Tribunal administratif N° 47503 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47503 5e chambre Ins crit le 2 juin 2022 Audience publique du 7 mai 2025 Recours formé par la société anonyme (AA) SA, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47503 du rôle et déposée en date du 2 juin 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 211933, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 211880, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AA) SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, « représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions », tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 mai 2022, référencée sous le numéro (1) du rôle, portant rejet d’une demande de remise gracieuse introduite le 13 mai 2022 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2022 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, préqualifiée, pour le compte de sa mandante, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2022 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, Maître Michel HERVE, en remplacement de Maître Fabio TREVISAN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 novembre 2024.
1Il ressort des éléments du dossier administratif qu’en date du 2 mai 2021, la société anonyme (AA) SA, ci-après désignée par « la société (AA) », déposa électroniquement la déclaration pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités de l’année 2019 auprès de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration ».
En date du 2 juin 2021, le bureau d’imposition …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société (AA), les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial de l’année 2019, ainsi que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2020, ensemble ci-après désignés par « les bulletins d’imposition ».
Par courrier du 22 novembre 2021, la société (AA) indiqua faire « suite à l’imposition de l’année 2019 » et informa le bureau d’imposition qu’elle aurait procédé à une rectification des comptes précédemment déposés. Elle précisa qu’une déclaration rectificative venait d’être déposée sur le site « MyGuichet » et demanda qu’une nouvelle imposition soit établie en conséquence.
Il ressort des éléments du dossier administratif qu’en date du 1er décembre 2021, la société (AA) déposa électroniquement la déclaration rectificative pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités de l’année 2019.
Par courrier du 7 décembre 2021, portant pour objet « Déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial de l’année 2019 », le bureau d’imposition s’adressa à la société (AA) en ces termes :
« […] J’accuse réception des déclarations reprises sous rubrique et je vous informe que ledit dépôt restera sans conséquence pratique, étant donné que le délai de recours légal n’a pas été respecté. Les impositions déjà intervenues au titre des années en cause, coulées en force de chose jugée, ne seront donc pas modifiées. […] ».
Par exploit d’huissier du 9 mars 2022, la société (AA) fut assignée en faillite par « Monsieur le Receveur-Préposé du bureau de Recette des Contributions de Luxembourg » pour une dette fiscale s’élevant à … euros, laquelle couvrit notamment l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune de l’année 2019 ainsi que l’impôt sur la fortune des années 2020, 2021 et 2022.
Par courrier du 13 mai 2022, réceptionné par l’administration le 17 mai 2022, la société (AA) introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, une demande de remise gracieuse portant sur l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune de l’année 2019, les intérêts y relatifs, ainsi que sur l’impôt sur la fortune des années 2020, 2021 et 2022.
Par décision du 24 mai 2022, référencée sous le numéro (1), le directeur rejeta la demande en remise gracieuse, en les termes suivants :
« […] Vu la demande présentée le 17 mai 2022 par Maître Hervé MICHEL en sa qualité de mandataire et au nom de la société (AA) S.A., établie à L-…, ayant pour objet une demande de remise gracieuse concernant l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2019 ainsi que l’impôt sur la fortune des années 2020 à 2022 ;
2Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu’il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;
Considérant que la demande tend à obtenir la révision des impositions des années en cause suite au dépôt par la requérante de déclarations d'impôt rectificatives ;
Considérant que les déclarations d'impôt rectificatives ont été déposées en dehors du délai de recours légal ;
Considérant qu’en vertu du paragraphe 131 AO, sur demande justifiée endéans les délais du paragraphe 153 AO, le directeur de l'administration des contributions directes accordera une remise d'impôt ou même la restitution, dans la mesure où la perception de l’impôt dont la légalité n’est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;
Force est de constater que le moyen invoqué s’analyse en une contestation de la légalité matérielle de l'imposition, étrangère en tant que telle à la matière gracieuse ;
Considérant, qu’il ne ressort de la demande aucun élément de rigueur incompatible avec l'équité au sens du paragraphe 131 AO ;
Considérant que partant les conditions pouvant légalement justifier une remise gracieuse ne sont pas remplies ;
PAR CES MOTIFS, DECIDE :
La demande de remise gracieuse est rejetée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2022, la société (AA) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale, précitée, du 24 mai 2022.
