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02/04/2025 | LUXEMBOURG | N°47941

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2025, 47941


Tribunal administratif N°47941 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47941 5e chambre Inscrit le 15 septembre 2022 Audience publique du 2 avril 2025 Recours formé par la société en commandite par actions (AA) SCA, SICAR et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47941 du rôle et déposée le 15 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée DLA Pipe

r Luxembourg SARL, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 37A, avenue...

Tribunal administratif N°47941 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47941 5e chambre Inscrit le 15 septembre 2022 Audience publique du 2 avril 2025 Recours formé par la société en commandite par actions (AA) SCA, SICAR et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47941 du rôle et déposée le 15 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée DLA Piper Luxembourg SARL, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 37A, avenue John F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 172454, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Olivier REISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société en commandite par actions, à capital variable, ayant le statut de société d’investissement en capital à risque (AA) SCA, SICAR, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, déclarée en état de liquidation volontaire par décision d’une assemblée générale extraordinaire en date du 24 janvier 2018, représentée par Monsieur (A) , demeurant à L-…, agissant en sa qualité de liquidateur, « Sinon subsidiairement » au nom de Monsieur (A) , préqualifié, agissant en sa qualité de liquidateur de la société en commandite par actions, à capital variable, ayant le statut de société d’investissement en capital à risque (AA) SCA, SICAR, préqualifiée, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 15 juin 2022, référencée sous le numéro … ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 15 décembre 2022 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 11 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée DLA Piper Luxembourg SARL, préqualifiée, au nom de ses mandants, préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Amin BOUAZZA, en remplacement de Maître Olivier REISCH, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 janvier 2025.

___________________________________________________________________________

Le 22 mai 2019, le bureau d’imposition …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société en commandite par actions, à capital variable, ayant le statut de société d’investissement en capital à risque (AA) SCA, SICAR, ci-après désignéepar « la société (AA) », le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017, fixant le montant total dû de l’impôt sur le revenu des collectivités, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, à …. euros.

Par courrier daté du 29 octobre 2019, Monsieur (A), en tant que liquidateur de la société (AA), contacta l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration » pour s’enquérir sur « l’origine de [l’] impôt » sur le revenu des collectivités dont la société (AA) serait redevable.

Par courrier daté du 6 novembre 2019, indiquant concerner un « arrangement de paiement », le Bureau de recette Luxembourg s’adressa à la société (AA) en les termes suivants : « […] je suis au regret de vous informer que la demande d’arrangement de paiement concernant l’affaire sous rubrique n’a pas été retenue. Dès lors, je vous somme de payer le solde dû dès réception de ce courrier. […] ».

Par courrier daté du 12 février 2020, Monsieur (A) fit suite au courrier du 6 novembre 2019, notamment pour réitérer sa demande d’explication de la base de calcul de l’impôt sur le revenu dont la société (AA) serait redevable.

Monsieur (A) prit de nouveau contact avec l’administration à travers un courrier du 28 janvier 2021, reçu par le bureau d’imposition en date du 5 mars 2021.

Monsieur (A) ressollicita l’administration par un courrier daté du 8 juillet 2021.

Par courrier électronique du 28 juillet 2021, Monsieur (A) fit parvenir au bureau d’imposition un courrier daté du même jour indiquant avoir pour objet une « Demande de révision d’imposition erronée sur le bénéfice non-réalisé pour l’année 2017 ».

Par courrier électronique du même jour, le bureau d’imposition pria Monsieur (A) de s’adresser « à la division Contentieux de l’ACD ».

Par un nouveau courrier électronique du 28 juillet 2021, Monsieur (A) transmit sa « demande de révision d’imposition erronée sur le bénéfice non-réalisé pour l’année 2017 » à la division Contentieux de l’administration.

Par réponse électronique du même jour, la division Contentieux répondit à Monsieur (A) en expliquant qu’il ne lui serait pas loisible « d’exercer les voies de recours par simple courriel », et partant le pria de s’adresser par voie postale et lettre simple signée au directeur de l’administration, ci-après désigné « le directeur ».

