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12/05/2025 | LUXEMBOURG | N°46059

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mai 2025, 46059


Tribunal administratif N° 46059 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:46059 2e chambre Inscrit le 25 mai 2021 Audience publique du 12 mai 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, …, contre le règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « paysages » en matière d’actes réglementaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46059 du rôle et déposée au greffe du tribunal admini

stratif le 25 mai 2021 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V...

Tribunal administratif N° 46059 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:46059 2e chambre Inscrit le 25 mai 2021 Audience publique du 12 mai 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, …, contre le règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « paysages » en matière d’actes réglementaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46059 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2021 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « paysages » ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 juin 2021, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Patrick KINSCH déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2021 pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique de la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA déposé au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2021 pour compte de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Patrick KINSCH déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2021 pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’acte attaqué ;

Entendus le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, et Maître Patrick KINSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mars 2023 ;

Vu l’ordonnance du tribunal administratif du 25 mai 2023 prononçant la rupture du délibéré et ordonnant à la société à responsabilité limitée (AA) SARL de mettre en intervention l’administration communale de Parc Hosingen ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, du 27 juin 2023 portant signification du recours à l’administration communale de Parc Hosingen, ayant sa maison communale à L-9809 Hosingen, 11, Op der Héi, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2023 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Parc Hosingen ;

Vu le mémoire, intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2023 par Maître Brice OLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg et ayant repris le mandat de Maître Patrick KINSCH, au nom de l’administration communale de Parc Hosingen ;

Vu le mémoire, intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2023 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA pour compte de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, préqualifiée ;

Vu l’avis du greffe du tribunal administratif du 24 novembre 2023, intervenu suite à l’audience publique de la deuxième chambre du tribunal administratif du 23 octobre 2023 à laquelle l’affaire a été appelée pour contrôle suite à la mise en intervention de l’administration communale de Parc Hosingen, communiquant les délais fixés par le tribunal administratif pour permettre aux parties en cause de déposer un mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2024 par Maître Brice OLINGER, au nom de l’administration communale de Parc Hosingen ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2024 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA pour compte de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, préqualifiée ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2024 par Maître Patrick KINSCH, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Entendus le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Maître Patrick KINSCH, et Maître Vincent RICHARD, en remplacement de Maître Brice OLINGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 novembre 2024 ;

Vu l’avis du greffe du tribunal administratif du 17 avril 2025 prononçant la rupture du délibéré et convoquant les parties en chambre du conseil pour le 23 avril 2025 pour discuter des suites à réserver à la présente affaire à la suite du jugement de la deuxième chambre du tribunal administratif du 17 avril 2025, inscrit sous le numéro 46044 du rôle, soumettant une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle ;

Entendus Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, ainsi que Maître Patrick KINSCH lors de la réunion en chambre du conseil en date du 23 avril 2025, lors de laquelle l’affaire a été fixée pour plaidoiries à l’audience publique de la deuxième chambre du tribunal administratif du 28 avril 2025 ;

Entendus le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 avril 2025.

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Il est constant en cause que la société à responsabilité limitée (AA) SARL, ci-après désignée par « la société (AA) », est propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Parc Hosingen, section … de …, au lieu-dit « … », sous le numéro (P1).

Suite à la décision du Gouvernement en conseil en date du 27 avril 2018, le département de l’Aménagement du territoire auprès du ministère du Développement durable et des Infrastructures, ci-après désigné par « le département de l’Aménagement du territoire », transmit en date du 14 mai 2018 par voie électronique les quatre projets de plans directeurs sectoriels « Transports », « Logement », « Zones d’activités économiques » et « Paysages », ensemble avec les rapports sur les incidences environnementales (« RIE ») y relatifs, aux collèges des bourgmestre et échevins des communes territorialement concernées.

Parallèlement à cette transmission par voie électronique, le département de l’Aménagement du territoire envoya en date du 14 mai 2018 aux collèges des bourgmestre et échevins des communes territorialement concernées une lettre recommandée avec accusé de réception afin de les informer de l’envoi du projet de plan directeur sectoriel par voie électronique.

Le 28 mai 2018, le rapport sur les incidences environnementales élaboré conformément à la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement fut publié par extrait dans quatre quotidiens publiés au Luxembourg.

