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14/05/2025 | LUXEMBOURG | N°48050

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2025, 48050


Tribunal administratif N° 48050 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48050 5e chambre Inscrit le 14 octobre 2022 Audience publique 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A1) et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48050 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2022 par Monsieur (A1) et Madame (A2), demeurant ensemble à … (France), dirigée contre une décision du directeur de l’

administration des Contributions directes du 20 septembre 2022, référencée sous le n...

Tribunal administratif N° 48050 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48050 5e chambre Inscrit le 14 octobre 2022 Audience publique 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A1) et consort, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48050 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2022 par Monsieur (A1) et Madame (A2), demeurant ensemble à … (France), dirigée contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 septembre 2022, référencée sous le numéro … du rôle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur (A1) en ses explications et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 20 novembre 2024.

Le 26 avril 2021, le bureau d’imposition, … – Section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », réceptionna la déclaration pour l’impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 2020 datée du 21 avril 2021, déposée par Monsieur (A1) et Madame (A2), ci-après désignés par les « consorts (A) ».

En date du 6 juin 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard des consorts (A) le bulletin de l’impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 2020 accompagné d’une fiche établie sur base de l’article 134 LIR fixant le taux d’impôt global applicable au revenu imposable des consorts (A) pour l’année d’imposition 2020 à 10,70%.

En date du 6 juillet 2022, le bureau d’imposition émit à l’égard des consorts (A) le bulletin de l’impôt sur le revenu au titre de l’année d’imposition 2021 accompagné d’une fiche établie sur base de l’article 134 LIR fixant le taux d’impôt global applicable au revenu imposable des consorts (A) pour l’année d’imposition 2021 à 10,98%.

Par courrier du 11 juillet 2022, réceptionné par la direction de l’administration des Contributions directes le 14 juillet 2022, les consorts (A) firent introduire une réclamation contre les prédits bulletins d’imposition des années 2020 et 2021, émis respectivement le16juin 2021, et le 6 juillet 2022, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », dans le cadre de laquelle ils demandèrent « plus d’éclaircissement concernant les impôts 2020 & 2021 en classe 2 », en expliquant qu’au vu d’une « simulation [effectuée] sur internet » ils seraient amenés à conclure à une « exagération sur la somme réclamée pour les années 2020 & 2021 ».

En date du 20 septembre 2022, le directeur émit une décision par laquelle il déclara la réclamation irrecevable pour cause de tardivité pour autant qu’elle était dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020 et rejeta la réclamation comme étant non fondée pour autant qu’elle était dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2021. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 14 juillet 2022 par les époux, le sieur (A1) et la dame (A2), demeurant à …, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2020 et 2021, émis respectivement en date du 16 juin 2021 et du 6 juillet 2022 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires si elles sont connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser ;

Du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020 Considérant qu’aux termes des §§ 228 et 246 AO, dont la règle est reprise dans l’instruction sur les voies de recours figurant au bulletin entrepris, le délai de réclamation est de trois mois et court à partir de la notification, qui en cas de simple pli postal, est présumée accomplie le troisième jour ouvrable après la mise à la poste ; que lorsque le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou un jour férié de rechange, ce délai est prorogé jusqu’au prochain jour ouvrable ;

Considérant que le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020, émis en date du 16 juin 2021 a été notifié le 19 juin 2021, de sorte que le délai a expiré le 21 septembre 2021 ; que la réclamation, introduite en date du 14 juillet 2022, est donc tardive ;

Considérant qu’aux termes du § 83 AO ce délai est un délai de forclusion ;

Considérant qu’aux termes du § 252 AO la réclamation tardive est irrecevable ;

Du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2021 Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

2 Considérant qu’il ressort de leur requête que les réclamants se sentent lésés par la cote d’impôt fixée à travers le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2021 et qu’ils demandent le réexamen intégral du dossier fiscal ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que pour l’année d’imposition litigieuse, les réclamants, résidents de la France, sont en principe imposables au Luxembourg d’après les dispositions particulières concernant les contribuables non résidents prévues aux articles 156 à 157ter de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) ;

Considérant qu’en vertu de l’article 157bis, alinéa 2 L.I.R. les contribuables non résidents, mariés, réalisant des revenus professionnels imposables au Grand-Duché, sont rangés dans la classe d’impôt 1 ;

