Tribunal administratif N° 48011 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48011 4e chambre Inscrit le 5 octobre 2022 Audience publique du 20 mai 2025 Recours formé par Madame (A), … (Thaïlande), contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48011 du rôle et déposée le 5 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Cédric SCHIRRER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Chine), de nationalité chinoise, demeurant actuellement à … (Thaïlande), élisant domicile en l’étude de son mandataire préqualifié, sise à L-2611 Luxembourg, 51, route de Thionville, tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 septembre 2022 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en sa plaidoirie à l’audience publique du 17 décembre 2024 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 13 mai 2025 prononçant la rupture du délibéré en vue d’un changement de composition ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 16 mai 2025, les parties étant excusées.
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En date du 23 août 2021, Madame (A) introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », tant dans son propre chef que dans celui de son époux, Monsieur (B) et de leur enfant mineur commun (C), désignés ci-après par les « consorts (A) ». Par ce même courrier du 23 août 2021, elle introduisit également une demande de regroupement familial, dans le chef de son époux et son enfant mineur, sur base des articles 69 et 78, paragraphe (1), point b) de la même loi.
Par courrier du 30 décembre 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désignéci-après par « le ministre », accusa bonne réception des demandes introduite par Madame (A) et sollicita des documents supplémentaires, documents qui lui furent transmis en date du 9 mars 2022.
Par décision du 27 septembre 2022, le ministre refusa de faire droit aux demandes en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées, ainsi qu’à la demande de regroupement familial telles que présentées, ladite décision étant motivée comme suit :
« (…) Je me réfère à votre demande du 25 août 2021 ainsi qu'à votre courrier qui m'est parvenu en date du 11 mars 2022 reprenant l'objet sous rubrique.
Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.
Le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour des raisons privées au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources conformément à l'article 78, paragraphe (1) point a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration. Les ressources du demandeur sont évaluées par rapport à leur nature et leur régularité en application de l'article 7 du règlement grand-
ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 précitée.
En ce qui concerne les avoirs en banque auprès de la « … » de votre mandante Madame (A), je me permets d'attirer votre attention sur le fait que ces sommes sont placées en Thaïlande et qu'il n'est donc pas prouvé qu'elles sont immédiatement accessibles et disponibles au Luxembourg. Il est par ailleurs de notoriété publique que les standards de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme applicables en Thaïlande diffèrent de ceux applicables au sein de l'Union européenne, de sorte que la légitimité de la provenance des fonds en question est, pour le moins, sujette à caution.
En outre, les ressources de 87.960,52 USD ne peuvent être considérées comme ressources suffisantes, étant donné que vos mandants seraient amenés à vivre de ce capital, lequel diminuerait inéluctablement et rapidement.
À titre susbidiaire, il m'est également impossible de prendre en considération le salaire mensuel de 3.057,78 USD que Madame (A) perçoit de la société « …». Ce revenu n'est ni garanti, ni versé sur un compte bancaire au Luxembourg.
Il en est de même pour Monsieur (B) qui, d'après les documents versés, travaille en tant que « Petroleum Engineer » pour le compte d'une entreprise située en Oman. Ce salaire n'est ni garanti, ni versé sur un compte luxembourgeois. Et, de façon générale, j'émets des doutes quant à sa présence effective sur le territoire luxembourgeois, alors que le poste occupé par Monsieur (B) requiert certainement un grand nombre de déplacements en outre de sa présence sur son lieu de travail effectif.
Vos mandants n'apportent donc pas la preuve qu'ils remplissent les conditions exigées pour entrer dans le bénéfice d'un titre de séjour dont les différentes catégories sont prévues par l'article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.
Par conséquent, le titre de séjour pour des raisons privées est refusé à votre mandante 2 Madame (A). Le titre de séjour pour raisons privées, sinon subsidiairement sur base du regroupement familial est également refusé à son mari (B) ainsi qu'à leur fils (C), sur base de l'article 101, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 précitée. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 octobre 2022, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre du 27 septembre 2022 portant refus de faire droit aux demandes en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées des consorts (A) et de celle refusant le regroupement familial dans le chef de l’époux et du fils mineur de Madame (A).
