Tribunal administratif N° 48368 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48368 1re chambre Inscrit le 16 janvier 2023 Audience publique du 28 avril 2025 Recours formé par Madame (A1), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48368 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023 par Maître Katy DEMARCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), née le … à … (Venezuela), de la nationalité vénézuélienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 novembre 2022 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en sa plaidoirie à l’audience publique du 13 novembre 2024 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 28 février 2025 informant les parties de la rupture du délibéré ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom HANSEN en sa plaidoirie à l’audience publique du 12 mars 2025.
Le 10 mars 2020, Madame (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Madame (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-
police des étrangers, dans un rapport du même jour.
1En date des 6 et 27 janvier et 2 mars 2021, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 29 novembre 2022, notifiée à Madame (A1) par lettre recommandée expédiée le 13 décembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa l’intéressée que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Cette décision est libellée dans les termes suivants :
« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 10 mars 2020 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains votre fiche manuscrite du 10 mars 2020, le rapport du Service de Police Judiciaire du 10 mars 2020, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 6 et 27 janvier et du 2 mars 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale ainsi que les documents remis à l'appui de votre demande de protection internationale.
Madame, il en ressort que vous seriez originaire de Maracay dans l'Etat d'Aragua où vous auriez vécu avec des membres de votre famille dans leur appartement respectif les 11 mois ayant précédé votre départ. Auparavant, vous auriez habité dans le quartier de … à Maracay de 2014 à 2016 dans votre propre domicile en compagnie de vos filles.
Vous indiquez avoir sept enfants dont deux fils qui seraient décédés, (A2) et (A3); deux fils qui vivraient aux Pays-Bas, (A4) et (A5); deux filles qui résideraient au Venezuela, (A6) et (A7) ; et votre fille (A8) qui a également introduit une demande de protection au Luxembourg en compagnie de son fils (A9) (cf. R-19156). Votre mari (A10) serait quant à lui resté au Venezuela à ….
Vous déclarez avoir fui le Venezuela le 28 février 2020 alors que vous auriez été harcelée par « des fonctionnaires du gouvernement » (p.7 de votre rapport d'entretien), notamment des FAES. Dans votre fiche manuscrite remplie le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale, vous affirmez avoir besoin d'une protection « pour raison politique humanitaire » et car votre vie aurait été bouleversée suite à la mort de vos deux fils que vous auriez perdus « à cause de la persécution et de la sécurité ». En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez d'être tuée et vous ajoutez être préoccupée par le fait que deux de vos enfants se trouveraient encore au Venezuela.
Madame, vous déclarez que le 14 mai 2014, cinq ou six membres des FAES se seraient introduits par la force dans votre domicile. Ils auraient été à la recherche de votre fils (A2) et 2sans vous fournir davantage d'explications malgré vos questionnements, ils se seraient mis à fouiller votre domicile. À cette occasion, ils vous auraient « luxé l'épaule » et « insulté » (p.8 du rapport d'entretien) sans avoir trouvé de traces de votre fils. Ils auraient également frappé votre fille (A8) et interrogé votre fils (A5).
Vous auriez appris dans la presse le 30 juin 2014 que votre fils (A2), désormais détenu, serait « accusé d'être un ravisseur et d'autres choses » (p.7 du rapport d'entretien). Les faits remonteraient au 4 mai 2014, et il aurait été incriminé pour avoir tenté d'enlever la présentatrice Madame (B) de l'émission pro-gouvernementale « … ». Votre fils aurait été jugé et condamné à une peine d'emprisonnement de 4 à 5 mois, et sa voiture et son domicile auraient été saisis car il aurait été contraint de payer des frais de dédommagement en contrepartie d'une libération : « ils ont trouvé un accord et ont saisi la maison et la voiture pour payer les frais (…) c'est seulement après la vente qu'il a pu quitter la prison » (p.10 du rapport d'entretien). Vous auriez visité à deux reprises votre fils en prison et vous précisez qu'il aurait été frappé et torturé.
(A2) aurait été relâché en novembre 2014 et vous expliquez que « Ma famille a été divisée par la crainte de ce qu'on avait fait à mon fils (…) il avait peur qu'il lui arrive quelque chose de la part du gouvernement » (p.11 du rapport d'entretien). Vous mentionnez également que son frère (A3) aurait participé à des manifestations pacifiques avec d'autres jeunes « il n'était pas d'accord avec ce que son frère avait vécu et avec la situation du gouvernement » (p.7 du rapport d'entretien).
Le 11 octobre 2016, vous auriez appris la mort de votre fils (A3). Selon vos voisins, des motards que vous soupçonnez être des « colectivos » l'auraient assassiné. (A2) se serait alors mis à chercher des informations quant à sa mort et aurait décidé de porter plainte.
Cependant, elle n'aurait pas été retenue compte tenu du fait qu'il s'agissait d'un ancien détenu.
Votre fille (A6) aurait également déposé plainte au CICPC le 6 décembre 2016. Elle aurait bien été enregistrée et votre fille en aurait reçu une copie mais elle aurait craint par après de sortir de la maison car la nouvelle de la plainte se serait répandue au sein des « bandes armées criminelles du gouvernement » (p.12 du rapport d'entretien) et elle aurait par conséquent subi un harcèlement continu de leur part.
