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04/04/2025 | LUXEMBOURG | N°52341

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 avril 2025, 52341


Tribunal administratif N° 52341 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52341 5e chambre Inscrit le 7 février 2025 Audience publique du 4 avril 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52341 du rôle et déposée le 7 février 2025 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite s

ur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, immatric...

Tribunal administratif N° 52341 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52341 5e chambre Inscrit le 7 février 2025 Audience publique du 4 avril 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de protection internationale (art. 28 (2), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52341 du rôle et déposée le 7 février 2025 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Ethiopie), agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom de son enfant mineur (B), né le … à … (Grèce), tous deux de nationalité éthiopienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 24 janvier 2025 ayant déclaré irrecevables leurs demandes de protection internationale sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES et Monsieur le délégué du gouvernement Brice CLOOS en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2025.

___________________________________________________________________________

Le 3 mai 2024, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 », pour son propre compte ainsi que pour le compte de son fils mineur (B), ensemble désignés ci-après par « les consorts (A) ».

Le même jour, Madame (A) fut entendue par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

A l’occasion d’une recherche effectuée à la même date dans la base de données EURODAC par la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du 1règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », il s’avéra que Madame (A) avait introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 13 juin 2023 et qu’un statut de protection internationale lui y avait été accordé, en date du 25 août 2023. Il ressort encore du dossier administratif que l’enfant mineur (B) s’est également vu reconnaître un des statuts de la protection internationale en Grèce.

Toujours en date du 3 mai 2024, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère dans le cadre d’un entretien concernant la recevabilité de sa demande de protection internationale ainsi que de celle de son enfant.

Par décision du même jour, notifiée en mains propres à l’intéressée à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après dénommé le « ministre », informa Madame (A) que sa demande de protection internationale, ainsi que celle introduite au nom de son enfant (B), seraient irrecevables en application des dispositions de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, au motif qu’ils sont bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressée en mains propres le même jour, le ministre déclara irrégulier le séjour de Madame (A) et de son enfant mineur sur le territoire luxembourgeois, tout en leur ordonnant de se rendre immédiatement vers la Grèce, Etat membre qui leur a délivré un titre de séjour en tant que bénéficiaire de la protection internationale.

Par courrier du 6 mai 2024, les autorités luxembourgeoises firent parvenir une demande de réadmission aux autorités grecques, laquelle fut acceptée par ces dernières par courrier du 13 mai 2024.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2024, inscrite sous le numéro 50474 du rôle, Madame (A) fit introduire, en son propre nom ainsi qu’au nom de son fils mineur (B), un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 3 mai 2024.

Par jugement du 10 juillet 2024, portant le numéro 50474 du rôle, ci-après désigné par « le jugement du 10 juillet 2024 », le tribunal administratif déclara le recours susvisé justifié, partant annula la décision ministérielle du 3 mai 2024 et renvoya le dossier en prosécution de cause devant le ministre.

En date du 9 août 2024, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère dans le cadre d’un deuxième entretien concernant la recevabilité de sa demande de protection internationale, ainsi que de celle de son enfant.

Par une nouvelle décision du 24 janvier 2025, envoyée le même jour par courrier recommandé à l’intéressée, le ministre informa Madame (A) que sa demande de protection internationale, ainsi que celle introduite au nom de son enfant (B), seraient irrecevables en application des dispositions de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, au motif qu’ils sont bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce.

2Ladite décision est libellée comme suit :

« […] En date du 3 mai 2024, vous avez introduit des demandes de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre propre compte ainsi que pour le compte de votre enfant, (B), né le … à …/Grèce, de nationalité éthiopienne.

Je tiens à vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28 (2) a) de la Loi de 2015, vos demandes de protection internationale sont irrecevables au motif qu’une protection internationale vous a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne, en l’occurrence la Grèce, et que vous restez manifestement en défaut de prouver de manière crédible et pertinente que vous n’y auriez pas eu, ou que vous n’y auriez pas en cas de retour, accès à une protection sociale, et par extension à des soins médicaux, en l’occurrence pour votre enfant (B).

Il convient de rappeler que le jour de l’introduction de vos demandes de protection internationale, vous avez été entendue par un agent du Service de Police judiciaire et que des recherches effectuées dans la base de données « Eurodac » ont permis de déterminer que vous avez fait l’objet d’une prise d’empreintes digitales en Grèce à la suite de votre entrée irrégulière dans l’espace Schengen le 22 mai 2023. Vous y avez introduit une demande de protection internationale le 13 juin 2023 et vous vous êtes vue octroyer le statut de réfugié le 25 août 2023. Alors que vous étiez dépourvue de tout document d’identité ou de voyage, respectivement de tout document attestant de votre statut de bénéficiaire d’une protection internationale lors de votre arrivée au Luxembourg, il a été procédé à une fouille de votre téléphone portable. Des photographies retrouvées sur ledit téléphone ont permis de prouver que vous êtes en possession d’un titre de voyage pour réfugiés grec, valable du … octobre 2023 au … octobre 2028, ainsi que d’un titre de séjour grec, tout comme votre fils qui est titulaire d’un titre de voyage grec valable du … février 2024 au … février 2027, ainsi que d’un titre de séjour grec. Vous avez expliqué ne plus détenir ces documents originaux car ils vous auraient été volés en Belgique.

Vous avez également déclaré le 3 mai 2024 à l’agent du Service de Police judiciaire que vous n’auriez pas pu rester en Grèce alors qu’aucune aide ne vous y serait attribuée et que vous n’y auriez rien à manger. Vous auriez uniquement survécu en recevant des dons de l’église. Jusqu’à la naissance de votre enfant, vous auriez séjourné chez une copine, laquelle se serait mariée à un ressortissant grec. Par la suite, vous auriez dormi chez différentes personnes. Vous avez aussi avancé que vous ne seriez pas en mesure de travailler en Grèce puisque vous devriez vous occuper de votre enfant. Ainsi, vous auriez pris un avion de la Grèce jusqu’en Belgique et vous auriez rejoint le Luxembourg en train « damit ich eine Wohnung bekomme und Essen » (rapport du Service de Police judiciaire) ainsi que pour y trouver un emploi.

Le même jour, lors de votre entretien sur la recevabilité de vos demandes de protection internationale, vous avez déploré le fait que vous n’auriez pas reçu d’aide financière en Grèce pour votre enfant et pour vous-même. Vous avez encore une fois expliqué que vous auriez souhaité travailler en Grèce, mais « they told me I could not work because of my baby and I cannot leave him alone » (p.2/4 du rapport d’entretien du 3 mai 2024). Par ailleurs, vous ajoutez que beaucoup d’Ethiopiens, pour la plupart d’ethnie Oromo, vous y auraient menacée.

3Ainsi, vous auriez pris la décision de quitter la Grèce pour rechercher une « good » et « peaceful live » et pour vous échapper du « stress » (p.2/4 du rapport d’entretien).

Toujours en date du 3 mai 2024, vos demandes de protection internationale ont été déclarées irrecevables au motif que le statut de réfugié vous a été accordé par la Grèce. À cet égard, la Direction générale de l’immigration avait estimé qu’il ne ressortait pas des éléments disponibles que vous ou votre enfant auriez été victimes de traitements inhumains en Grèce au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (ci-après « la CEDH »), sinon de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la CharteUE »), ou qu’il existe dans votre chef, en cas de retour en Grèce, un risque de faire l’objet de traitements contraires à ces mêmes dispositions. De surcroît, vous restiez en en défaut d’apporter des preuves que vos droits n’auraient pas été ou ne seraient pas garantis en cas de retour en Grèce ou encore que vous n’auriez aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités grecques. En outre, la Direction générale de l’immigration avait conclu que votre arrivée au Luxembourg avait été motivée par des considérations de convenance personnelle, en l’occurrence économiques, puisque vous aviez déclaré ne pas pouvoir travailler alors que vous devriez vous occuper de votre enfant et que vous seriez venue au Luxembourg pour avoir un logement et à manger. Finalement, la Direction générale de l’immigration avait noté que vous n’aviez apporté aucune preuve permettant de corroborer vos dires, respectivement de démontrer le fait que vous auriez effectué une quelconque démarche pour vous trouver un logement en Grèce, sinon de vous trouver un emploi, ou que vous auriez contacté les autorités grecques pour solliciter leur assistance dans ce contexte. Cette même conclusion avait été retenue par rapport à votre affirmation vague selon laquelle vous seriez menacée en Grèce par des ressortissants éthiopiens d’ethnie Oromo, car vous n’aviez pas versé la moindre preuve à cet égard et qu’il vous appartenait de porter plainte auprès des autorités grecques, notamment policières, et de solliciter leur aide ou protection.

Par arrêté séparé du même jour, la Direction générale de l’immigration avait déclaré illégale votre séjour, Madame, et celui de votre enfant, sur le territoire luxembourgeois et vous avait ordonnés de vous rendre immédiatement vers la Grèce, Etat membre vous ayant délivré des titres de séjour en tant que bénéficiaires de la protection internationale.

Par courrier du 6 mai 2024, les autorités luxembourgeoises ont fait parvenir une demande de réadmission aux autorités grecques, laquelle a été acceptée par ces dernières le 13 mai 2024.

Le 21 mai 2024, par requête déposée au greffe du Tribunal administratif, vous avez introduit un recours par le biais de votre mandataire tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 3 mai 2024. Vous avez notamment plaidé que le risque d’être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Grèce toucherait avant tout votre enfant mineur, alors qu’il tomberait sous le sens que la santé d’un nourrisson de sept mois risquerait sérieusement d’être affectée si aucun logement n’était disponible.

Dans son jugement portant le numéro 50474 du rôle, le Tribunal administratif a tout d’abord reconnu que la Direction générale de l’immigration avait « à priori valablement pu déclarer irrecevables les demandes de protections internationales de la demanderesse et de son fils sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a), de la loi du 18 décembre 2015 » puisque vous vous étiez, Madame, ainsi que votre enfant, « vus accorder le statut de réfugié en Grèce en date du 25 août 2023 ».

4En ce qui concerne vos remises en question de la présomption du respect par les autorités grecques de vos droits fondamentaux, ainsi que de ceux de votre enfant mineur, tels que consacrés par la CharteUE et la CEDH, le Tribunal administratif a retenu de vos déclarations du 3 mai 2024 que vous n’auriez « pas bénéficié d’une quelconque aide financière en Grèce et [que vous n’auriez] pas eu accès à un logement ou à un travail », et qu’il ressortait de votre recours du 21 mai 2024 que vous n’auriez « pas eu accès à une protection sociale, et par extension, aux soins médicaux pour [votre] enfant, âgé de … mois au moment de [votre] départ de la Grèce ».