Il se dégage encore du dossier administratif que le dépôt du projet de plan directeur sectoriel « Paysages » à la maison communale fut publié le 28 mai 2018 par voie d’affiches apposées dans les communes de la manière usuelle ainsi que sur les sites internet respectifs des communes et du ministère du Développement durable et des Infrastructures, de sorte que le délai endéans lequel les personnes intéressées ont pu prendre connaissance des projets de plans directeur sectoriels a couru jusqu’au 27 juin 2018.

Il est ensuite constant en cause que par courrier de son litismandataire du 11 juillet 2018, sur base de l’article 12, paragraphe (4) de la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, ci-après désignée par « la loi du 17 avril 2018 », la société (AA) présenta ses observations concernant le projet de plan directeur sectoriel « Paysages » au collège des bourgmestres et échevins de la commune de Parc Hosingen en ce que le projet en question prévoyait de classer la parcelle, prévisée, lui appartenant, dans une zone dite « coupure verte ».

Le plan directeur sectoriel « Paysages », tel que rendu obligatoire par le règlement grand-ducal du 10 février 2021, publié en date du 25 février 2021 au Mémorial n° 140, ci-aprèsdésigné par « le règlement grand-ducal du 10 février 2021 », maintient le classement de la parcelle litigieuse en zone dite « coupure verte ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2021, la société (AA) a fait introduire un recours tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 10 février 2021.

Par ordonnance du 25 mai 2023, le tribunal administratif ordonna à la société (AA) de mettre en intervention l’administration communale de Parc Hosingen, au vu du fait que « les débats portent notamment sur la question de la conformité de la loi modifiée du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, constituant la base légale du règlement grand-ducal du 10 février 2021 rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « paysages », à l’article 107 de la Constitution lequel reprend le principe de l’autonomie communale et plus concrètement sur la couverture par le prédit règlement grand-ducal d’une partie du territoire de la commune de Parc Hosingen, (…) d’une « coupure verte », de sorte que l’administration communale de Parc Hosingen est à considérer comme tiers intéressé (…) ».

Par exploit d’huissier de justice du 27 juin 2023, la requête introductive d’instance du recours sous examen fut signifiée à l’administration communale de Parc Hosignen.

1.

Quant à la compétence du tribunal et recevabilité du recours Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre du règlement grand-ducal déféré qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

2.

Quant à l’admissibilité du mémoire, intitulé mémoire en réponse, du 3 octobre 2023, de l’administration communale de Parc Hosingen et du mémoire, intitulé mémoire en réponse, du 2 novembre 2023, de la société (AA) Il convient ensuite d’analyser la question de l’admissibilité du mémoire, intitulé mémoire en réponse, du 3 octobre 2023, de l’administration communale de Parc Hosingen déposé au greffe du tribunal administratif suite à sa mise en intervention ordonnée par le tribunal en date du 25 mai 2023, ainsi que du mémoire subséquent, intitulé mémoire en réponse, du 2 novembre 2023, de la société (AA), question soulevée d’office par le tribunal à l’audience publique du 28 avril 2025.

Dans la mesure où il ne se dégage ni de la lecture du mémoire du 3 octobre 2023 de l’administration communale de Parc Hosingen ni d’un quelconque autre élément soumis au tribunal que la commune a entendu procéder à une intervention volontaire dans le cadre de la présente procédure, mais qu’il est, en revanche, constant en cause que son intervention a été ordonné par le tribunal en date du 25 mai 2023 conformément à l’article 4 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, l’article 20 de la même loi ne trouve pas d’application en l’espèce.

Il en résulte qu’à défaut d’avoir obtenu l’autorisation du président du tribunal ou du président de la deuxième chambre de déposer un mémoire supplémentaire, conformément àl’article 7 de la loi précitée du 21 juin 1999, le tribunal est amené à écarter ce mémoire supplémentaire du 3 octobre 2023, intitulé mémoire en réponse, des débats.