À partir du 6 décembre 2016 jusqu'au 30 avril 2017, craignant pour votre sécurité, vous auriez vécu de manière discontinue en allant « d'une maison à l'autre de mes filles pour me cacher » (p.12 du rapport d'entretien). Vous dites que ces craintes proviendraient du fait que votre fils (A3) aurait participé à des manifestations contre le gouvernement et que des plaintes auraient été déposées suite à son assassinat. Vous auriez par ailleurs redouté que votre mécontentement envers l'emprisonnement de votre fils (A2) pourrait vous causer des problèmes, à l'instar de la perquisition à votre domicile.
Le 30 avril 2017, votre fils (A2) se serait à son tour fait assassiner. Sans pouvoir fournir davantage d'explications à ce sujet vous précisez seulement que sa partenaire aurait reçu un appel lui indiquant qu'il était décédé, mais « qu'elle ne devait pas poser de questions » (p.12 du rapport d'entretien).
Madame, vous déclarez que vous seriez ensuite allée en 2018 au commissariat … de Caracas pour savoir où vous pourriez obtenir des renseignements concernant la mort de vos deux fils et parce que vous vouliez qu'ils mènent une enquête à Maracay, étant donné que la plainte que votre fille y aurait déposé n'aurait pas porté ses fruits. Votre déclaration aurait 3été reçue et vous auriez dû repasser par après pour recevoir des informations complémentaires, mais vous ne l'auriez pas fait, vous ne seriez pas retournée « à cause du harcèlement contre moi et mes filles » (p.17 du rapport d'entretien). Vous précisez que vous auriez été sous pression de la part de « colectivos » et de membres de la bande criminelle de « El Tren De Aragua » qui vous auraient insultée à chacune de vos sorties. Des hommes à moto vous auraient averti une fois en 2018 devant un supermarché « enlève ta plainte sinon il va t'arriver la même chose qu'à tes enfants » (p.13 du rapport d'entretien).
Vous supposez aussi que votre nom figurerait sur la liste « … » étant donné que vous auriez participé à une série de manifestations de 2015 à 2018 et seriez par conséquent considérée comme une opposante du régime en place. Vous seriez allée demander dans un commissariat si votre nom y figurait et l'on vous aurait répondu que comme vous seriez en faveur de l'opposition, votre nom y aurait été ajouté.
Finalement Madame, vous déclarez également avoir visionné un CD, qui aurait été laissé au domicile de votre fille (A8) à une date inconnue, et qui contenait « des choses horribles, des tortures qu'on pourrait vivre si on ne retirait pas la plainte que moi et ma fille on avait portée » (p.8 du rapport d'entretien). À partir de ce fait, que vous auriez pris comme un avertissement, vous n'auriez plus insisté auprès des autorités auprès desquelles vous auriez déposé des plaintes « je n'ai pas continué à demander qu'ils fassent des enquêtes » (p.18 du rapport d'entretien).
Vous seriez partie le 28 février 2020 de Caracas et arrivée le lendemain à Madrid, puis vous auriez pris un vol vers Barcelone pour y rester trois jours chez Monsieur (C), un ami d'enfance de votre fils. Vous auriez ensuite quitté Barcelone le 3 mars pour aller jusqu'à Lyon, puis Paris et finalement le Luxembourg.
Vous présentez les documents suivants :
− Votre passeport dont la prorogation en date du 27 janvier 2020 a été valide jusqu'au 27 janvier 2022 ;
− un certificat médical établi par Dr. … en date du 22 janvier 2021, lequel fait état, suite à des études radiologiques, d'un début d'arthrose dans le genou et d'un potentiel enchondrome - une tumeur osseuse non cancéreuse - à l'épaule. Une subluxation de l'épaule n'a pas pu être confirmée contrairement à vos déclarations Madame.
− une copie d'un procès-verbal établi en date du 6 décembre 2016 par la Police de l'Etat d'Aragua au Venezuela concernant les accusations de votre fille (A6), relatives à l'assassinat en date du … 2016 de (A3), avec sa traduction ;
− une copie d'une attestation d'acte de décès de (A3) émise en date du 12 octobre 2016 par la Commission du Registre de l'état civil du Venezuela, avec sa traduction ;
- une photocopie d'un article du site … du … 2014 relatant le fait que (A2) aurait été accusé pour infraction pénale présumée d'association de malfaiteurs et d'une décharge d'armes à feu sur des lieux publics ;
- une copie du certificat de décès de (A2) émis à une date inconnue (défaut de lisibilité sur la copie), avec sa traduction.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale 4Avant tout autre développement en cause, il y a lieu de relever qu'il se dégage de la lecture de votre entretien ainsi que des éléments de votre dossier une série d'éléments pour le moins incohérents et manifestement non plausibles mettant à mal votre crédibilité.