En ce qui concerne tout d’abord l’absence d’accès à un emploi et à un logement, le Tribunal administratif a noté que « les difficultés rencontrées pour trouver un logement, respectivement un emploi rémunéré, ne peuvent être considérées comme étant contraires à l’article 4 de la Charte, dans la mesure où il n’existe à priori dans aucun pays une obligation de l’Etat de pourvoir un emploi à l’un de ses résidents, et par extension, à un bénéficiaire de protection internationale, ou même de lui garantir un accès à un logement, des résidents et nationaux grecs étant susceptibles d’être confrontés aux mêmes difficultés ». De surcroît, le Tribunal administratif a considéré qu’en « ce qui concerne plus particulièrement l’absence alléguée d’un accès en Grèce à un emploi (…), la demanderesse, en mettant en avant son besoin de rester auprès de son enfant âgé de … mois, n’allègue en tout état de cause et n’établit à fortiori pas que les autorités grecques lui refuseraient l’accès à un emploi, le fait ne pas disposer d’un contrat de travail résultant de circonstances de fait étrangères aux autorités grecques ».

Ensuite, par rapport à l’absence d’accès à une aide financière, en l’occurrence à une protection sociale, le Tribunal administratif a affirmé, en se référant à un article de l’Organisation suisse d’aide aux Réfugiés (OSAR), que « l’accès des bénéficiaires de la protection internationale à une protection sociale est conditionnée par l’attribution d’un numéro de sécurité sociale, attribution conditionnée à son tour par la disposition d’une adresse de correspondance, voire d’un logement, cette condition constituant dès lors un obstacle pour les bénéficiaires de la protection internationale ne disposant pas d’un logement en Grèce pour pouvoir y accéder à une protection sociale ». En se basant sur un rapport d’Amnesty International, le Tribunal administratif a également pris en compte qu’« en Grèce, le droit des demandeurs de protection internationale à un logement expire automatiquement après un délai de 30 jours suite à l’obtention d’une protection internationale » de sorte que « l’affirmation de la demanderesse qu’elle risquerait, en cas de retour en Grèce, de ne pas bénéficier d’une protection sociale, se trouve conforté par lesdits rapports ».

En outre, le Tribunal administratif a estimé que la Direction générale de l’immigration avait tort de considérer le fait que « le fils de la demanderesse soit un nourrisson de 7 mois ne suffirait pas pour établir son état de particulière vulnérabilité », et ce même en l’absence de certificats médicaux établissant des problèmes de santé particuliers. Pour le Tribunal administratif, un enfant en bas âge nécessiterait, en raison de la fragilité de son système immunitaire et du besoin de l’évaluation de son développement, un accès garanti à des contrôles médicaux fréquents pour assurer son développement et son intégrité physique, conformément à l’article 3 de la CEDH. Ainsi, le Tribunal administratif a conclu que vous aviez « de bon droit » invoqué l’intérêt supérieur de votre enfant, tout en retenant que la décision ministérielle du 3 mai 2024 n’avait pas pris en compte les besoins spécifiques d’un nourrisson, notamment « au regard plus particulièrement de son besoin spécifique en tant qu’enfant en bas âge, d’avoir accès à une protection sociale et, par extension, à des soins médicaux en Grèce ».

5 De l’ensemble de ces considérations, il s’en était suivi qu’« à défaut pour la partie étatique d’avoir utilement réfuté le constat ci-avant tenant au risque pour l’enfant en bas âge de la demanderesse, de ne pas avoir accès à une protection sociale et à des soins médicaux nécessaires, au péril de son développement et de son intégrité physique, la décision ministérielle du 3 mai 2024 doit être annulée, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur les autres moyens de la demanderesse, cet examen étant devenu surabondant ».

Madame, la Direction générale de l’immigration ayant pris acte que votre dossier lui a été renvoyé en prosécution de cause et des considérations retenues par le Tribunal administratif dans son jugement portant le numéro 50474 du rôle, vous avez été conviée à passer un entretien ministériel le 9 août 2024.

Son objectif consistait à recueillir des informations complémentaires sur certains aspects de votre parcours et votre vécu en Grèce, et plus particulièrement sur les difficultés et obstacles que vous auriez rencontrés pour accéder à un logement et à vous voir attribuer, ainsi que pour le compte de votre enfant, un numéro de sécurité sociale, respectivement une protection sociale.

Madame, il ressort de vos déclarations que vous confirmez vous être vue octroyer une protection internationale en Grèce le 25 août 2023. Vous indiquez que vous auriez résidé dans un camp géré par les autorités grecs sur … et vous déplorez que vous auriez été contrainte de partager une tente avec d’autres personnes et, étant enceinte de votre fils (B), de « raise money from the staff just to allow me to get an ultrasound when I was 8 months pregnant » (p.4/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024). Directement après sa naissance le … dans un hôpital, vous expliquez que votre fils aurait été soumis à des « basic tests » et qu’un membre du personnel soignant vous aurait assuré qu’« he would be fine » alors que vous lui auriez signalé que votre enfant « had a cough and a blocked nose » (p.4/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024). Une vingtaine de jours après la naissance de votre fils, respectivement aux alentours du … 2023, vous auriez été conviée par les autorités grecs à quitter le camp.

Vous auriez alors été accueillie avec votre enfant par une amie éthiopienne, mariée à un ressortissant grec, qui vous aurait logés pendant « roughly one month » (p.5/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024). Vous regrettez dans ce contexte qu’aucune information ne vous aurait été fournie pour vous aider à trouver personnellement un nouveau logement, respectivement que « No one could give me a clear answer » (p.5/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), et que personne ne vous aurait expliqué les démarches à suivre en vue de faire la transition d’une carte de sécurité sociale temporaire (PAAYPA), attribuée aux demandeurs d’une protection internationale, à une carte de sécurité sociale permanente (AMKA), attribuée aux bénéficiaires de la protection internationale, pour marquer la finalisation de votre admissibilité à une couverture médicale à long terme en Grèce.

Vers la fin du mois de décembre 2023, vous vous seriez rendue de … vers la capitale Athènes puisque vous auriez été obligée de vous y rendre pour obtenir vos documents, respectivement votre titre de séjour grec ainsi que votre titre de voyage pour réfugiés grec :

« The camp did not give me any documents » (p.4/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), « I did not have the documents yet because I had to travel to Athens to get my documents » (p.5/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), 6Au courant du mois de janvier 2024, avec le soutien d’un assistant social, votre enfant (B) aurait obtenu les vaccins nécessaires dans un hôpital à Athènes. Toutefois, vous rapportez qu’aucune aide médicale ne vous aurait été donnée après que vous auriez alerté le personnel soignant par rapport aux symptômes de toux de votre enfant, « I went to the emergency twice, but they told me I could not got there anymore and that they would not help », « No one wanted to help », ou « they refused me after my second visit to the emergency room », et ce malgré le fait que vous auriez personnellement possédé une carte de sécurité sociale, « Yes. It is a red card. It is issued by the UN » (p.3/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), tout comme votre enfant, « He had a red social security card » (p.8/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), sans néanmoins savoir si elles étaient valides ou non.

En février 2024, trois mois après la naissance de votre fils, vous vous seriez vu remettre à Athènes vos titres de séjour grecs ainsi que vos titres de voyage pour réfugiés grecs.

Lors de votre séjour à …, vous auriez rencontré à l’église orthodoxe « … » des personnes qui vous auraient soutenue et hébergée avec votre enfant, respectivement « I stayed with one and then the other. I moved around (…) I stayed with different people until I left for Luxembourg » (p.6/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), c’est-à-dire jusqu’en mai 2024, de sorte que vous n’auriez jamais été contrainte de dormir dans la rue avec votre enfant. Ladite église vous aurait également soutenue dans la mesure du possible et votre enfant aurait reçu des couches culottes d’une organisation.

Entre-temps, vous auriez également postulé pour quelques emplois et votre candidature aurait été acceptée au sein d’une compagnie de traduction. Toutefois, ladite compagnie aurait annulé votre embauche puisque vous n’auriez trouvé personne pour garder votre enfant. Dans ce contexte, vous indiquez que vous vous seriez rendue auprès de quatre garderies, mais elles auraient refusé de prendre en charge votre enfant alors qu’il n’était pas âgé de … mois, d’autant plus que vous auriez été obligée « to provide for food and supplies for the daycare which I could not afford » (p.7/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024). Vous n’auriez également pas voulu laisser votre enfant auprès des personnes qui vous auraient soutenue et hébergée car « my child was still young, so I had to be around to breastfeed him » (p.7/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024).

Par conséquent, ne disposant pas d’un logement personnel, d’un emploi et d’une aide médicale lorsque vous en auriez requise une, vous avez quitté avec votre enfant la Grèce pour rejoindre le Luxembourg en mai 2024, le trajet ayant été financé par un ami.

Depuis votre arrivée au Luxembourg en mai 2024, Madame, vous expliquez que vous auriez été amenée à devoir consulter l’association « Médecins du Monde » alors que vous auriez été « illegal in Luxembourg », respectivement « not registered with your Ministry » (p.8/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024) puisque vos demandes de protection internationale introduites le 3 mai 2024 avaient été déclarées irrecevables le jour-même par décision ministérielle. Depuis le jugement du Tribunal administratif portant le numéro 50474 du rôle, vous avez été en mesure de vous rendre à un hôpital avec votre enfant, qui serait en bonne santé et suivi régulièrement par un pédiatre.

À l’appui de vos déclarations, vous versez le carnet de naissance en langue grec de votre enfant et son carnet de vaccination, ainsi qu’un certificat médical attestant votre visite auprès d’un pédiatre au Luxembourg en date du 22 août 2024 en raison d’une inflammation de la conjonctive chez votre enfant et un « dossier de passage » attestant de votre visite aux 7urgences au Centre Hospitalier du Luxembourg (CHL) le … au cours de laquelle le personnel soignant à diagnostiquer une « toux fébrile » à votre enfant, de sorte qu’un traitement temporaire s’écoulant sur 5 jours lui a été prescrit, tout en concluant que « le bilan réalisé a été rassurant » et « a permis de vous laisser rentrer à domicile ».

Eu égard à ce qui précède, Madame, je tiens à vous informer que vos demandes de protection internationale sont irrecevables au motif que le statut de réfugié vous a été accordé par un autre Etat membre de l’Union européenne, en l’occurrence la Grèce, et que vous restez en défaut de prouver de manière crédible et pertinente que vous n’y auriez pas eu, ou que vous n’y auriez pas en cas de retour, accès à une protection sociale, et par extension à des soins médicaux, en l’occurrence pour votre enfant.

