Tribunal administratif N° 49212 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49212 5e chambre Inscrit le 26 juillet 2023 Audience publique du 23 mai 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, …, contre des bulletins de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur la fortune
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49212 du rôle et déposée le 26 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée LOYENS & LOEFF SARL, établie et ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 18-20, rue Edward Steichen, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B174248 et inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente instance par Maître Petrus MOONS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2018, ainsi que du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, tous deux émis en date du 20 juillet 2022 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2024 par la société à responsabilité limitée LOYENS & LOEFF SARL, préqualifiée, pour le compte de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, prequalifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Petrus MOONS et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 février 2025.
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Suite au dépôt des déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt commercial communal et l’impôt sur la fortune des collectivités de l’année 2017, auprès du bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », ledit bureau informa la société à responsabilité limitée (AA) SARL, désignée ci-après par « la société (AA) », par courrier du 1er juin 2022, sur le fondement du § 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il envisageait de dévier de la déclaration fiscale en question, déposée par ladite société, tout en l’invitant à formuler ses éventuelles objections de façon écrite jusqu’au 22 juin 2022, demande à laquelle celle-ci ne donna pas suite. Ledit courrier est formulé comme suit :
1 « […] En vertu du §205 (3) de la loi générale des impôts, je vous informe, préalablement à l’imposition, que le bureau Sociétés … envisage de s’écarter sur les points suivants de la déclaration fiscale de la fortune au 1.1.2018 :
− Cours de change à appliquer : 1 USD = 0,8852 EUR (voir circulaire LG-A n°60bis/3 du 24 janvier 2018) − La participation détenue par votre société dans le capital social de la société résidente au … « (BB) » ne remplit pas la condition posée par le paragraphe 60 (2) 3 BewG. Il s’ensuit que l’exonération prévue par ledit paragraphe est refusée. […] ».
En date du 20 juillet 2022, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société (AA) le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, ainsi que le bulletin de l’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2018.
Par courrier de son mandataire daté du 21 octobre 2022, réceptionné le même jour auprès de l’administration des Contributions directes, la société (AA) fit introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation à l’encontre desdits bulletins de l’impôt sur la fortune et de l’établissement de la valeur unitaire aux 1er janvier 2018, tous les deux émis le 20 juillet 2022, réclamation qui ne connut pas de suite de la part du directeur.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2023, la société (AA) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin d’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2018, ainsi que du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018.
Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours S’agissant, tout d’abord, de la compétence du tribunal pour statuer sur le recours sous analyse, force est de souligner que conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition et qu’un recours dirigé directement contre un bulletin n’est prévu à l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la même loi que dans l’hypothèse où une réclamation a été introduite par le contribuable et qu’aucune réponse n’est intervenue dans un délai de six mois.
Il est constant en cause que suite à la réclamation introduite par la société (AA) contre les bulletins d’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation et de l’impôt sur la fortune aux 1er janvier 2018, aucune décision directoriale n’est intervenue.
Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation sous examen.
Il s’ensuit qu’il n’y pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Le délégué du gouvernement conclut ensuite, dans le cadre du dispositif de son mémoire en réponse, à l’irrecevabilité du recours. Il insiste, dans la partie « En droit » de son mémoire en réponse, sur l’irrecevabilité du volet du recours ayant trait au bulletin de l’impôt 2 sur la fortune au 1er janvier 2018 en affirmant que l’imposition litigieuse serait assise sur des bases fixées par établissement séparé, de sorte qu’elle ne pourrait pas être attaquée au motif que ces bases d’imposition seraient inexactes. Selon le délégué du gouvernement, tout recours devrait obligatoirement être formé contre le bulletin portant établissement séparé, soit en l’espèce le bulletin de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2018, conformément au § 232, alinéa (2) AO. A cela s’ajouterait qu’en application du § 218, alinéa (4) AO, toute réformation du bulletin d’établissement de la valeur unitaire entraînerait d’office un redressement du bulletin d’impôt établi sur la base dudit bulletin d’établissement de la valeur unitaire.