Considérant que l’article 157bis, alinéa 3 L.I.R. dispose que, par dérogation aux dispositions de l’alinéa 2, les contribuables non résidents, mariés, sont, pour autant qu’ils réalisent des revenus indigènes passibles de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires, soumis à une retenue d’impôt sur les traitements et salaires déterminée par application d’un taux correspondant à celui qui serait applicable en cas d’imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l’article 157ter L.I.R., à condition que les deux conjoints demandent conjointement l’inscription de ce taux sur la fiche de retenue ; que, nonobstant l’article 157, alinéas 3 et 4 L.I.R., la demande d’inscription du taux sur la fiche de retenue applicable au cours d’une année d’imposition entraîne obligatoirement, après la fin de l’année d’imposition, une imposition collective par voie d’assiette suivant les modalités de l’article 157ter L.I.R., à moins que les époux ne demandent conjointement, dans le délai légal, à être imposés individuellement, quod non en l’espèce ; qu’il s’avère qu’un taux de 10,57% a été inscrit sur les fiches de retenue d’impôt 2021 des réclamants ;

Considérant que dans leur requête les réclamants exposent, sur base de différents calculs, pourquoi, selon leur avis, il y aurait une « exagération sur la somme réclamée pour les années 2020 & 2021 » ; qu’ils s’expriment entre autres comme suit : « Pour l’année 2021 avec un salaire imposable de (…)€…. (…)€ de plus qu’en 2020, vous nous réclamez en sus (…)€. » ;

Considérant qu’à cet endroit, il importe de souligner qu’une comparaison entre des bulletins pour l’impôt sur le revenu de différentes années d’imposition ne fait pas partie du devoir du directeur ; qu’il en est de même en ce qui concerne la recherche des raisons à l’origine d’une éventuelle divergence entre le taux inscrit sur la fiche de retenue d’impôt et le taux d’impôt global déterminé dans le cadre d’une imposition définitive par voie d’assiette ;

que le réexamen intégral conformément aux dispositions du § 243 AO, se limite au bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2021, celui-ci constituant, de fait, la base légale définitive servant à l’établissement de la cote d’impôt due au titre du revenu de l’année 2021 ;

3 Considérant qu’à cet endroit, il y a lieu de remarquer que les inscriptions sur les fiches de retenue d’impôt émises par les bureaux d’imposition compétents n’ont qu’un caractère provisoire, notamment dans le chef des contribuables dont les revenus soumis à la retenue d’impôt font l’objet d’une imposition par voie d’assiette, tel qu’en l’espèce ; que le taux d’imposition inscrit sur la fiche de retenue d’impôt correspond soit au taux déterminé sur base des données fournies par les contribuables concernés dans le cadre d’une demande d’inscription ou de modification du taux prévu à l’article 157bis, alinéa 3 L.I.R., soit au taux d’impôt global résultant de la dernière imposition par voie d’assiette ; que l’impôt sur le revenu définitivement dû pour une année d’imposition déterminée est à fixer par le bureau d’imposition compétent pour l’imposition par voie d’assiette, sur base de la déclaration d’impôt sur le revenu et compte tenu des indications et pièces à l’appui, relatives aux revenus et dépenses de l’année d’imposition concernée ; que ce n’est d’ailleurs qu’après la fin de l’année d’imposition que le montant exact et définitif des revenus et dépenses est connu ;

Considérant qu’après examen de la déclaration pour l’impôt sur le revenu litigieuse, ainsi que des pièces à l’appui jointes, il y a lieu de retenir que le bureau d’imposition a correctement déterminé le revenu net provenant de pensions ou de rentes des époux, le montant déductible à titre de primes d’assurances et de cotisations à une mutuelle en vertu des articles 109 et 111 L.I.R., les charges extraordinaires au sens de l’article 127 L.I.R., ainsi que le montant des cotisations sociales déductibles ; qu’en outre, les calculs effectués par le bureau d’imposition, notamment au niveau de la détermination du revenu imposable ajusté et de la cote d’impôt, sont corrects et ne prêtent pas à critique ;

Considérant à titre superfétatoire que les requérants négligent, dans leurs calculs comparatifs fondant leurs griefs, de tenir compte de la différence respectivement entre montants totaux de l’impôt sur le revenu dû pour chacune des années concernées et imputations des différents montants des retenues d’impôt, la différence en résultant étant sensiblement inférieure au résultat de leurs calculs ;

Considérant qu’il ressort de tout ce qui précède que l’imposition de l’année 2021 est correcte et dès lors à confirmer ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 octobre 2022, inscrite sous le numéro 48050 du rôle, les consorts (A) ont introduit un recours contre la décision du directeur précitée du 20 septembre 2022, portant rejet de leur réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2020 et 2021.