Pour ces mêmes motifs, il échet également d’écarter le mémoire supplémentaire subséquent de la société (AA) du 2 novembre 2023, intitulé mémoire en réponse, des débats, étant encore précisé, à toutes fins utiles, que suite à la mise en intervention de l’administration communale de Parc Hosingen ordonnée par le tribunal le 25 mai 2023, ce dernier a, par avis du 24 novembre 2023, fixé des délais pour permettre à toutes les parties en cause de déposer un mémoire supplémentaire et que l’administration communale de Parc Hosingen, tout comme la société (AA), ont bien déposé un mémoire supplémentaire, de sorte qu’aucune violation du principe du contradictoire ni des droits de la défense ne saurait être constaté.

3.

Quant au fond La société demanderesse invoque plusieurs moyens d’annulation, à savoir :

− l’absence de motifs à la base du règlement grand-ducal litigieux ;

− la violation du principe de l’autonomie communale ;

− la contrariété de la zone « coupure verte » aux objectifs énoncés à la loi du 17 avril 2018 ;

− la violation de l’article 16 de la Constitution ;

− la rupture d’égalité devant les charges publiques ;

− la violation du principe de confiance légitime.

3.1.

Quant au moyen de légalité externe tendant à l’absence de motifs à la base du règlement grand-ducal du 10 février 2021 Arguments des parties A l’appui de ce moyen la société demanderesse se prévaut d’une « absence [de] motifs à la base de la décision querellée » et estime que la zone « coupure verte » serait contraire aux objectifs prescrits aux « articles 1er et 8 » de la loi du 17 avril 2018 en ce que, selon elle, ladite zone ne reposerait sur aucune considération circonstanciée et que le but poursuivi par le pouvoir réglementaire en mettant en place de telles zones serait contraire à l’intérêt général pour être déjà rempli par d’autres outils législatifs, à savoir la zone verte, la zone Natura 2000 et la zone protégée d’intérêt national, prévues par la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ainsi que par des outils en matière d’urbanisme prévus par la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

La société demanderesse souligne plus particulièrement que les objectifs poursuivis par la « coupure verte » seraient des objectifs généraux et ne lui permettraient pas de saisir concrètement les raisons du classement de sa propre parcelle en « coupure verte » par rapport à d’autres parcelles, tout en relevant qu’il n’y aurait, en définitive, pas de corrélation entre les objectifs prescrits par la loi du 17 avril 2018 et la délimitation de la zone « coupure verte », respectivement le classement de sa propre parcelle dans une telle zone.

Elle insiste, dans ce contexte, sur le fait qu’une analyse des « coupures vertes » à l’échelle communale, puis à l’échelle régionale, et enfin à l’échelle nationale, permettrait de serendre compte de la grande incohérence qui résiderait dans le choix des parcelles qui mériteraient d’être intégrées dans la « coupure verte », et celles qui peuvent en être dispensées.

En renvoyant à la partie graphique de la « coupure verte » litigieuse, la société demanderesse relève qu’il serait impossible de comprendre les raisons qui ont conduit à l’intégration de sa parcelle dans ladite « coupure verte », ce d’autant plus que, selon elle, de nombreux arguments tenant aux caractéristiques propres à sa parcelle, qu’elle développe plus amplement dans son recours, plaideraient pour l’en sortir.

Au vu de ces considérations, le classement litigieux serait dépourvu de motifs.

La partie étatique quant-à-elle conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal A titre liminaire, il échet de préciser qu’il n’existe aucune disposition légale ou réglementaire spécifique exigeant l’indication formelle des motifs à la base des actes administratifs à caractère réglementaire. Au-delà de cette absence, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent cependant reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité.

En invoquant en l’espèce une « absence [de] motifs à la base de la décision querellée », la société demanderesse conteste l’existence de motifs légaux à la base du règlement grand-

ducal du 10 février 2021.

Force est au tribunal de constater que la base légale du règlement grand-ducal du 10 février 2021 est formée par la loi du 17 avril 2018. Ainsi, le règlement grand-ducal du 10 février 2021 indique être fondé notamment sur les articles 1er, 11, 12 et 20 de la loi du 17 avril 2018.

