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12/05/2025 | LUXEMBOURG | N°46052

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2025, 46052


Tribunal administratif N° 46052 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:46052 2e chambre Inscrit le 25 mai 2021 Audience publique du 12 mai 2025 Recours formé par la société civile immobilière (AA) SCI, …, contre le règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques », en matière d’actes réglementaires Vu la requête inscrite sous le numéro 46052 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2021 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL,

établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, inscri...

Tribunal administratif N° 46052 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:46052 2e chambre Inscrit le 25 mai 2021 Audience publique du 12 mai 2025 Recours formé par la société civile immobilière (AA) SCI, …, contre le règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques », en matière d’actes réglementaires Vu la requête inscrite sous le numéro 46052 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2021 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B251584, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière (AA) SCI, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonction, sinon par tout autre organe statuaire compétent, tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques », tel que publié au Journal Officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A n° 142 du 25 février 2021 ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2021 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2021 par Maître Patrick KINSCH, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2021 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, au nom de la société civile immobilière (AA) SCI, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2021 par Maître Patrick KINSCH, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que l’acte attaqué ;

Entendus le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, et Maître Patrick KINSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 février 2023 ;

Vu l’ordonnance du tribunal administratif du 25 mai 2023 prononçant la rupture du délibéré et ordonnant à la société civile immobilière (AA) SCI de mettre en intervention l’administration communale de Schuttrange ;

1 Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine KOVELTER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant tous les deux à Luxembourg, du 13 juin 2023 portant signification du recours à l’administration communale de Schuttrange, ayant sa maison communale à L-5367 Schuttrange, 2, place de l’Eglise, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif le 14 juin 2023 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B186371, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Schuttrange, préqualifiée ;

Vu l’avis du greffe du tribunal administratif du 24 novembre 2023, intervenu à la suite de l’audience publique de la deuxième chambre du tribunal administratif du 23 octobre 2023 à laquelle l’affaire a été appelée pour contrôle suite à la mise en intervention de l’administration communale de Schuttrange, communiquant les délais fixés par le tribunal administratif pour permettre aux parties en cause de déposer un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire, intitulé mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif le 23 février 2024 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, au nom de l’administration communale de Schuttrange ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2024 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, au nom de la société civile immobilière (AA) SCI, préqualifiée ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2024 par Maître Patrick KINSCH, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Entendus le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, Maître Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Christian POINT, et Maître Patrick KINSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 novembre 2024.

Vu l’avis du greffe du tribunal administratif du 17 avril 2025 prononçant la rupture du délibéré et convoquant les parties en chambre du conseil pour le 23 avril 2025 pour discuter des suites à réserver à la présente affaire à la suite du jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 17 avril 2025, inscrit sous le numéro 46044 du rôle, soumettant une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle ;

Entendus Maître Serge MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, ainsi que Maître Patrick KINSCH lors de la réunion en chambre du conseil en date du 28 avril 2025, date à laquelle la réunion avait été refixée en date du 23 avril 2025, lors de laquelle l’affaire a été fixée pour plaidoiries à l’audience publique de la deuxième chambre du tribunal administratif du même jour à 15 :00 heures ;

Entendus le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Serge 2MARX, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 avril 2025.

En date du 10 février 2021 fut adopté le règlement grand-ducal rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques », désigné ci-après par le « règlement grand-ducal du 10 février 2021 », lequel définit les « zones d’activités économiques nationales et spécifiques nationales », les « zones d’activités économiques régionales » et les « zones d’activités économiques communales ». Ledit règlement grand-ducal comporte cinq annexes, dont la première constitue une liste énumérant les « zones d’activités économiques nationales existantes et projetées », les « zones d’activités spécifiques nationales existantes et projetées » et les « zones d’activités économiques régionales existantes et projetées », la deuxième constitue les « zones d’activités économiques communales existantes à reclasser », et les troisième à cinquième constituent les parties graphiques du plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques » désigné ci-après par « le PDS-ZAE ». Le règlement grand-ducal du 10 février 2021 fut publié au Journal Officiel du Grand-Duché de Luxembourg, Mémorial A n° 142 du 25 février 2021.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 mai 2021, la société civile immobilière (AA) SCI, désignée ci-après par « la société (AA) », en sa qualité de propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schuttrange, section … de …, sous le numéro (P1), désignée ci-après par « la parcelle (P1) », fit introduire un recours tendant à l’annulation dudit règlement grand-ducal 10 février 2021, sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 ».

Par ordonnance du 25 mai 2023, le tribunal administratif ordonna à la société (AA) de mettre en intervention l’administration communale de Schuttrange, au vu du fait que « […] les débats portent notamment sur le défaut d’intégration par le prédit règlement grand-ducal d’une partie du territoire de la commune de Schuttrange, en l’occurrence, une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Schuttrange, section … de …, sous le numéro (P1), dans une « zone d’activité économique », de sorte que l’administration communale de Schuttrange est à considérer comme tiers intéressé […] ».

