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13/05/2025 | LUXEMBOURG | N°48523

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 mai 2025, 48523


Tribunal administratif N° 48523 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48523 4e chambre Inscrit le 10 février 2023 Audience publique du 13 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 47 (3), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48523 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 février 2023 par Maître Bénédicte SCHAEFER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à

Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Liban), de nationalité libanaise, d...

Tribunal administratif N° 48523 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48523 4e chambre Inscrit le 10 février 2023 Audience publique du 13 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 47 (3), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48523 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 février 2023 par Maître Bénédicte SCHAEFER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Liban), de nationalité libanaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 janvier 2023 portant retrait du statut de réfugié à son encontre et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître José STEFFEN, en remplacement de Maître Bénédicte SCHAEFER, et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 janvier 2025.

Le 16 novembre 2015, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Par décision du 20 avril 2017, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », accorda à Monsieur (A) le statut de réfugié, ainsi qu’une autorisation de séjour valable jusqu’au 19 avril 2022.

Suite une demande afférente du 6 juillet 2022 adressée à l'Ambassade du Liban à Bruxelles, cette dernière confirma au ministère en date du 25 novembre 2022 que Monsieur (A) est bien en possession d’un passeport libanais.

Par courrier du 29 novembre 2022, le ministre informa Monsieur (A) de son intention de lui retirer le statut de réfugié et l’invita à présenter ses observations dans un délai de huit jours. Ce courrier a la teneur suivante :

1 « (…) Je vous fais parvenir la présente afin de vous informer que je procède au réexamen de la validité de votre statut de réfugié dont vous êtes bénéficiaire depuis le 20 avril 2017 conformément aux termes de l'article 33, paragraphes (2) et (3), de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Suivant l'article 47 paragraphe (3) de la Loi de 2015 « « Le ministre révoque le statut de réfugié de tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride s'il établit, après lui avoir octroyé le statut de réfugié, que […] b) des altérations ou omissions de faits dont il a usé, y compris l'utilisation de faux documents, ont joué un rôle déterminant dans la décision d'octroyer le statut de réfugié.» Monsieur, il ressort de renseignements obtenus de la part des autorités libanaises, que vous êtes citoyen libanais alors que vous êtes en possession d'un passeport libanais portant le numéro …, émis en date du … 2003 et renouvelé le … 2012 pour une durée de cinq ans. Vous étiez ainsi en possession de ce passeport au moment de votre arrivée au Luxembourg.

Or, il s'avère que vous avez sciemment dissimulé cette information capitale tout au long de la procédure liée à votre demande de protection internationale au Luxembourg.

Force est de constater que les informations erronées que vous avez fournies aux autorités luxembourgeoises ont conduit à la décision de vous octroyer le statut de réfugié alors que depuis votre arrivée au Luxembourg vous avez affirmé être ressortissant syrien. Il convient d'ajouter que votre demande de protection internationale aurait évidemment été examinée sous un angle différent en prenant en compte votre réelle identité et nationalité qui est la nationalité libanaise.

Alors qu'il appert donc que vous tombez sous le point b) de l'article 47 paragraphe (3), précité, j'envisage de procéder à la révocation de votre protection internationale.

En vertu des dispositions de l'article 33 paragraphe (3) de la Loi de 2015, vous êtes invité à faire part des motifs pour lesquels vous estimez qu'il n'y aurait pas lieu de révoquer votre protection. Suivant les dispositions de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, vous avez la possibilité de présenter vos observations dans un délai de huit jours à partir de la réception de la présente. (…) ».

En date des 16 et 30 décembre 2022, Monsieur (A) fit parvenir plusieurs documents au ministère.

Par décision du 10 janvier 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 12 janvier 2023, le ministre retira le statut de réfugié à Monsieur (A), tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, dans les termes suivants :

« (…) En date du 20 avril 2017, le statut de réfugié vous a été accordé au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).

2 Par courrier du 29 novembre 2022, notifié en date du 2 décembre 2022, vous avez été informé de l'intention ministérielle de vous retirer votre protection internationale conformément à l'article 47 de la Loi de 2015 et de votre possibilité de faire parvenir vos observations quant aux faits indiqués dans le courrier et ce endéans un délai de huit jours.

En dates des 16 et 30 décembre 2022, alors que le délai précité était dépassé, vous avez fait parvenir à la Direction de l'immigration, un courrier contenant une copie de votre acte de naissance, une copie de l'extrait civil individuel de votre père, une copie de l'extrait familial de l'état civil des citoyens syriens arabes, une copie de l'acte de mariage de vos parents ainsi qu'une copie de la fiche d'état familial pour les syriens arabes, accompagné d'une traduction assermentée. Il convient de noter qu'aucune explication complémentaire relative à ces documents n'a été fournie de votre part, les documents n'ayant pas été accompagnés d'un quelconque courrier ou lettre explicative.