L’article 1er de ladite loi définit les objectifs de l’aménagement du territoire. Dans ce contexte, la partie étatique renvoie à juste titre plus particulièrement à l’article 11 du règlement grand-ducal du 10 février 2021, lequel précise que les « coupures vertes » poursuivent les objectifs énumérés à l’article 1er, paragraphe 2, points 5°, 7° et 8° de la loi du 17 avril 2018, aux termes duquel : « (…) (2) Dans le cadre des objectifs du paragraphe 1er, l’aménagement du territoire participe à travers les instruments du plan directeur sectoriel et du plan d’occupation du sol, définis respectivement aux articles 9 à 11 et 15 à 17 à la mise en œuvre de mesures destinées à : (…) 5° préserver des fonctions et services écologiques au profit des régions urbanisées ;

(…) 7° créer des structures urbaines compactes en interdisant localement la création de nouveaux îlots urbanisés et d’espaces bâtis contigus ou tentaculaires sous forme de bandes continues ;

8° maintenir des surfaces de régulation climatique, des corridors écologiques entre les différents habitats et biotopes naturels ; (…) ».

Il s’ensuit qu’indépendamment de toute question relative à l’opportunité d’adopter le règlement grand-ducal du 10 février 2021, la motivation à la base de son adoption ressort bien d’une lecture combinée des articles 1er de la loi du 17 avril 2018 et 11 du règlement grand-ducal lui-même.

Si la société demanderesse conteste encore plus concrètement que la parcelle litigieuse lui appartenant aurait été recouverte en l’absence de toute motivation d’une coupure verte par le règlement grand-ducal du 10 février 2021, force est au tribunal de constater que la partie étatique se réfère à cet égard au document intitulé « Coupures vertes – Konkretisierung der Grünzäsuren im Maẞstab der örtlichen Planung » élaboré sous la responsabilité du ministère du Développement durable et des Infrastructures en mai 2018, expliquant les objectifs de la zone « coupure verte » au lieu-dit … comme suit : « Vermeidung des vollständigen Zusammenwachsens eigenständiger Siedlungsbereiche entlang der Nationalstraẞe N7 (…) Vernetzungsachse zwischen den westlich und östlich gelegenen Natura-2000- Gebieten » ».

A cet égard, le tribunal arrive donc également à la conclusion qu’outre toute considération quant au bien-fondé de la motivation ainsi avancée, une telle motivation a bien été invoquée par la partie étatique à l’appui de la couverture de la parcelle litigieuse d’une « coupure verte », de sorte que le moyen de la société demanderesse tiré de l’absence de motivation à la base du règlement grand-ducal déféré est à rejeter pour ne pas être fondé.

La conclusion qui précède n’est pas énervée par l’argumentation de la partie demanderesse selon laquelle le but poursuivi par le pouvoir réglementaire en adoptant le règlement grand-ducal déféré serait contraire à l’intérêt général et selon laquelle les objectifs énoncés par la loi du 17 avril 2018 seraient d’ores et déjà remplis par d’autres dispositions législatives et règlementaires. En effet, lesdits développements de la société demanderesse ont trait au bien-fondé du classement urbanistique de la parcelle litigieuse, respectivement à l’opportunité d’adopter le règlement grand-ducal du 10 février 2021 et ne relèvent partant pas de la question de la légalité externe du règlement grand-ducal déféré respectivement échappent au contrôle des juridictions administratives, de sorte qu’ils ne sont pas pertinents et à rejeter à ce niveau de l’analyse du tribunal portant sur la légalité externe du règlement grand-ducal du 10 février 2021.

3.2.

Quant au moyen tiré d’une violation du principe de l’autonomie communale Arguments des parties A l’appui de ce moyen, la société demanderesse, après avoir cité l’article 107 de la Constitution et la jurisprudence des juridictions administratives en matière d’autonomie communale, estime que l’aménagement communal et la détermination du périmètre d’extension relèveraient de la sphère de compétence des communes, de sorte que la « coupure verte », en interdisant d’office à la commune d’étendre leurs zones urbanisées ou destinées à être urbanisées, la priverait de tout pouvoir d’appréciation et d’initiative sur son territoire et serait dès lors contraire au principe de l’autonomie communale.

La partie étatique estime que l’argumentation de la société demanderesse perdrait de vue que l’autonomie communale devrait composer avec l’intérêt national, c’est-à-dire l’intérêt général, dont la définition appartiendrait au parlement et au gouvernement. Tel serait précisément le but de la politique de l’aménagement du territoire, laquelle pourrait décider, dans un intérêt dépassant les « intérêts propres » des communes individuelles de l’aménagement du territoire national.