1) Quant à la compétence du tribunal Conformément aux dispositions combinées du § 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.
Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale susmentionnée du 24 mai 2022.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
32) Quant à la recevabilité du recours Arguments et moyens des parties Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours sous analyse pour défaut d’organe de représentation dans le chef de la société (AA) à la date de son dépôt.
A l’appui de son argumentation, il expose, d’abord, que les « anciens administrateurs » auraient démissionné le 26 novembre 2019, que le mandat des trois « nouveaux administrateurs » aurait été limité à une durée d’une année, soit jusqu’au 25 novembre 2021, ensuite, que le recours avait été introduit le 2 juin 2022 et, enfin, que ce ne serait qu’en date du 30 août 2022 qu’un nouveau conseil d’administration aurait été désigné jusqu’en 2023. Il en conclut qu’à la date de l’introduction du recours, la société (AA) n’aurait pas disposé d’un organe de représentation valable et n’aurait, par conséquent, été ni habilitée à agir en justice ni à mandater un avocat pour engager une procédure en son nom.
En s’appuyant encore sur les statuts de la société (AA) ainsi que sur un extrait du Registre de Commerce et des Sociétés (« RCS ») daté du 20 octobre 2022, il fait valoir que « la société est engagée en toutes circonstances par les signatures collectives de tous les administrateurs ». A ce titre, il soutient qu’au moment de l’introduction de la requête introductive d’instance, le conseil d’administration aurait fait défaut, de sorte que la société n’aurait pas pu agir par « les signatures collectives de tous les administrateurs ».
Le délégué du gouvernement cite encore un jugement du tribunal administratif du 6 janvier 2001, inscrit sous le numéro 44093 du rôle, lequel aurait retenu « […] qu’au moment de l’introduction du recours sous analyse […], la société […] n’avait pas de conseil d’administration, qui est pourtant l’organe qui suivant les dispositions qui précèdent est habilité à la représenter en justice […] le recours sous analyse de la société […] est à déclarer irrecevable ».
Dans son mémoire en réplique, la société (AA) indique ne pas contester la chronologie des faits telle qu’exposée par la partie étatique. Elle fait toutefois valoir que les administrateurs, initialement nommés pour une durée d’un an, auraient vu leurs mandats « renouvelés » par une assemblée générale des actionnaires laquelle se serait tenue le 26 novembre 2020.
La société (AA) soutient également qu’il serait admis que, tant qu’un poste d’administrateur n’aurait pas été pourvu, l’administrateur sortant continuerait, à titre provisoire, à assurer la gestion de la société jusqu’à la tenue de la prochaine assemblée nommant son remplaçant. A cet égard, elle invoque de la jurisprudence de la Cour de cassation belge.
Elle fait valoir que, bien que le droit des sociétés dérogerait aux règles du mandat, il n’en demeurait pas moins que l’intérêt de la société l’emporterait sur celui de l’administrateur, de sorte que ce dernier, dont les fonctions auraient pris fin avec l’échéance du terme pour lequel il aurait été nommé, ne devrait pas rester « inactif » face à un « danger » devant lequel se trouverait la société.
La société (AA) invoque encore un arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg daté du 26 avril 2017, lequel aurait, en substance, retenu que l’arrivée du terme des mandats 4d’administrateur au sein du conseil d’administration d’une association sans but lucratif ne déchargerait pas les administrateurs de leurs obligations. Ceux-ci seraient tenus de prêter leur concours jusqu’à leur remplacement pour les actes nécessitant leur intervention, notamment pour interjeter appel contre une décision de justice, qui relèverait des affaires courantes. A ce titre, la société (AA) soutient que ses trois administrateurs, dont les mandats auraient expiré et qui auraient par la suite été reconduits dans leurs fonctions, auraient pris la décision d’agir avec l’urgence nécessaire afin de préserver les intérêts de la société.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement maintient son argumentation ainsi que son moyen d’irrecevabilité.
Appréciation du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, il n’est pas tenu par l'ordre dans lequel ceux-ci lui ont été soumis et dispose de la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.
En l’espèce, les parties sont en désaccord sur la question de savoir si la société (AA) disposait d’un organe de représentation lui permettant d’ester en justice au moment de l’introduction du recours sous analyse et, par voie de conséquence, si la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS avait valablement pu être mandatée aux fins d’introduire ledit recours.
