général d’insécurité insuffisant pour établir l’existence, dans son chef, d’une crainte fondée d’être persécuté ou d’un risque réel de subir des atteintes graves, en cas de retour dans son pays d’origine.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a rejeté la demande de protection internationale présentée par le demandeur comme étant non fondée, de sorte que le recours dirigé contre le refus ministériel de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur (A) encourt le rejet.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 16 août 2023 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 16 août 2023 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur sollicite, principalement, la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation du refus d’octroi d’une protection internationale.

A titre subsidiairement, il fait valoir que l’ordre de quitter le territoire serait contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », dans la mesure où un retour dans son pays d’origine impliquerait une menace certaine pour sa vie.

19Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre.

Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné que le recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant rejet d’octroi d’une protection internationale vient d’être rejeté, de sorte qu’un retour du demandeur au Venezuela ne l’expose ni à des actes de persécutions, ni à des atteintes graves, le ministre a valablement assorti sa décision de rejet d’un ordre de quitter le territoire, sans violer l’article 129 de la loi du 28 août 2008 qui proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 16 août 2023 portant rejet d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 16 août 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 31 mars 2025 par :

Géraldine ANELLI, vice-président, Annemarie THEIS, premier juge, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Géraldine ANELLI Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mars 2025 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49423
Date de la décision : 31/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-31;49423 ?

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