Par exploit d’huissier de justice du 13 juin 2023, la requête introductive d’instance du recours sous examen fut signifiée à l’administration communale de Schuttrange.

1. Quant à la compétence du tribunal Conformément à l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre du règlement grand-ducal déféré.

2. Quant à la recevabilité du recours Moyens et arguments des parties Dans son mémoire en réponse, la partie étatique, tout en se rapportant à prudence de justice en ce qui concerne l’intérêt à agir de la société (AA), soutient que celle-ci ne justifierait 3pas d’un tel intérêt alors qu’elle ne préciserait pas si et dans quelle mesure elle entendrait donner une affectation concrète à sa parcelle dans l’hypothèse où cette dernière devrait être superposée d’une zone d’activités économiques, ci-après désignée par « ZAE ».

A l’appui de son recours, la société (AA) donne à considérer qu’en 2014, le projet de règlement grand-ducal déclarant obligatoire le plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques » et portant modification du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d’aménagement d’une commune, ci-après désigné par « le PDS de 2014 », aurait prévu de superposer sa parcelle d’une nouvelle zone d’activités économiques régionale.

Elle avance que lors de la procédure d’adoption du règlement grand-ducal du 10 février 2021, les zones superposées d’une ZAE à Schuttrange auraient été revues à la baisse dans le cadre de l’évaluation stratégique environnementale, ci-après désignée par « l’EES », tout en soulignant que l’EES aurait maintenu, dans un premier temps, la superposition d’une telle zone sur la plus grande partie de sa parcelle, à savoir environ 3,7 hectares, longeant l’autoroute A1. Or, tel n’aurait plus été le cas dans le cadre de l’avant-projet de règlement grand-ducal rendant obligatoire le PDS-ZAE, publié en 2018, lequel aurait, en effet, complètement enlevé la superposition d’une ZAE sur sa parcelle.

La société (AA) justifie, dès lors, son intérêt à agir par le fait qu’elle serait propriétaire d’une parcelle dont le PDS de 2014 aurait prévu la superposition d’une ZAE et dont la plus grande partie aurait également fait l’objet d’une EES lors de la relance de la procédure en 2018.

Or, pour des raisons inexplicables, sa parcelle aurait été supprimée du PDS-ZAE, de sorte qu’étant affectée par le classement litigieux, elle disposerait indubitablement d’un intérêt personnel, direct, effectif, né et actuel pour introduire un recours contentieux.

Dans son mémoire en réplique, la société (AA) réfute encore le moyen d’irrecevabilité de la partie étatique en se prévalant de la jurisprudence des juridictions administratives selon laquelle « un recours en annulation contre un acte réglementaire existe par rapport aux normes à caractère réglementaire qui ont un effet direct sur les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes dont ils affectent immédiatement la situation, sans nécessiter pour autant la prise d’un acte administratif individuel d’exécution »1. Il s’ensuivrait qu’aucun projet concret ne devrait exister à ce stade pour considérer qu’elle dispose d’un intérêt à agir, la société demanderesse soutenant que la superposition de sa parcelle d’une ZAE ne représenterait, en effet, qu’une première étape parmi plusieurs pour pouvoir viabiliser sa parcelle. Or, sans ce classement par le PDS-ZAE, le processus de viabilisation du terrain concerné n’aurait aucune chance d’aboutir.

L’administration communale de Schuttrange se rapporte dans le cadre de son mémoire supplémentaire à prudence de justice concernant la recevabilité du recours.

Analyse du tribunal Aux termes de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996, « (1) Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent.

1 Trib. Adm., 31 janvier 2000, n° 11432 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 2 (2e volet) et les autres références y citées.

4(2) Ce recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain. […] ».

Un demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général pour pouvoir introduire un recours contre un acte administratif à caractère règlementaire. Par ailleurs, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’il puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère règlementaire, il ne suffit pas qu’un demandeur fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre l’acte querellé et sa situation personnelle. Finalement, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire au caractère suffisamment certain, d’un intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte administratif à caractère règlementaire soit déclaré recevable2. Ainsi, le recours contentieux contre un acte administratif à caractère règlementaire n’est recevable que si l’annulation est susceptible de profiter personnellement et directement au demandeur en ce sens que sa situation, de fait ou de droit, doit s’en trouver améliorée3.