Force est au tribunal de constater que s’il est vrai que le contrôle de la régularité d’un bulletin d’établissement de la valeur unitaire doit se faire dans le cadre d’un recours dirigé contre ledit bulletin et non pas dans le cadre d’un recours contre le bulletin de l’impôt sur la fortune reprenant la base d’imposition qui s’ensuit, les dispositions du § 218, alinéa (4) AO ne rendent pas ipso facto irrecevable le recours dirigé contre le bulletin de l’impôt sur la fortune déféré en même temps que le bulletin d’établissement de la valeur unitaire sur lequel ce premier se base, alors que rien n’empêche le tribunal, dans le cadre d’un recours en réformation dirigé contre tous les bulletins litigieux, de réformer, le cas échéant, en application de cette même disposition, le bulletin de l’impôt sur la fortune en fonction des éventuelles rectifications à opérer sur le bulletin d’établissement de la valeur unitaire émis en amont1.
Il suit des éléments qui précèdent et à défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité que le recours principal en réformation dirigé contre le bulletin d’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2018, ainsi que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, tous émis le 20 juillet 2022, est à déclarer recevable pour avoir été introduit, par ailleurs, dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond Arguments et moyens des parties A l’appui de son recours et en fait, la société demanderesse explique avoir été constituée en date du 20 novembre 2013 sous la forme d’une société à responsabilité limitée luxembourgeoise et avoir exercé une activité de détention de participations et de financement intragroupe. En décembre 2015, elle aurait acquis la totalité des parts dans la société à responsabilité limitée de droit américain (BB) qui serait résidente dans l’Etat fédéré du … aux Etats-Unis d’Amérique, ci-après désignée par « la société (BB) ».
Elle poursuit en expliquant que la société (BB) aurait été la société mère américaine du groupe consolidé (BB) au cours de l’année fiscale 2018 et qu’elle aurait détenu et détiendrait toujours notamment un certain nombre de filiales américaines dudit groupe. Après la scission de son activité industrielle le 29 février 2020, la dénomination sociale de la société (BB) aurait été remplacée par celle de « (CC) », avec effet à partir de mai 2020.
La société demanderesse indique que la résidence fiscale de la société (BB) se situerait aux Etats-Unis d’Amérique alors qu’elle y serait pleinement imposable au taux de 35% pour les années d’imposition antérieures à 2018 et au taux de 21% pour les années d’imposition postérieures à 2017. La majorité significative des bénéfices de la société (BB) serait issue de ses activités aux États-Unis.
1 Trib. adm. 22 janvier 2019, n° 40240 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1418, 2e volet.
3 En droit, la société demanderesse s’appuie, en premier lieu, sur le § 60, alinéa (2), numéro 3 de la loi du 16 octobre 1934 concernant l’évaluation des biens et valeurs, telle que modifiée, communément appelée « Bewertungsgesetz », en abrégé « BewG », qui prévoirait l’exonération de l’impôt sur la fortune sur les participations détenues directement dans le capital social d’une société de capitaux non-résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités.
Elle se réfère ensuite aux travaux parlementaires relatifs au § 60 BewG et à l’article 166 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », pour faire valoir que ni lesdits travaux parlementaires, ni la « jurisprudence » ne définiraient la notion « d’un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités ».
Il ressortirait toutefois des travaux parlementaires relatifs à l’article 164bis LIR qu’« est considéré comme un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois, un impôt perçu par la collectivité publique, de façon obligatoire et à un taux d’impôt effectif qui ne peut être inférieur à la moitié du taux d’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois, soit actuellement 9%. De plus, la détermination de la base imposable doit obéir à des règles et critères analogues à ceux applicables au Grand-Duché de Luxembourg ».
Il serait dès lors « généralement admis » que pour déterminer si la société étrangère est soumise à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois, il conviendrait de comparer sa charge fiscale effective avec la charge fiscale grevant les revenus d’une société résidente exerçant la même activité et dont les revenus seraient soumis au Luxembourg à l’impôt sur le revenu des collectivités.
