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14/05/2025 | LUXEMBOURG | N°48372

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2025, 48372


Tribunal administratif N° 48372 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48372 5e chambre Inscrit le 16 janvier 2023 Audience publique du 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48372 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 janvier 2023 par la société en commandite simple BONN STEI

CHEN PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Châ...

Tribunal administratif N° 48372 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48372 5e chambre Inscrit le 16 janvier 2023 Audience publique du 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48372 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 janvier 2023 par la société en commandite simple BONN STEICHEN PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Pol MELLINA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes datée du 14 octobre 2022, référencée sous le numéro … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2023 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 mai 2023 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, préqualifiée, pour le compte de son mandant, préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pol MELLINA et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 janvier 2025.

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Par courrier du 10 août 2020, Monsieur (A) fut informé par le bureau d’imposition (Bi1), que ce dernier allait effectuer un « contrôle sur place » relatif aux années d’imposition 2011 à 2018 sur base du § 222 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », tout en l’invitant à lui faire parvenir les pièces suivantes en vue de la préparation du contrôle de sa comptabilité, pour le 31 août 2020 au plus tard :

1« […] - la comptabilité informatisée au format SAF-T (FAIA) pour les années 2011-

2018 - la description détaillée sur la méthode de comptabilisation des ventes (livre de caisses) pour les années 2011-2018 - une adresse courriel pour pouvoir vous communiquer le lien OTX pour l’envoi des fichiers SAF-T (FAIA). […] ».

Par courrier électronique du 9 octobre 2020, la fiduciaire de Monsieur (A) informa le bureau d’imposition (Bi1) que des « Fichiers FAIA de 2011 à 2017 » et des « Fichiers POS de 2011 à 2017 » avaient été transmis.

En date des 16 juillet et 23 septembre 2021, le bureau d’imposition (Bi1) dressa deux documents distincts, chacun intitulé « Rapport d’un contrôle fiscal », ledit bureau d’imposition ayant entretemps adressé un courrier du 2 août 2021 à Monsieur (A) sur base du § 205, alinéa (3) AO au sujet de ses déclarations pour l’établissement du bénéfice commercial des années 2011 à 2019.

Il ressort des éléments du dossier que le 23 septembre 2021, une réunion eut lieu entre Monsieur (A) et le bureau d’imposition (Bi1).

Par courrier du 23 septembre 2021, le bureau d’imposition (Bi1) s’adressa une nouvelle fois à Monsieur (A) sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO au sujet de ses déclarations pour l’établissement du bénéfice commercial des années 2011 à 2019, pour obtenir la communication de certains renseignements pour le 8 octobre 2021 au plus tard.

Par courrier électronique du 7 octobre 2021, le litismandataire de Monsieur (A) fit part de ses observations et objections au sujet des redressements proposés au niveau des recettes des exercices 2011 et 2014, ainsi que de ceux proposés au niveau de stock, tout en sollicitant la prise en compte des « différences négatives entre le chiffre d’affaires « informatique » et le chiffre d’affaires comptable ».

Par courrier électronique du 8 octobre 2021, le bureau d’imposition (Bi1) s’adressa au litismandataire de Monsieur (A) dans les termes suivants : « […] En réponse à votre mail, je me permets de vous faire part des décisions prises en rapport avec vos observations :

1) Le redressement des recettes en rapport avec l’exercice 2011 se chiffrera à … euros.

2) Le redressement des recettes en rapport avec l’exercice 2014 se chiffrera à … euros.

3) Le redressement au niveau des stocks sera appliqué tel que décrit dans la lettre du 23 septembre 2021. En effet, comme il y a taxation d’office (§217 de la loi générale des impôts), le principe de la rupture de la continuité entre exercices est d’application.

4) Les différences « négatives » ne seront pas prises en compte.

Vous suggérez une diminution de la base imposable pour les années 2016, 2017 et 2018.

En vertu de la loi générale des impôts, je vous signale qu’une telle mesure ne saura être appliquée dans ce cas précis sous la responsabilité du bureau d’imposition. […] ».

2 Par courrier séparé du 8 octobre 2021, le bureau d’imposition (Bi1) s’adressa directement à Monsieur (A), sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO au sujet de la déclaration pour l’établissement du bénéfice commercial des années 2011 à 2019, une note manuscrite apposée sur une copie dudit courrier incluse dans le dossier fiscal mentionnant « Remarque :

suite à un mail de Me Mellina du 7.10.2021, les chiffres des années 2011 et 2014 ont été modifiés, et ceci après l’envoi du courrier svt. § 205(3) AO. Les chiffres définitifs sont renseignés dans le tableau récapitulatif se trouvant à la fin de notre rapport du 10.10.2021 ».

Ledit courrier du 8 octobre 2021, ayant pour le surplus essentiellement la même teneur que celui du 23 septembre 2021, prémentionné, est libellé comme suit :

« […] Après vérification (§§204 et 205 AO) de vos déclarations mentionnées sous rubrique, conformément au § 205(3) AO (principe du contradictoire) et suite à notre entrevue du 23 septembre 2021 au bureau d’imposition, je dois vous communiquer, préalablement à l’émission des bulletins d’Imposition les points sur lesquels le bureau d’Imposition entend s’écarter des déclarations en question :

Bénéfice commercial – Pharmacie de … Redressements au niveau des recettes :

Le bureau va reprendre les différences de caisse constatées par la Division révisions pour les années de 2011 à 2014 inclus. Il sera renoncé à un ajout pour annulations de ventes, le contribuable a su démontrer que ces annulations ne sont pas à l’origine d’une dissimulation de recettes.

Redressements au niveau du stock :

Les corrections de valeur du stock pratiquées systématiquement chaque année de 2013 à 2018 ont été indûment opérées et feront l’objet d’une reprise. La valeur du stock final de chaque année a été établie en appliquant une déprédation forfaitaire et ne correspond pas à la réalité.

Redressements pour les postes voiture et réception/frais de représentation :

Reprises pour dépenses exclusivement privées.

Les redressements chiffrés sont repris par le tableau suivant : […] ».

Il ressort des éléments du dossier que plusieurs courriers électroniques entre le litismandataire de Monsieur (A) et le bureau d’imposition (Bi1) furent échangés entre les 8 et 11 octobre 2021, sans que ledit bureau d’imposition ne change sa position par rapport à celle décrite dans son courrier électronique du 8 octobre 2021, précité.

En date du 10 octobre 2021, le bureau d’imposition (Bi1) dressa un nouveau « Rapport d’un contrôle fiscal », lequel comportait un « tableau synthétique » comme suit :

[…] ».

Année Recettes POS Recettes % Chida […] 3 TVAC comptabilisées Différence ventes TVAC déclarées 2011 … … … 0,57% […] 2012 … … … 0,94% […] 2013 … … … 1,00% […] 2014 … … … 0,24% […] 2015 … … … 0,01% […] 2016 … … - … - 0,18% […] 2017 … … - … - 0,30% […] 2018 … … - … - 0,29% […] […] ».

En date du 20 octobre 2021, le bureau d’imposition (Bi2), section des personnes physiques, émit à l’égard de Monsieur (A), sur le fondement du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO :

- les bulletins d’établissement séparé des bénéfices rectificatifs des années d’imposition 2011 à 2018, - le bulletin de l’impôt commercial communal rectificatif de l’année 2011 avec la mention « Imposition suivant notre courrier du 8 octobre 2021 », et - les bulletins de l’impôt commercial communal rectificatifs des années 2012 à 2018 avec la mention « Imposition suivant notre courrier du 23 septembre 2021 », celui relatif à l’année d’imposition 2014 mentionnant encore « notre mail du 8 octobre 2021 ».

Le 10 novembre 2021, le bureau d’imposition (Bi4), section des personnes physiques, émit à l’égard de Monsieur (A), sur le fondement du § 218, alinéa (4) AO, le bulletin de l’impôt sur le revenu des personnes physiques rectificatif de l’année 2011 avec la mention que « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants [:] La rectification tient compte du renvoi rectificatif émanant du b.i. …. Le bénéfice commercial à imposer s’élève à … ».

Le même jour, le bureau d’imposition (Bi3), section des personnes physiques, émit à l’égard de Monsieur (A), sur le même fondement légal, les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques rectificatifs des années d’imposition 2012 à 2018.

Par courrier du 19 janvier 2022, réceptionné le même jour, Monsieur (A) fit introduire une réclamation contre, d’une part, les bulletins rectificatifs précités d’établissement séparé du bénéfice commercial, et ceux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011 à 2018, tous émis le 20 octobre 2021, et, d’autre part, les bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques rectificatifs des années d’imposition 2011 à 2018, précités, tous émis le 11 novembre 2021, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-

après désigné par le « directeur ».

Par décision du 14 octobre 2022, référencée sous les numéros … et …, le directeur toisa le volet de la réclamation susvisée pour autant qu’elle avait trait aux bulletins de l’impôt sur le revenu des personnes physiques rectificatifs des années d’imposition 2011 à 2018, précités, tous émis le 11 novembre 2021.