Avant tout autre développement, et nonobstant les contradictions existantes par rapport à vos déclarations initiales du 3 mai 2024, il convient de relever qu’une série de vos déclarations du 9 août 2024 ne sont aucunement crédibles, voire elles sont délibérément mensongères, alors que vous avez manifestement cherché à aggraver votre vécu en Grèce, en amplifiant les prétendus obstacles que vous y auriez rencontrés pour accéder à une aide médicale pour votre compte et celui de votre enfant, dans le but d’augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale au Luxembourg.

En effet, il n’est tout d’abord pas crédible que vous auriez été contrainte de vous rendre de … à Athènes vers la fin du mois de décembre 2023 pour obtenir vos documents, respectivement votre titre de séjour grec ainsi que votre titre de voyage pour réfugiés grec, et que ceux-ci ne vous auraient été remis qu’en février 2024, soit plus de six mois après votre obtention du statut de réfugié le 25 août 2023.

Ce constat se base, d’une part, sur le fait que les photographies retrouvées sur votre téléphone portable et les informations partagées par les autorités grecques indiquent que votre titre de séjour grec est valide depuis le 25 août 2023, et que votre titre de voyage pour réfugiés grec est valide depuis le 4 octobre 2024. En ce qui concerne votre enfant, la validité de son titre de séjour grec a débuté le 13 novembre 2023 et celle de son titre de voyage pour réfugiés grec remonte au 29 février 2024. Ainsi, vous avez effectué à deux reprises les démarches administratives nécessaires pour obtenir lesdits documents et régulariser entièrement votre situation en Grèce. D’autre part, il ressort des recherches ministérielles que les autorités grecques délivrent en règle générale une décision de délivrer une carte de séjour en même temps que la décision relative à l’octroi d’une protection internationale. Pour se voir délivrer une titre de séjour, il faut ensuite se rendre auprès du bureau régional d’asile le plus proche de son lieu de résidence. Par la suite, un délai pouvant aller jusqu’à quatre mois est nécessaire pour obtenir le titre de séjour auprès du bureau régional d’asile compétent pour le dossier. La même logique s’impose pour la délivrance d’un titre de voyage puisqu’une telle demande peut être formulée uniquement si vous êtes en possession d’un titre de séjour valide et doit se faire auprès d’un bureau des passeports de la police grecque choisi en fonction de son lieu de résidence. Le délai pour se voir remettre son titre de voyage peut s’étendre de deux à neuf mois. Or, étant donné que vous vous êtes vue délivrer votre titre de voyage en octobre 2023, et qu’il vous fallait être en possession d’un titre de séjour pour se faire, il est établi que vous avez entrepris toutes ces démarches administratives auprès des bureaux de passeports de … et que vous vous êtes vue délivrer les desdits documents avant votre départ vers Athènes à la fin du mois de décembre 2023. Par ailleurs, vos déclarations sont également démenties par les informations disponibles selon lesquelles les titres de voyage en Grèce ne peuvent être que 8retirer dans le Bureau Régional d’Asile de Thessalonique ou au Bureau Régional d’Asile de l’Attique.

Compte tenu de ce qui précède, et retenant que vous affirmez avoir vécu dans un camp sur … jusqu’au 20 novembre 2023 et que vous auriez quitté ladite île vers la fin du mois de décembre 2023, il n’est pas crédible qu’« I did not receive my identity card. I had to travel to Athens to get my passport » (p.4/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024) ou « I did not have the documents [after the birth of my son] because I had to travel to Athens to get my documents » (p.5/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), et que vous auriez été contrainte d’attendre le mois de février 2024 pour vous voir remettre votre titre de séjour: « I only picked up my stay permit when my child was three months old » (p.5/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024).

Ensuite, il sied de relever qu’il paraît improbable que des membres du personnel soignant d’un hôpital grec à Athènes auraient refusé de prendre en charge votre enfant, respectivement que « they told me that I could no got there anymore and that they would not help me » et que « no one wanted to help me » (p.3/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024) après que vous vous seriez rendue avec lui aux urgences en raison de ses symptômes de toux.

En effet, il échet de noter que selon la législation grecque en vigueur, tous les secteurs médicaux publics sont tenus de fournir un soutien médical de premiers secours en cas d’urgence, même si une personne ne détient pas de PAAYPA, c’est-à-dire le numéro provisoire d’assurance et de soins de santé attribué à un demandeur d’asile, ou AMKA, c’est-à-dire un numéro de sécurité sociale. Une telle personne souhaitant obtenir des soins peut même montrer un document officiel d’orientation d’urgence et de référence juridique, respectivement une circulaire dénommée « no…. du 31.05.2016 », prouvant qu’elle a le droit aux services de santé.

De plus, en toute objectivité, il est difficile d’imaginer que le personnel d’un service de santé grec aurait refusé de prendre en charge un nourrisson alors qu’un tel refus va à l’encontre des principes éthiques et déontologiques, voire des obligations légales, qui régissent les professions médicales, et ce d’autant plus que vous confirmez que vous-même et votre enfant auriez été en possession d’une carte de sécurité sociale. Par ailleurs, sachant que l’état de santé de votre enfant aurait été examiné après sa naissance, qu’il aurait été vacciné deux mois plus tard lors d’une consultation médicale, et qu’il serait en bonne santé aujourd’hui, il est vraisemblable que si les personnels soignants lui avaient réellement refusé des soins en Grèce comme vous le prétendez, cela résulterait d’une évaluation médicale objective.

Finalement, il semble tout aussi improbable que vous n’auriez jamais obtenu un accompagnement et un soutien de la part des autorités grecs, d’associations locales ou de votre entourage pour appréhender les démarches et procédures à entamer en Grèce pour accéder à un logement ou obtenir une protection sociale permanente en tant que bénéficiaire de la protection internationale. En effet, il est nécessaire de souligner que lorsque l’agent ministériel vous interroge par rapport aux diverses méthodologies que vous auriez employées pour obtenir les informations tant sollicitées, vous rapportez - à votre avantage et pour le bien de votre cause - que vos questions seraient systématiquement restées sans réponse : « No one told me anything », « I asked for help from people, but no one was willing to help. No one could » (p.1/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), « I asked but no one wanted to help me » (p.2/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), « I tried but no one could give me a proper answer », « [the social worker] tried but she couldn’t » (p.3/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), « I asked around but no one could give me information », « No one could give me a clear answer » (p.5/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024), « No. I could not contact any. I did not have a clue where to go » (p.6/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024) ou encore « No.

It is very hard. I did not go look » (p.8/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024). Or, Madame, 9cela va à l’encontre des informations disponibles qui mentionnent clairement que les personnes ayant un hébergement dans un camp, comme ce fut le cas pour vous jusqu’au 20 novembre 2023 sur …, peuvent généralement y accéder, non seulement à des soins de santé, mais également à des services sociaux et à des services de conseils juridiques. Ainsi, il paraît évident que l’hypothèse que vous avancez, selon laquelle à chacune de vos tentatives aucune personne compétente n’aurait été disponible pour vous guider ou conseiller correctement dans les démarches et procédures à suivre, est tout simplement improbable.

Quand bien même vous n’auriez jamais obtenu des réponses à vos questionnements, ce qui n’est aucunement crédible, il sied de relever que l’absence d’une guidance par les autorités grecques ou les associations locales ne vous dédouane pas de la possibilité, voire responsabilité, d’entamer personnellement les démarches administratives pour accéder aux aides que vous réclamez. Or, vous n’avez visiblement jamais envisagé de récolter par vous-

même, d’une manière ou d’une autre, des informations publiques sur les démarches et procédures administratives à suivre ou de contacter personnellement les organismes compétents en la matière, en consultant par exemple des sites internet dédiés à vos problématiques, puisque vous vous êtes manifestement toujours contentée d’attribuer cette tâche à une personne tierce.

À cet égard, il est pertinent de soulever que vous vous dédouanez d’une telle responsabilité, respectivement vous excusez votre passivité déconcertante, en déclarant qu’« I did not think that there were any relevant sites on the internet », tout en précisant paradoxalement que les informations que vous auriez récoltées sur internet auraient seulement été rédigées « in Greek. I looked once and used translate but it was difficult » (p.5/11 du rapport d’entretien du 9 août 2024). Or, il échet de relever que ces déclarations sont en fin de compte mensongères et dénoncent clairement votre manque de proactivité puisque les recherches ministérielles ont rapidement et facilement permis d’accéder aux informations tant sollicitées.

En effet, plusieurs sites internet - qui vous auraient indubitablement été recommandés -

contiennent en diverses langues, et plus particulièrement dans la langue anglaise que vous maîtrisez parfaitement, toutes les informations pertinentes, et en l’occurrence celles relatives à la santé, à la sécurité sociale et au logement.

Ainsi, il sied de relever que selon ces informations disponibles publiquement en plusieurs langues, et en ce qui concerne plus précisément l’accès aux soins médicaux en Grèce, le « guide d’information pour les bénéficiaires de la protection internationale » établi par le gouvernement grec, informe les bénéficiaires de la protection internationale, que « vous avez le droit à un accès gratuit aux soins de santé primaires, secondaires et tertiaires. Vous pouvez vous faire soigner dans les hôpitaux publics, les centres médicaux publics, les centres de santé et les cliniques municipales. En cas d’urgence, c’est-à-dire si vous faites face à une urgence médicale nécessitant des soins médicaux immédiats et urgents, vous pouvez appeler la ligne nationale au 166. Vous pouvez également vous rendre au service des urgences d’un hôpital ».

De surcroît, le même guide explique que, en tant que bénéficiaire d’une protection internationale, « vous avez acquis le droit à la protection sociale et aux soins médicaux: le numéro provisoire d’assurance et de soins de santé du ressortissant étranger (PAAYPA) qui vous a été attribué en tant que demandeur d’asile pour avoir accès aux soins de santé doit être converti (dans le cadre de la «phase de transition») en un numéro de sécurité sociale (AMKA).

À cet effet, vous devez entreprendre, dans un délai d’un (1) mois à compter de la délivrance de votre titre de séjour, toutes les démarches nécessaires à son obtention, conformément à la loi.

En attendant, vous êtes entièrement couverts par le PAAYPA, y compris les membres de votre 10famille. L’AMKA est un numéro unique pour chaque citoyen du pays. Avec l’AMKA, vous avez accès aux prestations sociales et aux soins médicaux au même titre que les citoyens grecs ».