Elle renvoie à l’avis du Conseil d’Etat émis à l’égard du projet de loi numéro 66941 destiné d’apporter des modifications à la loi du 17 avril 2018. Ledit avis, aux termes duquel « Le principe même de l’alignement obligatoire des plans d’aménagement des communes aux plans directeurs sectoriels de l’Etat ne saurait pas être mis en cause en raison de l’essence supérieure des objectifs nationaux en matière d’aménagement du territoire par rapport aux options locales prises en la matière par les communes en ce qui concerne l’aménagement local », correspondrait à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur le sens de l’autonomie communale, laquelle aurait renvoyé à l’article 9 de la Charte européenne de l’autonomie locale faite à Strasbourg le 15 octobre 1985, approuvée par la loi du 18 mars 1987, désignée ci-après par « la Charte », qui appliquerait les mêmes principes que l’article 4 de la même Charte. La partie étatique en conclut que ni l’article 107 de la Constitution, ni la Charte ne donneraient une autonomie complète aux collectivités locales. Les deux dispositions permettraient, au contraire, à la loi d’intervenir « dans un cadre plus large, en l’occurrence national, correspondant à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ». Il s’agirait-là de la définition même de l’aménagement du territoire. Dès lors, la loi du 17 avril 2018 ne serait pas contraire ni à la Constitution, ni au droit international en ce qu’elle n’enlèverait pas aux communes toute compétence pour arrêter leurs plans d’aménagement général, là où seuls les intérêts des communes elles-mêmes seraient en cause. La partie étatique insiste plus particulièrement sur le fait que lorsque l’intérêt national serait en cause, la Constitution et la Charte permettraient au législateur d’habiliter le pouvoir réglementaire national afin d’arrêter des plans directeurs sectoriels.

Dans le cadre de son mémoire supplémentaire, l’administration communale, quant à elle, se rallie à l’argumentation étatique.

La société demanderesse, après avoir exprimé ses regrets concernant l’attitude communale de se rallier simplement à l’argumentation étatique, souligne dans son mémoire supplémentaire que l’autonomie communale serait un pilier essentiel de l’ordre juridique et que l’organisation des communes serait fondée sur ce principe.

Elle estime que l’autonomie communale ne devrait pas être sacrifiée au profit de l’intérêt national et que l’intérêt national ne devrait pas être assimilé à l’intérêt général, dans la mesure où ce dernier regrouperait l’intérêt des citoyens, l’intérêt communal et l’intérêt national.

Ainsi, il serait important de trouver un équilibre entre ces deux notions et l’Etat devrait viser à promouvoir l’intérêt général tout en respectant les compétences et responsabilités des collectivités locales.

La société demanderesse souligne qu’en l’espèce, il n’y aurait aucune atteinte à l’intérêt national si la parcelle litigieuse était classée en dehors de la zone « coupure verte », de sorte que l’argumentation étatique concernant l’intérêt national du plan directeur sectoriel « Paysages » serait certes valide en théorie et de manière abstraite, mais pas dans le cas d’espèce. Il ne serait ainsi pas dans l’intérêt national de restreindre les possibilités de développement sur la parcelle litigieuse, de sorte que l’argumentation étatique relative à l’intérêt national ne serait pas valable dans son cas concret. Elle souligne dans ce contexte que sa parcelle litigieuse serait entièrement viabilisée et constituerait le dernier terrain de la localité, de sorte qu’il serait logique de considérer qu’elle serait destinée à un usage urbain plutôt qu’à une conservation naturelle. En effet, située en zone verte, la parcelle litigieuse pourrait être reclassée en zone constructible au moment où la commune le jugerait opportun, mais 1 doc.parl. n° 6694, p.4.deviendrait non aedificandi du fait du plan directeur sectoriel « Paysages », dans la mesure où la commune perdrait toute compétence et marge décisionnelle pour un futur reclassement de la parcelle en question.