Avant même de procéder à l’analyse du recours sous examen, il échet de préciser que le tribunal ne prendra pas en compte les courriers lui envoyés par les consorts (A) en date des 13 et 20 novembre 2024 étant donné qu’ils ne remplissent pas les conditions légales énoncées par la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par la loi du 21 juin 1999, pour pouvoir être considérés comme mémoires en réplique, dans la mesure où ils ont été déposés au tribunal largement en dehors des délais légaux prévus pour le dépôt d’un tel mémoire en réplique.

I.) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours A titre liminaire et quant à la compétence des juridictions administratives en matière fiscale, il convient de rappeler que celle-ci leur est attribuée à travers l’article 8, paragraphe 1erde la loi modifiée du 7 novembre 1996, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », selon lequel le tribunal administratif est compétent pour connaître des contestations relatives aux impôts directs de l’Etat, à l’exception des impôts dont l’établissement et la perception sont confiés à l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et à l’administration des Douanes et Accises, ainsi que celles relatives aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires.

Le recours contentieux sous examen introduit par les consorts (A) a trait en substance à des contestations relatives aux impôts directes, alors qu’il est dirigé contre la décision précitée du directeur du 20 septembre 2022, portant rejet de leur réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2020 et 2021 de sorte que le tribunal est a priori compétent pour en connaître, en vertu du de l’article 8, paragraphe (1) précité de la loi du 7 novembre 1996.

Le délégué du gouvernement invoque l’incompétence ratione materia du tribunal pour statuer sur la question de « la demande de « ristourne des sommes trop réclamées et versées » ».

Dans le cadre de leur requête introductive d’instance, les demandeurs sollicitent, en effet, « le remboursement des sommes trop versées et réclamées abusivement pour les années 2020 & 2021 ». Force est au tribunal de constater qu’il n’est pas compétent pour connaître d’une telle demande, faute de disposition légale l’investissant d'un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d'impôts1.

Il en est de même de la demande en allocation de dommages et intérêts formulée par les demandeurs dans le cadre de leur requête introductive d’instance. En effet, une demande en réparation d'un dommage, quel qu'il soit, a toujours un objet civil, de sorte que les tribunaux administratifs sont incompétents pour connaître d'une demande en allocation de dommages et intérêts2.

Le tribunal est par conséquent compétent pour connaître du recours sous examen à l’exception de la demande tendant au « remboursement des sommes trop versées et réclamées abusivement, pour les années 2020 & 2021 » et par cette-même, aussi, pour ces préjudices, des dommages et intérêts ».

Le tribunal précise ensuite que lorsque, comme en l’espèce, la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi. Ceci d’autant plus, si le demandeur n’est pas un professionnel de la postulation.

S’agissant du type de recours légalement admis, il y a lieu de constater que conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé 1 trib. adm. 6 janvier 1999, n° 10599 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n°1393, ainsi que les autres références y citées.

2 trib. adm. prés. 7 décembre 2007, n° 23703 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Compétence, n°72, ainsi que les autres références y citées.

par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.

Le recours sous examen est partant à considérer comme tendant à la réformation de la décision directoriale précitée. Le recours a, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi de sorte qu’il est recevable.

II) Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de leur recours, les demandeurs estiment que leur réclamation n’aurait « été que partiellement étudiées en classe 1, alors qu’il est question, d’avoir été considérées et reconnues en classe 2 par l’administration depuis toujours ». Ils ajoutent qu’une analyse des « documents et déclarations aux impôts en bonne et due forme, pour les années 2020 & 2021 » ferait ressortir « qu’il est question de classe 2 et non en classe 1… ! Comme stipulé ».