Il y a lieu de relever à cet égard que, pour qu’une société puisse être réputée avoir régulièrement agi en justice, il ne lui incombe pas de démontrer, s’agissant de son pouvoir de gestion interne, qu’une résolution spécifique aurait donné pouvoir à un administrateur ou gérant d’introduire l’action en justice, dès lors que celle-ci a été introduite par l’organe de représentation compétent1.
L’article 441-5 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales dispose que « Le conseil d’administration […] représente la société à l’égard des tiers et en justice, soit en demandant, soit en défendant. Les exploits pour ou contre la société sont valablement faits au nom de la société seule. […] Toutefois, les statuts peuvent donner qualité à un ou à plusieurs administrateurs pour représenter la société dans les actes ou en justice, soit seuls, soit conjointement. Cette clause est opposable aux tiers dans les conditions prévues au titre Ier, chapitre V bis de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises. […] ».
Conformément à ces dispositions, les sociétés anonymes sont représentées à l’égard des tiers et en justice par leur conseil d’administration, à moins que les statuts ne donnent qualité à un ou plusieurs administrateurs pour représenter la société dans les actes ou en justice, soit seuls, soit conjointement.
En l’espèce, bien que les parties n’aient pas versé en cause une copie des statuts de la société (AA), force est néanmoins au tribunal de constater qu’il résulte de l’extrait RCS de ladite société, intitulé « détail d’une personne en date du 20/10/2022 » figurant au dossier fiscal, que ladite société est engagée en toutes circonstances à l’égard des tiers par les signatures conjointes de l’ensemble des administrateurs. Dès lors, il y a lieu pour le tribunal de retenir 1 Cour adm. 11 juin 2019, n° 42293C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 236 et les autres références y citées.
5que, dans le cadre du recours sous analyse, la société (AA) ne pouvait être valablement représentée en justice que par l’intermédiaire de tous ses administrateurs.
Sur ce point, il est constant que, dans un premier temps, lors de l’assemblée générale des actionnaires de la société (AA) tenue le 25 novembre 2020, Monsieur (A), Madame (B) et Monsieur (C) ont été nommés aux fonctions d’administrateurs pour une durée d’un an. Dans un second temps, suivant un extrait déposé et enregistré au RCS le 30 août 2022, les mêmes personnes ont été nommées administrateurs le 11 août 2022 pour une durée déterminée jusqu’à l’assemblée générale des actionnaires prévue d’être tenue au cours de l’année 2023. Enfin, dans un troisième temps, le conseil d’administration de la société (AA), tant à l’occasion de la nomination des administrateurs prémentionnés lors de l’assemblée générale du 25 novembre 2020 que celle du 11 août 2022, était exclusivement composé de Monsieur (A), Madame (B) et Monsieur (C).
Force est de constater, au vu de ce qui précède, que les mandats de l’ensemble des administrateurs de la société (AA) nommés lors de l’assemblée générale tenue le 25 novembre 2020 étaient, soit le 2 juin 2022, arrivés à leurs termes, sans qu’il ne se dégage des éléments soumis par la société à l’appréciation du tribunal que leurs mandats auraient été renouvelés ou que de nouveaux membres du conseil d’administrateur auraient été nommés antérieurement au 2 juin 2022, ou à cette même date.
Ce constat ne saurait être énervé par l’affirmation de la société (AA), non circonstanciée, selon laquelle les mandats des administrateurs auraient été « renouvelé[s] » lors de l’assemblée générale des actionnaires du 25 novembre 2020. En l’absence de tout élément tangible versé en cause à l’appui de cette affirmation, celle-ci ne reste à l’état de pure allégation, dépourvue de fondement probant.
Il s’ensuit que c’est, a priori, à juste titre que la partie étatique soutient que la société (AA) ne disposait pas d’un organe de représentation lui permettant d’ester en justice au moment de l’introduction du recours sous analyse et que, par voie de conséquence, la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS n’a pas pu valablement être mandatée aux fins d’introduire ledit recours.
