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14/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52801

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2025, 52801


Tribunal administratif N° 52801 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52801 3e chambre Inscrit le 5 mai 2025 Audience publique du 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52801 du rôle et déposée le 5 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem

bourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nati...

Tribunal administratif N° 52801 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52801 3e chambre Inscrit le 5 mai 2025 Audience publique du 14 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52801 du rôle et déposée le 5 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, actuellement placé au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 22 avril 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique du 13 mai 2025, Maître Naïma EL HANDOUZ s’étant excusée.

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région Capitale, Commissariat Luxembourg - Groupe …, dit « … », du 26 juin 2021, que le même jour, Monsieur (A), connu sous différents alias, fut interpellé par les forces de l’ordre suite à des faits de vol commis à l’aide de violences.

Suivant relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL »), Monsieur (A) fut placé, le 26 juin 2021 et suite à un mandat de dépôt, en détention préventive du chef de vol commis à l’aide de violences.

Il fut libéré du CPL en date du 2 septembre 2021.

Il se dégage ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, région Centre-Est, Commissariat … du 20 janvier 2022, d’un rapport de la police grand-ducale, région Nord, Commissariat … du 30 avril 2022 et d’un rapport de la police grand-ducale, région Sud-

Ouest, Commissariat …, du 8 septembre 2022, dits « … », qu’en date des mêmes jours, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre alors qu’il se trouvait dans différentssquats, voire suite à des faits de recel et que l’intéressé ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité ou de voyage valables.

Il ressort d’un acte d’écrou du 12 juillet 2023 que, par arrêt de la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle du 14 juin 2023, Monsieur (A) fut condamné à une peine d’emprisonnement de 30 mois, dont 10 mois avec sursis, pour vol à l’aide de violences et de menaces, peine ayant commencé à courir le 13 novembre 2022 pour s’achever le 28 avril 2024.

Suivant relevés journaliers du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (« CPU ») des 27 juin et 10 juillet 2024, Monsieur (A) fut placé, le 27 juin 2024 et suite à un mandat d’amener, en détention préventive du chef de vol qualifié, et qu’il fut libéré du CPU en date du 10 juillet 2024.

Il ressort enfin d’un rapport de la police grand-ducale, Unité de garde et d’appui opérationnel, service de garde et de protection …, du 24 février 2025, que le même jour, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre suite à des faits d’infraction à la législation relative aux stupéfiants.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé également le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prononça à son encontre une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé à cette même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, laquelle fut basée sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 24 février 2025, établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 21 mars 2025, notifié à l’intéressé le 24 mars 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.

Par arrêté du 22 avril 2025, notifié à l’intéressé le surlendemain, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 24 février et 21 mars 2025, notifiés le 24 février respectivement le 24 mars 2025, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 24 février 2025 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 22 avril 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 » institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir cité l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, fait valoir que le placement en rétention serait une simple faculté dont disposerait le ministre et devrait être considéré comme dernière solution, alors que celui-ci porterait atteinte à sa liberté de mouvement. Il reproche à cet égard tant à l’arrêté ministériel de placement en rétention du 24 février 2025 qu’à ceux de prorogation des 21 mars et 22 avril 2025 de ne pas être motivés à suffisance, respectivement de contenir une motivation stéréotypée, non individualisée et ne documentant pas les diligences entreprises par l’autorité ministérielle.

Quant à l’exigence que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, il soutient plus particulièrement que la décision litigieuse se limiterait à énoncer que les motifs à la base de la mesure de placement du 24 février 2025 subsisteraient dans son chef, sans toutefois préciser lesdits motifs.

Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité d’une mesure de rétention d’un étranger en situation irrégulière, ledemandeur insiste sur le fait que cette mesure, laquelle équivaudrait à une détention, devrait rester exceptionnelle.

Il en déduit, en substance, que le ministre aurait dû avoir recours à une mesure moins coercitive qu’une mesure de rétention, telle qu’une assignation à résidence à la maison de retour, anciennement dénommée la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (« SHUK »), ou « tout autre foyer pour les demandeurs de protection internationale ».

Le demandeur reproche encore un manque de diligences au ministre en donnant à considérer que dans la décision de placement initiale, celui-ci se serait contenté d’énoncer que les démarches en vue de son éloignement « seront engagées dans les plus brefs délais », sans pour autant avoir entrepris de telles démarches lors de la prise de ladite décision. De même, dans la décision litigieuse de prorogation le ministre se serait limité à énoncer que « ces démarches n’ont pas encore abouti », sans pour autant avoir indiqué quelles démarches auraient été entreprises.