La question de l’intérêt à agir, en présence d’un acte administratif à caractère réglementaire, se pose souvent en termes de virtualité, étant donné que le grief que provoque cet acte réglementaire ne s’actualisera dans le chef des administrés qu’au fur et à mesure qu’il trouvera à s’appliquer. Les actes administratifs à caractère réglementaire sont dès lors susceptibles d’être attaqués par toutes les personnes auxquelles ils s’appliquent, par celles auxquelles ils ont vocation à s’appliquer et par celles qui sans y être à proprement parler soumises en subissent directement les effets. Priver un administré d’un recours contre un acte réglementaire lorsqu’il ne dispose que d’un intérêt virtuel reviendrait à le priver définitivement de ce recours, compte tenu des délais de recours contre un acte administratif à caractère réglementaire, et il ne disposerait donc plus que de la possibilité lui conférée par l’article 95 de la Constitution pour contester l’acte réglementaire4.

En l’espèce, il n’est pas contesté que lors de l’élaboration du PDS de 2014, il était prévu de classer la parcelle (P1) en zone d’activités économiques régionale. Il n’est pas non plus contesté que lors de la procédure d’adoption du règlement grand-ducal du 10 février 2021, il était prévu de superposer une grande partie de la parcelle appartenant à la société (AA), longeant l’autoroute A1, d’une ZAE régionale, mais que ce classement n’a finalement pas été maintenu lors de l’adoption du PDS-ZAE déféré. Il est, par ailleurs, constant qu’en date du 25 juin 2018, la société (AA) a présenté ses observations à l’encontre du projet de PDS-ZAE au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Schuttrange conformément à l’article 12, paragraphe (4) de la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, ci-après désignée par « la loi du 17 avril 2018 », en critiquant plus particulièrement le défaut d’intégration de sa parcelle dans une ZAE.

Au vu de ces considérations, il doit être admis que la société (AA) a un intérêt à voir contrôler la légalité de l’acte réglementaire querellé, étant relevé que le seul fait que celle-ci n’a pas encore donné une affectation concrète à sa parcelle n’est pas suffisant pour lui dénier tout intérêt à agir eu égard au fait, tel que soutenu à bon droit par la société demanderesse, que la superposition de sa parcelle d’une ZAE ne représente, en effet, qu’une première étape parmi 2 Trib. adm., 15 mai 2002, n° 14420 du rôle, confirmé par Cour adm., 22 janvier 2004, n° 16628C du rôle, Pas.

adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 42 (1er volet) et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 25 juin 2008, n° 22066 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 42 (2e volet) et les autres références y citées 4 Cour adm., 14 janvier 2021, n° 44533C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 46.

5plusieurs pour pouvoir la viabiliser, sans laquelle le processus de viabilisation du terrain concerné n’aura, le cas échéant, aucune chance d’aboutir.

Dans la mesure où le règlement grand-ducal litigieux est dès lors susceptible d’affecter négativement la situation de la société demanderesse, il doit être admis que cette dernière a un intérêt à agir contre celui-ci.

Au vu de ces considérations, le recours en annulation, qui a, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi, est à déclarer recevable.

3. Quant au fond A l’appui de son recours, la société demanderesse soulève un moyen relatif à la légalité externe et différents moyens relatifs à la légalité interne du règlement grand-ducal déféré.

A. Quant au moyen concernant la légalité externe du règlement grand-ducal du 10 février 2021 Argumentation des parties Dans son recours, la société demanderesse soulève que le revirement de position opéré par les autorités étatiques consistant à ne plus superposer sa parcelle d’une ZAE ne serait ni expliqué, ni justifié, ni motivé.

En se référant à un rapport de 2014 émanant du ministère du Développement durable et des Infrastructures et du ministère de l’Economie contenant des projections de besoins en surfaces jusqu’en 2030, elle estime qu’il serait complètement incompréhensible que la surface totale réservée aux ZAE dans le cadre du PDS-ZAE querellé ait connu une baisse à raison de 25 % par rapport aux surfaces qui y étaient réservées en 2014.

Elle met en avant que cette réduction n’aurait fait l’objet d’aucune note explicative, ni dans l’exposé des motifs du PDS-ZAE, ni dans un rapport complémentaire, tel que celui produit en 2014 par les autorités étatiques compétentes. Cette réduction des surfaces réservées au ZAE de même que l’absence de motivation à cet égard auraient d’ailleurs également été critiquées par la Chambre de Commerce et par la Chambre des Métiers dans leurs avis émis dans le cadre de l’élaboration du PDS-ZAE, la société demanderesse insistant sur le fait qu’en substance, aucun des acteurs institutionnels ne pourrait saisir le raisonnement quant à la diminution des surfaces réservées aux ZAE, surtout au vu du développement économique actuel et de la forte croissance des emplois, ainsi que des ambitions économiques futures du pays.

Elle conclut que le revirement querellé se serait opéré de manière purement arbitraire et constituerait dès lors un dépassement de la marge d’appréciation des autorités étatiques, voire un abus de pouvoir.

Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse reproche à la partie étatique de ne pas avancer de motivation concrète et pertinente permettant de saisir les raisons précises pour lesquelles sa parcelle ayant fait partie du PDS de 2014 et de l’EES de 2018, n’a finalement pas été incluse dans l’assiette du PDS-ZAE querellé.

Elle réitère que la partie étatique ne fournirait pas la moindre explication quant aux motifs exacts l’ayant conduit à réduire la surface globale des ZAE de plus de 25% par rapport 6aux surfaces encore réservées à ces fins dans le PDS de 2014, tout en soulignant que les besoins en termes de surfaces tels qu’ils auraient été retenus dans le rapport de 2014, resteraient encore pleinement valables.

Elle se réfère à cet égard à un communiqué de la Chambre des Métiers du 27 octobre 2021, intitulé « Disponibilité de terrains dans les zones d’activités et besoins de l’Artisanat :

constat d’un profond déséquilibre », duquel il se dégagerait que la demande des seules entreprises artisanales de terrains situés dans les ZAE s’élèverait à 73 hectares, alors que l’offre actuelle dans les ZAE régionales serait inférieure à 10 hectares.

Elle avance que contrairement à ce qu’allèguerait la partie étatique, le fait qu’il existerait une pénurie de terrains disponibles dans les ZAE n’aurait pas trait à une question d’opportunité politique, mais démontrerait, au contraire, que les besoins sur lesquels a été élaboré le PDS de 2014 seraient toujours d’actualité, voire devraient être revus à la hausse.

Elle réitère enfin son argumentation selon laquelle aucun des acteurs institutionnels n’aurait pu saisir le raisonnement étatique quant à la diminution dans le nouveau PDS-ZAE des surfaces réservées aux ZAE, tout en se prévalant dans ce contexte d’un avis du Conseil supérieur de l’Aménagement du Territoire (CSAT) du 21 septembre 2018 lequel déplorerait notamment le manque total de toute information pertinente par rapport aux choix opérés par le gouvernement en matière de ZAE.

La partie étatique conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal A titre liminaire, il échet de préciser qu’il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire spécifique exigeant l’indication formelle des motifs à la base des actes administratifs à caractère réglementaire. Au-delà de cette absence, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent cependant reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité.

En invoquant en l’espèce une « absence [de] motifs à la base de la décision querellée », la société demanderesse conteste l’existence de motifs légaux à la base du règlement grand-

ducal du 10 février 2021.

Force est au tribunal de constater que la base légale du règlement grand-ducal du 10 février 2021 est formée par la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, désignée ci-après par « la loi du 17 avril 2018 ». Ainsi, le règlement grand-ducal du 10 février 2021 indique être fondé notamment sur les articles 1er, 11, 12 et 20 de la loi du 17 avril 2018. L’article 1er de ladite loi définit les objectifs de l’aménagement du territoire. Dans ce contexte, l’article 3 du règlement grand-ducal du 10 février 2021 précise que les « zones d’activités économiques » poursuivent les objectifs énumérés à l’article 1er, paragraphe 2, points 10°, 11°, 12° et 13° de la loi du 17 avril 2018, aux termes duquel : « (…) (2) Dans le cadre des objectifs du paragraphe 1er, l’aménagement du territoire participe à travers les instruments du plan directeur sectoriel et du plan d’occupation du sol, définis respectivement aux articles 9 à 11 et 15 à 17 à la mise en œuvre de mesures destinées à : (…) 710° reconvertir des friches industrielles pour les besoins en matière de logements, d’activités économiques et de services publics ;

11° définir des terrains destinés à accueillir des zones d’activités nationales et des zones d’activités régionales destinées prioritairement à l’implantation d’activités artisanales et industrielles ;

12° restreindre, en raison de considérations d’ordre urbanistique, d’accessibilité, de développement territorial ou d’intégration environnementale et paysagère, la possibilité des communes de désigner ou de procéder à l’extension de zones urbanisées ou destinées à être urbanisées et affectées principalement ou accessoirement aux activités économiques, que ce soit au niveau national, régional ou communal ;

13° reclasser pour des considérations d’ordre urbanistique, d’accessibilité, de développement territorial ou d’intégration environnementale et paysagère les zones d’activités économiques communales en zones destinées à rester libres ; (…) ».

Il s’ensuit qu’indépendamment de toute question relative à l’opportunité d’adopter le règlement grand-ducal du 10 février 2021, la motivation à la base de son adoption ressort bien d’une lecture combinée des articles 1er de la loi du 17 avril 2018 et 3 du règlement grand-ducal lui-même.