Par ailleurs, tenant compte de la considération du Tribunal administratif dans son jugement portant le numéro 50474 du rôle selon laquelle « l’accès des bénéficiaires de la protection internationale à une protection sociale est conditionnée par l’attribution d’un numéro de sécurité sociale, attribution conditionnée à son tour par la disposition d’une adresse de correspondance, voire d’un logement, cette condition constituant dès lors un obstacle pour les bénéficiaires de la protection internationale ne disposant pas d’un logement en Grèce pour pouvoir y accéder à une protection sociale », il échet de soulever que les autorités grecques proposent plusieurs options dans le cas de figure où le bénéficiaire de la protection internationale ne disposerait pas formellement d’un logement personnel, à l’image de vos propres dires, Madame.

Ainsi, pour résumer, un bénéficiaire d’une protection internationale en Grèce dispose en règle générale d’un délai d’un mois à compter de la délivrance de son titre de séjour pour convertir sa PAAYPA en AMKA, respectivement pour convertir son numéro provisoire d’assurance en un numéro de sécurité sociale, et doit obligatoirement détenir pour ce faire d’une adresse de correspondance, voire un logement personnel.

Dans ce contexte, il convient avant tout autre développement de souligner que la date de délivrance effective de votre titre de séjour est inconnue, étant donné que vos dires en la matière ne sont pas corroborés par les informations disponibles. En effet, si l’on s’en tient à vos déclarations, vous vous seriez vue remettre votre titre de séjour en février 2024, tandis que si l’on se réfère aux informations partagées par les autorités grecques, vous vous le seriez vue remettre en date du 25 août 2023.

S’il convenait de retenir que vous vous êtes vue octroyer le statut de réfugié le 25 août 2023, et vue délivrer votre titre de séjour entre cette date et le 4 octobre 2023, date de la délivrance de votre titre de voyage qui est conditionnée par la possession d’un titre de séjour valide, il y a lieu de constater que vous auriez encore résidé au cours de cette période, et ce jusqu’au 20 novembre 2023, dans un camp géré par les autorités grecques sur …. Cette situation constitue déjà une exception à la règle précitée dans le jugement du Tribunal administratif selon laquelle le « droit des demandeurs de protection internationale à un logement expire automatiquement après un délai de 30 jours suite à l’obtention d’une protection internationale » en Grèce. Outre ce constat, il est évident que vous auriez très certainement dû être en mesure d’accéder aux soins de santé, aux services sociaux et aux services de conseils juridiques lorsque vous auriez encore résidé dans ce camp. Surtout, vous auriez indubitablement pu utiliser l’adresse de ce camp comme étant votre « adresse de correspondance » afin de remplir la condition pour vous voir attribuer un numéro de sécurité sociale, et donc une protection sociale permanente.

S’il convenait néanmoins de retenir – et ce à votre avantage alors que ce n’est aucunement avéré – que vous vous seriez vue remettre votre titre de séjour grec « when my child was three months old » (p.5/11 du rapport d’entretien), donc seulement en février 2024 et non pas en août 2023, vous auriez alors encore bénéficié d’un accès aux services de santé jusqu’à cette date grâce à votre PAAYPA. De plus, quand bien même vous vous seriez trouvée en février 2024 avec votre enfant à Athènes sans adresse de résidence ou de correspondance officielle, il appert que les autorités grecques proposent des alternatives efficaces pour ce cas 11de figure, alors qu’elles sont entièrement conscientes de cette problématique, de sorte que vous auriez dû être en mesure de procéder à la conversion de votre PAAYPA vers l’AMKA.

En effet, pour disposer d’une adresse de résidence légale ou de correspondance en Grèce, un bénéficiaire de la protéction internationale ne disposant pas personnellement et formellement d’un logement peut verser comme preuve, entre autres, une « Declaration of a hosting person » ou un « Certificate from the dormitory or social service of the municipality or the Community Centre, in case you are homeless ». Quand bien même vous n’auriez donc plus été logée dans le cadre du programme de logement pour les demandeurs d’asile à partir du 20 novembre 2023, date à laquelle vous auriez quitté le camp de Chiros, il appert que vous auriez donc pu opter pour deux solutions : soit vous auriez pu obtenir une attestation sur l’honneur d’une des personnes qui vous auraient hébergée chez elle et une photocopie de son contrat de logement, soit vous auriez pu obtenir un « certificat d’itinérance », c’est-à-dire un document qui peut généralement être délivré par une mairie, une administration ou des associations locales pour attester de la situation d’itinérance de la personne afin de permettre à celle-ci de prouver son identité et de justifier son absence d’une adresse de résidence stable, et ce afin d’accéder à certains droits sociaux et des services, comme l’accès aux soins.

À toutes fins utiles, il est aussi relevant de souligner qu’il existe plus d’une centaine d’ONG en Grèce qui aident les bénéficiaires dans la communication avec le personnel médical, qui gèrent des centres médicaux et des polycliniques et qui fournissent divers services médicaux, telles que Médecins du Monde, Médecins sans frontières, Croix-Rouge hellénique, PRAKSIS, Solidarity Now et BABEL – Unité de santé mentale pour migrants. En outre, de nombreuses ONG spécifiquement dédiées aux enfants et mères sont également implantées à Athènes, telles que The Women’s and Kids’ Space, Infant and young child feeding ou encore Seeds of Humanity Hellas, et offrent toutes des services de pédiatrie.

Tout comme, il est pertinent de soulever qu’une personne ayant obtenu le statut de réfugié en Grèce bénéficie des mêmes droits et obligations qu’un citoyen grec. Cela implique qu’elle doit entreprendre, comme tout citoyen grec, les démarches administratives nécessaires pour être en règle avec les autorités grecques, telles que l’obtention de documents essentiels comme une assurance sociale ou une carte médicale, ainsi que d’autres documents administratifs nécessaires à la vie quotidienne. La même exigence s’appliquerait si cette personne résidait au Luxembourg. En conséquence, il semble évident que votre choix délibéré de venir vous installer au Luxembourg repose pleinement sur des motifs de convenance personnelle, plutôt que par nécessité liée à la protection internationale.

En fin de compte, Madame, il échet de retenir que la Grèce, en tant qu’Etat membre de l’Union européenne est signataire de la CharteUE, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est présumée en appliquer les dispositions. Or, vous ne rapportez pas la preuve que vos droits ne seraient pas garantis en cas de retour en Grèce ou encore que vous n’auriez aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités grecques.

Dans un contexte similaire, ces différents constats ont d’ailleurs été partagés le 11 septembre 2024 par le Tribunal administratif dans son jugement portant le numéro 50789 du rôle duquel il s’ensuit, entre autres, que « s’il ressort du susdit article de l’OSAR qu’en Grèce, il n’existe aucune prestation sociale spécifiquement dédiée aux bénéficiaires d’une protection internationale, que l’assistance financière fournie aux demandeurs de protection 12internationale prend fin avec l’octroi du statut, que les personnes concernées perdent leur place d’hébergement 30 jours après la reconnaissance d’un statut de protection internationale, sans qu’une solution de remplacement soit prévue, et que l’accès aux soins de santé nécessite un numéro de sécurité sociale, dont l’octroi est conditionné par l’existence d’autres documents et d’une adresse de correspondance, force est toutefois de constater que sur base de ces seuls éléments, il ne peut être retenu pour les bénéficiaires d’une protection internationale une absence totale et systématique d’accès à un logement, aux soins, à des prestations sociales ou, de manière générale, à des moyens de subsistance permettant de faire face à leurs besoins les plus élémentaires (…) Eu égard aux considérations qui précèdent et à défaut d’autres éléments, le tribunal retient que la demanderesse est restée en défaut de démontrer que les bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce risqueraient systématiquement de voir leurs droits les plus fondamentaux bafoués dans ledit pays en raison de l’existence de défaillances systémiques ».

Madame, eu égard à ce qui précède, force est de constater qu’il n’existerait donc pas dans votre chef, et de celui de votre enfant mineur, en cas de retour en Grèce, un risque d’atteintes graves au sens de l’article 3 de la CEDH, sinon de l’article 4 de la CharteUE, d’autant plus que vous ne fournissez aucune preuve concrète et circonstanciée que vous auriez personnellement rencontré des problèmes en Grèce à la suite de votre obtention du statut de réfugié en août 2023. Par ailleurs, il ressort clairement de vos déclarations que vous n’avez pas entrepris une quelconque démarche pertinente, telle que par exemple la demande d’un numéro de sécurité sociale, respectivement l’AMKA, pour votre compte et celle de votre enfant, de sorte qu’aucune défaillance ne saurait être reprochée aux autorités grecques.

Le Grand-Duché de Luxembourg ne peut par conséquent pas donner suite à vos demandes qui sont déclarées irrecevables. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2025, inscrite sous le numéro 52341 du rôle, Madame (A) a fait introduire, en son propre nom ainsi qu’au nom de son fils mineur (B), un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 24 janvier 2025.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Etant donné que l’article 35, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit expressément un recours en annulation en la matière, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision ministérielle précitée du 24 janvier 2025.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours sous analyse, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été déposé dans les formes et délai prévus par la loi.

132) Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse fait valoir que malgré le fait d’avoir obtenu pour elle-même, ainsi que pour son fils le statut de réfugié en Grèce, elle aurait été contrainte de quitter ledit pays ensemble avec ce dernier, alors âgé de … mois, alors qu’ils y auraient été privés de logement, de nourriture, d’aides sociales et financières. Son enfant n’aurait, par ailleurs, pas eu accès aux soins médicaux malgré son bas âge et elle aurait été contrainte de vivre dans un camp pour réfugiés de Vial à … pendant toute la durée de sa grossesse, la demanderesse précisant que ledit camp serait critiqué pour les conditions d’hygiène y régnant ainsi que du fait que deux personnes y seraient décédées par manque de soins médicaux ou de malnutrition.

Suite à l’obtention du statut de réfugié, elle aurait contacté une organisation grecque afin d’être accompagnée dans sa recherche d’un logement et d’un emploi, laquelle n’aurait toutefois pas pu l’aider, alors que son programme s’adresserait uniquement aux bénéficiaires d’une protection internationale disposant de ressources permettant le paiement d’un loyer, ce qui n’aurait pas été son cas, de sorte qu’elle aurait décidé de quitter la Grèce et de venir déposer une demande de protection internationale au Luxembourg dans l’espoir d’y pouvoir bénéficier d’un logement pour elle et son enfant en bas âge.

L’intéressée fait encore valoir que le fait que le ministre lui aurait notifié la première décision d’irrecevabilité de sa demande de protection internationale le jour même où elle aurait déposé ladite demande, à savoir le 3 mai 2024, témoignerait du fait que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas concrètement vérifié auprès des autorités grecques dans quelles conditions elle et son enfant y seraient accueillis en cas de retour.