Premièrement, il convient avant tout de soulever que vous dites tout et son contraire et que vos réponses sont de manière générale très lacunaires, voire incohérentes, de sorte qu'il est difficilement compréhensible de se faire une idée concrète de votre vécu.
Par exemple, il a y lieu de constater qu'une grande partie de votre récit repose sur le fait que vous prétendez avoir porté plainte en 2018 et que des « colectivos » vous auraient menacé que « Je devais enlever la plainte » (p.13 du rapport d'entretien) et que par conséquent « On a pris la décision de retirer la plainte » (p.13 du rapport d'entretien). Puis, lorsque l'agent en charge de votre entretien vous demande « avez-vous portez plainte contre quelqu'un » (p.17 du rapport d'entretien) vous répondez par la négative. Il appert en fin de compte que le fait d'aller « demander où est-ce que je devais aller pour me renseigner par rapport à la mort de mes deux fils » (p.16 du rapport d'entretien) constitue visiblement pour vous une « plainte », terme que vous définissez erronément et vaguement par « Quelque chose que je souhaite dire, parce que quelque chose n'est pas clair pour moi et que je souhaite qu'on enquête » (p.19 du rapport d'entretien). Néanmoins, votre récit à cet égard reste tout de même flou puisque vous modifiez à votre guise les pronoms personnels encadrant le terme « plainte » en évoquant parfois un « je » puis un « nous » ou « on », de sorte qu'il est toujours inconcevable de savoir si vous aviez réellement déposer une « plainte » personnellement ou si vous tentez simplement de vous accaparer le vécu de votre fille (A6) étant donné qu'il s'agit de la seule personne étant en mesure de prouver qu'elle se serait rendue à un poste de police et d'y avoir déposer une réelle plainte.
Le même constat s'impose quant à votre incohérence lorsque l'agent en charge de votre entretien vous interroge si votre nom figure sur la liste « … », alors que vous répondez d'abord de manière positive pour plus tardivement répondre que vous ne le savez pas (p.14-
15 du rapport d'entretien). Ou encore lorsque vous prétendez sereinement connaître la date d'arrestation de votre fils (A2), supposément le « 30 juillet 2014 » (p.10 du rapport d'entretien), et qu'après avoir été confrontée par l'agent en charge de votre entretien qui rapporte qu'un article de presse vénézuélien évoque que votre fils aurait été placé en détention le 30 juin 2014, vous êtes forcée de revenir sur vos dires en confessant finalement ne pas savoir à quelle date votre fils aurait été arrêté (p.14 du rapport d'entretien).
À noter également que vous répondez souvent soit par l'évidence et de manière très taciturne, soit en ne répondant pas à la question qui vous est posée. Par exemple, l'agent en charge de votre entretien vous demande d'expliquer la raison pour laquelle vous vous seriez rendue à Maracay pour demander si votre nom figurait sur la liste « … », ce à quoi vous vous contentez de répondre « Pour demander si j'étais sur la liste » (p.17 du rapport d'entretien) et celui-ci vous rappelle à l'ordre à quelques reprises en vous avertissant : « L'agent interrompt madame et lui demande de répondre à la question » (p.14 du rapport d'entretien) ou « Vous ne répondez pas à la question donc je la répète » (p.18 du rapport d'entretien). Il convient d'en conclure que votre récit n'est pas crédible car l'on peut raisonnablement s'attendre d'une personne qui raconte la vérité, d'être à même de répondre de manière claire et circonstanciée aux questions posées dans le cadre de son entretien.
Deuxièmement, vous faites état d'une visite inopinée de membres des FAES à votre domicile le 14 mai 2014 car ils auraient été activement à la recherche de votre fils (A2) suite 5à sa prétendue altercation avec la présentatrice d'une émission télévisée progouvernementale Madame (B). Or, il ressort des recherches ministérielles, que votre fils aurait déjà été détenu depuis plus d'une semaine par les forces de l'ordre avant que les autorités ne se seraient présentés chez vous, de sorte qu'il ne fait aucun sens qu'elles auraient été à sa recherche tout en l'ayant déjà placé en détention. À cela s'ajoute que les FAES sont une unité de police vénézuélienne destinée initialement à combattre le crime organisé et le narcotrafic et que cette unité a seulement été créée en avril 2016 par Nicolas Maduro, soit deux ans après le déroulement de cette prétendue fouille de votre domicile. Partant, de sérieux doutes sont émis quant à la crédibilité des faits s'étant déroulés le 14 mai 2014.
Ce constat est d'autant plus renforcé alors que vous ne semblez pas souffrir, conformément aux analyses du médecin Dr. …, d'une subluxation de l'épaule contrairement à vos déclarations Madame alors que vous déclarez dans le cadre de votre entretien vous prétendez que le 14 mai, les membres du FAES vous auraient « luxé l'épaule, ils m'ont insulté » (p.8 du rapport d'entretien).