Si la société demanderesse conteste encore plus concrètement que la parcelle litigieuse lui appartenant aurait été enlevée du projet de PDS-ZAE querellé en l’absence de toute motivation quand bien même le PDS de 2014 aurait prévu la superposition d’une grande partie de sa parcelle d’une ZAE régionale, force est au tribunal de constater que la partie étatique se réfère à cet égard à l’EES réalisée en 2018 laquelle aurait souligné qu’une ZAE à Niederanven et Schuttrange, qui serait connectée à l’autoroute, créerait un trafic automobile supplémentaire dans une zone qui serait déjà soumise à un fort trafic, en énonçant que « Eine bauliche Nutzung der Fäche führt, obwohl in geringer Entfernung ein Autobahnanschluss liegt, zu einer Zunahme des Verkehrsaufkommens für die Ortschaften », ainsi qu’à l’avis adopté par le conseil communal de Schuttrange lors de sa séance publique du 22 août 2018 selon lequel « (…) Les auteurs du PDS-ZAE n’ignorent cependant pas que le trafic routier est d’ores et déjà très dense sur les axes routiers traversant le territoire communal ou situés à proximité de celui-ci, notamment sur l’autoroute A1 et le CR132, ce qui pénalise significativement la qualité de vie des habitants de notre commune et des communes avoisinantes.

Le conseil communal est donc d’avis que l’extension très significative de la surface de la zone d’activités économiques est totalement disproportionnée et ne manquera pas d’aggraver un état du trafic routier - avec les conséquences qui en découlent, notamment sur le plan environnemental - d’ores et déjà quasi saturé quotidiennement.

La commune s’interroge également de l’opportunité de prévoir une extension aussi importante de la zone d’activités économiques à cet endroit du territoire national. Elle estime dans ce contexte qu’il serait plus judicieux de créer de nouvelles zones d’activités économiques dans les parties du territoire national qui ne connaissent pas de tels problèmes de trafic routier.

Le conseil communal demande que l’extension projetée soit à tout le moins significativement reconsidérée et réduite à des proportions bien plus raisonnables tenant compte des problématiques liées notamment au trafic routier. ».

A cet égard, le tribunal arrive donc également à la conclusion qu’outre toute considération quant au bien-fondé de la motivation ainsi avancée, une telle motivation a bien 8été invoquée par la partie étatique à l’appui de l’absence d’intégration de la parcelle litigieuse dans une ZAE, de sorte que le moyen de la société demanderesse tiré de l’absence de motivation à la base du règlement grand-ducal déféré est à rejeter pour ne pas être fondé.

B. Quant au principe de l’autonomie communale tel que garanti par l’article 107 de la Constitution et par la Charte européenne de l’autonomie locale faite à Strasbourg le 15 octobre 1985, approuvée par la loi du 18 mars 1987, désignée ci-

après par « la Charte » Par avis du 24 novembre 2023, le tribunal a autorisé l’administration communale de Schuttrange à déposer un mémoire afin de prendre position par rapport aux écrits contentieux d’ores et déjà échangés entre les parties demanderesse et défenderesse, tout en l’invitant à prendre plus particulièrement position, dans le cadre de ce mémoire, sur la question du respect du principe de l’autonomie communale, tel que garanti par l’article 107 de la Constitution, dans sa teneur applicable en l’espèce, et par la Charte, et ce plus particulièrement sur la toile de fond qu’en application du règlement grand-ducal du 10 février 2021, les communes ne peuvent a priori désigner des zones d’activités économiques nationales et spécifiques nationales, de même que des zones d’activités économiques régionales, ni procéder à l’extension de ces zones dans le cadre de leur PAG sans que cette désignation ou cette extension n’ait au préalable fait l’objet d’une désignation ou d’une extension dans le cadre du PDS-ZAE, voire que les communes ne peuvent a priori désigner de nouvelles zones d’activités économiques communales ou bien procéder à l’extension de telles zones existantes, telles que définies aux articles 11 et 2 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG d’une commune, que lorsque ces désignations ou extensions remplissent certaines conditions cumulatives. Dans le cadre de ce même avis et dans le respect du principe du contradictoire, la partie demanderesse, ainsi que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ont, également, été autorisés à produire chacun un mémoire ayant pour seule finalité de prendre position par rapport au mémoire précité à déposer par l’administration communale.

Moyens et argumentation des parties L’administration communale de Schuttrange avance tout d’abord que le principe de l’autonomie communale ne serait pas absolu et qu’il serait susceptible d’être limité par une loi.

Elle donne à considérer que dans la mesure où elle n’accueillerait actuellement sur son territoire ni zone d’activités économiques nationale, ni zone d’activités spécifiques nationale, mais qu’elle serait seulement concernée par la zone d’activités économiques régionale Niederanven/Schuttrange, ainsi que par la réglementation relative aux zones d’activités économiques communales, elle ne prendrait position qu’à ce sujet.