4Par décision séparée du même jour, référencée sous le numéro …, le directeur toisa le volet de la réclamation susvisée pour autant qu’elle avait trait aux bulletins rectificatifs précités d’établissement séparé du bénéfice commercial, et ceux de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011 à 2018, tous émis le 20 octobre 2021. Le directeur fit partiellement droit aux prétentions du Monsieur (A), procéda en partie à une reformation in peius et rejeta pour le surplus la réclamation susvisée. Cette décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 19 janvier 2022 par Me Pol Mellina, de la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, au nom du sieur Monsieur (A), demeurant à L-

…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, ainsi que contre les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, tous émis en date 20 octobre 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que l’introduction par une requête unique de plusieurs demandes distinctes, mais néanmoins semblables, empiète sur le pouvoir discrétionnaire du directeur des contributions de joindre des affaires connexes, mais n’est pas incompatible en l’espèce avec les exigences d’une procédure ordonnée ni dommageable à une bonne administration de la loi ; qu’il est, en principe, loisible au directeur des contributions de joindre ou non des affaires qui lui paraissent suffisamment connexes ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d’imposition d’avoir refusé la déduction des corrections de valeur afférentes à son stock de marchandises des années 2013 à 2018, sans tenir compte de « l’effet en sens inverse de ces corrections de valeur sur la variation de stocks » ; qu’en outre, il fait encore grief au bureau d’imposition de ne pas avoir procédé à une diminution du bénéfice imposable des années 2016, 2017 et 2018, en se basant sur le chiffre d’affaires repris dans les « extractions du système informatique » des années 2016 à 2018, alors que pour les années antérieures, il s’était justement basé sur le chiffre d’affaires repris dans les « extractions » des années 2011 à 2015 afin de déterminer et justifier les augmentations des années 2011 à 2015, augmentations qui ne sont d’ailleurs pas contestées ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

qu’en l’espèce, la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

En ce qui concerne les bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 Considérant qu’en application du § 5 de la 2e GewStVV du 16 novembre 1943 et de la GewStR 13 (cf. § 7 GewStG), les bulletins de la base d’assiette de l’impôt commercial 5communal des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 se trouvent affectés d’office pour le cas où il résulterait du recours sous analyse une variation du bénéfice d’exploitation soumis à l’impôt commercial communal ;

En ce qui concerne les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 • En ce qui concerne les corrections de valeur Considérant qu’il résulte du dossier fiscal que le bureau d’imposition a refusé de porter en déduction les corrections de valeur en relation avec le stock de marchandises du réclamant ;

que le bureau d’imposition a repris ces corrections de valeur et en conséquence a augmenté les bénéfices imposables des années 2013 à 2018 des montants repris dans le tableau qui suit :

Année Correction de valeur déduite du résultat Reprise effectuée par le bureau d’imposition 2013 … euros … euros 2014 … euros … euros 2015 … euros … euros 2016 … euros … euros 2017 … euros … euros 2018 … euros … euros Considérant qu’en guise de motivation, le réclamant fait valoir que la reprise d’une correction de valeur en relation avec le stock de marchandises aurait d’une part pour conséquence l’augmentation du bénéfice de l’année en cours et d’autre part la diminution du bénéfice de l’année suivante à concurrence du même montant, étant donné que le montant de la variation du stock de l’année suivante serait également impacté ; que d’après ses calculs le bureau d’imposition aurait dû effectuer les reprises en rectifiant la variation de stocks des exercices subséquents, telles qu’elles figurent dans le tableau qui suit :

Année Correction de valeur Impact sur la Impact sur le Reprise à effectuer variation de stocks bénéfice 2013 … euros … euro - … euros … euros 2014 … euros … euros … euro … euro 2015 … euros … euros … euros - … euros 2016 … euros … euros … euros - … euros 2017 … euros … euros - … euros … euros 62018 … euros … euros - … euros … euros Considérant qu’il n’est pas litigieux que les corrections de valeur en cause ont été déterminées de manière forfaitaire et prêtent donc à critique ; que le réclamant ne conteste d’ailleurs pas la reprise des corrections de valeur sur stock quant à son principe, mais conteste uniquement la manière d’agir du bureau d’imposition en ce qui concerne l’impact de cette reprise sur le montant du bénéfice imposable des années suivantes ;

Considérant que le réclamant avait déjà confronté le bureau d’imposition avec ses constatations avant l’émission des bulletins litigieux ; que le bureau d’imposition a cependant refusé de suivre la logique du réclamant, étant donné qu’il avait constaté que le réclamant n’avait pas déterminé les montants de son stock par le biais d’un inventaire et qu’en conséquence il a procédé par voie de la taxation au sens du § 217 AO afin d’estimer les stocks des années litigieuses, jugeant ainsi se voir dans l’impossibilité de tenir compte des considérations du réclamant ;

Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in : études fiscales nos 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant qu’en vertu de l’article 15 du Code de Commerce, toute entreprise doit établir une fois l’an un inventaire complet de ses avoirs et droits de toute nature et de ses dettes, obligations et engagements de toute nature ; qu’au vu des corrections de valeur opérées de manière forfaitaire ainsi qu’au vu du défaut de l’établissement d’un inventaire pour les années litigieuses, il y a lieu de constater que le bureau d’imposition se trouvait dans l’impossibilité de déterminer avec précision le quantum du stock des années en cause et était donc fondé à procéder par voie de la taxation afin d’estimer les montants du stock des années en cause ;

Considérant que « La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle). Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique.

Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération (Cour administrative du 30 janvier 2011, n° 12311C du rôle). La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents » (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que le redressement d’une correction de valeur au niveau du stock de marchandises influe implicitement sur le montant du stock de l’année suivante ; qu’en conséquence le montant de la variation du stock de l’année suivante se trouve en toute logique également impacté ;

7 Considérant que bien que le bureau d’imposition fût fondé à procéder par voie de la taxation afin d’estimer les montants du stock de marchandises, il n’en reste pas moins que son estimation doit correspondre « dans toute la mesure du possible à la réalité économique » ;

que même en procédant par voie de la taxation, il y a lieu de tenir compte de l’impact du redressement de la correction de valeur sur le montant de la variation du stock des années suivantes, en principe pour les années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

Considérant qu’il résulte du dossier fiscal que le réclamant avait évalué son stock de marchandises à … euros pour l’année 2013, à … euros pour l’année 2014, à … euros pour l’année 2015, à … euros pour l’année 2016, à … euros pour l’année 2017 et à … euros pour l’année 2018 ; que le bureau d’imposition a cependant estimé, au vu des valeurs du stock des années 2010, 2011 et 2012 de respectivement … euros, … euros et … euros, que la diminution de la valeur du stock de marchandises ne correspondrait pas à la réalité économique ; qu’en conséquence, il détermina, étant donné qu’il y était fondé (voir supra), par voie de la taxation la valeur du stock de marchandises à … euros pour l’année 2013, à … euros pour l’année 2014, à … euros pour l’année 2015, à … euros pour l’année 2016, à … euros pour l’année 2017 et à … euros pour l’année 2018 ;

Considérant que le bureau d’imposition s’est cependant borné à refuser la correction de valeur du stock de marchandises, au lieu de redresser pour chaque année la valeur du stock en tenant compte de la variation du stock pour les années suivantes ; qu’au vu de ce qui précède, l’impact de cette nouvelle évaluation du stock de marchandises, entamée par le bureau d’imposition, aurait dû conduire aux constatations reprises dans le tableau qui suit :

Stock au 31/12 Déclaré À retenir Impact sur le bénéfice 2013 … euros …euros …euros 2014 …euros …euros …euros 2015 …euros …euros …euros 2016 …euros …euros …euros 2017 …euros …euros - …euros 2018 …euros …euros - …euros Considérant qu’au vu des constatations qui précèdent, le bénéfice commercial de l’année 2014 aurait dû être augmenté de … euros, celui de l’année 2014 de … euros, celui de l’année 2015 de … euros et celui de l’année 2016 de … euros, tandis que les bénéfices des années 2017 et 2018 retenus à travers les bulletins originaires émis en date du 4 mars 2020 auraient dû être réduits de … euros, respectivement de … euros ;

• En ce qui concerne la taxation des recettes des années 2016, 2017 et 2018 Considérant que le bureau d’imposition a augmenté les recettes du réclamant des années 2011, 2012, 2013 et 2014 en procédant par voie de la taxation au sens du § 217 AO ;

qu’il a déterminé le montant de ces augmentations en comparant la comptabilité du réclamant avec son système de gestion des ventes ; que pour l’année 2015, les chiffres du système de gestion de ventes et ceux de la comptabilité se sont avérés quasiment identiques, tandis que 8pour les années 2016, 2017 et 2018, le système de gestion des ventes fait cependant apparaitre un chiffre d’affaires moins élevé que celui enregistré dans la comptabilité ;

Considérant que le réclamant est d’avis que si le bureau d’imposition a estimé ses recettes des années 2011 à 2014 sur base du système de gestion des ventes, il aurait dû procéder de la même manière pour les années 2016, 2017 et 2018, même si le montant des recettes à retenir était moins élevé ; qu’en guise de motivation le réclamant avance que le bureau d’imposition aurait qualifié sa comptabilité d’irrégulière et se serait basé pour « ses redressements sur les extractions informatiques, réputées plus proches de la réalité économique », ce qui en toute logique devrait conduire au même raisonnement pour les années suivantes, étant donné que toute autre manière de procéder conduirait inévitablement à une incohérence ;

Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in : études fiscales nos 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que « La taxation des revenus constitue ainsi le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle). Elle consiste à déterminer et à utiliser une valeur approximative, afin d’aboutir à une évaluation de la base imposable, correspondant dans toute la mesure du possible à la réalité économique.