Il ressort du dossier fiscal que Monsieur (A) s’adressa à la division Contentieux et à la division Révisions de l’administration par courrier daté du 28 juillet 2021 indiquant avoir pour objet une « Demande de révision d’imposition erronée sur le bénéfice non-réalisé pour l’année 2017 », et que ce courrier fut réceptionné le 29 juillet 2021 par la direction de l’administration.

Le 29 juillet 2021, Monsieur (A) informa par courrier électronique la division Contentieux qu’il transmettrait un courrier par voie postale à l’attention de la direction de l’administration ce même jour.

Il ressort du dossier fiscal qu’un courrier de Monsieur (A) daté du 30 juillet 2021 et adressé au directeur fut réceptionné par la direction de l’administration le 5 août 2021. Ledit courrier indiqua avoir pour objet une « Demande de révision d’imposition erronée sur le bénéfice non-réalisé pour l’année 2017 ».

Par une décision du 15 juin 2022, référencée sous le numéro … du rôle, le directeur se référa à une « requête introduite le 29 juillet 2021 » pour déclarer « les réclamations, introduites en date du 29 juillet 2021 » par le liquidateur de la société (AA), irrecevables pour cause de tardiveté. Cette décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 29 juillet 2021 par le sieur (A), liquidateur, au nom de la société en commandite par actions (société d’investissement en capital à risque en liquidation volontaire) (AA), avec siège social à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017 et celui de la fixation des avances trimestrielles pour l’impôt sur le revenu pour les 1er, 2e et 3e trimestres de l’année 2021, tous les deux émis en date du 22 mai 2019 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser ;

Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification ;

Considérant que les bulletins litigieux, tous les deux émis en date du 22 mai 2019, ont été notifiés le 27 mai 2019, de sorte que le délai a expiré le 27 août 2019 ; que les réclamations, introduites en date du 29 juillet 2021, sont donc tardives ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant qu’en exécution du § 252 AO, les réclamations sont donc à qualifier de tardives ;

Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que les réclamations introduites sont irrecevables pour cause de tardiveté ;

PAR CES MOTIFS dit les réclamations irrecevables pour cause de tardiveté. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2022, la société (AA), « Sinon subsidiairement » Monsieur (A), agissant en sa qualité de liquidateur de la société (AA), a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation, à l’encontre de la décision directoriale, précitée, du 15 juin 2022.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité en la pure forme du recours principal en réformation sous examen. Il conclut ensuite à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation au motif qu’un tel recours ne serait pas prévu par la loi. Enfin, il conclut à l’irrecevabilité de la demande formulée dans le cadre du dispositif de la requête introductive d’instance et tendant à « enjoindre le Directeur de reconnaître qu’aucun impôt n’est dû par la Requérante au titre de l’exercice 2017, autre que l’impôt minimum sur la fortune de … euros […] ».

A titre liminaire, quant aux demandes formulées au dispositif de la requête introductive d’instance et tendant à voir « enjoindre » au directeur de « procéder au réexamen du bulletin d’imposition » et de « reconnaître qu’aucun impôt n’est dû par la Requérante au titre de l’exercice 2017, autre que l’impôt minimum sur la fortune de …euros », force est au tribunal de constater qu’il ne lui est pas possible, en l’absence d’une disposition légale spécifique, de formuler des injonctions à l’encontre de l’administration1.

Dès lors, le tribunal est incompétent pour statuer sur les demandes tendant à voir « enjoindre » au directeur de « procéder au réexamen du bulletin d’imposition » et de « reconnaître qu’aucun impôt n’est dû par la Requérante au titre de l’exercice 2017, autre que l’impôt minimum sur la fortune de … euros ».