A cet égard, elle fait valoir que l’article 5, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 10 février 2021 interdirait aux communes de désigner de nouvelles zones d’activités économiques régionales ou de procéder à des extensions de telles zones existantes, sauf modification préalable du PDS-ZAE, tout en soulignant qu’une commune n’aurait pas d’influence sur une telle procédure de modification dans la mesure où l’article 12, paragraphe (1) de la loi du 17 avril 2018 prévoirait que seuls le ministre ayant l’aménagement du territoire dans ses attributions ou le ou les ministres concernés par le PDS-ZAE pourraient proposer l’élaboration d’une modification du PDS-ZAE. Elle soutient que l’article 5, paragraphe (2) du règlement grand-ducal du 10 février 2021 aurait, par ailleurs, outrepassé le cadre légal en ce qu’en vertu de l’article 1er, paragraphe (2), 12°, de la loi du 17 avril 2018, le pouvoir réglementaire pourrait définir les considérations urbanistiques, les considérations 9d’accessibilité, les considérations de développement territorial ou les considérations d’intégration environnementale et paysagère qui s’opposent à la désignation ou à l’extension de zones d’activités économiques régionales par deux ou plusieurs communes, sans toutefois prévoir une interdiction totale à cet égard. Elle fait finalement valoir que l’article 6 du règlement grand-ducal du 10 février 2021 imposerait des conditions aux communes pour la désignation et l’extension des zones d’activités économiques communales type 1 [ECO-c1] et type 2 [ECOc2] qui ne seraient pas prévues par la législation et les réglementations applicables en matière d’aménagement communal.

Elle conclut que le pouvoir réglementaire aurait failli de mettre correctement en œuvre le cadre légal tracé par l’article 1er, paragraphe (2), 12°, de la loi du 17 avril 2018, de sorte que les interdictions, respectivement les limitations des compétences communales découlant notamment des articles 5 et 6 du règlement grand-ducal du 10 février 2021 ne pourraient pas être considérées comme découlant valablement de la loi et ne seraient dès lors pas admissibles au regard de l’article 107 de la Constitution, lu à l’aune de l’article 4, paragraphe (4) de la Charte.

La société demanderesse, après avoir cité les articles 3, paragraphe (1) et 4 de la Charte et 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, fait valoir que l’aménagement communal constituerait un cas de délégation de compétences par l’autorité étatique aux communes, bien que le ministre de l’Intérieur, de même que le ministre de l’Environnement conserveraient un contrôle particulièrement intense dans ce domaine. Or, dans la mesure où le principe de l’autonomie communale serait le principe prédominant, toute dérogation à celui-ci devrait s’interpréter restrictivement. Par ailleurs, toute restriction audit principe devrait être justifiée par l’intérêt national et être proportionnée, la société demanderesse insistant à cet égard plus particulièrement sur le fait que la proportionnalité exigée par la Charte serait à rapprocher du principe à essence constitutionnelle de proportionnalité, tel que cela aurait également été retenu dans un arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 janvier 2021, numéro 152 du registre.

Il s’ensuivrait que les interdictions et restrictions découlant du PSD-ZAE seraient contraires au principe de l’autonomie communale pour être disproportionnées en raison du fait que le PSD-ZAE imposerait aux communes concernées des interdictions générales et absolues, notamment celle de désigner ou d’étendre des zones d’activités économiques nationales, spécifiques nationales et régionales, et inutiles dans la mesure où toute décision des autorités communales en matière d’aménagement du territoire serait d’ores et déjà soumise à un contrôle particulièrement strict des autorités étatiques.

La partie étatique soutient, quant à elle, que l’autonomie communale devrait composer avec l’intérêt national, c’est-à-dire l’intérêt général, dont la définition appartiendrait au parlement et au gouvernement. Tel serait précisément le but de la politique de l’aménagement du territoire, laquelle pourrait décider, dans un intérêt dépassant les « intérêts propres » des communes individuelles de l’aménagement du territoire national.

Elle renvoie à l’avis du Conseil d’Etat émis à l’égard du projet de loi numéro 66945 destiné apporter des modifications à la loi du 17 avril 2018. Ledit avis, aux termes duquel « Le principe même de l’alignement obligatoire des plans d’aménagement des communes aux plans directeurs sectoriels de l’Etat ne saurait pas être mis en cause en raison de l’essence 5 Doc.parl. n° 6694, p.4.

10supérieure des objectifs nationaux en matière d’aménagement du territoire par rapport aux options locales prises en la matière par les communes en ce qui concerne l’aménagement local », correspondrait à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur le sens de l’autonomie communale, laquelle aurait renvoyé à l’article 9 de la Charte qui appliquerait les mêmes principes que l’article 4 de la même Charte. La partie étatique en conclut que ni l’article 107 de la Constitution, ni la Charte ne donneraient une autonomie complète aux collectivités locales. Les deux dispositions permettraient, au contraire, à la loi d’intervenir « dans un cadre plus large, en l’occurrence national, correspondant à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ». Il s’agirait-là de la définition même de l’aménagement du territoire. Dès lors, la loi du 17 avril 2018 ne serait pas contraire ni à la Constitution, ni au droit international en ce qu’elle n’enlèverait pas aux communes toute compétence pour arrêter leurs plans d’aménagement général, là où seuls les intérêts des communes elles-mêmes seraient en cause.