Il ressort des documents soumis que votre père était de nationalité libanaise, ce qui vient corroborer les informations déjà en notre possession. De plus, suivant la loi libanaise, un enfant né au Liban de père libanais est reconnu citoyen libanais. Aucun document que vous nous avez transmis ne permet d'infirmer le constat que vous êtes de nationalité libanaise.

Monsieur, je vous informe par la présente que votre protection internationale vous est retirée conformément à l'article 47 paragraphe (3) de la Loi de 2015 « Le ministre révoque le statut de réfugié de tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride s'il établit, après lui avoir octroyé le statut de réfugié, que […] b) des altérations ou omissions de faits dont il a usé, y compris l'utilisation de faux documents, ont joué un rôle déterminant dans la décision d'octroyer le statut de réfugié.» Tel qu'il ressort des informations reçues, il s'avère que le point b), de l'article 47(3) se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

Monsieur, il ressort de renseignements obtenus de la part des autorités libanaises, que vous êtes citoyen libanais alors que vous êtes en possession d'un passeport libanais portant le numéro …, émis en date du 10 janvier 2003 et renouvelé le 11 janvier 2012 pour une durée de cinq ans.

Or, il s'avère que vous avez sciemment dissimulé cette information capitale tout au long de la procédure liée à votre demande de protection internationale au Luxembourg et avez prétendu et continuez à prétendre être de nationalité syrienne. A aucun moment de la procédure vous n'avez fait état de cette citoyenneté libanaise.

Force est de constater que les informations erronées que vous avez fournies aux autorités luxembourgeoises ont conduit à la décision de vous octroyer le statut de réfugié alors que depuis votre arrivée au Luxembourg vous avez affirmé être ressortissant syrien. Il convient d'ajouter que votre demande de protection internationale aurait évidemment été examinée sous un angle différent en prenant en compte votre réelle identité et nationalité qui est la nationalité libanaise.

3Par conséquent, le statut de réfugié vous est retiré tel que prévu par l'article 47(1) de la Loi de 2015 et vous êtes, en vertu des dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015 dans l'obligation de quitter le territoire luxembourgeois Conformément aux termes des articles 47(3), point b), et 47(1) de la Loi de 2015, votre protection internationale est révoquée.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Liban, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 février 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 10 janvier 2023 portant retrait de son statut de réfugié et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant retrait du statut de réfugié Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions portant retrait d’un statut de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé à titre principal contre la décision du ministre du 10 janvier 2023, telle que déférée, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours le demandeur rappelle les rétroactes passés en revue ci-avant.

En droit, le demandeur conclut d’abord à une application erronée de l’article 47, paragraphes (1) et (3) de la loi du 18 décembre 2015.

A cet égard, il conteste que ses déclarations quant à sa nationalité syrienne, sur base desquelles le ministre lui aurait octroyé le statut de réfugié, seraient « erronées ».

Il s’oppose encore à l’analyse du ministre, selon laquelle il aurait rapporté lui-même la preuve qu'il aurait eu la nationalité libanaise, à travers les documents qu’il aurait versés dans le cadre de la procédure en réexamen de sa demande de protection internationale et plus particulièrement l'acte de mariage de ses parents.

Le demandeur insiste que son pays d'origine serait la Syrie et qu'il possèderait la nationalité libanaise en sus de la nationalité syrienne.

Il ressortirait ainsi de l'extrait familial de l'état civil émis par le service des affaires civiles du ministère de l'intérieur syrien en date du 27 février 2020, que son père, Monsieur …, serait né à … en 1929 de parents syriens tout comme le restant de sa famille.

Sa mère, Madame …, serait également née à … et aurait la nationalité syrienne, tel que cela ressortirait de l’acte de mariage qu’il aurait versé.

4Il estime dès lors que bien que l'acte de mariage délivré par le registre central de Damas en date du 1er décembre 2015 renseignerait la nationalité libanaise dans le chef de son père, le « lieu du registre » civil concernant son père n’y figurerait pas, de sorte que l’état lacunaire de ce document ne saurait servir de preuve à la nationalité libanaise de son père, le demandeur relevant que la mention de la nationalité libanaise dans le chef de son père ne constituerait d’ailleurs qu’une mention de complaisance, alors que ce dernier aurait, en sa qualité de journaliste démocrate, été contraint de fuir les persécutions dont aurait été victime l'intelligentsia syrienne par le régime de Hafez el-Assad.