S’agissant ensuite de la compétence du tribunal pour connaître du recours sous examen ainsi que de la recevabilité du recours sous examen, il résulte de la lecture combinée des dispositions du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3) point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, que seul un recours au fond est ouvert contre la décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin d’impôt, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Le recours a été introduit pour le compte de la société (AA), en état de liquidation volontaire et représentée par Monsieur (A), agissant en sa qualité de liquidateur, « Sinon subsidiairement » pour le compte de Monsieur (A), agissant en sa qualité de liquidateur de la société (AA).

Aux termes de l’article 1100-1, paragraphe 1er de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, telle que modifiée, « [l]es sociétés civiles et commerciales, autres que les sociétés commerciales momentanées ou les sociétés commerciales en participation, sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation ».

Aux termes de l’article 1100-4 de la même loi, « [à] défaut de dispositions contraires dans les statuts ou dans l’acte de nomination, les liquidateurs peuvent intenter et soutenir toutes actions pour la société […] ».

1 Rusen Ergec, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, mis à jour par Francis Delaporte in Pas.

adm. 2024, p. 65, n° 90 et les jurisprudences y citées.Il s’ensuit que le recours introduit, à titre principal, au nom de la société (AA), dont il est constant en cause que la liquidation n’a pas encore été clôturée au moment où le recours sous examen a été introduit et qui se trouve représentée par son liquidateur en la présente instance, est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le délégué du gouvernement se rapporte à la prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité en la pure forme du recours sans développer d’argumentation afférente, alors que, même si le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, une contestation non autrement développée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties dans la présentation de leurs moyens.

En revanche, le recours en réformation introduit « Sinon subsidiairement » au nom de Monsieur (A) agissant en sa qualité de liquidateur est partant irrecevable.

2) Quant au fond Arguments et moyens des parties A l’appui de son recours, la société demanderesse expose que ce serait à tort que le directeur l’a déclarée forclose dans sa réclamation, alors qu’elle aurait d’ores et déjà envoyé un courrier daté du 7 juin 2019, ci-après désigné « le courrier litigieux », au bureau d’imposition.

Le courrier litigieux qualifierait de réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée « AO », au motif que les conditions du § 249, alinéa (2) AO seraient remplies, à savoir que le courrier litigieux serait dirigé contre une décision susceptible de faire l’objet d’une réclamation, qu’il comporterait une contestation d’un bénéfice commercial d’un montant de … euros, que cette contestation émanerait d’un contribuable ou de son mandataire et que ledit courrier aurait respecté le formalisme requis. Cette « réclamation » serait d’ailleurs recevable pour avoir été valablement introduite, au motif qu’elle aurait été adressée à l’administration et que le délai de forclusion aurait été respecté.

Pour le surplus, la société demanderesse prend position quant au fond et argumente, en substance, qu’elle bénéficierait du statut de société d’investissement en capital à risque et du régime fiscal qui en découle. La société demanderesse admet qu’elle aurait commis une erreur dans sa déclaration d’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017, en expliquant que « le bénéfice commercial de la Requérante, soit … euros, a été indiqué dans le formulaire 500 en lieu et place du bénéfice fiscal ». En revanche, son bénéfice imposable pour ladite année aurait été négatif. La société demanderesse se fonde sur l’article 40 de la loi modifiée du 4 novembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ainsi que sur le § 204, alinéa 1er AO, pour demander à l’administration de prendre en compte son bénéfice réellement imposable de l’année 2017, et non le montant qui serait erronément indiqué dans sa déclaration fiscale.

Le délégué du gouvernement, de son côté, conclut au rejet du recours sous analyse pour ne pas être fondé.

A titre principal et en substance, le délégué du gouvernement conteste la réception du courrier litigieux par « le bureau d’imposition ». Par rapport à l’attestation testimoniale qui aurait été déposée par la société demanderesse, le délégué du gouvernement soutient qu’elle ne constituerait pas un moyen de preuve adapté pour établir le dépôt à la poste, ni la réception effective, du courrier dont la photocopie se trouverait actuellement soumise au tribunal par la société demanderesse.