Ce procédé comporte nécessairement une marge d’incertitude et d’inexactitude et la prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération (Cour administrative du 30 janvier 2011, n° 12311C du rôle). La taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents » (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;

Considérant que contrairement aux dires du réclamant, le bureau d’imposition ne basa pas « ses redressements sur les extractions informatiques, réputées plus proches de la réalité économique » ; qu’il basa ses estimations sur le système de gestion des ventes, sachant qu’au vu de l’irrégularité de la comptabilité du réclamant, du moins en ce qui concerne l’enregistrement de ses recettes, irrégularité qui n’est d’ailleurs pas contestée par le réclamant, il a dû baser, faute de mieux, ses estimations sur ledit système de gestion des ventes afin de déterminer les montants des recettes qu’il estimait manquantes, ce qui ne veut toutefois pas implicitement dire que le bureau d’imposition a jugé le système de gestion des ventes plus fiable ; qu’en effet, il basa ses estimations sur ledit système, étant donné qu’il avait d’une part déterminé un faisceau de circonstances concordantes qui le laissa valablement conclure à ce que le réclamant n’avait pas enregistré toutes les recettes et que d’autre part il avait à sa disposition justement un système à part, voire disjoint de la comptabilité, qui, quoique pas forcément plus fiable que la comptabilité, lui a toutefois permis de chiffrer approximativement les montants minima des recettes manquantes ;

9Considérant qu’à partir de l’année 2015, le bureau d’imposition a constaté que les montants du chiffre d’affaires tels qu’ils ressortent de la comptabilité, comparés à ceux repris dans le système de gestion des ventes s’avéraient identiques, voire plus élevés ; que le bureau d’imposition avait donc moins de raisons à douter de ce que l’intégralité des recettes était reprise dans la comptabilité du réclamant ; qu’il ne s’est en conséquence pas référé au système de gestion précité, étant donné que d’une part ce système de gestion n’est pas forcément à qualifier de plus proche de la réalité économique que ne l’est la comptabilité et que d’autre part il ne constitue pas une partie constitutive de la comptabilité ; qu’à partir de l’année 2015, le bureau d’imposition ne disposait donc plus de tant d’informations qui l’auraient laissé conclure à un manquement grave au niveau de l’enregistrement des recettes, de sorte qu’il s’est donc référé à la comptabilité proprement dite ;

Considérant qu’il y a partant lieu de confirmer les redressements du bureau d’imposition au niveau des recettes pour les années 2013 et 2014 à hauteur de … euros, respectivement … euros, tout comme il y a lieu de confirmer que le bureau d’imposition n’a pas procédé à des redressements au niveau des recettes en ce qui concerne les années 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

• En guise de conclusion Considérant derechef que les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2011 et 2012 figurent dans la présente requête, mais que le réclamant n’a formulé aucun grief à l’encontre de ces bulletins ;

Considérant, en ce qui concerne les années 2013 à 2018, que le tableau ci-après résume les montants du bénéfice commercial des années litigieuses à retenir :

Année Bénéfice commercial Redressement Redressement sur Bénéfice commercial à déclaré sur recettes stock retenir 2013 … euros … euros … euros … euros 2014 … euros … euros … euros … euros 2015 … euros … euro … euros … euros 2016 … euros … euro … euros … euros 2017 … euros …… euro - … euros … euros 2018 … euros … euro - … euros … euros Considérant qu’il en découle qu’il y a lieu de réformer les bulletins rectificatifs des années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 ;

Considérant qu’il est de jurisprudence constante que le contribuable ne doit s’imputer qu’à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses d’une taxation d’office, lorsque c’est par suite de son propre comportement fautif qu’il a été nécessaire de recourir à cette mesure (Tribunal administratif du 15 décembre 2003, n° rôle 16445 du rôle) ;

10 Considérant que pour le surplus, le réexamen intégral a établi que les impositions sont conformes aux lois et aux faits de la cause et n’ont d’ailleurs pas autrement été contestées ;

Considérant que les redressements des bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial des années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, et des bulletins rectificatifs de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018, font l’objet des annexes 1 à 6 qui constituent des parties intégrantes de la présente décision ;

PAR CES MOTIFS rejette les réclamations contre les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2011 et 2012 comme non fondées, réformant in pejus les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2013, fixe le bénéfice commercial de l’année 2013 à … euros, établit la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2013 à … euros, fixe l’impôt commercial communal de l’année 2013 à … euros, dit les réclamations contre les bulletins rectificatifs portant établissement séparé du bénéfice commercial et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal des années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 partiellement fondées, réformant, ramène le bénéfice commercial de l’année 2014 à … euros, établit la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2014 à … euros, ramène l’impôt commercial communal de l’année 2014 à … euros, ramène le bénéfice commercial de l’année 2015 à … euros, établit la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 à … euros, ramène l’impôt commercial communal de l’année 2015 à … euros, ramène le bénéfice commercial de l’année 2016 à … euros, établit la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2016 à … euros, ramène l’impôt commercial communal de l’année 2016 à … euros, ramène le bénéfice commercial de l’année 2017 à … euros, 11 établit la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017 à … euros, ramène l’impôt commercial communal de l’année 2017 à … euros, ramène le bénéfice commercial de l’année 2018 à … euros, établit la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018 à … euros, ramène l’impôt commercial communal de l’année 2018 à … euros, renvoie au bureau d’imposition pour exécution. […] [Annexes omises] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 janvier 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 14 octobre 2022, référencée sous le numéro ….

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 de AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale susmentionnée du 14 octobre 2022, référencée sous le numéro …, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

II) Quant au fond Arguments et moyens des parties A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes gisant à la base de la décision directoriale déférée, tels que repris ci-avant.

Il ajoute que dans la mesure où le directeur aurait fait partiellement droit à ses moyens en admettant la nécessité d’une neutralisation de l’effet de la reprise des corrections de valeur litigieuses sur la variation de stocks de l’année subséquente, il aurait obtenu satisfaction sur ce point. La question des redressements en relation avec les corrections de valeur sur le stock ne ferait partant pas l’objet du recours sous examen.

Le demandeur indique, en revanche, contester le caractère irrégulier de la comptabilité de sa pharmacie, quant à la forme et au fond, ainsi que le bien-fondé de la taxation d’office dont il a fait l’objet en conséquence. Pour autant que le caractère irrégulier de ladite 12comptabilité devait être retenu et que le recours aux extractions du système informatique de gestion des ventes devait être validé aux fins de taxation, le demandeur exige qu’il lui soit appliqué, aux années d’imposition 2016 à 2018, la même méthodologie qu’aurait utilisée l’administration pour procéder à la taxation des années d’imposition 2011 à 2015, par soucis de cohérence. Il y aurait, dès lors, lieu d’admettre en déduction du chiffre d’affaires à retenir pour les besoins de l’imposition les montants de … euros pour l’exercice 2016, de … euros pour l’exercice 2017 et de … euros pour l’exercice 2018 par rapport aux chiffres d’affaires déclarés pour les années en question.

En droit, le demandeur explique que de sa compréhension de la décision directoriale déférée, les redressements effectués par le bureau d’imposition se baseraient sur les dispositions du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO, ainsi que sur celles du § 217, alinéa (2) AO. Il affirme que chacun de ces deux textes obligerait l’administration à tenir compte des éléments en sa faveur comme en sa défaveur.

Premièrement, le § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO exigerait la prise en compte de faits nouveaux en faveur du contribuable. Le demandeur explique qu’il résulterait du § 222, alinéa (1), numéros 1 et 2 AO qu’une modification du résultat imposable serait possible en raison de la découverte de faits ou éléments de preuve nouveaux dans les deux sens, soit en défaveur, soit en faveur du contribuable. Tout en affirmant que les deux scénarios auraient pour condition commune qu’il faudrait que la prescription ne soit pas d’ores et déjà acquise et que ce point ne serait pas litigieux en l’espèce pour aucun des exercices fiscaux en cause, le demandeur explique que l’hypothèse de la rectification en faveur du contribuable imposerait une condition supplémentaire, celle de la tenue d’une « Betriebsprüfung ».

Il fait valoir que la « Betriebsprüfung » ne serait rien d’autre qu’une vérification des livres et enregistrements comptables (« Bücher und Aufzeichnungen ») sur base des §§ 162, alinéa (9) AO et 193, alinéa (1) AO. Le § 162 AO mentionnerait certes explicitement le terme de « Betriebsprüfung », tandis que le § 193, alinéa (1) AO celui de « Nachschau », mais les commentaires allemands de la Reichsabgabenordnung considéreraient que le « §193 Abs 1 bildet nunmehr eine der Rechtsgrundlagen für die Betriebsprüfung ». La compétence pour effectuer une vérification des livres et enregistrements comptables appartiendrait au bureau d’imposition qui pourrait cependant s’assurer du concours du service de révision, le demandeur se référant, dans ce contexte, à un jugement du tribunal administratif du 23 novembre 2011, inscrit sous le numéro 27584 du rôle. Il ajoute qu’il ne serait pas contesté que le bureau d’imposition aurait en principe la discrétion de procéder à une « Betriebsprüfung ». Or, si le bureau d’imposition devait décider d’y procéder et que des faits nouveaux seraient constatés, ils devraient alors être pris en considération, qu’ils soient en faveur du contribuable ou en sa défaveur, le demandeur se référant à la doctrine allemande à ce sujet. Il soutient que dans son cas, il serait indéniable qu’il aurait fait l’objet d’une « Betriebsprüfung » couvrant l’ensemble des années litigieuses 2011 à 2018, y compris celles pour lesquelles les différences constatées entre le chiffre d’affaires résultant des extractions du système informatique de traitement des ventes et le chiffre d’affaires comptable auraient été en sa faveur, à savoir les années 2016, 2017 et 2018. Le demandeur argumente à ce sujet que ses livres comptables auraient été vérifiés « en détail : l’exercice de comparaison des données comptables aux données résultant du système informatique de traitement des ventes, résumé dans le tableau synthétique du Service de révision, ainsi que les redressements au niveau des écritures comptables des stocks et du chiffre d’affaires en témoigne à suffisance de droit. ».

Le demandeur en conclut qu’en vertu du §222, alinéa (1), numéro 2 AO, il aurait ainsi 13un droit (« Rechtsanspruch ») à ce que d’éventuels faits nouveaux en sa faveur soient pris en compte pour son imposition des années 2016, 2017 et 2018.