Les demandeurs affirment ensuite que « les erreurs constatées » ne relèveraient pas d’une « mauvaise déclaration ou de mauvaise foi » de leur part, mais seraient imputables à l’administration des Contributions directes, désignée ci-après par « l’administration ». Par rapport à cette argumentation, les demandeurs concluent que « les décisions irrecevables pour l’année 2020 pour cause « réclamation tardive » et celle pour l’année 2020 rejetée comme mal fondée, soient étudiées dans leur totalité, proportionnellement ». Ils constatent encore qu’il leur serait « reproché pour l’année 2020 de n’avoir pas fait la réclamation dans les temps imparties… ! Mais si on se réfère à la réclamation 2021 vite baclée, le résultat aurait été le même !!! ».

Les demandeurs sollicitent ensuite le remboursement des impôts qu’ils estiment avoir indûment payées pour les années 2020 et 2021, à savoir le montant de (…) euros pour l’année 2020, respectivement le montant de (…) euros pour l’année 2021.

Ils ajoutent qu’« il semblerait » que leur revenu réalisé en France d’un montant de (…) euros serait « considérée comme double imposition depuis 2 ans ! En Classe 2 ».

En guise de conclusion, les demandeurs font valoir que :

« 1. Nous demandons collectivement, le remboursement des sommes trop versées et réclamées abusivement, pour les années 2020 & 2021 et par cette-même, aussi, pour ces préjudices, des dommages et intérêts.

2. Année 2020 camouflée, par des nouvelles mesures transfrontaliers… ! 3. Rejeter la décision en date 20 septembre 2022 par le Directeur des Contributions.

4. Considérer notre requête commune, comme bien fondée. » Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal A titre liminaire, le tribunal précise que la requête introductive d’instance fait certes ressortir que le recours sous examen est dirigé contre la décision directoriale du 20 septembre 2022, portant rejet de la réclamation contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des années2020 et 2021, toutefois, sa formulation équivoque et passablement confuse crée une incertitude quant aux moyens que les demandeurs ont voulu invoquer à l’appui de leur recours.

Le tribunal est tout de même amené à déduire de la requête introductive d’instance ainsi que des explications complémentaires fournies par les consorts (A) à l’audience publique des plaidoiries, qu’ils ont en substance entendu contester :

- le volet de la décision déférée ayant retenu l’irrecevabilité de leur réclamation pour autant qu’elle était dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020 ;

- leur imposition collective en classe d’impôt 2 ;

- le montant total de l’impôt dû tel que fixé par les bulletins de l’impôts sur le revenu des années 2020 et 2021 ; et - une double imposition de leur revenu de source française.

• Quant au volet de la décision déférée ayant déclaré irrecevable la réclamation pour autant qu’elle est dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020 Pour autant qu’à travers les affirmations selon lesquelles les demandeurs sollicitent que « les décisions irrecevables pour l’année 2020 pour cause « réclamation tardive » et celle pour l’année 2020 rejetée comme mal fondée, soient étudiées dans leur totalité, proportionnellement », ils aient entendu contester le volet de la décision directoriale déférée ayant déclaré irrecevable pour cause de tardivité leur réclamation en ce qu’elle était dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020, cette contestation est à rejeter pour ne pas être fondée.

Ainsi, en vertu des §§ 228 et 246 AO, le délai de réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités est de trois mois à compter de la notification de ces bulletins.

Il n’est pas contesté en cause par les demandeurs que la notification du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020 émis le 16 juin 2021 a été accomplie le 19 juin 2021 tel que l’affirme le délégué du gouvernement. Il s’ensuit que le délai de réclamation de trois mois a commencé à courir le 19 juin 2021 pour expirer le 20 septembre 2021, étant précisé que le 19 septembre 2021 a été un dimanche de sorte que le délai a été prorogé au prochain jour ouvrable, à savoir, lundi, le 20 septembre 2021. C’est dès lors à bon droit que le directeur a déclaré irrecevable pour être tardive, le volet de la réclamation introduite par les demandeurs en date du 14 juillet 2022 visant le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020.

Il s’ensuit que les contestations des demandeurs visant le volet de la décision directoriale déférée ayant déclaré irrecevable la réclamation du 14 juillet 2022 pour autant qu’elle visait le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2020 sont à rejeter pour ne pas être fondées.