A titre subsidiaire et pour autant que le tribunal considérerait que l’envoi et la réception du courrier litigieux seraient prouvés, le délégué du gouvernement s’oppose à ce que le courrier litigieux soit qualifié de réclamation au sens du § 228 AO, eu égard aux formulations employées et au fait que ledit courrier aurait été envoyé au bureau d’imposition et non au directeur.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient ses développements précédents en contestant les moyens du délégué du gouvernement. Elle argumente, en substance, que l’administration aurait été de mauvaise foi au motif que, « pendant plus de deux ans après l’envoi [du courrier litigieux], [elle n’aurait] pris en compte aucun des courriers postérieurs, mais uniquement celui du 30 juillet 2021 qui était adressé directement au Directeur, alors qu’elle était censée transmettre immédiatement [le courrier litigieux] au Directeur ». La société demanderesse insiste davantage que le courrier litigieux serait à qualifier de réclamation, en soulignant que ledit courrier ferait clairement état d’un grief, que le réexamen de son imposition y serait réclamé sans ambiguïté, et que le courrier litigieux mentionnerait le bulletin visé. La société demanderesse ajoute que l’attitude de l’administration se heurterait aux principes de cohérence et de bonne foi alors qu’elle devrait s’enquérir des intentions de ses administrés de manière proactive afin de dissiper d’éventuels malentendus avant l’issue du processus décisionnel.

Appréciation du tribunal A titre liminaire, le tribunal rappelle qu’il n’est pas tenu par l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Le litige dont le tribunal est saisi porte exclusivement sur la question de savoir si la société demanderesse a valablement et dans les délais prévus par la loi introduit une réclamation contre le bulletin d’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017, émis en date du 22 mai 2019, étant donné que le directeur s’est limité à déclarer irrecevable la réclamation lui soumise, sans statuer sur le fond de la demande.

En vertu des §§ 228 et 246 AO, le délai de réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités est de trois mois à compter de la notification de ces bulletins.

Il n’est pas contesté par la société demanderesse que la notification du bulletin émis le 22 mai 2019 a été accomplie le 27 mai 2019 tel que l’affirme le délégué du gouvernement. Il convient partant de retenir la date du 27 mai 2019 comme point de départ du délai de réclamation de trois mois, lequel a donc expiré en date du 27 août 2019. Dès lors, le tribunal peut d’ores et déjà constater qu’aucun des courriers envoyés par Monsieur (A) en sa qualité de liquidateur de la société demanderesse à l’administration entre les dates du 29 octobre 2019 et du 29 juillet 2021 n’a été réceptionné par l’administration endéans le délai de trois mois ayant pris fin le 27 août 2019. Il s’ensuit que même indépendamment de leur qualification aucundesdits courriers ne saurait être considéré comme ayant valablement pu avoir introduit une réclamation auprès du directeur. Il s’ensuit également que c’est à bon droit que le directeur a déclaré irrecevable ratione temporis la réclamation introduite par la société demanderesse le 29 juillet 2021.

En revanche, la société demanderesse fait valoir que le directeur aurait dû prendre sa décision par rapport au courrier litigieux, daté du 7 juin 2019, à travers lequel la société demanderesse soutient avoir introduit une réclamation auprès du directeur.

Etant donné que la transmission du courrier litigieux est contestée en elle-même, il échet de prime abord au tribunal de vérifier si la société demanderesse a rapporté la preuve que le courrier litigieux est parvenu à l’administration, avant d’analyser, le cas échéant, si le prédit courrier constitue une réclamation au sens du § 228 AO.

La société demanderesse affirme avoir transmis le courrier litigieux par lettre simple à l’administration. La partie qui soutient avoir introduit une réclamation à l’encontre d’un bulletin de l’impôt doit établir à suffisance de droit qu’une telle réclamation a bien été introduite auprès de l’autorité compétente, à savoir le directeur. A cet égard, il a été jugé que la simple production de la photocopie d’une lettre sur laquelle est couchée une réclamation, sans aucune preuve de réception dudit courrier par le destinataire, ne saurait valoir comme preuve suffisante d’envoi et surtout de réception dudit courrier par cette autorité2.