Le demandeur donne à considérer qu’il serait né le … à … au Liban, mais qu’en 1984, suite à l'assassinat du président de la République Libanaise, Bachir GEMAYEL, attribué au régime de Damas, sa famille aurait été contrainte de fuir les représailles perpétrées contre les Syriens du Liban.

Il fait relever qu'en 2012, comme de nombreux syriens, sa famille aurait fui la guerre civile qui aurait fait rage dans leur pays d'origine, mais qu’en raison de ses origines syriennes, il se serait, à nouveau, vu contraint de quitter le Liban en 2015, alors que, tel que soutenu lors de ses entretiens en date des 27 juillet et 3 août 2016, la vie pour les Syriens au Liban aurait été difficile, rappelant qu’il aurait expliqué à ce sujet que « Quand on est au Liban ils disent qu'on est Syrien et quand on est en Syrie ils disent qu'on est Libanais ».

Le demandeur fait plaider qu’il aurait bien déclaré être né à … au Liban et avoir grandi et vécu toute sa vie en Syrie, de même que la décision de lui octroyer le statut de réfugié aurait notamment été basée sur les résultats d'un test linguistique du 7 décembre 2016, ainsi que sur le « permis de conduire syrien » qu’il aurait remis et qui renseignerait comme date de délivrance le … 2011, attestant dès lors de sa nationalité syrienne.

Il aurait également correctement répondu à une panoplie de questions sur la Syrie, de même qu’il maîtriserait parfaitement le dialecte syrien, tel que cela ressortirait du test linguistique qu’il aurait passé.

Le demandeur en conclut qu’il serait établi qu’il serait un ressortissant syrien, que les affirmations faites sur son origine et sa nationalité syrienne ne seraient pas erronées et qu’il aurait transmis tous les documents en sa possession sans aucune intention de dissimulation.

En ce qui concerne les informations fournies par l'Ambassade du Liban en date du 25 novembre 2022, le demandeur estime que ces dernières ne permettraient pas d'attester de sa nationalité libanaise, en faisant remarquer que son père ne serait pas mentionné et que seul le prénom de sa mère y figurerait, sans indication de nationalité. Par ailleurs, aucune photographie ni empreinte ni aucun autre moyen d'identification ne permettrait de s'assurer que le document se référerait bien à lui, sauf à prouver que le …, date de sa naissance, il aurait été l'unique nouveau-né de … dont la mère se prénommerait ….

Il s’ensuivrait que cette pièce serait dès lors à écarter, alors qu’il ne saurait en être déduit un quelconque acte de dissimulation dans son chef de nature à entraîner la révocation de son statut de réfugié.

Par contre, l'unique document pouvant l’identifier avec certitude serait son permis de conduire, délivré en date du … 2011, lequel attesterait de sa nationalité syrienne.

5Ainsi, en l'absence de dissimulation dans son chef, sa nationalité syrienne serait dûment établie, de sorte qu’il ne saurait être fait application de l’article 47, paragraphes (1) et (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Il est constant en cause que le ministre a considéré que le statut de réfugié devait être retiré à Monsieur (A) sur base de l’article 47, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, « (1) Le ministre révoque le statut de réfugié octroyé à un ressortissant de pays tiers ou à un apatride, lorsque le réfugié a cessé de bénéficier de ce statut en vertu de l’article 44. », ainsi que sur base du point b) de l’article 47, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, lequel dispose que « (3) Le ministre révoque le statut de réfugié de tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride s’il établit, après lui avoir octroyé le statut de réfugié, que: (…) b) des altérations ou omissions de faits dont il a usé, y compris l’utilisation de faux documents, ont joué un rôle déterminant dans la décision d’octroyer le statut de réfugié. ».

Force est d’abord de relever qu’il ressort d’une note au dossier administratif du 13 avril 2017 que l’agent en charge de l’instruction de la demande de protection internationale du demandeur a suggéré l’octroi d’un statut de réfugié au demandeur au motif que, même en l’absence d’un document d’identité, l’origine syrienne du demandeur pourrait être établie sur base du test linguistique et qu’au vu du fait qu’un retour au Liban ne serait pas envisageable faute d’une autorisation de séjour dans ledit pays.

Si le demandeur, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, insiste principalement sur le fait qu’il serait bien de nationalité syrienne, force est cependant de relever que ses arguments relatifs au caractère non probant des documents invoqués par le ministre pour établir sa nationalité libanaise laissent d’être pertinents, alors qu’il est expressément en aveu de posséder également « la nationalité libanaise en sus de la nationalité syrienne »1.

Ainsi, le constat du ministre selon lequel ce dernier possède bien la nationalité libanaise, basé sur le courrier de l’ambassade du Liban du 25 novembre 2022, tel que corroboré par l’acte de naissance du demandeur qu’il a versé lui-même, ne saurait valablement être mis en cause.