• Quant à la classe d’impôt applicable à l’imposition des demandeurs La formulation de la partie de la requête introductive d’instance selon laquelle : « pour les années 2020 & 2021, on remarque spontanément qu’il est question de classe 2 et non en classe 1 … ! Comme stipulé », laisse supposer que les demandeurs contestent l’application de la classe d’impôt 2 à leur imposition au lieu de la classe d’impôt 1.

Il est constant en cause que le demandeur ainsi que son épouse revêtent la qualité de non-résidents et qu’ils touchent des revenus issus de pensions ou de rentes au Luxembourg.

S’agissant du régime d’imposition des contribuables non-résidents, il convient de prime abord de préciser que l’article 157bis LIR, dans sa version applicable à l’année d’imposition 2021, dispose comme suit dans ses alinéas (2) et (3) :

« (2) Les contribuables non résidents, mariés, réalisant des revenus professionnels imposables au Grand-Duché, sont rangés dans la classe d’impôt 1.

(3) Par dérogation aux dispositions de l’alinéa 2 les contribuables non résidents, mariés, sont, pour autant qu’ils réalisent des revenus indigènes passibles de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires, soumis à une retenue d’impôt sur traitements et salaires déterminée par application d’un taux correspondant à celui qui serait applicable en cas d’imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l’article 157ter, à condition que les deux conjoints demandent conjointement l’inscription de ce taux sur la fiche de retenue. (…) ».

L’article 157ter LIR, dans sa version applicable à l’année d’imposition 2021, dispose comme suit :

« (1) Par dérogation aux dispositions correspondantes des articles 157 et 157bis, les contribuables non-résidents imposables au Grand-Duché du chef d’au moins 90 pour cent du total de leurs revenus tant indigènes qu’étrangers et ceux dont la somme des revenus nets non soumis à l’impôt sur le revenu luxembourgeois est inférieure à 13 000 euros sont, soit sur demande, soit en vertu des dispositions de l’article 157bis, alinéa 3, imposés au Grand-Duché, en ce qui concerne leurs revenus y imposables, au taux d’impôt qui leur serait applicable s’ils étaient des résidents du Grand-Duché et y étaient imposables en raison de leurs revenus tant indigènes qu’étrangers. Pour l’application de la disposition qui précède, les contribuables mariés sont imposables collectivement au titre des revenus indigènes, à moins qu’ils ne demandent conjointement, jusqu’au plus tard le 31 mars de l’année d’imposition suivant l’année d’imposition concernée, à être imposés individuellement. Dans ce contexte, les revenus étrangers des deux époux sont pris en compte en vue de la fixation du taux d’impôt applicable. ».

Il résulte de ces dernières dispositions que les contribuables non-résidents mariés sont en principe rangés dans la classe d’impôt 1, à moins qu’ils demandent conjointement l’inscription du taux correspondant à celui qui serait applicable en cas d’imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l’article 157ter LIR sur la fiche de retenue.

Ledit article 157ter LIR institue le régime dit de l’assimilation des non-résidents aux résidents luxembourgeois et donne aux contribuables non-résidents mariés, soit sur demande, soit en vertu des dispositions de l’article 157bis, alinéa (3) LIR, et sous certaines conditions, la faculté d’être imposés collectivement – sauf demande conjointe contraire – au Luxembourg, en ce qui concerne leurs revenus y imposables, au taux d’impôt qui leur serait applicable s’ils y étaient résidents et imposables en raison de leurs revenus mondiaux, luxembourgeois et étrangers.

S’agissant de la situation concrète des demandeurs en l’espèce, le tribunal vient de préciser qu’il est constant en cause qu’ils sont contribuables non-résidents et qu’ils réalisent un revenu professionnel issu de pensions ou de rentes au Luxembourg au sens de l’article 10, point 5 LIR, dans sa version applicable en l’espèce, de sorte qu’ils devraient, en principe, enapplication des articles 157 et 157bis LIR, être rangés dans la classe d’impôt 1 et imposés individuellement.