Aucune disposition légale n’instaurant de recours au fond en matière d’autorisation de séjour et de regroupement familial, le tribunal est valablement saisi du recours en annulation introduit contre la décision précitée du ministre du 27 septembre 2022, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, Madame (A) indique être de nationalité chinoise et demeurer actuellement avec son époux et leur fils mineur en Thaïlande, avant de reprendre les rétroactes gisant à la base de la décision déférée.
En droit, après avoir cité l’article 78, paragraphes (1), point a) et (2) de la loi du 29 août 2008, ainsi que l’article 7 du règlement grand-ducal modifié du 5 septembre 2008 définissant les critères de ressources et de logement prévus par la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommé « le règlement grand-
ducal du 5 septembre 2008 », la demanderesse explique que le législateur aurait créé l’autorisation de séjour pour raisons privées dans le but d’attirer des fortunes étrangères. Elle ajoute que le pouvoir exécutif aurait fait preuve d’une volonté d’étendre le titre de séjour pour raisons privées en soumettant les personnes qui en feraient la demande à la seule condition financière qu’elles aient, comme ressources, au moins le salaire social minimum d’un travailleur non qualifié. La demanderesse reproche, à cet égard, à l’administration d’avoir « machinalement » refusé toute demande d’autorisation de séjour pour raisons privées depuis avril 2020.
En renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 16 décembre 2021, inscrit sous le numéro 46467C du rôle, Madame (A) fait plaider que la Cour y aurait clarifié les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées en retenant que ces conditions seraient purement financières, sans qu’il ne serait nécessaire de prouver des attaches ou des liens forts avec le Luxembourg, que l’administration aurait une obligation de collaboration active avec l’administré en vue de clarifier les doutes, que toute ressource financière devrait être prise en compte par l’administration, y compris celle se trouvant à l’étranger, et qu’il n’existerait pas de « présomption d’opération de blanchiment » du seul fait de l’existence de fonds sur un compte bancaire se trouvant en Chine et donc par extension en Thaïlande. Elle en conclut que lorsqu’un demandeur prouverait qu’il disposerait de ressources financières suffisantes pour ne pas devenir une charge pour l’Etat luxembourgeois, il devrait se voir octroyer une autorisation de séjour pour raisons privées.
Or, le ministre aurait décidé d’ignorer les clarifications jurisprudentielles, ce qui aurait pour effet d’engorger les juridictions administratives.
La demanderesse estime d’ailleurs que la véritable raison du refus d’octroyer une telle autorisation se trouverait dans le fait que l’administration ne souhaiterait plus accueillir « ce 3 type » d’immigration, ladite administration s’étant rendue compte qu’un nombre important de personnes serait susceptible de remplir les conditions prévues par l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi du 29 août 2008, ce qui se reflèterait à travers le projet de loi n° 7954 déposé le 19 janvier 2022 visant à modifier ledit article, en rendant plus restrictives les conditions d’octroi d’autorisations de séjour pour raisons privées, autorisations qui seraient désormais limitées aux personnes pouvant vivre de leurs ressources, à condition que celles-ci proviendraient d’une activité professionnelle exercée dans un autre pays de l’Union européenne ou de l’espace Schengen ou si les personnes concernées percevraient une pension du Luxembourg ou de l’un de ces prédits pays.
Après avoir cité un extrait de l’exposé des motifs du projet de loi n° 7954, la demanderesse estime que la partie étatique, au-delà de commettre une violation de la loi, commettrait un détournement de pouvoir, en s’abstenant d’appliquer les conditions posées par la loi en vigueur, de se plier aux décisions des juridictions administratives et ce en soumettant d’ores et déjà l’octroi des autorisations de séjour pour raisons privées aux conditions prévues par un projet de loi, ce que la demanderesse entendrait illustrer à travers des exemples de ressources financières et non prises en comptes dans le cadre d’autres demandes d’autorisation de séjour sur base de l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi du 29 août 2008.