Deuxièmement, et pour autant que l’existence de faits nouveaux devait être reconnue et que le caractère irrégulier de sa comptabilité devait être retenu, le § 217 AO exigerait lui aussi que dans le cadre d’une éventuelle taxation d’office, l’administration tienne compte des éléments en faveur du contribuable.

A cet égard, le demandeur explique que le bureau d’imposition aurait, à tort, décidé d’avoir recours à la procédure de taxation d’office suite à la découverte de faits nouveaux allégués et suite au constat des différences entre le chiffre d’affaires résultant du système informatique de gestion des ventes et de la comptabilité. Le bureau d’imposition aurait, en conséquence, procédé à un ajustement vers le haut du bénéfice imposable des exercices 2011 à 2014 en rajoutant le complément de chiffre d’affaires constaté dans les extractions du système informatique par rapport au chiffre d’affaires comptable. Cependant, pour les exercices 2016 à 2018, où les extractions du chiffre d’affaires informatique auraient affiché des différences d’un ordre de grandeur similaire, mais « en sens inverse », le bureau d’imposition aurait renoncé à tout ajustement, malgré l’emploi de méthodes et pratiques comptables substantiellement identiques à celles des années précédentes.

Le demandeur donne à considérer, en admettant le principe de la taxation d’office, pour les besoins de la discussion et sans reconnaissance préjudiciable aucune, que le bureau d’imposition aurait dû tirer les mêmes conclusions pour les exercices où les extractions du système informatique de gestion des ventes présentaient un chiffre d’affaires moins élevé que celui constaté sur base de la comptabilité, notamment les exercices 2016, 2017 et 2018.

Il affirme qu’il ne serait pas concevable que le bureau d’imposition rejette la fiabilité de la comptabilité au niveau du chiffre d’affaires pour baser ses redressements sur les extractions informatiques, réputées plus proches de la réalité économique, là où le résultat serait celui d’une augmentation de la base imposable, tout en refusant d’effectuer le même exercice et d’adopter la même approche là où le résultat serait une diminution de la base imposable, en faveur du contribuable. Admettre le contraire reviendrait à dénaturer la taxation d’office de sa finalité et à en faire un moyen de « pure pénalisation », ce qui serait contraire à l’objectif du § 217 AO, tel que l’aurait rappelé la Cour administrative dans un arrêt du 26 janvier 2006, inscrit sous le numéro 19748C du rôle. Le demandeur se réfère encore à la doctrine allemande qui aurait également admis l’hypothèse d’une taxation en faveur du contribuable.

Le demandeur en conclut que les constats faits par l’administration dans le cadre d’une procédure de taxation d’office ne pourraient pas être appréciés ou pris en compte différemment selon qu’ils iraient dans le sens d’une augmentation de la base imposable ou d’une réduction de la base imposable.

Le demandeur fait valoir que seules deux possibilités se seraient en réalité présentées au bureau d’imposition.

Soit, ledit bureau d’imposition aurait admis que les conditions de la taxation d’office étaient remplies du fait des différences entre le chiffre d’affaires résultant du logiciel informatique de gestion des ventes et le chiffre d’affaires comptable. Dans ce cas, le bureau d’imposition aurait dû se référer, aux fins des redressements à effectuer, aux sources qu’il aurait lui-même considérées comme plus fiables que la comptabilité, à savoir les extractions 14informatiques, peu importe que ces sources mènent à une augmentation ou à une réduction de la base imposable. La conséquence aurait été, d’abord, que les augmentations du chiffre d’affaires au titre des exercices 2011, 2012, 2013 et 2014, telles que reprises dans le courrier de l’administration daté du 23 septembre 2021 - sous réserve des corrections des erreurs matérielles -, et dans les bulletins d’imposition afférents, auraient été maintenues. En revanche, les réductions du chiffre d’affaires constatées par le service de révision pour les exercices 2016, 2017 et 2018, à savoir respectivement les montants négatifs de … euros, de … euros et de … euros, lesquelles seraient résumées dans le tableau synthétique du service de révision, sous la somme des colonnes « D » et « F », seraient également à prendre en compte. Les bulletins d’imposition des années 2016, 2017 et 2018 auraient dû être réformés sur ce point.

Alternativement, le bureau d’imposition aurait dû constater que les conditions de la taxation d’office n’étaient pas remplies, dans quel cas, le demandeur affirme que le bureau d’imposition aurait dû s’en tenir à la comptabilité et de revenir sur les bulletins des années 2011 à 2014 pour réduire la base imposable des redressements opérés, à tort dans ce cas, par le bureau d’imposition et revenir aux montants déclarés par lui. Les montants concernés s’élèveraient à respectivement à …euros pour l’année 2011, à … euros pour l’année 2012, à … euros pour l’année 2013 et à … euros pour l’année 2014.

Le demandeur estime que l’« approche variable » selon les résultats qui aurait été adoptée par le bureau d’imposition et validée par le directeur, aurait abouti à une « pénalisation délibérée », le demandeur affirmant que « le soin » qu’il aurait apporté au bon respect de ses obligations comptables ne pourrait pas varier en fonction des différents exercices couverts.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que l’argumentaire du demandeur consisterait à revendiquer principalement la régularité de la comptabilité et subsidiairement une taxation d’office qui prendrait en compte une réduction du chiffre d’affaires de … euros pour l’année 2016, … pour l’année 2017 et … euros pour l’année 2016.

Il donne à considérer que le demandeur ne contesterait pas le principe des irrégularités comptables, ni le principe des redressements, et que les échanges entre le litismandataire du demandeur et le bureau d’imposition auraient porté sur certaines adaptations du quantum des redressements du chiffre d’affaires pour lesquelles la position du demandeur aurait été suivie.

Le représentant étatique fait valoir que dans la mesure où le demandeur ne contesterait pas non plus la comptabilisation erronée et le refus subséquent par le bureau d’imposition des corrections de valeur forfaitaires opérées sur le stock, ainsi que les redressements des chiffres d’affaires, il conviendrait de retenir que les conditions pour recourir au mécanisme de la taxation d’office pour l’intégralité des années concernées ne serait ni contestées, ni contestables. L’argument principal serait, dès lors, à rejeter.

Par rapport à l’argument qui serait formulé à titre subsidiaire par le demandeur, le délégué du gouvernement indique que le principe même d’une taxation d’office serait, par nature, une estimation des bases imposables face à une comptabilité irrégulière.

Il explique qu’il incomberait au contribuable de tenir une comptabilité régulière conforme aux exigences des §§ 162 et suivants AO et qu’il reviendrait au contribuable de pouvoir éclairer ses déclarations, ainsi que sa comptabilité sur laquelle se fondent ses déclarations.

15En l’occurrence, la différence litigieuse proviendrait de la différence du système de gestion des ventes et de la comptabilité déposée par le demandeur pour les années 2016 à 2018.

Le demandeur serait resté en défaut d’expliquer la raison pour laquelle il aurait, pour les années litigieuses, déclaré un montant plus élevé que celui qu’il aurait perçu réellement.

Le délégué du gouvernement affirme qu’il serait incontesté que le demandeur n’aurait pas déclaré l’ensemble de ses recettes pour les années 2011 à 2015 et que le redressement basé sur les chiffres tirés de son système de gestion des ventes permettrait de tenir compte de cette omission de déclarer les recettes en question. Il ajoute qu’aucune preuve n’aurait toutefois été avancée par le demandeur pour démontrer que le choix de se fonder sur le chiffre d’affaires issue sa comptabilité pour les années 2016 à 2018 violerait le § 217 AO, autrement dit qu’il serait de nature à conduire à un écart significatif entre la réalité des bases imposables et l’estimation étatique.

Le représentant étatique se réfère à la jurisprudence des juridictions administratives pour soutenir que le demandeur serait resté en défaut de rapporter la preuve d’un écart significatif. Il soutient que l’estimation effectuée par l’administration resterait endéans des marges licites de l’estimation des bases imposables prévues par le § 217 AO, que l’imposition se fasse sur base des chiffres du système de gestion des ventes ou sur base des éléments de la comptabilité du demandeur pour l’année 2016 à 2018.

Le délégué du gouvernement donne encore à considérer, toujours en se référant à la jurisprudence des juridictions administratives, que le contribuable devrait s’imputer à lui-

même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation d’office et que la prise en compte par l’administration d’une marge de sécurité serait licite, dès lors qu’elle serait faite avec mesure et modération. Or, en l’espèce, il s’agirait précisément d’un cas de figure où le choix des bases d’imposition aurait été fait avec la modération nécessaire sans dépasser une marge de sécurité qui serait inhérente à toute taxation d’office. Contrairement à une imposition où l’intégralité des données et pièces comptables auraient été disponibles, régulières et complètes, et où une « imposition granulaire à l’euro prêt » aurait pu s’effectuer, le demandeur ne serait pas en droit de critiquer, dans le cadre de la taxation d’office, le recours à une estimation en soi, mais seulement l’écart significatif de cette estimation par rapport à la réalité de ses bases imposables qu’il lui reviendrait d’établir.