La demanderesse expose qu’après le jugement du 10 juillet 2024 ayant annulé la première décision d’irrecevabilité du 3 mai 2024, elle aurait été entendue par un agent du ministère en date du 9 août 2024. Le ministre aurait finalement pris une nouvelle décision d’irrecevabilité en date du 24 janvier 2025, à savoir celle qui est attaquée en l’espèce.

En droit, la demanderesse précise d’abord que l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, sur lequel le ministre se serait basé pour déclarer irrecevables sa demande de protection internationale ainsi que celle de son fils, serait la transposition dans le droit national de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, désignée ci-après par « la directive Procédure ».

En se prévalant, ensuite, d’un « arrêt du 19 mars 2019 » de la Cour de Justice de l’Union européenne, désignée ci-après par « la CJUE », se prononçant sur l’interprétation à donner à l’article 33, paragraphe (2), sous a) de la directive Procédure, elle invoque, après avoir relevé que le principe de confiance mutuelle entre Etats membres ne constituerait qu’une présomption réfragable, une violation des articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, désignée ci-après par « la Charte », et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH », en ce qu’elle et son fils, un enfant en bas âge, n’auraient, en leur qualité de bénéficiaires de la protection internationale en Grèce, en cas de retour, pas d’accès à l’emploi, à l’éducation, à la protection sociale et aux soins tels que prévus par les articles 26, 27, 29 et 30 de la directive 142011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, désignée ci-après par « la directive Qualification » et 17 à 19, 22, 23 et 24 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, désignée ci-après par « la Convention de Genève », imposant un traitement identique à celui réservé aux ressortissants de l’Etat membre.

La demanderesse soutient que le ministère n’aurait pas tenu compte de la situation à laquelle elle aurait dû faire face en Grèce malgré son statut de réfugié, notamment à une absence d’aide financière, de logement et d’aide sociale pour subvenir aux besoins vitaux, tout en se référant, à cet égard, à un rapport intitulé « Country Report : Greece 2022 Update » de l’« Asylum Information Database » pour mettre en avant des entraves à l’accès aux soins en Grèce.

L’intéressée fait encore valoir qu’il lui serait reproché à tort de ne pas avoir fait état d’un risque réel de subir un traitement inhumain et dégradant en cas de retour en Grèce, alors qu’elle aurait indiqué lors de son second entretien que l’accès aux soins aurait été refusé à son enfant en Grèce lorsqu’il était âgé de … mois et … jours, qu’elle n’aurait pas pu obtenir d’aide médicale efficace de la part d’organisations non gouvernementales, ci-après désignées par « ONG », et qu’elle n’aurait pas pu consulter de pédiatre en Grèce.

La demanderesse se réfère au rapport de son premier entretien du 3 mai 2024, en combinaison avec lequel il conviendrait, selon elle, de lire celui du second entretien du 9 août 2024. Elle insiste qu’elle n’aurait pas été en mesure de trouver un emploi en Grèce en raison du fait qu’elle aurait dû rester près de son enfant en bas-âge, une circonstance qui ne serait que renforcée au futur alors qu’elle serait actuellement enceinte d’un second enfant, dont l’accouchement serait prévu pour le mois de juin 2025 d’après un certificat médical de grossesse.

Elle aurait dès lors décidé de quitter la Grèce, ensemble avec son enfant alors âgé de … mois, face à une impossibilité d’obtenir un logement, une aide financière ou des soins médicaux.

Après s’être référée à l’arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011 de la Cour européenne des droits de l’homme, désignée ci-après par « la CourEDH », dans lequel la Grèce aurait été désignée d’« exemple prototypique des défaillances systémiques » et aurait été condamnée pour violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en raison des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, la demanderesse fait valoir que contrairement aux affirmations du ministre, son arrivée au Luxembourg ne serait pas motivée par des considérations économiques ou de convenance personnelle mais qu’elle n’aurait eu d’autre choix pour accéder à des soins essentiels et vitaux pour elle-même et pour son enfant.

En outre, il ressortirait du rapport de l’organisation non gouvernementale « Amnesty International », intitulé « La situation des droits humains dans le monde », publié en avril 2024, que la Commission européenne aurait déclenché une procédure d’infraction contre la Grèce pour non-respect du droit communautaire relatif à l’asile et à la migration, ce notamment en raison des obstacles qui empêcheraient les personnes réfugiées de bénéficier d’une protection sociale. Toujours dans ce contexte, la demanderesse relève que la Grèce aurait, par 15ailleurs, été condamnée par un arrêt récent de la CourEDH, Muhammad c. Grèce, du 4 avril 2023, pour ne pas avoir accueilli dans de bonnes conditions une demanderesse de protection internationale enceinte de six mois, laquelle aurait été contrainte de vivre dans une tente et n’aurait, tout au long de sa grossesse, pas eu accès à des moyens de subsistance, à de bonnes conditions d’hygiène et à des soins.

A cet égard, la demanderesse reproche au ministre d’avoir déclaré irrecevable sa demande de protection internationale introduite pour elle-même et pour son fils sans avoir examiné si une pareille décision ne les exposerait pas à des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

La demanderesse prétend que diverses associations et ONG attesteraient de la situation des bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce, et elle se réfère à un rapport de l’« Organisation suisse d’aide aux réfugiés », désignée ci-après par « l’OSAR », duquel il ressortirait que les personnes bénéficiaires de la protection internationale en Grèce se verraient retirer leur place d’hébergement trente jours après leur obtention de la protection internationale et qu’il n’y existerait aucune assistance étatique pour les aider dans la recherche d’un logement.

Par ailleurs, suivant le rapport précité, il y aurait de nombreux obstacles administratifs en Grèce entravant l’accès aux droits dont bénéficieraient les réfugiés : ainsi, l’octroi d’un numéro de sécurité sociale serait, d’après ledit rapport, notamment conditionné par une adresse de correspondance.

La demanderesse insiste qu’en cas de retour en Grèce, elle encourrait un risque d’être exposée à des traitements inhumains et dégradants alors qu’elle-même ainsi que son fils seraient des personnes vulnérables.

Elle se réfère à un certificat médical du 10 janvier 2025 qui attesterait plus particulièrement de la situation vulnérable de son fils, soulignant que tant celui-ci que son enfant à naître risqueraient d’être privés de soins en cas de retour en Grèce.

La demanderesse soutient qu’elle ne pourrait accéder à la sécurité sociale en Grèce à défaut d’adresse, et déplore qu’elle n’y aurait pas la capacité de nourrir ses enfants malgré la reconnaissance du statut de bénéficiaire de protection internationale.

A cet égard, la demanderesse se réfère encore à deux jugements du tribunal administratif des 6 novembre 2019 et 25 mars 2020, inscrits respectivement sous les numéros de rôle 43536 et 44081, par lesquels deux décisions d’irrecevabilité du ministre de l’Immigration et de l’Asile auraient été annulées au motif que l’accès aux soins médicaux en Grèce ne serait pas garanti. Elle rappelle également qu’en date du 10 juillet 2024, le tribunal administratif a annulé la première décision d’irrecevabilité prise par le ministre en date du 3 mai 2024 à son égard et à l’égard de son fils, reproduisant un extrait dudit jugement ayant plus précisément pris en compte le besoin particulier d’un enfant en bas âge d’accéder à des soins.

Selon la demanderesse, le ministre aurait fait une interprétation erronée de ses dires pour déclarer à nouveau sa demande de protection internationale irrecevable, et ceci sans prendre en considération sa situation de précarité et de vulnérabilité, accrue en raison de sa grossesse, du bas âge de son fils et du dénuement matériel extrême auquel la famille devrait faire face.

16De cette manière, la demanderesse estime que le ministre aurait violé non seulement les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, mais aussi le principe de coopération réciproque prévu à l’article 37, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et qui se baserait sur « l’article 4 de la Directive paragraphe 1 de la directive 2004/83/CE du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ».

Cette obligation aurait été reconnue par un arrêt de la CJUE du 22 novembre 2012, …, ainsi que par la jurisprudence nationale dans un jugement du tribunal administratif du 6 juin 2014, inscrit sous le numéro 34417 du rôle.

La demanderesse fait plaider, qu’en l’espèce, le risque d’être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Grèce, toucherait avant tout son enfant mineur, né en …, de même que son second enfant à naître, alors que des enfants en si bas âge risqueraient sérieusement d’être affectés si aucun logement n’était disponible.

La demanderesse estime que la décision litigieuse aurait, tout comme la première décision du 3 mai 2024, fait abstraction de l’intérêt supérieur de son enfant, tel que consacré à l’article 3, point 1. de la Convention internationale des droits de l’enfant, désignée ci-après par « la CIDE ». La demanderesse est d’avis que la décision du 24 janvier 2025 ne serait qu’une « copie maquillée » de celle du 3 mai 2024, et qu’elle aurait été prise en mépris total de l’intérêt supérieur d’un enfant en bas âge ayant une santé fragile, laquelle serait incontestable au regard d’un compte-rendu d’examen médical du 15 janvier 2025 qui aurait été réalisé à la suite d’une « hyperréactivité bronchique avec pneumopathie » en août 2024.

La demanderesse fait valoir que la charge de la preuve du risque de son enfant d’être exposé à des traitements inhumains ou dégradants ne lui incomberait pas seule, tel que cela ressortirait également de l’arrêt précité de la CourEDH du 21 janvier 2011, et qu’il aurait appartenu au ministre de s’assurer de ses conditions d’accueil en Grèce auprès des autorités dudit pays. Cette conclusion serait renforcée, selon la demanderesse, par les dispositions de l’article 10, paragraphe (3), point b) de la directive Procédure, qui dit que les Etats membres veillent à obtenir des informations actualisées sur la situation des pays d’origine et de transit de demandeurs de protection internationale dans le cadre de l’examen des demandes de protection internationale.

Or, en se basant sur des informations générales concernant la situation des bénéficiaires de protection internationale en Grèce sans prendre en compte sa situation personnelle en tant que femme enceinte, ni celle de son enfant de 15 mois, le ministre aurait violé l’article 37, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que la décision encourrait également l’annulation de ce chef.

La demanderesse conclut que la décision litigieuse serait basée sur une erreur manifeste d’appréciation, sinon qu’elle violerait la loi en ce qu’elle ferait abstraction de son risque et de celui de son enfant de se voir exposer à des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en cas de retour en Grèce.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé, alors que tant la demanderesse que son enfant bénéficieraient du statut de réfugié en Grèce, de sorte que le ministre aurait à bon droit déclaré irrecevables les demandes de protection internationale de la demanderesse et de son fils sur base de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015.