Par ailleurs, il convient d'attirer l'attention sur le fait que, selon les recherches ministérielles, votre fils (A2) aurait déjà été arrêté et placé en détention en 2013, pour faire partie de la bande criminelle « Las Ganzùas », spécialisée dans le cambriolage et le vol de voitures de sorte que votre victimisation en insinuant que votre fils serait décédé « à cause de la persécution et la sécurité que l'on vit dans mon pays », conformément à vos déclarations issues de votre fiche manuscrite, est à relativiser. La même conclusion s'impose alors qu'il ressort d'articles de presse que le groupe, avec lequel aurait été votre fils (A2) lors de l'incident du 4 mai 2014 avec la présentatrice Madame (B), aurait fait usage d'une arme à feu.
Troisièmement, il ressort également des recherches ministérielles que les autorités vénézuéliennes détiennent une liste de personnes jugées opposées au régime. Cette liste « … », où vous prétendez de manière perplexe être inscrite dessus, fut établie en 2004 et a par le passé été utilisée par les autorités vénézuéliennes pour ouvertement discriminer et harceler les électeurs anti-chavistes. Il est par ailleurs établi que les inscrits sur la liste « … » se sont vus refuser la délivrance de documents administratifs, notamment le passeport et la carte d'identité. Or, il s'avère que vous avez effectué une prorogation de votre passeport le 27 janvier 2020, respectivement un mois avant votre départ du Venezuela, et qu'il paraît inimaginable qu'une personne craignant d'être recherchée ou poursuivie par les autorités vénézuéliennes puisse se permettre d'entreprendre de telles démarches administratives sans être confrontée à des obstacles.
Ce constat est corroboré par le fait que vous vous êtes rendue sans difficulté, et à plusieurs reprises, auprès des autorités de votre pays d'origine pour trouver des réponses à des questions futiles telles que votre potentielle figuration sur la liste « … ». Dans ce contexte, il est également important de relever que vous avez quitté votre pays d'origine en vous rendant à l'aéroport de Caracas le 28 février 2020 et que vous n'y avez visiblement rencontré aucun problème, alors qu'il est évident que vous auriez eu à passer par les douanes ou d'autres types de contrôle aéroportuaires au Venezuela comme le dévoilent les tampons dans votre passeport.
Dès lors, il y a lieu d'en conclure que ces faits démontrent clairement que vous n'étiez aucunement persécutée ou « harceler par le gouvernement » (p.8 du rapport d'entretien) et que vous ne vous êtes manifestement pas caché des autorités, bien au contraire.
Quatrièmement, il n'est également pas crédible que vous prétendez que vous auriez été menacée simultanément par « les colectivos » et « le tren de Aragua » (p.13 du rapport 6d'entretien). En effet, ce constat se base sur le fait que ces deux regroupements non aucun lien entre eux puisque les « colectivos » sont considérés comme des unités paramilitaires employées par le régime chaviste pour minimiser toute menace réaliste de l'opposition, donc un regroupement avec un objectif politique, alors que le « tren de Aragua » est une bande criminelle impliquée dans toutes sortes d'activités, de l'extorsion aux enlèvements, en passant par les homicides, les vols de véhicules, le trafic de drogues, le trafic d'armes, la traite des êtres humains et la contrebande, dont un regroupement avec un objectif de lucre. Partant, force est de constater que vous avez simplement tenté d'aggraver votre récit en ajoutant à votre guise un regroupement - à savoir celui des « tren de Aragua » alors que vous ne le mentionnez qu'à une seule reprise tout au long de votre entretien - à l'origine des supposés menaces qui auraient été formulées contre vous dans l'unique but d'augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale alors que ces deux regroupements ont un objectif diamétralement opposé.
Quand bien même un brin de crédibilité devait être accordé à vos déclarations, ceux-
ci ne sauraient néanmoins pas non plus justifier l'octroi du statut de réfugié, respectivement l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, pour les raisons énoncées ci-après.
• Quant au refus du statut de réfugié Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils n'émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, vous auriez décidé de quitter le Venezuela alors que vous craindriez d'être tuée par des « colectivos » ou le gouvernement car « c'est ce qu'ils ont fait à mes enfants » (p.19 du rapport d'entretien). Vous expliquez également que vous risqueriez de rencontrer des difficultés car « j'ai quitté le pays et je suis contre le gouvernement et je ne suis pas du tout d'accord avec ce que fait le gouvernement » (p.19 du rapport d'entretien).
Force est tout d'abord de constater que les raisons de votre départ ne sont aucunement reliées à des faits personnels mais uniquement motivées par des craintes hypothétiques alimentées par des faits vécus principalement par vos proches, respectivement vos deux fils ayant été assassinés en octobre 2016 et avril 2017 ainsi que votre fille (A6) ayant reçu des menaces de la part de « colectivos » après avoir déposé une plainte auprès des autorités en date du 6 décembre 2016 suite au décès de votre fils (A3). Or, des faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection 7internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, tel n'est clairement pas le cas en l'espèce, alors que vous restez en défaut d'étayer un lien entre le prétendu traitement de vos fils et fille, et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. Ce constat se base sur le fait que d'une part vos déclarations sont de manière générale très floues à cet égard alors que vous ne décrivez aucunement la manière dont le vécu de vos enfants, notamment le décès de vos deux fils, aurait potentiellement pu avoir une répercussion sur le vôtre, et que d'autre part, vous n'avez pas déposé une plainte, contrairement à votre fille (A6), qui par ailleurs n'aurait pas opté pour le choix de l'exil mais serait restée au Venezuela et aurait principalement été la cible d'insultes par la suite (p.12 du rapport d'entretien).