Il conclut à la confirmation de la décision directoriale déférée.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur conteste l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle il n’aurait pas contesté le caractère irrégulier de sa comptabilité et que les conditions pour recourir à la procédure de taxation d’office seraient remplies dans son chef. Il affirme qu’il n’aurait à aucun moment de la procédure reconnu le caractère irrégulier de sa comptabilité, ni même accepté le caractère justifié de la taxation d’office de son chiffre d’affaires, le demandeur ajoutant que le litige porterait sur les années 2011 à 2014 et 2016 à 2018. Ces éléments ressortiraient d’ailleurs également explicitement du dispositif de sa requête introductive d’instance dans lequel il aurait précisé que sa demande principale tendrait, par réformation de la décision directoriale, au constat de la régularité de sa comptabilité et à une imposition sur base du chiffre d’affaires de sa comptabilité pour les années 2011 à 2014. Il aurait fait la même demande dans sa réclamation. Le demandeur renvoie, à cet égard, à la page 13 de la réclamation, laquelle indiquerait que « soit, vous considérer, dans le cadre de votre revue globale des impositions, les conditions de la taxation d’office comme n’étant pas remplies : dans ce cas, il conviendra de s’en tenir à la comptabilité et de 16revenir sur les Bulletins des exercices 2011, 2012, 2013 et 2014, pour réduire la base imposable des redressements opérés - à tort dans cette hypothèse -par le bureau d’imposition.

Les montants concernés s’élèvent à respectivement …,- EUR (2011), …,- EUR (2012), …,-

(2013) et …,- (2014) ».

Par rapport au fait qu’il n’aurait pas remis en cause les redressements au niveau des corrections de valeur sur stocks effectuées par le bureau d’imposition, sous réserve de l’ajustement correspondant au niveau de la variation de stock de l’exercice suivant, le demandeur explique qu’il aurait été question d’une écriture comptable ponctuelle qui n’aurait toutefois nullement affecté la régularité de sa comptabilité dans son ensemble, ni a fortiori la régularité de la comptabilisation de son chiffre d’affaires. L’impact au niveau de la cote d’impôt globale des années litigieuses serait d’ailleurs absolument négligeable au motif que l’extourne de la correction de valeur jugée injustifiée, faite au titre d’une année et engendrant une augmentation de la base imposable, se neutraliserait au titre de l’année fiscale subséquente au niveau de la variation de stocks, ce qui engendrerait ainsi une diminution de la base imposable du même montant, de sorte que l’impact global en termes de base imposable s’élèverait à … euros sur 6 exercices, soit à une moyenne de … euros par exercice. Il renvoie, à cet égard, à la colonne « redressement sur stock » du tableau récapitulatif à la page 6 de la décision directoriale. Le demandeur en conclut qu’il ne saurait être induit de l’absence de contestations de sa part sur ce point, au stade du recours contentieux, une prétendue acceptation du caractère irrégulier de sa comptabilité, alors que tel ne serait absolument pas le cas, le demandeur ajoutant qu’il contesterait formellement ne pas avoir déclaré l’ensemble de ses recettes, qu’il serait de bonne foi et qu’il aurait toujours respecté ses obligations comptables de manière consciencieuse et déclaré l’ensemble de son chiffre d’affaires réalisé.

Le demandeur prend, ensuite, position par rapport aux irrégularités de la comptabilité qui proviendraient, selon le délégué du gouvernement, de l’existence de différences issues du système de gestion des ventes par rapport au chiffre d’affaires comptable. Il donne à considérer que ces différentes seraient très faibles et ne pourraient pas avoir pour conséquence de rendre l’ensemble de sa comptabilité irrégulière, le demandeur affirmant que l’Etat n’aurait, à ce jour, pas fait état d’autres vices de forme ou de fond allégués au niveau de sa comptabilité.

Il poursuit ses explications en faisant valoir, outre le fait que les différences en question seraient très faibles par rapport au chiffre d’affaires total de la pharmacie qu’il aurait exploitée, mais qu’elles seraient « également constatées dans les deux sens, tant d’un chiffre d’affaires comptable moins élevé que d’un chiffre d’affaires comptable plus élevé que le chiffre d’affaires résultant du logiciel informatique de traitement des ventes ».

Le demandeur se réfère à un tableau établi par ses soins dont il ressortirait que pour l’année 2011, la différence constatée par rapport au chiffre d’affaires comptable équivaudrait à un montant de … euros TTC, soit 0,51%, tandis qu’elle équivaudrait à un montant de (i) … euros TTC, soit 0,92% pour l’année 2012, (ii) à … euros TTC, soit 1,03% pour l’année 2013, (iii) à … euros TTC, soit 0,25% pour l’année 2014 et (iv) à … euros TTC, soit 0,02% pour l’année 2015, bien que cette dernière année ne soit pas litigieuse en l’espèce. La différence serait d’ailleurs négative pour les années 2016 à 2018, à savoir un montant de … euros TTC, soit 0,06%, de … euros TTC, soit 0,30% et de … euros TTC, soit 0,29% respectivement. Le demandeur renvoie à cet égard, aux « relevés du service de révision dans leur tableau synthétique (Pièce n° 3, colonne C) », lesquels indiqueraient que « Les chiffres repris au titre des différences constatées sont ceux du courrier du bureau d’imposition, émis sur base du § 205 (3) de la AO, en tenant compte des ajustements faits suite aux échanges avec les 17mandataires du Requérant (v. les Pièces n° 4 et 6) pour les exercices 2011-2014, ceux du tableau synthétique du service de révision (v. Pièce n° 3, somme des colonnes D et F) pour les exercices 2015-2018 ». Le demandeur explique encore, dans ce contexte, que « la question de la comptabilisation d’une correction de valeur sur les stocks de marchandises, en fin d’exercice, est une question touchant à une écriture précise et isolée (quoique répétée de manière sensiblement identique à la fin de plusieurs exercices). Elle ne saurait dès lors rendre irrégulière la comptabilité, prise dans son ensemble. ».

Le demandeur argumente que ces différences existeraient aux motifs (i) que le logiciel informatique de traitement des ventes ne serait pas employé comme un outil comptable, mais essentiellement comme un outil de gestion du stock de médicaments en cours d’année et de génération des relevés pour la Caisse Nationale de Santé (« CNS »), et (ii) que le logiciel serait utilisé par des êtres humains, qui pourraient être à l’origine de mauvaises manipulations. Il donne à considérer que dans un commerce de détail, dans lequel plusieurs centaines de milliers de produits seraient vendus chaque année, il serait « tout à fait normal et inévitable » qu’il y ait des erreurs humaines lors de la saisie des ventes dans le logiciel informatique. Il ajoute que sa comptabilité serait basée sur les montants réellement encaissés et facturés, comptés au jour le jour. Les documents qu’il estime être pertinents seraient son livre de caisse, les extraits bancaires récapitulant les paiements par virement bancaire, les relevés de paiements par cartes bancaires, la facturation, ainsi que les décomptes de la CNS.

Il fait valoir qu’il n’y aurait aucune obligation légale pour un pharmacien de se servir d’un logiciel informatique de traitement des ventes, ni a fortiori d’utiliser ledit logiciel aux fins de l’établissement et de la vérification de la comptabilité.

Toutes les pièces comptables pertinentes, en ce compris le livre de caisse, les relevés des cartes de paiement, les extraits bancaires, factures et décomptes de la CNS, auraient été remises au comptable en charge de l’établissement de sa comptabilité à la fin de chaque mois.

Ledit comptable aurait établi les états comptables requis par les lois commerciales et fiscales.

Toutes les recettes et ventes y auraient été enregistrées de manière continue (« fortlaufend »), complète (« vollständig ») et correcte (« richtig ») sur base de données qui auraient été collectées au jour le jour. Le demandeur indique encore qu’il aurait conservé toutes les pièces comptables qui auraient servi de base à l’établissement des documents comptables pendant la période requise par la loi et qu’elles auraient pu être, sinon pourraient être, sur demande, mises à la disposition de l’administration, laquelle ne pourrait alors que constater qu’il n’existerait pas la moindre différence par rapport aux entrées comptables effectivement faites.

Le demandeur en conclut, conformément à sa demande qui figurerait dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, que sa comptabilité serait régulière et qu’elle devrait servir de base à l’imposition pour l’ensemble des années en cause. Aucun redressement du chiffre d’affaires ne serait en conséquence à opérer.

Ensuite, le demandeur entend expliciter sa demande formulée à titre subsidiaire dans le dispositif de sa requête introductive d’instance à laquelle il y aurait lieu de faire droit pour autant que sa comptabilité devait être déclarée irrégulière.

A cet égard, le demandeur explique que plutôt que « de chercher à dénicher, parmi les centaines de milliers de lignes de ventes annuelles des fichiers extraits du logiciel de traitement des ventes, les origines exactes des faibles différences constatées par l’ACD entre l’informatique et la comptabilité », il y aurait lieu de constater qu’il n’y aurait aucune 18différence au niveau de constats faits par rapport à sa comptabilité au titre des différents exercices litigieux aux motifs que (i) les méthodes de comptabilisation seraient identiques, (ii) les pièces, sur lesquelles se fonderaient les entrées comptables, seraient les mêmes, et (iii) qu’il existerait, pour chacun des exercices, de (faibles) différences entre le chiffre d’affaires comptable et le chiffre d’affaires résultant des extractions du logiciel informatique.

Le demandeur en déduit qu’il n’y aurait pas de doute possible, en ce sens que soit sa comptabilité serait régulière pour l’ensemble des exercices litigieux, soit elle serait irrégulière pour l’ensemble des exercices litigieux. Or, la conclusion ne pourrait pas être variable, selon le sens des différences constatées entre le chiffre d’affaires comptable et le chiffre d’affaires résultant des extractions du logiciel informatique, comme l’aurait fait la partie étatique.

Il ajoute que l’hypothèse de la régularité de sa comptabilité serait sous-jacente à sa demande principale, mais que dans le cadre de sa demande formulée à titre plus subsidiaire, la question qui se poserait serait celle des conséquences du constat d’une prétendue irrégularité de sa comptabilité, à savoir l’obligation de procéder par voie de taxation d’office et l’obligation de retenir les bases qui correspondraient le plus exactement possible à la réalité.