A cet égard, la société demanderesse fait valoir que sa filiale, la société (BB), serait une société de capitaux au sens du § 60, alinéa (2), numéro 3 BewG, au motif qu’elle aurait été constituée sous la forme d’une « … » de droit américain, forme qui serait comparable à une société anonyme de droit luxembourgeois. La société (BB) serait par ailleurs pleinement imposable au « corporate income tax » américain - lequel équivaudrait à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois, - sans bénéficier d’une quelconque exonération subjective.
Dans ce contexte, la société demanderesse explique qu’en vertu du droit fiscal américain, les sociétés seraient assujetties à l’impôt sur les sociétés au niveau de l’Etat de résidence ainsi qu’à un impôt fédéral au taux de 21% applicable aux exercices fiscaux commençant après le 31 décembre 2017. A cela s’ajouterait que le système fiscal américain reposerait sur un « principe d’autoévaluation », selon lequel tous les contribuables seraient tenus de calculer leur propre impôt sur le revenu et de remplir et de déposer une déclaration d’impôt. Le montant d’impôt calculé serait ensuite payé par les sociétés sous forme d’acomptes et elles seraient ensuite tenues d’effectuer un paiement final de tout impôt restant dû au plus tard à la date d’échéance de la déclaration d’impôt sur le revenu.
La société demanderesse soutient qu’en l’espèce, la société (BB) aurait bien procédé à la déclaration de son impôt sur les sociétés pour l’année 2018 aux Etats-Unis, laquelle renseignerait que sa base imposable s’élèverait à un montant de … dollars américains, de même que le montant de l’impôt sur les sociétés américain (avant imputation d’éventuels crédit d’impôts), soit un montant de … dollars américains. La société (BB) aurait dès lors été soumise à un impôt sur les sociétés au taux effectif de 21% pour l’année 2018. Tout en donnant à considérer que l’impôt sur les revenus des collectivités luxembourgeois pour 2018 aurait été de 18%, la société demanderesse conclut que l’impôt sur les sociétés américain auquel la 4 société (BB) aurait été soumise, aurait été supérieur à la moitié du taux de l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois pour 2018. Dans ce contexte, la société demanderesse insiste finalement sur la circonstance que même en prenant en compte les crédits d’impôt dont la société (BB) aurait bénéficié aux Etats-Unis, le taux d’imposition effectif de celle-ci serait de 15,48 % et demeurerait ainsi supérieur à la moitié du taux de l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois pour 2018. A cela s’ajouterait que la détermination de la base imposable de la société (BB) obéirait à des règles et critères analogues à ceux applicables au Luxembourg.
Dans un deuxième temps, la société demanderesse fait valoir que pour l’établissement de la valeur unitaire, les éléments de l’actif et du passif exprimés en devise étrangère seraient à convertir au cours de change de la date de clôture du bilan, à l’exception des actions, parts sociales et titres analogues de sociétés de capitaux. Pour ces titres, la date-clé déterminante pour l’évaluation serait toujours le 31 décembre de l’année précédant la date-clé de fixation de la valeur unitaire.
En l’espèce, elle aurait constamment appliqué le taux de change de fin d’année. Selon la société demanderesse, il ne serait par ailleurs pas permis au contribuable de changer de méthode d’une année à une autre. De même, le bureau d’imposition ne serait pas autorisé à dévier de cette règle.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soutient que la société demanderesse aurait renseigné une fortune nette au 1er janvier 2018 pour un montant de … dollars américains dans sa déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2017, mais que le bureau d’imposition aurait toutefois retenue une fortune nette d’un montant de … dollars américains. Suite à la conversion en euros, la fortune nette arrondie se serait élevée à un montant de … euros (0,8852 x …) et l’impôt sur la fortune à un montant de … euros (0,5% x …) conformément au § 8, alinéa 1er de la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’impôt sur la fortune, dite « Vermögenssteuergesetz », en abrégé « VStG ».
Le délégué du gouvernement soutient que la question pertinente en l’espèce serait celle de savoir si la participation détenue dans le capital de la société (BB), dont la valeur s’élèverait à un montant de … dollars américains, est à exonérer de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018.