Si le tribunal rejoint l’argumentation de la société (AA) en ce sens qu’il est admis que l’arrivée du terme d’un dirigeant rend irrégulière la composition de la gérance d’une société, alors ce dirigeant doit prêter son concours jusqu’à son remplacement pour les actes qui nécessitent son intervention, il sied néanmoins de préciser que cette obligation ne s’étend qu’aux affaires courantes, lesquelles sont à assimiler à la gestion journalière2.
Or, la gestion journalière d’une société se limite strictement aux seuls actes qui ne dépassent pas les besoins de la vie quotidienne de la société concernée ou aux actes qui, en raison tant de leur faible importance que de l’exigence d’une prompte exécution, ne justifient pas l’intervention du conseil d’administration. Cette notion englobe exclusivement, d’une part, les actes de fonctionnement réguliers et habituels de la société et, d’autre part, de manière exceptionnelle, les actes urgents de moindre importance, tel que cela a été rappelé par la Cour administrative dans un arrêt du 30 avril 2020, inscrit sous le numéro 44048C du rôle3.
2 Alain Steichen, Précis de Droit des Sociétés, 6e édition 2018, p. 269 point 343.
3 Cour adm. 30 avril 2020, n° 44048C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
6La Cour administrative a, par ailleurs, déjà eu l’occasion de préciser que l’introduction d’un recours contentieux devant les juridictions administratives est à considérer comme un acte excédant un simple acte d’administration de gestion journalière, la gestion journalière comprenant tous les actes d’exploitation accomplis dans le cadre des décisions prises par le conseil d’administration ou des directives arrêtées par lui et dont l’ensemble constitue en quelque sorte la vie quotidienne de la société, ce qui n’est manifestement pas le cas du dépôt d’un recours en réformation devant le tribunal administratif4.
Partant, l’introduction d’un recours devant le juge administratif dirigé contre une décision de rejet d’une demande de remise gracieuse ne saurait, par sa nature, constituer un acte de moindre importance relevant de la gestion courante nécessaire à la conduite ordinaire des affaires quotidiennes de la société. Il s’ensuit que l’introduction d’un tel recours contentieux ne saurait relever de la responsabilité d’administrateurs démissionnaires, dont les obligations se limitent à assurer la continuité des affaires courantes jusqu’à leurs remplacements, mais incombe à l’organe de la société régulièrement investi des pouvoirs de représentation à la date de l’introduction dudit recours.
En l’espèce, il y a lieu de conclure, au vu de ce qui précède, que la société (AA) ne pouvait être valablement représentée, au moment de l’introduction de son recours contentieux, par ses administrateurs démissionnaires dont les mandats étaient arrivés à leur terme et qui ne pouvaient, dans cette période transitoire, qu’assurer la gestion des affaires courantes dans l’attente de leur remplacement. Or, la représentation en justice, et en particulier l’exercice d’un recours en réformation devant le juge administratif, ne saurait être considérée comme un acte relevant de la gestion journalière d’une société.
Dès lors, force est au tribunal de retenir que, au moment de l’introduction du recours sous analyse, la société (AA) ne disposait d’aucun organe de représentation régulièrement habilité à ester en justice. Par voie de conséquence, elle ne pouvait pas non plus valablement mandater la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS aux fins d’introduire ledit recours.
Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’invocation, par la société (AA), d’un arrêt rendu le 26 avril 2017 par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé. Force est, en effet, au tribunal de relever que cet arrêt avait trait à la question de la capacité d’interjeter appel d’une association dépourvue de la personnalité juridique, laquelle avait été défenderesse en première instance. Or, le recours sous examen concerne, quant à lui, un recours formé en première instance en matière d’impôts directs par une société demanderesse dont la personnalité juridique n’est pas contestée, la discussion ne portant que sur l’existence d’un organe de représentation au jour de l’introduction du recours. Dès lors, le tribunal ne saurait suivre l’argumentation de la société (AA), laquelle est à rejeter pour être non fondée.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement est justifié et que le recours sous analyse de la société (AA) est à déclarer irrecevable, celle-ci n’ayant fourni aucun élément en cours d’instance afin de remédier à l’irrégularité de fond qui affecte l’exercice de l’action en justice litigieuse5.
4 En ce sens : Cour adm. 11 juin 2019, n°42293C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
5 Cour adm. 11 juin 2019, n° 42293C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
7Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare irrecevable le recours en réformation sinon en annulation ;
condamne la société (AA) aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mai 2025 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge.
en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 8