En ce qui concerne sa situation personnelle, la demanderesse explique avoir remis des documents qui prouveraient qu’elle serait employée par la société « …» et toucherait actuellement un salaire mensuel stable de 3.057,78 USD, tout en soulignant que le contrat de travail versé renseignerait qu’elle serait autorisée à travailler à l’endroit de son choix, donc également au Luxembourg. Elle indique, en outre, avoir remis des extraits bancaires qui prouveraient qu’elle disposerait d’avoirs bancaires sur son compte auprès de la « … » d’un montant de 102.939,80 USD, équivalant à 87.960,52 euros.
Ainsi, malgré le fait qu’elle aurait apporté la preuve non seulement d’un revenu supérieur au montant mensuel du salaire social minimum d’un travailleur non qualifié, mais également de réserves conséquentes lui permettant largement de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, le ministre lui aurait refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au motif que ses ressources financières ne seraient pas disponibles ni immédiatement accessibles, ce qui serait formellement contesté.
En s’emparant, à nouveau, de l’arrêt précité de la Cour administrative du 16 décembre 2021, la demanderesse soutient que même à supposer que ces fonds se trouveraient actuellement bloqués, cette circonstance ne saurait en aucun cas justifier le refus du ministre de les prendre en considération.
La demanderesse conteste finalement, en qualifiant d’insultant tant à son égard qu’à l’égard de l’Etat thaïlandais, l’affirmation du ministre, remettant en cause la légitimité de la provenance des fonds, au motif qu’il serait de notoriété publique que les standards thaïlandais en matière de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne seraient pas ceux en vigueur dans l’Union européenne, alors qu’une telle considération ne saurait, en toute circonstance, pas justifier une décision de refus de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées. En réitérant son argumentation aux termes de laquelle elle aurait établi à suffisance de droit disposer de ressources financières suffisantes, la demanderesse conclut à l’annulation de la décision ministérielle litigieuse pour détournement de pouvoir, sinon pour violation de la loi.
Quant au refus ministériel de faire droit à la demande de regroupement familial dans le chef de son époux, la demanderesse soutient qu’il semblerait être basé sur une seule allégation arbitraire, devant encourir le rejet, que son époux n’aurait pas une présence effective sur le territoire luxembourgeois du fait de son emploi. Même si son époux serait employé en tant que « Petroleum Engineer » pour le compte d’une société située en Oman, cette circonstance ne laisserait en rien présumer que cet emploi le forcerait à faire de nombreux voyages et à résider hors du Luxembourg. Elle fait encore état, dans ce contexte, de l’obligation de collaboration de l’administration avec l’administré, tel que précisée par la Cour administrative, pour conclure que malgré cette obligation, aucune question sur la résidence ou sur les éventuels déplacements requis par Monsieur (B) dans le cadre de son travail n’aurait été posée au cours de la procédure précontentieuse et aucune pièce supplémentaire n’aurait été demandée à ce sujet.
La demanderesse sollicite finalement une indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros sur le fondement de l’article 33 de la de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », ainsi que l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en tous ses moyens en se rapportant aux motifs de la décision déférée et en soulignant que la demanderesse ne disposerait en outre pas d’un logement approprié.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant1.
Le tribunal relève ensuite que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en un dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée, dans les hypothèses où l’auteur de la décision dispose d’une telle marge d’appréciation, étant relevé que le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité2 appelant le juge administratif à opérer une balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but3.
En l’espèce, il convient de relever qu’à travers la décision litigieuse, le ministre a 1 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 21060 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 545 (2e volet) et les autres références y citées.
2 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 60 et les autres références y citées.
3 Cour adm., 12 janvier 2021, n°44684C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 44 et les autres références y citées.refusé l’octroi, dans le chef de Madame (A), d’une autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi du 29 août 2008 aux termes duquel, dans sa version applicable au moment de la décision déférée, « (1) A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu’ils disposent de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées :
a) au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu’il peut vivre de ses seules ressources ;
b) aux membres de la famille visés à l’article 76 ;
c) au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ;
(2) Les personnes visées au paragraphe (1) qui précède doivent justifier disposer de ressources suffisantes telles que définies par règlement grand-ducal ».