Or, l’absence de démarches au moment de son placement en rétention et a fortiori lors de la prorogation de la mesure de placement ne permettrait pas d’envisager un éloignement rapide dans son chef, de sorte que le ministre n’aurait pas été suffisamment diligent quant à la durée de sa rétention.

Le demandeur estime, par ailleurs, en se référant à un jugement du tribunal administratif du 5 octobre 2022, inscrit sous le numéro 47991 du rôle, que le dispositif d’éloignement n’aurait aucune chance d’aboutir alors que le ministre se contenterait d’envoyer des rappels aux autorités consulaires étrangères.

Au vu de ces considérations, le demandeur conclut à l’illégalité de son maintien au Centre de rétention, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision litigieuse et d’ordonner sa libération immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Appréciation du tribunal Il échet tout d’abord de préciser qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté ministériel de placement en rétention du 24 février 2025 ainsi que des arrêtés de prorogation des 21 mars et 22 avril 2025 et, plus particulièrement, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation desdits arrêtés, le tribunal relève de prime abord qu’à travers le recours sous examen, il n’est saisi que de la décision du ministre ayant prorogé pour la deuxième fois la mesure de placement au Centre de rétention de l’intéressé, de sorte que l’argumentation du demandeur relative à la légalité externe de l’arrêté ministériel de placement en rétention du 24 février 2025 ainsi que du premier arrêté de prorogation du 21 mars 2025 est d’ores et déjà à rejeter pour être sans objet.

Le tribunal relève ensuite que de manière générale dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’unedécision de placement, voire de maintien en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Quant au fond, il échet de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à la disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, dans la mesure où une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg pour une durée de cinq ans, a été prise à son encontre le 24 février 2025, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse. De surcroît, le concerné ne dispose ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef d’un ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 aout 2008 figurent justement celles d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité ou d’une autorisation de voyage en cours de validité et de ne pas faire, tel que c’est le cas pour le demandeur, l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, telles que prévues au paragraphe (2), points 1. et 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, ce qu’il reste toutefois en défaut de faire.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après 6 remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. […] Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption de risque de fuite dans son chef, tel que retenu ci-avant. Il n’est, en effet, pas contesté qu’il ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque autre attache.

Par ailleurs, il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.la maison de retour, anciennement dénommée SHUK, ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y saurait être concevable. La même conclusion s’impose en ce qui concerne la référence générale du demandeur à « tout autre foyer pour les demandeurs de protection internationale », étant encore relevé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de la partie demanderesse dans la présentation de ses moyens.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

En ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de permettre son éloignement dans les meilleurs délais, il échet d’abord de constater, dans la mesure où les démarches effectuées par l’autorité ministérielle depuis la prise de l’arrêté ministériel déféré s’inscrivent dans la suite de celles réalisées préalablement, qu’il ressort du dossier administratif que le 27 février 2025 les autorités luxembourgeoises ont adressé au Consulat Général du Royaume du Maroc une demande d’identification du demandeur en vue de l’établissement d’un laissez-passer dans le chef de ce dernier. Il en ressort encore que les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités consulaires marocaines afin d’être informées de l’état d’avancement du dossier du demandeur par courriers des 19 mars 2025 et 3 et 17 avril 2025.

En ce qui concerne ensuite les démarches entreprises depuis la prise de l’arrêté ministériel déféré, le tribunal constate qu’il ressort d’une note au dossier que lors d’un entretien téléphonique du 2 mai 2025, les autorités consulaires marocaines ont informé les autorités luxembourgeoises que le dossier du concerné était toujours en cours d’instruction.

Force est ainsi de constater, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères - étant relevé qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes -, que c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de préparer son éloignement rapide du territoire luxembourgeois. Les démarches concrètement entreprises en l’espèce par l’autorité ministérielle doivent, au contraire, être considérées comme étant à ce stade suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

Il y a également lieu de relever qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.

Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.

Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de rappeler qu’aux termes dudit article : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou 8 d’extradition est en cours. […] », il y a lieu de rappeler que ledit article 5, paragraphe (1) prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », a retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir. Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-

ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».

En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 24 février 2025, de sorte à se trouver en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement dont il fait l’objet en exécution de ladite décision de retour est menée avec la diligence requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5, paragraphe (1) de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2025 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, 2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.

3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.en présence du greffier Yannick Maquet.

s. Yannick Maquet s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 52801
Date de la décision : 14/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-14;52801 ?

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