En l’espèce, la société demanderesse produit, en plus de la photocopie du courrier litigieux, une attestation testimoniale datée du 14 septembre 2022, laquelle aurait été rédigée par une ancienne stagiaire de son liquidateur, Monsieur (A). En substance, le tribunal constate que ladite attestation contient des informations sur les modalités du dépôt à la poste d’un courrier « à l’attention de l’administration des contributions pour le client "(AA) SICAR, S.C.A." concernant des impôts ». Suivant cette attestation, l’envoi aurait été fait par courrier simple et, « [s]elon [l]es souvenirs » de l’auteure de l’attestation, aurait été accompli par elle en date du 7 juin 2019. Cependant, elle aurait oublié de demander la quittance de l’envoi.

Force est dès lors au tribunal de constater que ladite attestation testimoniale ne fournit que des renseignements quant aux circonstances de l’envoi du courrier litigieux sans aucune précision quant à la réception dudit courrier, de sorte qu’elle ne saurait constituer une preuve de la réception du courrier litigieux ni, a fortiori, de la réception dans les délais.

En effet, à défaut de texte spécifique en sens contraire, le seul fait de poster un courrier ne fait pas présumer de sa réception dans les jours suivants. Un courrier peut être égaré par la poste, perdu définitivement, ou être remis à son destinataire bien longtemps après sa remise à la poste. Pour se ménager une preuve à cet effet, l’expéditeur peut recourir aux services spécialisés de la lettre recommandée, voire de la lettre recommandée avec accusé de réception3.

A titre superfétatoire et sur le fondement des pièces dont le tribunal dispose, il convient de relever que les échanges qu’il y a eu entre Monsieur (A), liquidateur de la société demanderesse, et l’administration, respectivement le bureau d’imposition, le Bureau de recette 2 Trib. adm., 5 juin 2014, n° 32555 du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu ; voir également par analogie Trib. adm., 12 décembre 2002, n° 14789 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 206.

3 Cour adm. 17 avril 2008, n° 23846C, Pas. Adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 273 et autres références y citées.Luxembourg, les divisions Contentieux et Révisions de l’administration, ou le directeur, entre le 29 octobre 2019, date du premier courrier dont il est constant en cause qu’il a été reçu par l’administration, et le 29 juillet 2021, date d’introduction de la réclamation selon le directeur, ne permettent pas non plus de conclure à une réception du courrier litigieux, étant donné qu’il n’y figure pas de mention explicite ni implicite qui aurait permis d’identifier le courrier litigieux.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la société demanderesse n’a pas utilement rapporté la preuve d’avoir, dans le délai légal, fait introduire une réclamation à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2017, émis le 22 mai 2019, au moyen du courrier litigieux daté du 7 juin 2019.

Dès lors, l’examen des autres moyens de la société demanderesse devient surabondant, et le directeur a, tel que retenu ci-avant, valablement pu déclarer tardives « les réclamations » introduites par la société demanderesse « en date du 29 juillet 2021 ».

Partant, le recours de la société demanderesse encourt le rejet pour ne pas être fondé.

3) Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Au vu de l’issue du litige, la demande de la société demanderesse, tendant à se voir octroyer une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, est rejetée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour statuer sur les demandes de la société demanderesse d’« enjoindre » au directeur de l’administration des Contributions directes de « procéder au réexamen du bulletin d’imposition » et de « reconnaître qu’aucun impôt n’est dû par la Requérante au titre de l’exercice 2017, autre que l’impôt minimum sur la fortune de … euros » ;

déclare irrecevable le recours en réformation introduit à titre subsidiaire par Monsieur (A) agissant en sa qualité de liquidateur de la société demanderesse ;

reçoit, pour le surplus et en la forme, le recours principal en réformation ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47941
Date de la décision : 02/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-02;47941 ?

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