Tout en réitérant les conditions auxquelles seraient soumises une taxation d’office en se référant à la jurisprudence des juridictions administratives, le demandeur donne à considérer que le délégué du gouvernement ne contesterait pas l’existence de cette obligation de procéder à une taxation d’office si les conditions légales du § 217 AO sont remplies.

Il déduit de l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle « […] en l’occurrence, le Requérant reste en défaut d’apporter la preuve d’un écart significatif. En effet, que l’imposition se fasse sur base des chiffres du système de gestion des ventes ou sur base des éléments de la comptabilité adverse pour l’année 2016 à 2018, l’estimation effectuée par l’ACD reste endéans des marges licites de l’estimation des bases imposables prévues par le paragraphe 217 AO », que le représentant étatique aurait considéré que l’administration aurait effectivement procédé à une taxation d’office du chiffre d’affaires pour les exercices 2016, 2017 et 2018, mais que dans le cadre de cette taxation d’office, le bureau d’imposition aurait fait le choix de se référer aux données de la comptabilité comme étant les plus proches de la réalité. Le demandeur donne à considérer qu’une telle affirmation n’aurait « aucun sens » au motif que l’hypothèse du § 217 AO viserait précisément le cas où la comptabilité ou un élément de la comptabilité, tel que le chiffre d’affaires en l’espèce, ne serait pas fiable en raison des irrégularités constatées. L’estimation opérée dans le cadre de la taxation remplacerait, dans ce cas, les données issues de la comptabilité, mais ne pourrait en aucun cas consister dans les données mêmes de la comptabilité.

Le débat lancé par le délégué du gouvernement relatif à « l’écart significatif » et la « modération » du bureau d’imposition serait un faux débat et conduirait à des développements hors sujet. Le demandeur argumente que la question, pour les exercices 2016, 2017 et 2018, ne serait, dans un premier temps, pas celle de savoir si une prétendue estimation de l’administration serait la bonne, respectivement la plus proche de la réalité, mais plutôt celle de savoir si l’administration a procédé par voie d’estimation du chiffre d’affaires ou non. Le demandeur affirme que la réponse serait clairement négative au motif que le bureau d’imposition n’aurait fait aucun redressement au niveau du chiffre d’affaires comptable des exercices 2016, 2017 et 2018 et se serait ainsi référé à la comptabilité pour les besoins de l’imposition, plutôt qu’à une estimation faite sur base d’autres éléments. Or, dans l’hypothèse 19d’une irrégularité de la comptabilité, il aurait fallu procéder à une telle estimation et substituer aux données comptables l’estimation du chiffre d’affaires la plus poche de la réalité.

A cet égard, le demandeur explique que pour l’ensemble des exercices où l’administration se serait écartée de sa comptabilité et aurait procédé à des redressements au niveau de son chiffre d’affaires, c’est-à-dire pour les exercices 2011 à 2014, le bureau d’imposition se serait référé aux données issues du système informatique de gestion des ventes.

L’administration aurait, dès lors, pour l’ensemble de ces exercices, nécessairement considéré que les données dudit système informatique de gestion des ventes étaient, dans l’hypothèse d’irrégularité de la comptabilité qui était la sienne, les données disponibles les plus proches de la réalité économique.

Or, il n’y aurait aucune raison pour l’administration de ne pas adopter la même approche pour les exercices 2016, 2017 et 2018 pour lesquels il existerait pareillement des différences entre les données comptables et les données issues du système informatique de gestion des ventes et où les méthodes comptables seraient entièrement identiques à celles employées lors des exercices précédents. La seule différence notable serait que, pour les exercices 2016, 2017 et 2018, un éventuel ajustement du chiffre d’affaires irait dans le sens d’une réduction de la base imposable. Il ne ferait aucun doute que ce serait précisément pour cette raison que l’administration aurait refusé de recourir aux données du logiciel informatique de gestion des ventes.

Le demandeur se réfère à un arrêt de la Cour administrative du « 12 janvier 2021 », inscrit sous le numéro « 44684C » du rôle, pour soutenir qu’une telle approche serait non seulement contraire au § 217 AO, mais violerait également le devoir de cohérence qui s’imposerait à l’administration de manière générale.

Il en conclut que, conformément à sa demande subsidiaire, l’administration serait obligée, dans l’hypothèse d’une irrégularité de sa comptabilité, de procéder, dans le cadre du mécanisme de taxation d’office, à des redressements du chiffre d’affaires en sa faveur pour les exercices 2016, 2017 et 2018, au même titre que l’administration aurait procédé à des redressements du chiffre d’affaires en sa défaveur pour les exercices précédents.

Analyse du tribunal Le tribunal constate qu’il ressort de la décision directoriale déférée que l’imposition de la pharmacie exploitée par le demandeur a été déterminée par voie de taxation en application du § 217 AO, alors que le directeur a confirmé le bureau d’imposition et le service de révision ayant conclu au caractère irrégulier quant à la forme et quant au fond de la comptabilité de la pharmacie pour les années d’imposition 2011 à 2014 et 2016 à 2018 litigieuses.

Le tribunal est d’ores et déjà amené à constater que le demandeur indique expressément avoir obtenu gain de cause devant le directeur au sujet de la question de la prise en compte de « corrections de valeur en relation avec le stock de marchandises » de la pharmacie et ne pas contester ce volet de la décision directoriale déférée, de sorte que le tribunal ne s’en trouve pas saisi dans le cadre du recours sous examen.

Le tribunal relève ensuite que le demandeur conclut à la réformation de la décision directoriale précitée essentiellement pour deux motifs.

20D’une part, il conteste le caractère irrégulier de sa comptabilité, tel que cela ressort tant du dispositif de sa requête introductive d’instance que du corps de ses écrits, contrairement à ce qu’affirme le délégué du gouvernement. Il s’ensuit que le litige porte non pas uniquement sur les années d’imposition 2016 à 2018, comme le soutient à tort le représentant étatique, mais également sur les années d’imposition 2011 à 2014, étant donné que le demandeur conclut, de manière générale, au caractère régulier de la comptabilité de la pharmacie qu’il exploite pour l’ensemble de ces années d’imposition litigieuses.

D’autre part, et pour autant que sa comptabilité devrait être déclarée irrégulière, le demandeur sollicite l’application, dans le cadre de la taxation d’office, d’une méthode d’évaluation uniforme pour l’ensemble des années d’imposition litigieuses. A cet égard, le demandeur reproche à l’administration de s’être (i) pour les années d’imposition 2011 à 2014, fondée sur le système de ventes et de gestion de la pharmacie pour procéder à des redressements de ses recettes vers le haut au motif que la comptabilité de la pharmacie aurait été irrégulière, tandis que l’administration se serait (ii) pour les années 2016 à 2018, fondée sur cette même comptabilité, selon elle irrégulière, – laquelle aurait pourtant été, d’après le demandeur, établie d’après le même procédé que pour les années d’imposition 2011 à 2014 –, pour effectuer l’estimation de ses recettes imposables, le demandeur faisant valoir que si l’administration s’était fondée sur le système de ventes et de gestion de la pharmacie, comme pour les années d’imposition précédentes, il aurait bénéficié de redressements vers le bas.

A) Quant à la question du bien-fondé du recours à la taxation d’office consécutif au caractère irrégulier allégué de la comptabilité du demandeur En l’espèce, il est constant que le demandeur se trouve soumis à une obligation de tenue d’une comptabilité découlant des articles 8 à 16 du Code de commerce pour exercer une activité commerciale consistant en l’exploitation d’une pharmacie.

En vertu du § 160 AO, toutes les personnes physiques et morales qui sont soumises à l’obligation de tenir une comptabilité (« Bücher und Aufzeichnungen ») en vertu d’autres dispositions légales doivent tenir cette comptabilité aussi dans l’intérêt de leur imposition dès qu’elle est propre, d’après son objet, à servir de moyen de preuve pour l’assiette de l’impôt.

Les §§ 162 à 165 AO imposent, quant à eux, la tenue d’une comptabilité régulière et complète quant à la forme et quant au fond.

La comptabilité est régulière quant à la forme lorsqu’elle est agencée de façon claire et ordonnée, de façon à faciliter toute recherche et tout contrôle. Les écritures comptables doivent être appuyées par des pièces justificatives devant être conservées, de manière que l’exercice utile de leur pouvoir de vérification par les dirigeants de l’entreprise et les vérificateurs de la comptabilité, dont l’administration fiscale, implique que le rapprochement entre l’enregistrement comptable et la pièce justificative afférente puisse être fait sans problèmes1.

Une comptabilité est régulière quant au fond lorsqu’elle renvoie une image fidèle et complète de la situation financière de l’entreprise. A cette fin, elle doit respecter les principes généraux comptables tels que les principes de continuité, de constance, de spécificité des exercices, de non-compensation, de comptabilisation des charges et produits et de prudence2.

1 Cour adm., 15 janvier 2019, n° 41547C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1005 (3e volet) et l’autre référence y citée.

2 Ibidem.

21 Le § 208, alinéa (1) AO3 instaure en faveur d’une comptabilité tenue conformément aux principes énoncés au § 162 AO une présomption de véracité en cas d’absence de raison permettant de contester sa régularité au fond.

En l’espèce, il ressort du volet de la décision déférée sous analyse que le directeur a confirmé le caractère irrégulier de la comptabilité du demandeur compte tenu de l’existence de divergences entre le chiffre d’affaires de la pharmacie résultant des extractions du système de gestion des ventes utilisé par le demandeur, ci-après désigné par le « Logiciel de Ventes », et le chiffre d’affaires enregistré dans sa comptabilité. Le tribunal rejoint le demandeur dans son constat qu’il ne ressort ni de la décision directoriale, ni des explications du délégué du gouvernement, qu’un autre reproche aurait été fait au demandeur pour conclure au caractère irrégulier de sa comptabilité.