À cet égard, il convient d'ajouter que les décès de vos deux fils ne découlent vraisemblablement pas d'une persécution dont ils auraient été victimes par les autorités vénézuéliennes et que par extension, leur décès n'est en rien lié à l'un des cinq critères prévus par la Convention de Genève. En effet, en ce qui concerne la mort de votre fils (A3) en octobre 2016, il appert que vous n'êtes qu'en mesure de formuler des allégations hypothétiques qui se basent principalement sur les dires de ses voisins qui auraient été témoins de la scène (p.7 du rapport d'entretien), respectivement qu'il se serait fait assassiner par des motards que vous considérez, personnellement et de manière infondée, être des « colectivos » qui lui auraient supposément reproché sa participation à des manifestations antigouvernementales.
Le même constat s'impose en ce qui concerne le décès de votre fils (A2), alors que vous n'êtes aucunement en mesure d'expliquer pour quelles raisons il aurait été assassiné en avril 2017 (p.12 du rapport d'entretien).
Quand bien même il existerait un lien personnel entre les prétendus problèmes des membres de votre famille Madame avec vos prétendus problèmes au Venezuela, ce qui reste contesté, et que ces problèmes seraient liés à l'un des cinq critères prévus par la Convention de Genève, ce qui n'est pas établi, il échet de souligner que les menaces et actes d'intimidation dont vous auriez été victime ne sont pas comparables à une persécution. Il y a lieu de noter à cet égard que vous avez vous-même eu des difficultés, pendant l'entretien auprès du Ministère, à expliquer correctement de quelle manière vous vous seriez sentie harcelée. Vous n'êtes pas en mesure de donner une description précise de faits de persécution qui aurait été émis à votre encontre en dehors d'un récit relativement partiel, vague et peu détaillé sur une visite inopinée des FAES à votre domicile, dont l'authenticité à sérieusement été remise en doute, un prétendu avertissement de la part de « colectivos » devant un supermarché en 2018, de quelques insultes qui vous auraient été destinées et du visionnage d'un CD qui aurait été remis au domicile de votre fille (A8) à une date inconnue.
Ces faits s'étant écoulés sur une période de six ans, respectivement de mai 2014 à février 2020, constituent indubitablement des actes répréhensibles, mais ils ne sont néanmoins pas d'un degré de gravité tel qu'ils permettent d'être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de retenir que vos conditions de vie au Venezuela vous soient devenues intolérables. En effet, les actes de persécutions doivent être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l'Homme, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. À cet égard, il appert que vous n'auriez à aucun moment été agressée d'une quelconque manière, l'on ne vous aurait jamais arrêtée ou placée en garde à vue, ni persécutée d'une quelconque autre manière.
8De plus, malgré vos prétendues craintes d'être tuée, il ne vous serait rien arrivé d'autre de particulier après la mort de votre deuxième fils en avril 2017, alors que vous avez décidé de vivre encore trois années supplémentaires au Venezuela. Or, il parait raisonnable d'attendre d'une personne se sentant réellement en danger de mort et persécutée, ou à risque d'être persécutée et réellement à la recherche d'une protection, qu'elle tente de quitter son pays d'origine dans les plus brefs délais plutôt que d'y rester trois années additionnelles.
Le fait que vous soyez encore restée jusqu'en 2020 au Venezuela prouve que vous n'y risquiez rien et que vous n'êtes pas dans le collimateur des autorités ou des « colectivos » et que vous-même avez estimé ne pas être en danger, car une personne en danger ne vivrait pas au grand jour dans son pays d'origine et ne contacterait pas à plusieurs reprises les autorités de son pays, dont elle s'estime être persécutée, pour clarifier des problèmes administratifs ou rechercher des réponses à des questions futiles telles que sa potentielle figuration sur la liste « … ». De plus, en dépit du fait de prétendre que vous auriez souffert d'un « harcèlement (…) de la part de fonctionnaires du gouvernement » (p.7 du rapport d'entretien), force est de constater que vous n'avez pas rencontré le moindre problème pour obtenir une prorogation de votre passeport le 27 janvier 2020. Or, étant donné qu'il paraît inimaginable qu'une personne prétendant « se faire harceler par le gouvernement » (p.8 du rapport d'entretien) puisse arriver à entreprendre de telles démarches administratives sans être confrontée à des obstacles, il convient d'en conclure que ceci démontre clairement que vous n'étiez aucunement persécutée et que votre situation n'était manifestement pas celle que vous tentez de dépeindre lors de votre entretien.