17 Le délégué du gouvernement se rallie à la décision litigieuse en considérant que plusieurs des déclarations faites par la demanderesse lors du second entretien du 9 août 2024 ne seraient pas crédibles, voire qu’elles seraient « délibérément mensongères » aux fins d’aggraver le vécu de la demanderesse et de son fils en Grèce. Il fait valoir que le litismandataire de la demanderesse n’aurait pas pris position par rapport au manque de crédibilité soulevé par la décision ministérielle, ni par rapport à l’incohérence qui existerait dans les déclarations de sa mandante, ce qui confirmerait l’analyse du ministre d’après laquelle la demanderesse ne chercherait qu’à augmenter ses chances d’obtenir une protection internationale au Luxembourg.

En premier lieu, le délégué du gouvernement conteste la crédibilité de l’affirmation de la demanderesse d’après laquelle celle-ci aurait été contrainte de se déplacer de … jusqu’à Athènes pour obtenir son titre de séjour grec et son titre de voyage pour réfugiés grecs, et que ces documents ne lui auraient été octroyés que six mois après l’obtention de son statut de réfugié, alors que de telles affirmations seraient en contrariété avec des photos desdits documents retrouvés sur le téléphone portable de la demanderesse ainsi qu’avec des recherches entreprises par la partie étatique quant aux modalités de la délivrance des documents en cause.

Ensuite, le délégué du gouvernement estime improbable que le personnel soignant d’un hôpital grec aurait refusé la prise en charge de l’enfant de la demanderesse lorsqu’elle se serait rendue aux urgences avec son fils en raison de ses symptômes de toux, sauf au cas où ledit refus de prise en charge résulterait effectivement d’une évaluation médicale objective. En effet, selon le délégué du gouvernement, un refus de premier secours en cas d’urgence, même à défaut de carte de sécurité sociale, serait contraire non seulement à la législation grecque mais également aux principes éthiques et déontologies des professionnels du secteur médical. Plus particulièrement, il suffirait pour une personne sans numéro de sécurité sociale, mais nécessitant des soins, de montrer un « document officiel d’orientation d’urgence et de référence juridique », respectivement une circulaire qui s’intitulerait « no.Α3γ/Γ.Π.οικ.39364 du 31.05.2016 » en tant que preuve de son droit aux services de santé.

De même, le délégué du gouvernement soutient que l’affirmation de la demanderesse, selon laquelle elle n’aurait obtenu ni d’accompagnement ni de soutien de la part des autorités grecques, d’associations locales ou de son entourage, pour accéder à un logement ou pour obtenir une protection sociale permanente en tant que bénéficiaire de la protection internationale, serait improbable. Il souligne à cet égard que la demanderesse aurait exposé, à l’occasion de son entretien du 9 août 2024, que ses tentatives de se renseigner seraient restées sans réponse, mais que d’après les informations de la partie étatique, une assistance médicale, sociale et juridique serait généralement accessible aux personnes hébergées dans un camp, comme cela aurait été le cas pour la demanderesse jusqu’au 20 novembre 2023. Même à supposer que la demanderesse n’aurait pas bénéficié d’une guidance de la part des autorités ou associations grecques, elle aurait, selon le délégué du gouvernement, toujours eu la possibilité, voire la responsabilité, d’entamer personnellement des démarches administratives pour accéder aux aides réclamées. Le délégué du gouvernement insiste à cet égard sur la disponibilité d’informations pertinentes en ligne, en plusieurs langues et notamment en anglais, langue que la demanderesse maîtriserait parfaitement.

Le délégué du gouvernement revient ensuite sur la question de savoir s’il faut disposer d’une adresse en Grèce pour pouvoir accéder à une protection sociale. Le délégué du gouvernement explique qu’en général, un bénéficiaire de protection internationale disposerait 18d’un mois à compter de la délivrance de son titre de séjour pour convertir son numéro provisoire d’assurance (PAAYPA) en un numéro de sécurité sociale (AMKA), et qu’il faudrait une adresse de correspondance voire un logement personnel pour entreprendre cette démarche. A cet égard, il note d’abord que la date de délivrance effective du titre de séjour des consorts (A) n’est pas constante en cause, alors qu’il existerait une divergence entre les déclarations de la demanderesse et les informations à la disposition de la partie étatique, et il ajoute qu’au cas où il conviendrait de retenir la date ultérieure avancée par la demanderesse, à savoir le mois de février 2024, cela voudrait dire qu’elle aurait continué à bénéficier de la protection au titre de son PAAYPA jusqu’à cette date. En plus, le délégué souligne que, en fonction de la date qu’il conviendrait de retenir, la règlementation grecque aurait permis à la demanderesse, soit, d’indiquer l’adresse du camp à … pour autant qu’elle y aurait toujours résidé, soit de fournir une attestation d’une des personnes qui l’aurait logée, sinon un « certificat d’itinérance » disponible auprès d’autorités locales. Le délégué du gouvernement fait valoir que ces options constitueraient des « alternatives efficaces » qui auraient dû permettre à la demanderesse de convertir son PAAYPA en AKMA, et il estime que ces conclusions seraient confirmées par une absence de prise de position relative aux points susvisés par le litismandataire de la demanderesse.

Le délégué du gouvernement précise encore qu’il existerait plus d’une centaine d’ONG en Grèce qui aideraient les bénéficiaires de protection internationale à accéder aux soins médicaux. En outre, de nombreuses ONG spécifiquement dédiées aux enfants et mères, et offrant des services de pédiatrie, seraient implantées à Athènes.

Par ailleurs, le délégué du gouvernement insiste que le fait de bénéficier en Grèce, en tant que réfugié, des mêmes droits et obligations qu’un citoyen grec impliquerait pour la demanderesse l’obligation d’entreprendre « comme tout citoyen grec » les démarches administratives pour obtenir les documents nécessaires à la vie quotidienne, notamment ceux en rapport avec la protection sociale et médicale.

Le délégué du gouvernement souligne que la Grèce serait non seulement un Etat membre de l’Union européenne, mais qu’elle serait aussi signataire de la Charte, de la CEDH, de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés, et qu’elle serait dès lors obligée d’appliquer ces dispositions. Le délégué du gouvernement estime que la demanderesse n’aurait pas rapporté la preuve qu’elle ne pourrait faire valoir ses droits en cas de retour en Grèce, et il fait référence à un jugement du tribunal administratif du 11 septembre 2024, portant le numéro 50789 du rôle, qui s’intégrerait dans un contexte similaire.

Par rapport aux moyens avancés par la demanderesse dans son recours, le délégué du gouvernement estime que ceux-ci ne seraient pas de nature à énerver la position de la partie étatique. En premier lieu, il fait valoir que la demanderesse n’aurait pas apporté d’éléments concrets de nature à établir une violation de l’article 37, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 par le ministre. Le délégué du gouvernement insiste, plus particulièrement, sur le fait que la demanderesse resterait en défaut de prouver que les consorts (A) n’auraient pas eu, ou n’auraient pas en cas de retour en Grèce, accès à une protection sociale et aux soins médicaux.

Selon le délégué du gouvernement, ce serait également à tort que la demanderesse se réfère aux jugements du tribunal administratif des 6 novembre 2019 et 25 mars 2020, inscrits respectivement sous les numéros de rôle 43536 et 44081, alors que ces jugements ne seraient 19plus d’actualité, que la situation en Grèce en 2019 respectivement en 2020 ne serait plus comparable à la situation actuelle, et que le tribunal y aurait retenu une insuffisance d’instruction de la part du ministère, un reproche qui ne vaudrait pas en l’espèce où le ministre aurait procédé à une analyse approfondie de la situation en Grèce.

Le délégué du gouvernement s’oppose ensuite au reproche du litismandataire de la demanderesse, par lequel celui-lui reprocherait à la partie étatique de ne pas avoir tenu compte de la réalité endurée par les réfugiés en Grèce, en se référant aux sources officielles utilisées à l’appui tant de la décision ministérielle que du mémoire en réponse. De même, le délégué conteste l’affirmation du litismandataire de la demanderesse selon laquelle la partie étatique n’aurait pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, insistant sur le fait qu’il serait précisément dans l’intérêt de celui-ci de grandir auprès de sa mère et surtout dans une situation légale, ce qui serait le cas en Grèce où la demanderesse se serait vue accorder le statut de réfugié.

Le délégué du gouvernement donne à considérer qu’en matière de décision de refus de protection internationale, il ressortirait d’un arrêt de la Cour administrative du 19 octobre 2021, inscrit sous le numéro 46380C du rôle, que l’octroi d’un statut de protection internationale se ferait exclusivement sur base des critères définis par la Convention de Genève et la loi du 18 décembre 2015, et que des questions de vie privée et familiale de demandeurs de protection internationale n’y entreraient pas dans le débat. Le délégué du gouvernement estime que le même raisonnement devrait s’appliquer au cas d’espèce.

Par rapport au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant, le délégué du gouvernement rajoute qu’un jugement du tribunal administratif du 3 août 2020, inscrit sous le numéro 44233 du rôle, aurait retenu que les demandeurs dans ladite affaire ne risquaient pas d’être victimes, en Grèce, d’une violation des articles 3 de la CEDH respectivement 4 de la Charte. En outre, le délégué du gouvernement fait valoir que la simple allégation d’une « santé fragile » de l’enfant de la demanderesse, qui se ferait sur la base d’un seul rapport médical datant d’août 2024, serait insuffisant pour établir un risque personnel dans le chef dudit enfant de subir en Grèce des traitements inhumains et dégradants, voire des atteintes graves au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte. Aucune preuve concrète et circonstanciée n’aurait été fournie par la demanderesse pour prouver qu’elle aurait personnellement rencontré des problèmes en Grèce suite à son obtention du statut de réfugié en août 2023. Au contraire, il ressortirait de ses déclarations qu’elle n’aurait entrepris aucune démarche pertinente, à l’instar d’une demande en obtention d’un numéro de sécurité sociale permanent (AKMA), de sorte qu’on ne pourrait reprocher une quelconque défaillance aux autorités grecques.

A l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire de la demanderesse a contesté l’argumentation de la partie étatique ayant trait à la crédibilité de sa mandante.

Analyse du tribunal Le tribunal relève d’abord qu’il n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés mais qu’il lui appartient de les toiser suivant la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent, l’examen de la légalité externe devant précéder celui de la légalité interne.

Dans ces conditions, le tribunal examinera, en premier lieu, les reproches d’ordre procédural soulevés par la demanderesse.