Il est toutefois encore constant en cause pour ne pas être contesté par les demandeurs qu’un taux d’impôt correspondant à celui qui serait applicable en cas d’imposition des revenus indigènes suivant les conditions et les modalités de l’article 157ter LIR est inscrit sur leurs fiches de retenue d’impôt respectives. Il n’est, par ailleurs, pas contesté en cause que le demandeur a conjointement avec son épouse, demandé l’inscription d’un taux d’imposition correspondant à celui qui serait applicable selon le régime de l’assimilation des contribuables non-résidents aux contribuables résidents. Enfin, il n’est pas non plus contesté par les demandeurs qu’ils n’ont pas formulé conjointement une demande de ne pas être imposés collectivement au titre des revenus indigènes au sens de l’article 157ter LIR.

Il suit des considérations qui précèdent que le directeur a valablement pu confirmer le bureau d’imposition pour avoir rangés les demandeurs en classe d’impôt 2.

• Quant à la question de l’existence d’une double imposition dans le chef des demandeurs Dans le cadre de leur requête introductive d’instance, les demandeurs font valoir qu’il « semblerait » que leur revenu de source française de (…) euros aurait été doublement imposé, à savoir, tant par le Luxembourg que par la France. Les demandeurs restent toutefois en défaut de développer leur moyen davantage et d’indiquer les éléments qui les ont amenés à conclure à une telle double imposition dans leur chef.

A cet égard, le tribunal précise de prime abord que face à un moyen simplement suggéré, sans être soutenu effectivement, il ne lui appartient pas de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même l’argument juridique qui aurait pu se trouver à la base du moyen invoqué.

Au-delà de la considération qui précède, il y a lieu de constater en l’espèce que contrairement aux affirmations des demandeurs, il ressort sans équivoque du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2021 déféré, tout comme des explications du délégué du gouvernement fournies à l’audience publique des plaidoiries que le revenu de source française des demandeurs n’a pas été imposé par le Luxembourg. Il ressort en effet du bulletin de l’impôt afférent qu’il retient un revenu imposable ajusté d’un montant de (…) euros, dont la base se compose exclusivement des revenus imposables indigènes, en d’autres termes des revenus luxembourgeois issus de pensions ou de rentes. Il n’est d’ailleurs aucunement contesté par la partie étatique que les revenus de source française des demandeurs sont imposables en France.

En revanche, il se dégage du bulletin de l’impôt déféré ainsi que de la fiche portant détermination du taux d’impôt global pour l’année 2021, émis le 6 juillet 2022 par le bureau d’imposition, que le revenu de source française des demandeurs a été pris en compte pour le calcul du montant total des revenus indigènes et étrangers réalisés par les demandeurs dans l’unique objectif de procéder par la suite à la détermination du taux d’impôt leur applicable. A cet égard, il convient de se référer à l’article 134, alinéa (1) LIR aux termes duquel :

« [l]orsqu’un contribuable résident a des revenus exonérés, sous réserve d’une clause de progressivité prévue par une convention internationale contre les doubles impositions ou une autre convention interétatique, ces revenus sont néanmoins incorporés dans une base 9 imposable fictive pour déterminer le taux d’impôt global qui est applicable au revenu imposable ajusté au sens de l’article 126. ».

Ledit article 134, alinéa (1) LIR retient donc qu’en vue de la fixation de l’impôt dû sur les revenus d’un contribuable résident, ses revenus qui sont exonérés au Luxembourg au motif que le droit d’imposition de ces revenus appartient exclusivement à un autre État sont néanmoins pris en considération au Luxembourg pour y calculer le taux d’impôt global qui est applicable au revenu imposable ajusté luxembourgeois du contribuable concerné. En d’autres termes, il y a lieu de déterminer le taux d’impôt global applicable au revenu imposable ajusté, comme si les revenus étrangers exonérés devaient subir l’imposition dans le cadre du revenu mondial, sans que pour autant les revenus étrangers ne soient imposés au Luxembourg.

En l’occurrence il n’est pas contesté en cause que le droit d’imposer le revenu de source française des demandeurs appartient exclusivement à la France. Il y a partant lieu de distinguer entre, d’un côté, la non-imposition des revenus étrangers, en l’occurrence des revenus de source française, au motif que le pouvoir d’imposition appartient à l’Etat de la source, en l’occurrence à la France, et, d’un autre côté, la prise en compte desdits revenus étrangers au Grand-Duché du Luxembourg dans l’unique contexte de la détermination du taux d’imposition.