À cela s'ajoute que votre fille (A6), tout comme votre époux, résideraient toujours au Venezuela et qu'ils n'auraient pas choisi le chemin de l'exil contrairement à vous. Or selon vos déclarations et les documents que vous avez fourni dans votre dossier tels que le « procès-
verbal de plainte » du 6 décembre 2016, il en découle que c'est votre fille qui a déposé plainte auprès de la police après la mort de (A3) et par conséquent, c'est principalement elle qui subirait le harcèlement et les insultes de la part des « colectivos ». Il convient de soulever qu'à aucun moment elle n'y fait référence à votre personne de sorte qu'il y a lieu d'en conclure que vous tentez seulement de vous accaparer les récits d'une des membres votre famille et des prétendus faits de harcèlement qu'elle-même aurait vécus. De plus, force est de constater que votre fille serait restée au Venezuela, alors qu'elle serait la première concernée par rapport aux faits de harcèlement et de menaces, de sorte qu'il convient d'en conclure que, malgré que vous auriez été prétendument victime des mêmes faits, votre vie n'était pas devenue intolérable au Venezuela et ceci ne fait que remettre en doute la gravité de votre situation dans votre pays d'origine.
En ce qui concerne vos déclarations vagues et superficielles liées au fait que vous redouteriez de retourner au Venezuela car vous seriez une opposante au gouvernement vénézuélien et que vous auriez prétendument participé à des manifestations en 2015, 2016 et 2018, il convient de préciser que le fait d'adopter des opinions politiques en opposition à un régime politique en place n'est pas suffisant pour prétendre au statut de réfugié et qu'il ressort de vos déclarations que vous n'indiquez nullement faire partie d'un parti politique d'opposition, ni occuper une quelconque fonction de leader au sein d'un groupe contestataire au Venezuela. Vous ne mentionnez pas non plus des quelconques affiliations ou aspirations politiques précises, à part le fait que vous seriez en désaccord avec le gouvernement. Il est donc établi Madame que vous n'êtes pas à considérer comme une activiste politique au Venezuela et que vous n'y avez pas été menacée à cause de vos opinions politiques.
9De plus, il ressort de vos déclarations que vous n'avez pas été personnellement visée par les autorités pour l'un des motifs relevant de la Convention de Genève, plus spécifiquement en raison de vos opinions politiques, et qu'il ressort de vos déclarations que vous auriez plutôt fait partie de ces centaines de milliers de Vénézuéliens qui ont déjà exprimé leur mécontentement envers le gouvernement à travers différentes méthodes (réseaux sociaux, manifestations), sans que ceux-ci ne soient tous personnellement visés par les autorités ou des groupes armés sous le contrôle de ces derniers.
À cela s'ajoute, et comme susmentionné, que vous n'êtes clairement pas dans le viseur des autorités vénézuéliennes puisque vous vous êtes rendue sans difficulté, et à plusieurs reprises, auprès des autorités de votre pays d'origine pour clarifier des problèmes administratifs, trouver des réponses à des questions futiles telles que votre potentielle figuration sur la liste « … » ou vous voir remettre une prorogation de votre passeport en date du 27 janvier 2020, respectivement un mois avant votre départ du Venezuela. Dans ce contexte, il est également important de relever que vous avez quitté votre pays d'origine en vous rendant à l'aéroport de Caracas le 28 février 2020 et que vous n'y avez visiblement rencontré aucun problème, alors qu'il est évident que vous auriez eu à passer par les douanes ou d'autres types de contrôle aéroportuaires au Venezuela comme le dévoilent les tampons dans votre passeport. Dès lors, il y a lieu d'en conclure que ces faits démontrent clairement que vous n'étiez aucunement persécutée ou « harceler par le gouvernement » (p.8 du rapport d'entretien).
Finalement, il est indispensable de noter que votre comportement à votre arrivée en Europe est clairement incompatible avec une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée ou de devenir victime d'atteintes graves et qui serait réellement à la recherche d'une protection internationale. En effet, on peut s'attendre d'une telle personne qu'elle introduise sa demande de protection dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Force est de constater que vous n'avez pas recherché une forme quelconque de protection en Espagne ou en France, au contraire, il ressort des recherches du Ministère que vous auriez profité de votre séjour à Barcelone pour vous livrer à des activités visiblement touristiques comme le confirme une publication sur votre compte twitter (@…). Force est de croire que vous accordez de l'importance aux valeurs familiales mais que vous n'avez pas effectué une demande de protection internationale aux Pays-Bas alors que deux de vos fils -
(A4) et (A5) - y résident. Il s'ensuit que l'on ne saurait exclure que des motifs économiques et de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale et que votre façon de procéder correspond à pratiquer du forum shopping en soumettant votre demande dans l'État membre qui, selon vos estimations, satisfera au mieux vos attentes.