20S’agissant, à cet égard, de la violation alléguée du devoir de collaboration que la demanderesse rattache à l’article 37, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 disposant que « (1) Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Il appartient au ministre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande. », force est de constater que cet article figurant dans la loi du 18 décembre 2015 sous le chapitre 3, intitulé « Des normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés et les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », n’est pas applicable en l’espèce, alors qu’il vise les hypothèses où le ministre examine le bien-fondé d’une demande de protection internationale, ce qui n’est pas le cas en l’espèce dans la mesure où la demande de la demanderesse, ainsi que celle au nom de son fils, ont été déclarées irrecevables impliquant que le ministre n’a pas examiné le bien-fondé de leurs demandes.

Le moyen afférent est partant rejeté.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 28, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants:

a) une protection internationale a été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne; […] ».

Il ressort de cette disposition que le ministre peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale, sans vérifier si les conditions d’octroi en sont réunies, dans le cas où le demandeur s’est vu accorder une protection internationale dans un autre pays membre de l’Union européenne.

En l’espèce, il ressort du dossier administratif que la demanderesse s’est vue accorder le statut de réfugié en Grèce en date du 25 août 2023. Par ailleurs, il est constant en cause que son fils y bénéficie également d’un statut de protection internationale, et qu’un titre de séjour afférent a été octroyé à la demanderesse d’une validité du 25 août 2023 au 24 août 2026, de même qu’à son fils d’une validité du … novembre 2023 au … août 2026.

Face à ce constat, le ministre a a priori valablement pu déclarer irrecevables les demandes de protection internationale de la demanderesse et de son fils sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015.

Il échet ensuite d’analyser le reproche de défaut de crédibilité qui est opposé à la demanderesse aux termes tant de la décision déférée que du mémoire en réponse du délégué du gouvernement. En substance, la partie étatique considère qu’il ne serait pas crédible (i) que la demanderesse aurait été contrainte de se déplacer de … à Athènes pour obtenir ses documents d’identité, remettant également en question les affirmations de la demanderesse quant à la date de délivrance desdits documents, (ii) que le personnel soignant en Grèce aurait refusé des soins à son fils en bas âge, et (iii) que la demanderesse n’aurait jamais bénéficié d’un accompagnement en vue des démarches à suivre pour accéder à un logement ou à une protection sociale permanente. Le délégué du gouvernement estime en outre que l’absence de prise de position du litismandataire de la demanderesse quant au manque allégué de crédibilité 21ne ferait que confirmer ce dernier.

Par rapport au premier volet, le tribunal constate que les modalités et la chronologie exacte de la délivrance des documents d’identité de la demanderesse ne sont pas pertinentes pour la solution du présent litige, alors qu’il est constant que tant la demanderesse que son fils se sont finalement vus délivrer les documents en question et qu’aucune défaillance y relative n’est reprochée à la Grèce dans le cadre du recours sous analyse.

Par rapport aux deuxième et troisième volets, il est encore constant que la demanderesse et son fils ne bénéficient actuellement pas d’une protection sociale à titre permanent en Grèce, même à supposer que la raison en serait, comme le prétend la partie étatique, le seul défaut pour la demanderesse d’avoir entrepris les démarches nécessaires afin de convertir son numéro provisoire d’assurance (PAAYPA) en un numéro de sécurité sociale (AMKA) en temps utile, et il est également constant qu’ils n’y disposent pas d’un logement. En outre, les affirmations de la demanderesse quant aux difficultés d’accéder à des prestations médicales voire à un logement ne peuvent pas simplement être déclarées incrédibles, alors que l’article précité de l’OSAR mentionne : « Puisque l’État [grec] ne met à disposition ni logement spécifique ni assistance pour la recherche de logement et l’accès à celui-ci, de très nombreuses personnes au bénéfice d’une protection internationale sont sans abri en Grèce. Les multiples obstacles qui se dressent sur leur route les empêchent souvent ne serait-ce que de réclamer les rares prestations auxquelles elles ont droit, telles l’accès aux soins de santé, compliqué sur le plan administratif par l’obligation de disposer d’un numéro de sécurité sociale, dont l’octroi est lui-

même conditionné à l’existence d’autres documents et d’une adresse de correspondance. ».

Au-delà des considérations qui précèdent le tribunal constate que les points soulevés par le ministre et le délégué du gouvernement ne sont pas de nature à ébranler la crédibilité du récit de la demanderesse dans son intégralité, lequel reste globalement crédible.

Le moyen de la partie étatique ayant trait à la crédibilité de la demanderesse est partant à rejeter.

S’agissant du moyen de la demanderesse fondé sur une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, le tribunal relève tout d’abord que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève et le protocole de 1967, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1.

Le tribunal relève encore que la CJUE2 a, dans ses arrêts du 19 mars 2019, rendus dans les affaires jointes …, …, …, …, et …, ainsi que dans l’affaire …, confirmé le principe selon lequel le droit de l’Union repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque Etat membre partage avec tous les autres Etats membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les Etats membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union qui les met en œuvre, ainsi que dans 1 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

2 CJUE, 19 mars 2019, Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, n° C-163/17, points 80 à 97 et CJUE, 19 mars 2019, Bashar Ibrahim e.a. contre Bundesrepublik Deutschland et Bundesrepublik Deutschland contre Taus Magamadov, nos C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-438/17, points 83 à 94.

22le fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux reconnus par la Charte, notamment aux articles 1er et 4 de celle-ci, qui consacrent l’une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses Etats membres, de sorte qu’il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs ou aux bénéficiaires d’une protection internationale dans chaque Etat membre est conforme aux exigences de la Charte, de la Convention de Genève ainsi que de la CEDH. Il en va ainsi, notamment, lors de l’application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive Procédures aux termes duquel : « 2. Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque: a) une protection internationale a été accordée par un autre État membre ; », qui constitue, dans le cadre de la procédure d’asile commune établie par cette directive, une expression du principe de confiance mutuelle.

Il ne saurait, cependant, être exclu que ce système rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement dans un Etat membre déterminé, de telle sorte qu’il existe un risque sérieux que des demandeurs ou des bénéficiaires d’une protection internationale soient traités, dans cet Etat membre, d’une manière incompatible avec leurs droits fondamentaux.

Dans ce contexte, il importe de relever que, eu égard au caractère général et absolu de l’interdiction énoncée à l’article 4 de la Charte, qui est étroitement liée au respect de la dignité humaine et qui interdit, sans aucune possibilité de dérogation, les traitements inhumains ou dégradants sous toutes leurs formes, il est indifférent, aux fins de l’application de cet article 4, que ce soit au moment même d’un transfert, au cours de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait un risque sérieux de subir un tel traitement.

Ainsi, la CJUE a retenu que lorsque la juridiction saisie d’un recours contre une décision rejetant une nouvelle demande de protection internationale comme irrecevable dispose d’éléments produits par le demandeur aux fins d’établir l’existence d’un tel risque dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale, cette juridiction est tenue d’apprécier, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union européenne, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes.

Elle a, à cet égard, souligné que, pour relever de l’article 4 de la Charte, correspondant à l’article 3 de la CEDH, et dont le sens et la portée sont donc, en vertu de l’article 52, paragraphe (3) de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère ladite convention, les défaillances en question doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Elle a encore précisé que ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie n’atteignant toutefois pas ce seuil lorsqu’elles n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant. Le seul fait que la protection sociale et/ou les conditions de vie sont plus favorables dans l’Etat membre auprès duquel la nouvelle demande de protection internationale a été introduite que dans l’Etat membre ayant déjà accordé un des statuts 23conférés par la protection internationale n’est pas de nature à conforter la conclusion selon laquelle la personne concernée serait exposée, en cas de transfert vers ce dernier Etat membre, à un risque réel de subir un traitement contraire à l’article 4 de la Charte.

La demanderesse remettant en question la présomption du respect par les autorités grecques de ses droits fondamentaux ainsi que ceux de son enfant mineur tels que consacrés par la Charte et la CEDH, puisqu’elle affirme qu’elle et son fils risqueraient des traitements inhumains et dégradants en Grèce, il lui incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.

Le tribunal constate tout d’abord qu’il ressort du dossier administratif que la demanderesse a dès son entretien auprès d’un agent de la police grand-ducale3, ainsi qu’auprès d’un agent du ministère en date du 3 mai 20244, expliqué qu’elle n’aurait pas bénéficié d’une quelconque aide financière en Grèce et qu’elle n’aurait pas eu accès à un logement ou un travail. Elle y a rajouté quelques précisions lors de son second entretien du 9 août 20245. Il échet, par ailleurs, de constater que la demanderesse a, dans sa requête introductive d’instance, indiqué qu’elle n’y aurait pas eu accès à une protection sociale et, par extension, aux soins médicaux pour son enfant, âgé de … mois au moment de son départ de la Grèce.

En ce qui concerne d’abord l’absence d’accès à un emploi et à un logement, il convient de relever que les difficultés rencontrées pour trouver un logement, respectivement un emploi rémunéré, ne peuvent être considérées comme étant contraires aux articles 3 de la CEDH ou 4 de la Charte, dans la mesure où il n’existe a priori dans aucun pays une obligation de l’Etat de pourvoir un emploi à l’un de ses résidents, et, par extension, à un bénéficiaire d’une protection internationale, ou même de lui garantir l’accès à un logement6, des résidents et nationaux grecs étant susceptibles d’être confrontés aux mêmes difficultés, étant relevé qu’aucune garantie d’un logement ou d’emploi ne figure parmi les droits des bénéficiaires d’une protection internationale prévus à la Convention de Genève et à la directive Qualification, invoquées par la demanderesse.

En ce qui concerne plus particulièrement l’absence alléguée d’un accès en Grèce à un emploi, le tribunal constate que la demanderesse, en mettant en avant son besoin de rester auprès de son enfant en bas âge7, n’allègue en tout état de cause et n’établit a fortiori pas que les autorités grecques lui refuseraient l’accès à un emploi, le fait de ne pas disposer d’un contrat de travail résultant de circonstances de fait étrangères aux autorités grecques.

3 Page 2 du rapport n° 155662 de la police grand-ducale : « […] In Griechenland kann ich nicht bleiben da ich keine Hilfe bekomme und nichts zu Essen. Ich bekomme nur Spenden in der Kirche. Ich habe bis mein Kind geboren wurde bei einer Freundin […] geschlafen, danach bei verschiedenen Leuten. […] ».

4 Page 2 du rapport d’entretien du 3 mai 2024 « […] I did not have financial help for the baby and for me also. I don’t have financial means. […] I breastfeed my baby because I do not have any money to give him something else. […] ».