A défaut de toute explication des demandeurs à l’appui de leur supposition selon laquelle leur revenu de source française aurait subi une double imposition, le tribunal est dès lors amené à conclure qu’ils ont opéré une confusion entre l’imposition de leur revenu de source française en elle-même et la prise en compte dudit revenu pour la seule détermination du taux d’imposition global des revenus au Luxembourg.

Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une double imposition du revenu de source française des demandeurs est à rejeter pour ne pas être fondé.

• Quant à la contestation du montant total de l’impôt dû tel que fixé par le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2021 Dans le cadre de leur requête introductive d’instance, les demandeurs présentent le tableau suivant :

« (…) Pour l'année 2021… ! • Montant imposable collectif (…)€ • Retenues à la source en classe 2… ! = (…)€… ! • Voir suivant barème Classe 2 = (…)€.

• (…)€ - (…)€ = (…)€.. ! Somme que les Contributions nous doivent… ! Ors, les Contributions nous ont réclamé en sus, la somme de (…)€.

(…)€ + (…)€ = (…)€ pour l'année 2021 (…) ».

Le tribunal déduit de ce tableau que les demandeurs ont entendu reprocher au directeur de ne pas avoir correctement déterminé le montant de l’impôt sur le revenu dû. De l’entendement du tribunal, l’argument des demandeurs consiste à reprocher au directeur de ne pas avoir déterminé l’impôt sur le revenu dû en se référant au barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques tel qu’établi sur base des articles 118 à 121 LIR et publié au journal officiel du Grand-duché de Luxembourg.

Force est à cet égard au tribunal de constater que le raisonnement des demandeurs consistant à déterminer le montant de l’impôt dû à partir du barème de l’impôt sur le revenu est incomplet étant donné qu’il ne tient pas compte du fait que les demandeurs, lesquels sont, tel que le tribunal vient de le retenir assimilables aux contribuables résidents, disposent outre leurs revenus luxembourgeois issus de pensions ou de rente d’un revenu de source française et qu’ils tombent partant sous l’application de l’article 134 (1) LIR précité. Il s’ensuit, tel que le tribunal vient de le préciser, que leur revenu de source française est à prendre en compte dans le cadre de la détermination du taux d’impôt global applicable à leur revenu imposable ajusté Dès lors, dans une première étape, conformément à l’article 134, alinéa (1), le bureau d’imposition a calculé le taux d’impôt global en déterminant une base imposable fictive, celle-

ci se composant de la somme du revenu net de pensions ou de rentes de source luxembourgeoise (… euros) et du revenu net exonéré de pensions ou de rentes de source française (… euros), diminué, en l’espèce, d’un montant de (…) euros à titre de dépenses spéciales, résultant dans un revenu imposable ajusté d’un montant de (…) euros. L’impôt sur le revenu suivant le barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, établi sur base de l’article 118 LIR étant dans ce cas, de manière non contestée, de (…) euros, il en résulte un taux d’impôt global de 10.98 % (…/…).

Dans une deuxième étape, le bureau d’imposition a appliqué le taux d’impôt global, soit 10.98 %, au revenu net de pensions ou de rentes luxembourgeoises des demandeurs– le revenu net de pensions ou de rentes français étant exonéré d’impôt au Luxembourg - diminué du montant de (…) euros à titre de dépenses spéciales, soit à leur revenu imposable ajusté au sens de l’article 126 LIR (… euros), afin de déterminer le montant de l’impôt sur le revenu dû par les demandeurs.

Il suit des considérations qui précèdent que le bureau d’imposition confirmé par le directeur a valablement déterminé le montant de l’impôt sur le revenu dû de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

Enfin, les demandeurs se réfèrent encore de manière vague et non circonstanciée à des « erreurs successives qui incombent directement l’Administration des Contributions Directes ». A cet égard, le tribunal rappelle que des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, sont à rejeter pour ne pas être fondés, étant donné qu’il n'appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les arguments juridiques qui auraient pu se trouver à la base desdits moyens. Il s’ensuit que les développements non circonstanciés des demandeurs relatifs à des erreurs de l’administration sont à rejeter pour ne pas être fondés.

Eu égard à l’ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître de la demande tendant au « remboursement des sommes trop versées et réclamées abusivement, pour les années 2020 & 2021 » et par cette-

même, aussi, pour ces préjudices, des dommages et intérêts » pour le surplus, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 48050
Date de la décision : 14/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-14;48050 ?

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