Au regard de ce seul reproche de la partie étatique opposé au demandeur, il y a lieu de se référer au § 162 AO qui dispose en son alinéa (2) que : « Die Eintragungen in die Bücher sollen fortlaufend, vollständig und richtig bewirkt werden. Der Steuerpflichtige soll sich einer lebenden Sprache und der Schriftzeichen einer solchen bedienen ». Cette disposition consacre ainsi le principe de la comptabilisation continue qui implique la comptabilisation chronologique des opérations, et ce dans un délai rapproché après leur survenance, ainsi que le principe de vérité qui impose l’enregistrement de toutes les opérations et leur enregistrement correct4.

Conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », « la preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable », de sorte qu’il appartient au demandeur de démontrer le caractère régulier de sa comptabilité afin d’écarter le bien-fondé du recours à la taxation d’office par l’administration en vue d’une diminution de sa cote d’impôt.

Le demandeur conclut au caractère régulier de sa comptabilité, en substance, au motif que le Logiciel de Ventes ne ferait pas partie de sa comptabilité, de sorte que des irrégularités constatées à ce niveau, autrement dit que les différences de chiffre d’affaires constatées seraient sans impact sur le caractère régulier de sa comptabilité.

Or, force est au tribunal de constater que selon la jurisprudence des juridictions administratives relatives à l’exploitation de pharmacies5, un système électronique de ventes, tel que le Logiciel de Ventes, fait partie intégrante de la comptabilité du contribuable qui en fait une utilisation pour confectionner sa comptabilité.

3 § 208, alinéa (1) AO: « Bücher und Aufzeichnungen, die den Vorschriften des § 162 entsprechen, haben die Vermutung ordnungsmäßiger Führung für sich und sind, wenn nach den Umständen des Falls kein Anlass ist, ihre sachliche Richtigkeit zu beanstanden, der Besteuerung zugrunde zu legen. ».

4 Cour adm., 14 août 2019, nos 42249C et 42318C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1005 (2e volet) et l’autre référence y citée.

5 Trib. adm., 8 mars 2024, n° 46523 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 30 janvier 2025, n° 50349C du rôle ; trib. adm., 4 octobre 2024, n° 47413 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 1er avril 2025, n° 51841C du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.

22Le tribunal a ainsi jugé, dans ce contexte, que si aucune disposition légale ou réglementaire n’impose l’utilisation d’un système électronique de vente, en vue de la tenue d’une comptabilité, il n’en reste pas moins qu’à partir du moment où un contribuable décide d’avoir librement recours à un logiciel informatique, tel que le Logiciel de Ventes, toute irrégularité ou défaillance d’un tel logiciel constatée en amont, qu’elle soit technique ou consécutive à une mauvaise utilisation par le personnel de la pharmacie, entraînant un enregistrement de données erroné ou incorrect, est nécessairement de nature à avoir un impact sur le caractère régulier de la comptabilité de la pharmacie en aval établie sur base de ces mêmes données6. Le tribunal en a, dès lors, conclu que des défaillances constatées dans un tel système électronique de vente étaient pertinentes pour apprécier le caractère régulier de la comptabilité litigieuse.

Le tribunal a, toujours dans ce contexte, eu l’occasion de juger que dans la mesure où un tel type de logiciel informatique faisait partie intégrante de la comptabilité du contribuable, l’existence même de différences entre le montant du chiffre d’affaires extrait du système électronique de vente et celui enregistré dans la comptabilité de la pharmacie matérialisait une irrégularité dans la tenue de la comptabilité de la pharmacie, alors même que (i) les divergences entre les montants issus du système informatique de ventes et ceux comptabilisés demeuraient négligeables par rapport au montant du chiffre d’affaires de la pharmacie, et que (ii) les recettes comptabilisées par le contribuable étaient, pour certaines années, supérieures à celles issues du système informatique de ventes7.

Or, en l’espèce, le tribunal constate qu’il résulte justement du tableau, précité, figurant dans le « Rapport d’un contrôle fiscal » établi par le bureau d’imposition en date du 10 octobre 2021, que pour les années d’imposition 2011 à 2018, des différences entre le chiffre d’affaires de la pharmacie résultant des extractions du Logiciel de Ventes (« Recettes POS TVAC ») et le chiffre d’affaires comptabilisé (« Recettes comptabilisées TVAC ») ont été constatées lors du contrôle fiscal dont a fait l’objet le demandeur, lesdites différences ayant abouti non seulement à des montants non comptabilisés de recettes entre … euros et … euros pour les années 2011 à 2015, mais également à des excédents comptabilisés se situant entre … et … euros.

Il s’ensuit qu’il existe des écarts de montants entre le chiffre d’affaires extraits du Logiciel de Ventes et le chiffre d’affaires enregistré dans la comptabilité du demandeur au cours des années d’imposition litigieuses. Ce constat constitue une violation du principe de vérité visée au § 162, alinéa (2) AO lequel requiert, tel que relevé ci-avant, non seulement l’enregistrement de toutes les opérations, mais également leur enregistrement correct.

D’ailleurs, il ne ressort pas des explications du demandeur à quoi aurait pu servir le Logiciel de Ventes, mise à part à confectionner sa comptabilité, sinon à permettre d’avoir un suivi des ventes de médicaments et des paiements afférents, autrement dit à permettre au demandeur de déterminer avec exactitude le chiffre d’affaires journalier, mensuel et annuel de la pharmacie pour in fine permettre la détermination exacte de ses bases d’imposition.

L’explication du demandeur suivant laquelle le Logiciel de Ventes aurait uniquement servi d’outil de gestion du stock de médicaments et à générer des relevés pour la CNS n’emporte pas la conviction du tribunal, alors qu’il ressort de la décision directoriale déférée que le demandeur a effectué des corrections forfaitaires de valeur sur ses stocks ne reflétant pas la réalité, de sorte à avoir nécessairement entraîné l’altération des valeurs de stocks que le Logiciel de Ventes 6 Ibidem.

7 Egalement dans ce sens : trib. adm., 4 octobre 2024, n° 47413 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 1er avril 2025, n° 51841C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

23était pourtant justement destiné, suivant la thèse du demandeur, à prévenir en tant qu’outil de gestion des stocks. Le demandeur a d’ailleurs lui-même indiqué dans sa réclamation qu’« Il est vrai – et cette critique du bureau d’imposition est entièrement assumée par le Réclamant – que le montant de la correction de valeur a été déterminée sur base d’un pourcentage forfaitaire, fixé en fonction de l’expérience du passé, mais qu’une analyse circonstanciée et dûment documentée n’ait été faite au cas par cas. Cette approche a été adoptée pour des raisons de simplification de gestion des opérations de fin d’année, amis en toute bonne foi et sans la moindre volonté de dissimulation de réduction injustifiée du bénéfice imposable de l’année ».

Ces explications doivent être considérées comme étant de nature à mettre en cause la crédibilité des données déclarées par le demandeur par ailleurs.

En conséquence, le tribunal retient que le demandeur n’est pas fondé à soutenir que sa comptabilité ne ferait pas partie intégrante de sa comptabilité et a fortiori à conclure, pour ce motif, au caractère régulier de sa comptabilité. En conséquence, le bureau d’imposition était fondé à constater l’inapplicabilité de la présomption de véracité de la comptabilité du demandeur conformément au § 208, alinéa (1) et à avoir recours, aux vœux du § 217, alinéa (2) AO, à une taxation d’office. C’est, dès lors, à bon droit que le directeur a pu confirmer le recours à cette procédure sur ce fondement.

Cette conclusion s’impose alors même que le directeur a, de son côté, à tort décidé, contrairement à la jurisprudence susvisée, pour toutes les années d’imposition litigieuses, que le Logiciel de Ventes utilisé par le demandeur dans le cadre de l’exploitation de sa pharmacie ne faisait pas partie intégrante de sa comptabilité. Le directeur a en effet considéré, d’un côté, lors de son appréciation de la situation des années d’imposition 2011 à 2014, que le Logiciel de Ventes constituait « un système à part, voire disjoint de la comptabilité », mais de nature à pouvoir constituer une base permettant de chiffrer approximativement les montants minima des recettes manquantes. D’un autre côté, le directeur a considéré, pour les années d’imposition 2016 à 2018, que le Logiciel de Ventes « ne constitu[ait] pas une partie constitutive de la comptabilité » et qu’il y avait lieu de se référer aux données enregistrées dans la comptabilité du demandeur pour procéder à l’estimation des bases imposables.

Le moyen afférent du demandeur encourt, partant, le rejet pour être non fondé.

B) Quant à la question de la base imposable moyennant taxation d’office Aux termes du § 217, alinéa (1) AO « Soweit die Steuerkontrollstelle die Besteuerungsgrundlagen (einschließlich solcher Besteuerungsgrundlagen, für die eine gesonderte Feststellung nicht vorgeschrieben ist) nicht ermitteln oder berechnen kann, hat sie sie zu schätzen. Dabei sind alle Umstände zu berücksichtigen, die für die Schätzung von Bedeutung sind. ».

Il résulte de cette disposition que la taxation (« Schätzung ») constitue le moyen qui doit permettre aux instances d’imposition, qui ont épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt, à laquelle elles ne peuvent guère se soustraire8.

8 Trib. adm., 26 avril 1999, n° 10156 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1030 (1er volet) et les autres références y citées.

24La taxation d’office consiste ainsi en une évaluation unilatérale de la base imposable par le fait de l’administration. Le but de la taxation d’office est d’aboutir, à défaut de pouvoir évaluer la valeur réelle, à une valeur probable ou approximative de la base imposable, le contribuable devant s’imputer à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation d’office. La prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération9.