5 Page 2 du rapport d’entretien du 9 août 2024 « [Question :] Did you receive any help or advice from any social workers or any organization/NGO to find a place to live or to register a new address? [Réponse :] I asked for help from people, but no one was willing to help. No one could. » et page 6 « [Question :] What organizations did you contact? [Réponse :] […] The only thing I received help with diapers from one organization. ».

6 Trib. adm., 22 février 2021, n°45439 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Droits de l’homme et libertés fondamentales, n° 14 et les autres références y citées.

7 Page 7 du rapport d’entretien du 9 août 2024 : « I did get a job offer from Metadrassi. It is a translating company that works with migrants. They cancelled it when I could not find anyone to look after my son. ».

24En ce qui concerne ensuite l’absence d’accès à une aide financière, voire à une protection sociale et, par extension, aux soins médicaux, le tribunal avait tenu compte, dans le jugement du 10 juillet 2024, de l’article précité de l’« OSAR » duquel il ressort qu’en Grèce, l’accès des bénéficiaires de la protection internationale à une protection sociale serait conditionné par l’attribution d’un numéro de sécurité sociale, attribution qui serait conditionnée à son tour par la disposition d’une adresse de correspondance, voire d’un logement ; cette condition constituerait dès lors un obstacle pour les bénéficiaires de protection internationale ne disposant pas d’un logement en Grèce pour pouvoir y accéder à une protection sociale. Dans la mesure où il ressort, par ailleurs, du rapport précité d’« Amnesty International » qu’en Grèce, le droit des demandeurs de protection internationale à un logement expire automatiquement après un délai de 30 jours suite à l’obtention d’une protection internationale, le tribunal avait retenu dans le prédit jugement que l’affirmation de la demanderesse qu’elle risquerait, en cas de retour en Grèce, de ne pas bénéficier d’une protection sociale, se trouverait confortée par lesdits rapports.

Le tribunal constate actuellement que, dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait état de recherches entreprises par la partie étatique qui infirmeraient la conclusion précédemment retenue par le tribunal sur base des éléments qui étaient alors à sa disposition.

Notamment, le délégué du gouvernement fait valoir (i) que la demanderesse serait restée dans le camp à … au-delà du délai de 30 jours suite à l’obtention d’une protection internationale, et (ii) qu’alternativement à l’indication d’un logement personnel, la demanderesse aurait eu deux options afin de convertir son numéro provisoire d’assurance (PAAYPA) en un numéro de sécurité sociale (AMKA) : « soit elle aurait pu obtenir une attestation sur l’honneur d’une des personnes qui l’auraient hébergée chez elle et une photocopie de son contrat de logement, soit elle aurait pu obtenir un « certificat d’itinérance », c’est-à-dire un document qui peut généralement être délivré par une mairie, une administration ou des associations locales pour attester de la situation d’itinérance de la personne afin de permettre à celle-ci de prouver son identité et de justifier son absence d’une adresse de résidence stable, et ce afin d’accéder à certains droits sociaux et des services, comme l’accès aux soins ».

Quant au fait que la demanderesse aurait pu rester dans le camp de … plus longtemps que les 30 jours mentionnés dans le rapport suscité, il ressort des affirmations de la demanderesse, faites à l’occasion de son second entretien du 9 août 2024, que 20 jours supplémentaires lui auraient été offerts après qu’elle avait accouché de son fils, mais qu’elle aurait été contrainte de partir par après8. Dès lors, la seule circonstance que ledit délai était exceptionnellement prorogé en raison d’un accouchement n’est pas de nature à influer sur la situation de la demanderesse et de son fils en cas d’un éventuel retour en Grèce. Bien au contraire, le fait que la demanderesse a dû quitter le camp sans être prise en charge par ailleurs corrobore ses affirmations selon lesquelles elle n’a pas pu bénéficier d’une protection sociale en Grèce.

Ensuite et indépendamment des options alternatives dont la demanderesse aurait disposé, d’après la partie étatique, pour prouver sa situation de résidence afin d’accéder aux 8 Page 4 du rapport du 9 août 2024 « They offered me another 20 days after I gave birth to my child. Then they told me that I had to leave. » et page 5 « [Question :] Considering you had just given birth at the time; did they not make an exception and allow you to stay? [Réponse :] No, not after the 20 days. They did make an exception before the child was born and allowed me to stay there. ».

25prestations de soins en Grèce, force est de constater que s’il ne peut certes pas être retenu une absence totale et systématique d’accès aux soins médicaux ou à un hébergement en Grèce pour les bénéficiaires d’une protection internationale, ceux-ci se trouvant dans une situation identique à celles des ressortissants grecs, étant à cet égard encore relevé qu’une personne ne saurait choisir le pays dans lequel elle souhaite introduire une demande de protection internationale en fonction de la qualité de soins dont elle pourra éventuellement bénéficier dans ce pays plutôt que dans un autre9, il échet d’analyser si la situation personnelle de la demanderesse et de son fils n’est pas telle qu’ils risqueraient de faire face, en cas de retour en Grèce, à des conditions de vie s’apparentant pour eux à une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

Dans la mesure où la décision déférée porte également sur la demande de protection internationale du fils mineur de la demanderesse, il est par ailleurs nécessaire de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, tel que prévu par l’article 3 de la CIDE qui est à juste titre invoqué par la demanderesse et qui prévoit que « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

2. Les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.

3. Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié. » En l’espèce, il échet d’abord de constater que le fils mineur de la demanderesse est actuellement âgé de … mois et qu’il s’agit donc d’un enfant en bas âge. Or, comme il a été relevé par le tribunal dans le jugement du 10 juillet 2024, précité, il ne saurait être nié qu’un enfant en bas âge, nécessitant des contrôles médicaux fréquents, ce tant au regard de son développement normal qu’au regard de la fragilité de son système immunitaire, a nécessairement besoin d’un accès aux soins médicaux afin de garantir son plein développement et son intégrité physique, étant relevé qu’au regard de l’article 3 de la CEDH, la CourEDH prend notamment en compte l’âge de la personne concernée, le bas âge d’un enfant nécessitant nécessairement une protection plus large dans le cadre dudit article 310.

Le fait que le fils de la demanderesse a actuellement quelques mois de plus qu’au moment du jugement du 10 juillet 2024 ne change pas la conclusion quant à sa vulnérabilité, laquelle n’est pas non plus énervée par le fait que l’ordonnance médicale du 10 janvier 2025 et le compte-rendu d’examen médical du 15 janvier 2025 – donc antérieurs à la décision déférée – versés par la demanderesse mentionnent une « Régression tout à fait satisfaisante des opacités alvéolaires » et « Pas d’épanchement pleural ». En effet, ces mêmes certificats attestent de l’état de santé fragile de l’enfant mineur en faisant état d’une « Persistance d’une 9 Trib. adm., 24 mars 2020, n° 44081 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

10 Voire en ce sens : CourEDH, 4 mai 2023, A.C. et M.C. c France, requête n°4289/21.

26bronchopathie centrale un peu marquée avec fines opacités alvéolaires hilaires droites », d’une « Silhouette cardiomédiastinale fine » et d’une « stagnation pondérale, bebe souvent malade ».

Quant à la situation de la demanderesse au moment de la prise de décision par le ministre, il ressort d’un certificat médical de grossesse du … décembre 2024 qu’elle est enceinte et que la « date présumée de l’accouchement est la suivante : …/06/2025 ».

Il convient partant de retenir un état particulier de vulnérabilité, nécessitant une garantie d’accès aux soins médicaux, non seulement dans le chef du fils de la demanderesse, âgé d’un peu plus d’un an au moment de la prise de la décision attaquée, mais également dans le chef de sa mère, en quatrième mois de grossesse audit moment.

Dès lors, au vu, d’une part, de la particularité de la situation de la demanderesse et de son fils en l’espèce et plus concrètement de la vulnérabilité tant de la mère enceinte ayant de surplus à sa charge un enfant en bas âge, que de son enfant en bas âge et, d’autre part du reproche de la demanderesse selon lequel ils n’auraient pas eu accès aux soins médicaux lors de leur séjour en Grèce, il aurait appartenu en l’occurrence à l’Etat de contacter les autorités grecques afin de recevoir de leur part concrètement des garanties individuelles nécessaires en vue de prévenir dans le chef de la demanderesse et de son fils tout risque de se retrouver, une fois arrivés en Grèce, dans une situation précaire.

Toutefois, afin d’établir que la demanderesse et son fils puissent avoir accès à un encadrement médical, l’Etat se limite à renvoyer de manière générale au site internet https://greece.refugee.info contenant des informations de nature abstraite sur la situation ainsi que les démarches à effectuer par les réfugiés en Grèce, voire à faire référence à des ONG qui seraient actives dans un contexte médical et susceptibles d’assister des bénéficiaires de protection internationale, voire des enfants et mères, sans s’enquérir auprès des autorités grecques si elles auraient effectivement les capacités nécessaires pour accueillir, dès leur arrivée éventuelle en Grèce, la demanderesse en état de grossesse avancée et son fils en bas âge.

Or, même si le tribunal a retenu ci-avant qu’il ne se dégageait pas des éléments à la disposition du ministre que, de manière générale, la situation en Grèce serait telle que tout bénéficiaire d’une protection internationale risquerait de s’y voir confronté à une absence totale d’accès aux soins de santé et à un hébergement, ni a fortiori que tout bénéficiaire d’une telle protection risquerait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, de se trouver dans une situation qui porterait gravement atteinte à sa santé physique ou mentale ou le mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, et pouvant dès lors être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant, il n’en reste pas moins qu’en l’espèce et eu égard à la situation de vulnérabilité particulière de la demanderesse et de son fils, laquelle implique qu’ils nécessitent la garantie d’une prise en charge immédiate et régulière, il ne se dégage pas des éléments du dossier que la demanderesse et son fils puissent effectivement être encadrés médicalement dès leur arrivée en Grèce et y poursuivre leur traitement de manière régulière.

Au vu de la situation particulière de l’espèce et dans la mesure où il n’est pas établi que tant la demanderesse que son fils en bas âge puissent accéder et bénéficier régulièrement d’un encadrement médical en Grèce, au risque de voir leur développement et leur intégrité physique hypothéqués, il y a lieu de conclure que la décision déférée du 24 janvier 2025 doit être annulée.

27 Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 24 janvier 2025 ayant déclaré irrecevables les demandes de protection internationale des consorts (A) ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule la décision ministérielle du 24 janvier 2025 ;

renvoie le dossier en prosécution de cause devant le ministre ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 avril 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 28


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 52341
Date de la décision : 04/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-04;52341 ?

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