Il s’ensuit qu’en raison de l’existence de cette nationalité libanaise, circonstance que le demandeur a toujours tue jusqu’ici, ses explications, fournies à l’appui de sa demande de protection internationale, tel que consignées dans son rapport d’audition des 27 juillet et 3 août 2016, selon lesquelles, il n’aurait que la nationalité syrienne, de sorte à n’avoir aucune possibilité de séjour au Liban sans un garant libanais, ne correspondent pas à la vérité.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a pu lui retirer le statut de réfugié sur la base de l’article 47, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, alors que l’omission de faire état de sa nationalité libanaise a joué un rôle déterminant dans la décision de lui octroyer le statut de réfugié, étant rappelé, tel que relevé ci-avant, que la circonstance que le demandeur avait déclaré ne pas avoir la possibilité de s’installer au Liban pour se mettre à l’abri des persécutions risquées en Syrie, a été un élément déterminant dans l’attribution, dans son chef, d’un statut de protection internationale au Luxembourg.

1 Requête introductive d’instance déposée au tribunal administratif le 10 février 2023, p. 3.

6 Il s’ensuit que le recours dirigé contre la décision de retrait du statut de réfugié encourt le rejet, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur l’autre base légale invoquée par le ministre.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal à l’encontre de la décision ministérielle du 10 janvier 2023 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de ce volet du recours, le demandeur sollicite la réformation de l’ordre de quitter le territoire pour violation du principe de non-refoulement tel que consacré à l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ainsi qu’à l’article « 14 » de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », interdisant les expulsions ou refoulement de réfugiés sur les frontières des territoires où leur liberté serait menacée.

Il invoque ensuite une violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH », et de l’article 4 de la Charte, au motif qu'en raison de son origine et de sa nationalité syrienne et compte tenu des nombreuses expulsions des réfugiés syriens ayant lieu au Liban, il risquerait, à son arrivée au Liban, d'être refoulé vers la Syrie où il subirait des traitements inhumains et dégradants, tel que relaté dans un article de presse en ligne ReliefWeb du 7 juillet 2022, intitulé « Liban : L'expulsion des réfugiés syriens est inhumaine et constitue une menace réelle pour leur sécurité ».

En tout état de cause, étant ressortissant syrien, l'ordre de quitter le territoire aurait pour effet de le renvoyer en Syrie, faute notamment de disposer d'une autorisation de séjour dans un quelconque autre pays.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

A défaut de restriction prévue à cet égard, cette disposition légale a également vocation à s’appliquer à un ordre de quitter le territoire contenu dans une décision portant révocation du statut de réfugié prise en application de l’article 47, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a retiré le statut de réfugié au demandeur, le ministre pouvait a priori valablement assortir ladite décision d’un ordre de quitter le territoire.

7 En ce qui concerne la violation alléguée du principe de non-refoulement, ainsi que des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, il échet de constater, en ce qui concerne les risques prétendument encourus par le demandeur en cas de retour dans son pays d’origine, que le tribunal vient de conclure ci-avant que le demandeur pourra, en tout état de cause, se réclamer de la protection du Liban, pays dont il a la nationalité, conclusion dont le tribunal ne saurait actuellement se départir à ce niveau-ci de son analyse.

Il s’ensuit que le demandeur ne justifie pas devoir subir, dans son pays d’origine, le Liban, les persécutions qu’il a craint subir en Syrie. Au vu de sa nationalité libanaise, il ne saurait pas non plus faire état du traitement jugé contraire aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, par les autorités libanaises, à l’encontre des ressortissants syriens se trouvant sur le territoire Liban sans autorisation de séjour.

Le tribunal estime, dès lors, qu’il n’existe pas de risque suffisamment réel pour que l’ordre de quitter le territoire soit, dans ces circonstances, incompatible avec les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, voire avec le principe de non-refoulement prévu par l’article 33 de la Convention de Genève, de sorte que les moyens afférents encourent le rejet.

S’agissant finalement de l’article 14 de la Charte, relatif au droit à l’éducation, ce moyen est à écarter pour ne pas être pertinent en l’espèce, faute pour le demandeur d’avoir précisé dans quelle mesure cette disposition aurait été méconnue par le ministre, de sorte que ce moyen simplement suggéré encourt le rejet, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence du demandeur en recherchant lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Il s’ensuit que le volet du recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 10 janvier 2023 portant retrait du statut de réfugié à Monsieur (A) ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 10 janvier 2023 portant ordre de quitter le territoire dans le chef de Monsieur (A) ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre lesdites décisions ministérielles du 10 janvier 2023 ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 mai 2025 par :

8 Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 48523
Date de la décision : 13/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-13;48523 ?

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