Il ressort de l’article précité qu’afin de pouvoir prétendre à une autorisation de séjour pour raisons privées, un ressortissant de pays tiers doit tout d’abord remplir les conditions énumérées aux premier et deuxième paragraphes de l’article 78 précité de la loi du 29 août 2008, c’est-à-dire (i) ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, (ii) disposer de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, et (iii) disposer de ressources suffisantes.
Il y a tout d’abord lieu de constater qu’il n’est pas contesté que Madame (A) remplit la condition de ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, ainsi que de disposer d’une assurance maladie, seules les conditions tenant à un logement approprié ainsi qu’à des ressources suffisantes étant litigieuses en l’espèce, le délégué du gouvernement ayant, en tant que motivation complémentaire, fait valoir que Madame (A) serait restée en défaut de rapporter la preuve de disposer, au Luxembourg, d’un logement approprié.
Le tribunal relève, par ailleurs, que les conditions précitées de l’article 78, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sont cumulatives, de sorte que le fait qu’une seule de ces conditions n’est pas remplie est suffisant pour justifier un refus de l’autorisation de séjour y visée.
Concernant plus particulièrement la condition ayant trait au logement approprié, l’article 9 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 dispose que : « (1) La condition de logement approprié prévue par la loi est appréciée par rapport aux stipulations du règlement grand-ducal du 25 février 1979 déterminant les critères de location, de salubrité ou d’hygiène auxquels doivent répondre les logements destinés à la location. (…) », étant précisé que ledit règlement grand-ducal du 25 février 1979 a été abrogé par le règlement grand-ducal du 20 décembre 2019 déterminant les critères minimaux de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habitabilité auxquels doivent répondre les logements et chambres donnés en location ou mis à disposition à des fins d’habitation, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 20 décembre 2019 », qui est le règlement d’exécution de la loi du 20 décembre 2019 relative aux critères de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’habitabilité des logements et chambres donnés en location ou mis à disposition à des fins d’habitation, ci-après dénommée « la loi du 20décembre 2019 ».
L’article 2 de la loi du 20 décembre 2019 précise que « (1) Les logements et chambres donnés en location ou mis à disposition à des fins d’habitation doivent répondre :
1° à des critères de salubrité et d’hygiène, comprenant les exigences relatives à la surface, l’humidité, la ventilation, la nocivité des murs et de l’air et la santé en général des personnes logées dans un logement ou dans une chambre ;
2° à des critères de sécurité, comprenant les exigences relatives à l’accès, la stabilité, l’électricité, le chauffage, le gaz et la prévention incendie d’un logement ou d’une chambre ;
3° à des critères d’habitabilité, comprenant les exigences relatives à la hauteur des pièces d’un logement ou d’une chambre ainsi que les exigences relatives aux équipements élémentaires dont doit disposer un logement ou une chambre.
La surface d’une chambre ne peut être inférieure à 9 m² par occupant.
(2) Un règlement grand-ducal précise le contenu et fixe les modalités d’application des critères prévus au paragraphe 1er. ».
Le tribunal constate qu’après avoir critiqué le fait que le logement mis en avant par la demanderesse se trouverait à la même adresse que celui de son propriétaire et que cette adresse a déjà été utilisée comme prétendue preuve d’un logement approprié dans une autre affaire inscrite sous le numéro 47958 du rôle, le délégué du gouvernement fait valoir qu’au vu de la description du bien, à savoir « The owner rents the following property to the tenant, located …, L-…, with 2 bedroom, 1 bathroom, 1 kitchen in the house (bedroom 50 m2) », il s’agirait d’un logement partagé qui ne saurait être qualifié de logement approprié, de sorte que la condition de logement approprié dans le chef de Madame (A) ne serait pas remplie, tout en relevant que le contrat de bail versé par la demanderesse semblerait avoir uniquement été établi pour les besoins de la cause de manière pro forma.
Il échet ensuite de constater que si la surface habitable d’une chambre de 50 m2 est bien indiquée, la surface habitable du logement n’est pas précisée dans le contrat de bail présenté sous examen, la demanderesse restant, par ailleurs, en défaut de verser une quelconque pièce à cet égard.