Elle souligne également qu’il résulterait du principe de subsidiarité que les décisions devraient être prises au niveau le plus proche des citoyens et que les autorités supérieures ne devraient intervenir que lorsque les autorités inférieures ne pourraient efficacement prendre les décisions nécessaires, de sorte que le règlement grand-ducal du 10 février 2021 enfreindrait encore le principe de subsidiarité. Le classement en « coupures vertes » restreignait ainsi considérablement la marge de manœuvre de la commune dans la gestion de son territoire, dans la mesure où, en l’espèce, le règlement grand-ducal du 10 février 2021 limiterait, par le classement de la parcelle litigieuse, la capacité de la commune à répondre aux besoins spécifiques de sa population et à assurer un développement harmonieux de son territoire.

La société demanderesse fait également valoir que l’intérêt communal ne serait pas statique, mais dynamique, et pourrait évoluer au fil du temps en fonction des besoins changeants de la population, des nouvelles opportunités de développements, des défis environnementaux ou autres facteurs et devrait être considéré dans une perspective à long terme, de sorte qu’il serait crucial de prendre en compte les développements futurs et les éventuels changements dans la politique d’aménagement du territoire. Or, par le classement des zones en « coupure verte », toute initiative de la commune sur ces zones serait bloquée pour les années à venir et elle ne serait plus en mesure de répondre de manière adéquate et opportune aux intérêts communaux.

Un tel classement porterait encore atteinte à l’équilibre des pouvoirs entre les différents échelons national et communaux, en renforçant la centralisation au détriment de la décentralisation.

La partie étatique maintient dans son mémoire supplémentaire sa contestation de toute violation du principe constitutionnel de l’autonomie communale.

Elle estime que le principe de l’autonomie communale ne serait qu’une expression plus concrète du principe de subsidiarité et que ce premier principe ne serait pas méconnu du fait d’une réglementation nationale répondant à une stratégie nationale d’aménagement du territoire adoptée au terme d’une procédure qui associerait les communes concernées. Selon elle, les procédures nationales ne sauraient être contredites, sans perdre complètement leur effet utile, par une décision individuelle d’une commune qui souhaiterait procéder à une urbanisation plus poussée de son territoire. Or, un aménagement du territoire sur le plan national entraînerait nécessairement la définition, sur le plan national et non sur un plan purement communal, des règles par lesquelles se définit l’aménagement du territoire.

La partie étatique cite dans ce contexte le rapport final de la Commission du développement durable de la Chambre des députés sur le projet de loi ayant abouti à la loi du 17 avril 2018, aux termes duquel « Lors des dernières trente années, le Luxembourg a connu une expansion économique et démographique importante qui n’est pas restée sans conséquences néfastes au niveau de la consommation en terrains, de la structuration des agglomérations, villes et villages ainsi que de la mobilité. Afin de contrecarrer cette évolution allant à l’encontre de la qualité de vie des citoyens et citoyennes et mettant en danger les espaces naturels du pays, une meilleure coordination des différentes fonctions de même que la mise en place d’une stratégie à moyen et long terme se sont avérées indispensables », poursouligner qu’une telle coordination et mise en place d’une stratégie à moyen et long terme, ne pourrait pas être effectuée unilatéralement au niveau communal.

Elle souligne finalement que les communes pourraient, à tout moment, adresser une demande d’adaptation du plan directeur sectoriel à la commission de suivi créée à cette fin spécifique par l’article 14 de la loi du 17 avril 2018, de sorte qu’il serait inexact de soutenir que toute initiative de la commune sur les zones « coupures vertes » serait bloquée pour les années à venir.

Analyse du tribunal Le tribunal précise que parallèlement au recours sous examen il a été saisi de plusieurs recours dirigés contre le règlement grand-ducal du 10 février 2021, dans le cadre desquels le moyen tiré d’une violation du principe de l’autonomie communale a également été soulevé.

Dans le jugement du 17 avril 2015, inscrit sous le numéro 46044 du rôle, pris précisément dans le cadre desdits recours introduits à l’encontre du règlement grand-ducal du 10 février 2021, il a été retenu ce qui suit :

« (…) A titre liminaire, il échet de préciser qu’à travers quatre lois du 17 janvier 20232, une révision de la Constitution a été opérée. Le tribunal étant saisi en l’espèce d’un recours en annulation, il lui appartient d’apprécier la régularité de l’acte réglementaire déféré en considération de la situation de droit et de fait telle qu’elle s’est présentée au moment de l’adoption dudit acte réglementaire. Il s’ensuit qu’aux fins de l’analyse de la régularité du règlement grand-ducal déféré du 10 février 2021, il y a lieu d’appliquer la version de la Constitution telle qu’elle était en vigueur en date dudit 10 février 2021.