La partie étatique insiste plus particulièrement sur le fait que lorsque l’intérêt national serait en cause, la Constitution et la Charte permettraient au législateur d’habiliter le pouvoir réglementaire national afin d’arrêter des plans directeurs sectoriels.

Analyse du tribunal Le tribunal précise que parallèlement au recours sous examen, il a été saisi de plusieurs recours dirigés contre le règlement grand-ducal du 10 février 2021, dans le cadre desquels le moyen tiré d’une violation du principe de l’autonomie communale a également été soulevé.

A cet égard, il convient de relever que dans le jugement du 17 avril 2025, inscrit sous le numéro 46044 du rôle, pris précisément dans le cadre desdits recours introduits à l’encontre du règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « paysages », il a été retenu ce qui suit :

« […] A titre liminaire, il échet de préciser qu’à travers quatre lois du 17 janvier 20236, une révision de la Constitution a été opérée. Le tribunal étant saisi en l’espèce d’un recours en annulation, il lui appartient d’apprécier la régularité de l’acte réglementaire déféré en considération de la situation de droit et de fait telle qu’elle s’est présentée au moment de l’adoption dudit acte réglementaire. Il s’ensuit qu’aux fins de l’analyse de la régularité du règlement grand-ducal déféré du 10 février 2021, il y a lieu d’appliquer la version de la Constitution telle qu’elle était en vigueur en date dudit 10 février 2021.

Aux termes de l’article 107 (1) de la Constitution dans sa version en vigueur au moment de l’adoption du règlement grand-ducal du 10 février 2021 : « (1) Les communes forment des collectivités autonomes, à base territoriale, possédant la personnalité juridique et gérant par leurs organes leur patrimoine et leurs intérêts propres. ». Ledit article consacre dès lors le principe de l’autonomie communale lequel est à apprécier à l’aune des dispositions de la Charte en ce qu’elles se recouvrent avec celles de la Constitution7/8. En application dudit 6 Loi du 17 janvier 2023 portant révision du chapitre VI. de la Constitution ; Loi du 17 janvier 2023 portant révision des Chapitres Ier, II, III, V, VII, VIII, IX, X, XI et XII de la Constitution ; Loi du 17 janvier 2023 portant révision du chapitre II de la Constitution ; Loi du 17 janvier 2023 portant révision des chapitres IV et Vbis de la Constitution, entrées en vigueur le 1er juillet 2023 7 Cour const. 8 décembre 2017, n°131/17 8 Article 3 de la Charte : « (…) Article 3 Concept de l’autonomie locale 1. Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.

11principe, les communes gèrent par leurs organes, leur patrimoine et leurs intérêts propres9.

En consacrant ledit principe, le législateur constitutionnel luxembourgeois a voulu insister sur le droit pour les autorités communales de prendre des décisions propres, allant au-delà d’une simple exécution des lois et règlements de l’Etat, et obligeant les personnes soumises à son autorité10. Par ailleurs, le principe de l’autonomie communale consacré par l’article 107 de la Constitution et par la Charte implique que l’autonomie de la commune est la règle et la soumission au contrôle de l’autorité supérieure l’exception11.

Le principe de l’autonomie communale s’impose incontestablement en matière d’aménagement communal et de développement urbain12.

Toutefois, ce principe n’est pas absolu dans la mesure où tant l’article 107 de la Constitution que les dispositions de la Charte et plus particulièrement l’article 8 de la Charte13 admettent un certain contrôle des actes des collectivités locales. D’ailleurs, lors des travaux relatifs du projet de révision, notamment de l’article 107 de la Constitution, le Conseil d’Etat avait, dans son avis du 20 mars 1979, d’ores et déjà signalé que : « l’autonomie des communes n’est de loin pas absolue »14.

2. Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d’organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi. ».

Article 4 de la Charte : « Article 4 Portée de l’autonomie locale 1. Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n’empêche pas l’attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi.

2. Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité.

3. L’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie.

4. Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

5.En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu’il est possible, de la liberté d’adapter leur exercice aux conditions locales.

6. Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

Article 5 : Protection des limites territoriales des collectivités locales Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet. ».

9 Cour adm. 3 mai 2018, n°40380C, Pas adm. 2023, V° Communes, n°3.

10 Rapport de la commission de la révision constitutionnelle du 12 avril 1979 ; doc. parl. 21731, cités in : Le conseil d’Etat, gardien de la Constitution et des Droits et Libertés fondamentaux, Commentaire de la Constitution luxembourgeoise article par article, Conseil d’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, 2006, p. 365 s.