À cela s'ajoute que, lors de votre départ du Venezuela, vous étiez accompagnée de votre fille (A8), qui a également introduit une demande de protection au Luxembourg, ainsi que de son fils (A9) (cf. R-19156) et qu'il ressort des recherches qu'elle aurait quitté le Venezuela pour des motifs économiques et de convenance personnelle, respectivement des raisons d'ordre médical relatif à l'état de santé de (A9). En effet, ce constat se base sur une publication datant du 31 janvier 2018 issue du compte Facebook de votre fils Madame, (A4). À la lecture de cette publication comprenant une photo de votre fille (A8) et de votre petit-fils (A9), force est de constater que (A4) avait fait un appel aux dons pour financer des tickets d'avion dans l'objectif de les faire venir aux Pays-Bas afin d'avoir accès à un meilleur système médical : « The idea is that i can ask for help here in the Netherlands, and be able to pay an air ticket to my Sister and my nephew who needs urgent help and avoid further delay (…) I would appreciate your collaboration, information or support regarding this particular case. And if you know of any 10humanitarian aid organization for my nephew, here in the Netherlands it would be very helpful (…) The important thing is that I want to help my nephew and avoid further delays that could lead him to a more critical situation, since in Venezuela there is no help ». Puis, dans les commentaires de cette publication, votre fils annonce leur arrivé, et par extension la vôtre puisque vous auriez voyagé ensemble, en évoquant « (A9) is already safe in Europe. The process was not easy, but the goal was to bring the child to Europe for treatment, it is in a safe place in Europe ». Dès lors, force est de constater que vous auriez tout bonnement accompagné votre fille et votre petit-fils pour vraisemblablement les soutenir dans leur procédure de réinstallation en Europe et que votre départ du Venezuela aurait en réalité été motivée par des motifs de convenance personnelle, respectivement pour permettre à votre petit-fils d'accéder à des meilleurs soins médicaux, et aucunement pour les motifs que vous avez avancés Madame.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Madame force est de constater que les faits dont vous faites état et les craintes mentionnées ne revêtent pas un degré de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une atteinte grave au sens du prédit texte, respectivement comme des craintes fondées d'être victimes d'une atteinte grave en cas d'un retour au Venezuela. Par conséquent, il ne saurait manifestement pas être conclu que vous risquez d'être victimes d'une atteinte grave en cas d'un retour au Venezuela et vos craintes d'être tuée par des « colectivos » doivent dans ce contexte être définies comme étant totalement hypothétiques.
En effet, il ressort clairement de vos déclarations que vous ne risquez pas une condamnation à la peine de mort, respectivement l'exécution découlant d'une telle condamnation par les autorités de votre pays d'origine. Les motifs dont vous faites état ne sauraient également emporter la conviction que vous courrez un risque réel de subir des actes de torture ou des traitements ou des sanctions inhumains ou dégradants au Venezuela.
11Finalement, il y a lieu de soulever que la situation sécuritaire ou générale dans laquelle se trouve le Venezuela, si elle est certes tendue, n'équivaut pas à celle d'un conflit armé interne.
En effet, il ressort des dernières informations en mains que, suite à l'exode massif des années 2010 susmentionné, l'année 2020 s'est caractérisée par un certain retour au calme au Venezuela et par un retour de plus en plus de Vénézuéliens au pays qui sont désormais autorisés à investir en dollars et à faire proliférer leurs entreprises privées : « After leading his country's economy over a cliff, President Nicolas Maduro has brought it a certain measure of stability. By allowing dollars to flow freely and private enterprise to flourish in recent months, he seems to have breathed new life into his regime. He remains widely despised but emigration has begun to slow, people are returning and the government is enacting laws to tax dollar transactions and allow companies to issue debt in foreign currencies. ».
Ces retours au pays se sont encore multipliés récemment à cause de la crise économique liée au COVID-19, ayant souvent fait perdre le travail aux Vénézuéliens partis dans d'autres pays sud-américains pour fuir la crise économique à la maison. Ces retours démontrent en même temps, que comme susmentionné, les Vénézuéliens ont par le passé surtout fui la crise économique et non pas les autorités ou des quelconques persécutions personnelles, et ne craignent manifestement pas d'y retourner.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023, Madame (A1) a fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 29 novembre 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 29 novembre 2022 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 29 novembre 2022, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Madame (A1) expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en réitérant, en substance, ses déclarations, telles qu’actées lors de son audition par un agent du ministère.
12En droit, la demanderesse critique tout d’abord la motivation à la base du refus de sa demande de protection internationale et plus particulièrement le fait que la crédibilité de son récit a été remise en cause par le ministre.
Elle donne à considérer qu’elle aurait subi de lourds traumatismes suite aux décès de ses deux fils et du fait de son âge avancé, de sorte que sa confusion lors des auditions aurait été légitime.
Elle soutient ne pas avoir eu connaissance des faits criminels commis par son fils (A2).
Elle déclare avoir demandé aux autorités de faire une enquête sur la mort de ses deux fils et arrêtés par le FAES. Cette demande de faire une enquête aurait été interprétée comme le dépôt d’une plainte.
Elle insiste avoir été frappée et bousculée dans la maison familiale au moment de la perquisition musclée par le FAES qui aurait été à la recherche de son fils (A2).
Quant à la déclaration de figurer sur la liste « … », la demanderesse explique qu’elle ne serait pas certaine d’y figurer, de sorte qu’elle serait restée vague par rapport à cette question. Elle fait valoir que le fait de s’être vu délivrer des documents de voyage n’exclurait pas qu’elle aurait été harcelée et persécutée par le gouvernement vénézuélien.