Aux termes de l’article 107 (1) de la Constitution dans sa version en vigueur au moment de l’adoption du règlement grand-ducal du 10 février 2021 : « (1) Les communes forment des collectivités autonomes, à base territoriale, possédant la personnalité juridique et gérant par leurs organes leur patrimoine et leurs intérêts propres. ». Ledit article consacre dès lors le principe de l’autonomie communale lequel est à apprécier à l’aune des dispositions de la Charte en ce qu’elles se recouvrent avec celles de la Constitution3/4. En application dudit 2 Loi du 17 janvier 2023 portant révision du chapitre VI. de la Constitution ; Loi du 17 janvier 2023 portant révision des Chapitres Ier, II, III, V, VII, VIII, IX, X, XI et XII de la Constitution ; Loi du 17 janvier 2023 portant révision du chapitre II de la Constitution ; Loi du 17 janvier 2023 portant révision des chapitres IV et Vbis de la Constitution, entrées en vigueur le 1er juillet 2023 3 Cour const. 8 décembre 2017, n°131/17 4 Article 3 de la Charte : « (…) Article 3 Concept de l’autonomie locale 1. Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.

2. Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d’organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi. ».

Article 4 de la Charte : « Article 4 Portée de l’autonomie locale 1. Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n’empêche pas l’attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi.

2. Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité.

principe, les communes gèrent par leurs organes, leur patrimoine et leurs intérêts propres5.

En consacrant ledit principe, le législateur constitutionnel luxembourgeois a voulu insister sur le droit pour les autorités communales de prendre des décisions propres, allant au-delà d’une simple exécution des lois et règlements de l’Etat, et obligeant les personnes soumises à son autorité6. Par ailleurs, le principe de l’autonomie communale consacré par l’article 107 de la Constitution et par la Charte implique que l’autonomie de la commune est la règle et la soumission au contrôle de l’autorité supérieure l’exception7.

Le principe de l’autonomie communale s’impose incontestablement en matière d’aménagement communal et de développement urbain8.

Toutefois, ce principe n’est pas absolu dans la mesure où tant l’article 107 de la Constitution que les dispositions de la Charte et plus particulièrement l’article 8 de la Charte9 admettent un certain contrôle des actes des collectivités locales. D’ailleurs, lors des travaux relatifs du projet de révision, notamment de l’article 107 de la Constitution, le Conseil d’Etat avait, dans son avis du 20 mars 1979, d’ores et déjà signalé que : « l’autonomie des communes n’est de loin pas absolue »10.

Concernant plus concrètement la question de la constitutionnalité soulevée en l’espèce, il échet de rappeler que la base légale du plan directeur sectoriel « Paysages » est la loi du 17 avril 2018 et plus particulièrement notamment l’article 11, (2), point 1 de ladite loi, lequel dispose que : « Le plan directeur sectoriel peut : interdire ou restreindre la possibilité des communes de désigner ou de procéder à l’extension de zones urbanisées ou destinées à être urbanisées ; (…) » et apporte, dès lors, indubitablement une limite au pouvoir des autorités communales dans la gestion de leur politique d’aménagement communal. Le litige des parties 3. L’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l’ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie.

4. Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

5.En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu’il est possible, de la liberté d’adapter leur exercice aux conditions locales.

6. Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu’il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

Article 5 : Protection des limites territoriales des collectivités locales Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet. ».

5 Cour adm. 3 mai 2018, n°40380C, Pas adm. 2023, V° Communes, n°3.

6 Rapport de la commission de la révision constitutionnelle du 12 avril 1979 ; doc. parl. 21731, cités in : Le conseil d’Etat, gardien de la Constitution et des Droits et Libertés fondamentaux, Commentaire de la Constitution luxembourgeoise article par article, Conseil d’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, 2006, p. 365 s.

7 Cour adm. 22 mars 2007, n°22256C, Pas adm. 2023, V° Communes, n°8 et les autres références y citées.

8 Cour adm. 12 mars 2019, n° 41047C, Pas. adm. 2023 V° Communes, n° 16 et Cour adm, 1er avril 2021, n°45328C, Pas. adm. 2023 V° Urbanisme, n° 1065.