11 Cour adm. 22 mars 2007, n°22256C, Pas adm. 2023, V° Communes, n°8 et les autres références y citées.

12 Cour adm. 12 mars 2019, n° 41047C, Pas. adm. 2023 V° Communes, n° 16 et Cour adm, 1er avril 2021, n°45328C, Pas. adm. 2023 V° Urbanisme, n° 1065.

13 « Article 8 Contrôle administratif des actes des collectivités locales 1. Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.

2. Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.

3. Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver. ».

14 doc. parl. 21731, 22761 12 Concernant plus concrètement la question de la constitutionnalité soulevée en l’espèce, il échet de rappeler que la base légale du PDSP est la loi du 17 avril 2018 et plus particulièrement notamment l’article 11, (2), point 1 de ladite loi, lequel dispose que : « Le plan directeur sectoriel peut : interdire ou restreindre la possibilité des communes de désigner ou de procéder à l’extension de zones urbanisées ou destinées à être urbanisées ; (…) » et apporte, dès lors, indubitablement une limite au pouvoir des autorités communales dans la gestion de leur politique d’aménagement communal. Le litige des parties en cause porte sur la question de savoir si cette limite contrevient au principe de l’autonomie communale, tel que consacré par à l’article 107 de la Constitution, interprété à l’aune des dispositions de la Charte et dans sa version applicable en l’espèce.

Le tribunal n’est toutefois pas compétent pour répondre à cette question étant donné qu’il ne lui appartient pas de se livrer lui-même à l’examen de la constitutionnalité d’une législation, sous peine d’empiéter sur le champ de compétence de la Cour constitutionnelle.

Ainsi, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », :« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

(…) » Force est en l’espèce au tribunal de constater que la question de constitutionnalité de l’article 11, (2), point 1 de la loi du 17 avril 2018 telle que soulevée par les demandeurs ne peut pas être écartée pour être dénuée de tout fondement au vu des développements qui précèdent. Par ailleurs, la question ainsi soulevée n’a pas encore été soulevée dans cette forme devant, ni a fortiori résolue par, la Cour constitutionnelle. Enfin, une décision sur la question de la constitutionnalité est nécessaire à la solution du présent litige, dans la mesure où la question du respect du principe de l’autonomie communale et, plus loin, la question de la justification par l’intérêt général, voire national, de la limite imposée au pouvoir communal dans ses choix urbanistiques est sous-jacente à l’ensemble des volets du litige opposant les parties en l’espèce.

Il échet, dès lors, de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle plus amplement libellée au dispositif du présent jugement, étant relevée, à cet égard, que le tribunal n’est pas tenu par le libellé de la question préjudicielle tel que formulé par le demandeur.

Conformément aux articles 7 et suivants de la loi du 27 juillet 1997, il convient, dès lors, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle se soit prononcée par rapport à la question préjudicielle lui soumise, sans qu’il n’y ait lieu de trancher à ce stade les autres moyens soulevés en cause. […] ».

Dans la mesure où la même problématique se pose en l’espèce concernant le PDS-ZAE et où le litismandataire de la société demanderesse a précisé vouloir présenter son argumentaire relatif à la question d’une éventuelle violation du principe de l’autonomie communale dans le 13contexte du PDS-ZAE devant la Cour constitutionnelle et non point tenir le recours sous examen en suspens en attendant la réponse de la Cour constitutionnelle à la question dont elle est d’ores et déjà saisie relative à une éventuelle violation du principe de l’autonomie communale dans le contexte du PDS « paysage », il y a lieu de saisir la Cour constitutionnelle de la même question préjudicielle dans le contexte du PDS-ZAE et, par conséquent, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle se soit prononcée par rapport à la question préjudicielle lui soumise, sans qu’il n’y ait lieu de trancher à ce stade les autres moyens soulevés en cause.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

avant tout autre progrès en cause, soumet à la Cour Constitutionnelle la question suivante :

« L’article 11, paragraphe (2), point 1° de la loi du 17 avril 2018, en ce qu’il constitue entre autre la base légale du règlement grand-ducal rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « zones d’activités économiques », et en ce qu’il permet au plan directeur sectoriel d’interdire ou de restreindre la possibilité des communes de désigner ou de procéder à l’extension de zones urbanisées ou destinées à être urbanisées, est-il conforme au principe de l’autonomie communale tel que consacré par l’article 107 de la Constitution, interprétée à l’aune des dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale faite à Strasbourg le 15 octobre 1985, approuvée par la loi du 18 mars 1987 ? » ;

réserve les frais.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Géraldine Anelli, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, et lu à l’audience publique du 12 mai 2025 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46052
Date de la décision : 12/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-12;46052 ?

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