Or, l’article 2 de la loi du 20 décembre 2019 prévoit en son paragraphe (1), alinéa 2, que la surface d’une chambre ne peut être inférieure à 9 mètres carrés par occupant, le logement loué par Madame (A), soit pour trois occupants, elle-même, son époux et leur enfant mineur commun, devant dès lors, pour satisfaire audit critère de taille, disposer pour chaque occupant d’une chambre de 9 mètres carrés.
La demanderesse restant en défaut de prouver que le logement loué par elle satisfait aux conditions de taille minimale prévue au paragraphe (2) de la loi du 20 décembre 2019, il n’est pas établi en cause qu’elle dispose d’un logement approprié au sens de l’article 78, paragraphe (1) pour y héberger sa famille.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour pour raisons privées, de sorte que le recours en annulation, en ce qui concerne le refus d’une autorisation de séjour pour raisons privées, tant dans le chef de Madame (A) que de son époux et de leur enfant mineur commun, encourt le rejet pour ne pas être fondé, sansqu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant et notamment sur l’ensemble des développements ayant trait aux ressources financières suffisantes de Madame (A), et ce au vu du caractère cumulatif des conditions d’octroi de l’autorisation de séjour pour raisons privées.
En ce qui concerne ensuite la demande de regroupement familial dans le chef de Monsieur (B) et de l’enfant mineur commun, (C), l’article 69, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 dispose que :
« (1) Le ressortissant de pays tiers qui est titulaire d’un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an et qui a une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée peut demander le regroupement familial des membres de sa famille définis à l’article 70, s’il remplit les conditions suivantes:
1. il rapporte la preuve qu’il dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et ceux des membres de sa famille qui sont à sa charge, sans recourir au système d’aide sociale, conformément aux conditions et modalités prévues par règlement grand-ducal;
2. il dispose d’un logement approprié pour recevoir le ou les membres de sa famille;
3. il dispose de la couverture d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille. (…) ».
Il ressort de cet article que, pour pouvoir introduire sa demande de regroupement familial, le ressortissant de pays tiers doit au préalable (i) être titulaire d’un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an et (ii) avoir une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée, avant de remplir les conditions visées aux points 1, 2 et 3, précités, de l’article 69 de la loi du 29 août 2008.
Il échet de constater que la demande de regroupement familial sur base de l’article 69 de la loi du 29 août 2008 dans le chef de Monsieur (B) et de l’enfant (C) a été introduite par Madame (A) concomitamment à sa propre demande d’autorisation de séjour pour raisons privées.
Or, étant donné qu’au moment de l’introduction de la demande de regroupement familial au profit de son époux et de leur enfant mineur commun, Madame (A) ne disposait, à titre personnel, d’aucun titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an, ni a fortiori d’une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée, c’est à bon droit que la partie étatique a conclu qu’elle ne remplissait pas l’une des conditions essentielles pour pouvoir introduire une demande de regroupement familial, étant relevé, par ailleurs, que Madame (A) n’a pas pris position sur ce point.
Le volet du recours visant le refus du ministre de faire droit à la demande de regroupement familial dans le chef de Monsieur (B) et de l’enfant (C) encourt, dès lors, également le rejet pour être non fondé, sans qu’il ne soit nécessaire de vérifier si les autres conditions prévues au prédit article 69 de la loi du 29 août 2008 sont remplies, cet examen étant devenu surabondant.
Il s’ensuit que le recours en annulation encourt le rejet pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros telle que formulée par la demanderesse sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.
Enfin, la demande de Madame (A) tendant à voir ordonner l’exécution provisoire du présent jugement est également à rejeter, étant donné que le législateur n’a pas conféré au tribunal administratif le pouvoir d’ordonner l’exécution provisoire de ses jugements4.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.500 euros telle que formulée par la demanderesse ;
rejette la demande tendant à voir ordonner l’exécution provisoire du jugement ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mai 2025 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 4 Trib. adm., 12 mai 1998, n° 10266 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.