9 « Article 8 Contrôle administratif des actes des collectivités locales 1. Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.

2. Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu’à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l’opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l’exécution est déléguée aux collectivités locales.

3. Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d’une proportionnalité entre l’ampleur de l’intervention de l’autorité de contrôle et l’importance des intérêts qu’elle entend préserver. ».

10 doc. parl. 21731, 22761en cause porte sur la question de savoir si cette limite contrevient au principe de l’autonomie communale, tel que consacré par à l’article 107 de la Constitution, interprété à l’aune des dispositions de la Charte et dans sa version applicable en l’espèce.

Le tribunal n’est toutefois pas compétent pour répondre à cette question étant donné qu’il ne lui appartient pas de se livrer lui-même à l’examen de la constitutionnalité d’une législation, sous peine d’empiéter sur le champ de compétence de la Cour constitutionnelle.

Ainsi, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », :« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

(…) » Force est en l’espèce au tribunal de constater que la question de constitutionnalité telle que soulevée par la société demanderesse ne peut pas être écartée pour être dénuée de tout fondement au vu des développements qui précèdent. Par ailleurs, la question ainsi soulevée n’a pas encore été soulevée dans cette forme devant, ni a fortiori résolue par, la Cour constitutionnelle. Enfin, une décision sur la question de la constitutionnalité est nécessaire à la solution du présent litige, dans la mesure où la question du respect du principe de l’autonomie communale et, plus loin, la question de la justification par l’intérêt général, voire national, de la limite imposée au pouvoir communal dans ses choix urbanistiques est sous-

jacente à l’ensemble des volets du litige opposant les parties en l’espèce.

Il échet, dès lors, de saisir la Cour constitutionnelle de la question préjudicielle plus amplement libellée au dispositif du présent jugement, étant relevée, à cet égard, que le tribunal n’est pas tenu par le libellé de la question préjudicielle tel que formulée par le demandeur.

Conformément aux articles 7 et suivants de la loi du 27 juillet 1997, il convient, dès lors, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle se soit prononcée par rapport à la question préjudicielle lui soumise, sans qu’il n’y ait lieu de trancher à ce stade les autres moyens soulevés en cause. (…) ».

Dans la mesure où la même problématique se pose en l’espèce et étant donné que le litismandataire de la société demanderesse a précisé vouloir présenter son argumentaire relatif à la question d’une éventuelle violation du principe de l’autonomie communale devant la Cour constitutionnelle et non point tenir le recours sous examen en suspens en attendant la réponse de la Cour constitutionnelle à la question dont elle est d’ores et déjà saisie à travers le jugement précité du 17 avril 2025, inscrit sous le numéro 46044 du rôle, il y a lieu de saisir la Cour constitutionnelle de la même question préjudicielle et, par conséquent, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle se soit prononcée par rapport à la question préjudicielle lui soumise, sans qu’il n’y ait lieu de trancher à ce stade les autres moyens soulevés en cause.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

écarte le mémoire, intitulé mémoire en réponse, du 3 octobre 2023, de l’administration communale de Parc Hosingen ;

écarte encore le mémoire, intitulé mémoire en réponse, du 2 novembre 2023, de la société (AA) SARL ;

avant tout autre progrès en cause, soumet à la Cour Constitutionnelle la question suivante :

« L’article 11, paragraphe (2), point 1° de la loi du 17 avril 2018, en ce qu’il constitue entre autre la base légale du règlement grand-ducal rendant obligatoire le plan directeur sectoriel « paysages », et en ce qu’il permet au plan directeur sectoriel d’interdire ou de restreindre la possibilité des communes de désigner ou de procéder à l’extension de zones urbanisées ou destinées à être urbanisées, est-il conforme au principe de l’autonomie communale tel que consacré par l’article 107 de la Constitution, interprétée à l’aune des dispositions de la Charte européenne de l’autonomie locale faite à Strasbourg le 15 octobre 1985, approuvée par la loi du 18 mars 1987 ? » ;

réserve les frais, ainsi que la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par la société demanderesse.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Géraldine Anelli, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, et lu à l’audience publique du 12 mai 2025 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 46059
Date de la décision : 12/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-12;46059 ?

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