Quant au refus du statut de réfugié, la demanderesse précise qu’il n’y aurait aucune protection de la part des autorités en place à l’encontre des « colectivos » et du groupe « Tren de Aragua ». Elle renvoie dans ce contexte à un article de presse intitulé « Venezuela : Les FAES, un instrument de répression politique ».
Elle explique qu’il lui serait impossible de demander une protection au Venezuela, étant donné que les autorités seraient à l’initiative des persécutions dont elle aurait fait l’objet.
Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, la demanderesse rappelle qu’elle ne pourrait bénéficier d’une protection de la part des autorités vénézuéliennes en raison de la plainte qui aurait été déposée par sa fille.
Il y aurait dès lors lieu « de faire application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 ».
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
13Par ailleurs, l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
« a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».
Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection 14contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la 15justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Il échet de rappeler que Madame (A1) invoque comme motifs à la base de sa demande de protection internationale les faits suivants :
-
le harcèlement et une persécution de la part des membres des Fuerzas de Acciones Especiales (FAES), -
le harcèlement de la part des « colectivos » depuis la mort des deux fils de Madame (A1) en raison de son opposition au gouvernement, -
l’introduction et la fouille par cinq à six membres du FAES en date du 14 mai 2014 sans mandat dans son domicile, alors qu’ils étaient à la recherche d’un des fils de Madame (A1), incident à l’occasion duquel elle aurait été insultée et son épaule aurait été luxée, -
l’assassinat de son fils (A3) par les « colectivos » suivi d’une plainte par sa fille (A6) auprès du Cuerpo de Investigaciones Cientificas, Pénales y Criminalisticas (CICPC), -
l’assassinat de son fils (A2), qui auparavant avait fait l’objet d’un emprisonnement, -
les insultes de la part des « colectivos » et des membres de « El Tren De Aragua », -
la crainte de figurer sur la liste « … » en raison de sa participation à des manifestation entre 2015 et 2018, -
la remise d’un CD comportant des images « horribles ».
Le tribunal retient à la lecture des auditions de Madame (A1) et des développements soumis à son appréciation que le départ de la demanderesse est motivée par des craintes hypothétiques qui s’inscrivent dans le vécu des membres de sa famille et qui ne sont pas liées à des faits personnels vécus par elle-même.
Or, des faits non personnels, mais vécus par d'autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution, respectivement d’atteintes graves, au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, alors que Madame (A1) reste en défaut d'étayer un lien entre le traitement de ses fils et sa propre situation qui l’exposerait à des actes similaires, circonstance qui se trouve encore renforcée par les affirmations vagues quant aux conditions du décès de ses fils (A2) et (A3), dont l’un était, de manière non contestée, membre d’une bande criminelle.
Si la demanderesse déclare avoir participé elle-même à des manifestations, de sorte qu’elle figurerait en conséquence sur la liste « … », il n’en reste pas moins que si Madame (A1) était effectivement dans le collimateur des autorités vénézuéliennes, elle n’aurait ni pu faire proroger son passeport en date du 27 janvier 2020 ni pu quitter avec sa famille son pays d’origine le 28 février 2020 par avion sans être inquiétée d’une quelconque manière par ces mêmes autorités, de sorte qu’il s’agit d’une crainte purement hypothétique.
Il échet encore de retenir que si les menaces et insultes exprimées par des personnes inconnues, la remise du susdit CD, ainsi que le fait que des membres du FAES se seraient introduits et auraient procédé à la fouille du domicile de Madame (A1), fait à l’occasion duquel elle aurait été insultée et son épaule aurait été luxée, sont certes condamnables, il n’en reste pas moins que ces faits n’atteignent, ni de manière isolée ni pris dans leur ensemble, un degré de gravité tel qu'ils 16puissent être considérés comme des actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.
La conclusion selon laquelle la crainte éprouvée par la demanderesse se résume à un sentiment général d’insécurité est encore corroborée par son comportement préalable à l’introduction de sa demande de protection internationale au Luxembourg, à savoir le fait de ne pas introduire une demande de protection internationale dans le premier pays sûr, mais, tel qu’il ressort de la publication faite par Madame (A1) sur son réseau social, sans que cela aurait fait l’objet d’une contestation de sa part, de se livrer à des activités touristiques à Barcelone avant d’introduire finalement une demande de protection internationale au Luxembourg.
Il échet, par ailleurs, de constater que tant le mari de la demanderesse que sa fille, (A6), qui est l’auteur de la plainte déposée à la suite de la mort de son frère (A3), sont restés au Venezuela, alors que sa fille devrait a priori être la première concernée par rapport aux harcèlements et menaces en lien avec ladite plainte.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande de protection internationale de Madame (A1), de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse.
Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
La demanderesse n’a pas invoqué de moyens spécifiques à l’appui de ce volet de son recours, tout en se limitant à faire valoir que l’ordre de quitter le territoire devrait être réformé comme conséquence du bien-fondé de ses arguments avancés dans le cadre du recours dirigé contre la décision portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que la demanderesse ne remplit pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre 17pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 29 novembre 2022 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 29 novembre 2022 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 avril 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 18