Force est, ensuite, de constater qu’il est désormais de jurisprudence constante que s’il est vrai que le principe d’ordre public de la détermination exacte des bases d’imposition oblige les autorités fiscales à mettre tout en œuvre pour arriver à une imposition sur des bases qui correspondent le plus exactement possible à la réalité, un contribuable qui s’est soustrait à son obligation de collaboration, d’abord, en omettant de remettre une déclaration d’impôt ou de fournir des renseignements et documents suffisants, et, ensuite, en s’abstenant de soumettre au directeur des preuves documentaires cohérentes et complètes, est censé se contenter de l’approximation inhérente à une imposition fondée entièrement ou partiellement sur une taxation de revenus, qu’elle opère en sa faveur ou en sa défaveur.

En effet, en ayant mis tant le bureau d’imposition que le directeur dans l’impossibilité d’exercer leur pouvoir d’imposition, avec les prérogatives y attachées, et ainsi empêché le déroulement normal des procédures d’imposition, le contribuable défaillant doit être considéré comme ayant définitivement renoncé à une détermination exacte des bases d’imposition et des cotes d’impôt en découlant.

Le contribuable ne saurait partant utilement recourir devant le juge administratif contre une imposition établie entièrement ou partiellement par la voie de la taxation d’office en raison de son comportement défaillant en critiquant que la cote d’impôt fixée ne correspond pas exactement à sa situation réelle. Le juge administratif ne dispose en effet pas des pouvoirs nécessaires pour une instruction d’office du cas d’imposition dans sa globalité, les §§ 243 et 244 AO n’étant pas applicables aux juridictions administratives.

Au vu de l’acceptation implicite mais nécessaire du caractère approximatif de son imposition, le contribuable ne saurait, dans une telle hypothèse, prospérer dans son recours contentieux que s’il rapporte la preuve que ses revenus réels s’écartent de manière significative des bases d’imposition retenues dans le bulletin d’impôt ou dans la décision directoriale. Le juge administratif est alors appelé à examiner les arguments et les éléments de preuve lui soumis par le contribuable afin de vérifier si, globalement considérés, ils sont de nature à devoir entraîner une réduction approximative des bases d’imposition retenues dans l’imposition déférée afin de rapprocher davantage les bases d’imposition taxées de la situation de revenus telle que découlant des arguments et éléments de preuve mis en avant par le contribuable10.

En l’espèce, étant donné que le demandeur a mis le bureau d’imposition et le directeur dans l’impossibilité d’établir avec exactitude son imposition, ce dernier n’est admis, dans le cadre du présent recours contentieux, qu’à rapporter la preuve que les cotes d’impôts fixés dans son chef s’écartent de manière significative de ses revenus réels. Or, le demandeur affirme lui-

même que l’écart entre les montants retenus par le bureau d’imposition et les recettes qu’il aurait réellement réalisées sont « très faibles », de sorte à exclure a priori l’existence d’un écart 9 Cour adm., 30 janvier 2001, n° 12311C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1031 (2e volet) et les autres références y citées.

10 Cour adm., 27 juin 2019, n° 41512C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1040 (1er volet) et les autres références y citées.

25significatif entre les montants de revenus arrêtés au moyen de la taxation d’office par rapport aux montants de ses revenus, selon lui, réels.

Cela étant, le tribunal constate que les contestations du demandeur se limitent à solliciter que l’estimation soit effectuée, pour les années d’imposition 2016 à 2018, de la même manière que pour les années d’imposition 2011 à 2014, à savoir sur base des données extraites du Logiciel de Ventes, ce qui reviendrait, d’après ses explications non contestées par le délégué du gouvernement, à une diminution des redressements effectués pour les années 2016 à 2018.

A cet égard, le tribunal constate effectivement une certaine incohérence de l’administration dans la manière dont elle a estimé approprié d’arrêter le chiffre d’affaires du demandeur pour l’ensemble des années d’imposition litigieuses.

Le tribunal est enclin à avaliser la démarche initiale du bureau d’imposition de se rattacher aux montants et données extraits du Logiciel de Ventes, compte tenu des divergences avec les montants et données enregistrés dans la comptabilité du demandeur. Dans une optique de déterminer les bases d’imposition du demandeur qui correspondent le plus possible à la réalité, il n’est, en effet, pas critiquable de se fonder sur le Logiciel de Ventes étant donné qu’il fait partie intégrante de la comptabilité du demandeur, et de rajouter l’écart manquant dans la comptabilité. Cette façon de faire a été adoptée par l’administration pour les années d’imposition 2011 à 2014.

Or, aucun élément objectivement retraçable ne permet au tribunal de saisir la raison pour laquelle l’administration a, par la suite, décidé d’inverser l’approche retenue jusqu’alors, et de se fonder cette fois sur la comptabilité qu’elle a elle-même considérée comme étant irrégulière pour les années 2011 à 2014, pour déterminer la base d’imposition du demandeur pour les années d’imposition 2016 à 2018, alors que, d’une part, des divergences de montant du chiffre d’affaires entre celui du Logiciel de Ventes et celui de la comptabilité ont également été constatées pour ces mêmes années, et, d’autre part, ce sont ces mêmes divergences qui avaient amené l’administration à ne pas se fonder sur la comptabilité du demandeur pour les années d’imposition 2011 à 2014.

Plus particulièrement, aucune raison objective n’a été avancée par la partie étatique pour justifier son choix de se fonder alternativement sur la comptabilité du demandeur et sur le Logiciel de Ventes, alors qu’une telle approche revient, en définitive, à considérer que la comptabilité du demandeur serait (i) irrégulière en ce qui concerne les années 2011 à 2014 pour ne pas correspondre aux montants extraits du Logiciel de Ventes, de sorte à ne pas pouvoir être utilisée comme fondement pour arrêter exactement le montant du chiffre d’affaires réalisé par le demandeur, mais que cette comptabilité serait (ii) pour ainsi dire régulière, du moins, pas assez irrégulière en ce qui concerne les années 2016 à 2018 pour ne pas permettre de se baser sur cette même comptabilité, au lieu d’avoir à nouveau recours aux montants extraits du Logiciel de Ventes.

Cette conclusion s’impose d’autant plus que d’après les explications non contestées du demandeur, celui-ci a appliqué le même procédé de confection de sa comptabilité au cours des années d’imposition 2011 à 2014 et 2016 à 2018.

Il ne ressort pas des explications de la partie étatique pourquoi la seule justification du directeur suivant laquelle le bureau d’imposition aurait eu moins de raisons de douter que 26l’intégralité des recettes aurait été reprise dans la comptabilité plutôt que dans le Logiciel de Ventes, n’aurait pas été valable pour les années d’imposition 2011 à 2014.

Le tribunal constate également que le délégué du gouvernement n’a pas remis en cause l’affirmation du demandeur suivant laquelle un tel changement de méthode s’expliquerait par le fait que si l’administration s’était fondée sur les montants du chiffre d’affaires extraits du Logiciel de Ventes pour les années d’imposition 2016 à 2018, aucun redressement à la hausse des recettes du demandeur n’aurait pu être constaté, étant donné qu’il ressort des explications non contestées du demandeur, qu’à partir de l’année d’imposition 2016, le demandeur a enregistré un chiffre d’affaires – pour des raisons certes inconnues – supérieur à celui indiqué dans le Logiciel de Ventes, de sorte que la prise en compte des montants extraits du Logiciel de Ventes aurait dû aboutir, toujours d’après le demandeur, à une diminution de ses recettes.

En conséquence, et dans une optique de détermination des bases imposables du demandeur correspondant le plus possible à la réalité et afin d’éviter que la taxation d’office ne constitue une sanction pour lui, le tribunal retient qu’il y a lieu de faire droit à la demande du demandeur.

Il y a ainsi lieu de fixer les cotes d’impôt pour les années d’imposition 2016 à 2018 de la même manière que pour les années d’imposition 2011 à 2014, à savoir par référence aux montants du chiffre d’affaires enregistrés dans le Logiciel de Ventes du demandeur et, en conséquence, de déduire des redressements arrêtés par l’administration, les montants de … euros11 pour l’année 2016, de … euros pour l’année 2017 et de … euros pour l’année 2018, lesquels constituent, de façon non contestée, la différence entre le chiffre d’affaires extrait du Logiciel de Ventes et celui enregistré dans la comptabilité du demandeur pour chacune de ces trois années d’imposition.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer partiellement fondé.

III) Quant à l’indemnité de procédure La demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros formulée par le demandeur sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement, encourt le rejet, alors qu’il n’appert pas en quoi il serait inéquitable de laisser à la charge du demandeur les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation dirigée contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 14 septembre 2022, référence sous le numéro … du rôle en la forme ;

11 La référence faite par le demandeur au montant de … euros doit s’analyser comme une erreur matérielle, alors que c’est bien le montant de … euros qui est indiqué (i) dans le propre « Tableau synthétique 2011-2018 » du demandeur, annexé à sa requête introductive d’instance, ainsi que dans le « tableau synthétique » du « Rapport d’un contrôle fiscal » daté du 10 octobre 2021, précité.

27au fond, le déclare partiellement fondé ;

partant, par réformation de la décision directoriale, dit que la taxation d’office du chiffre d’affaires opérée dans le chef du demandeur est à réduire :

- du montant de … euros pour l’année 2016, - du montant de … euros pour l’année 2017, et - du montant de … euros pour l’année 2018.

le rejette pour le surplus ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision directoriale ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le demandeur ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 28


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 48372
Date de la décision : 14/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-14;48372 ?

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