A cette fin, il faudrait vérifier si la société (BB), dont la société demanderesse serait l’associé unique, est à considérer comme pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois au sens du § 60, alinéa (2), numéro 3 BewG.
A cet égard, le délégué du gouvernement fait valoir qu’en ce qui concerne les sociétés de capitaux non résidentes pleinement imposables à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, l’impôt devrait être perçu par la collectivité publique, de façon obligatoire et à un taux d’impôt effectif qui ne pourrait être inférieur à la moitié du taux d’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois. La détermination de la base imposable devrait obéir à des règles et critères analogues à ceux applicables au Luxembourg. Ainsi, au vu l’évolution du taux de l’impôt sur le revenu des collectivités au fil des années, le taux d’impôt effectif minimum ne pourrait être inférieur à 9 % (18% / 2) « pour l’année 2018 ».
Le délégué du gouvernement soutient ensuite qu’en réponse à la question « Is […] [la société (BB)] fully taxable to a tax corresponding to the corporate income tax? » - figurant 5 dans le formulaire de déclaration 506 - , la société demanderesse n’aurait coché ni la case « Yes », ni la case « No », mais se serait limitée à déclarer que la société (BB) serait résidente aux « USA », de sorte qu’elle n’aurait pas remis de déclaration complète. A cet égard, il donne encore à considérer que la société (BB) serait résidente de l’Etat américain du … qui serait « une juridiction à régime fiscal privilégié ».
Il prend ensuite positon par rapport aux pièces versées par la société demanderesse lors de l’introduction de la réclamation, voire du dépôt du présent recours, à savoir (i) un certificat de résidence établi par les autorités fiscales américaines pour l’année 2018 pour la société « (BB) », ci-après désigné par « le certificat de résidence 2018 », (ii) un certificat de résidence établi par les autorités fiscales américaines pour l’année 2021 pour la société « (DD) », ci-après désigné par « le certificat de résidence 2021 », (iii) un certificat établi par les autorités fiscales américaines lequel renseignerait que la société « (DD) » aurait déposé une déclaration pour l’impôt sur le revenu fédéral américain (« U.S. Corporation Income Tax Return ») de l’année 2021 au sens de la convention de double imposition conclue entre la Fédération de Russie et les Etats-Unis d’Amérique, ci-après désigné par « le certificat de dépôt de déclaration fiscale 2021 », et (iv) une copie d’un extrait de la déclaration pour l’impôt sur le revenu fédéral américain établie sur base du formulaire « Form 1120 » et relative à l’année 2018, ci-après désigné par « l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB) ».
Dans ce contexte, le délégué du gouvernement fait tout d’abord valoir que le certificat de résidence 2021 et le certificat de dépôt de déclaration fiscale 2021 seraient à écarter pour défaut de pertinence et de force probante étant donné qu’ils feraient référence à l’année d’imposition 2021, laquelle ne serait pas visée en l’espèce.
En ce qui concerne le certificat de résidence 2018 aux termes duquel « (BB) (…) is a U.S. corporation, and a resident of the United States of America for purposes of U.S. taxation.
», il ne renseignerait pas de manière explicite le régime fiscal applicable à la société (BB) étant donné qu’il se limiterait à indiquer que cette dernière serait résidente américaine « à des fins d’imposition aux Etats-Unis ». A cela s’ajouterait que ledit certificat aurait été confectionné par un agent des autorités fiscales de la ville de « … », alors que cette dernière ferait partie de l’Etat de … et non pas de l’Etat du …, Etat dans lequel la société (BB) aurait établi son siège.
Concernant finalement l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB), le délégué du gouvernement fait valoir qu’il en ressortirait certes un revenu imposable pour un montant de … dollars américains, respectivement des impôts à hauteur de (… - … (crédits d’impôts) i.e.) … dollars américains, de sorte que tout laisserait penser que la société (BB) serait pleinement imposable dans l’Etat du …. Or, l’adresse que la société (BB) aurait indiqué dans ladite déclaration se trouverait à « … », dans l’Etat de … du Nord, Etat dans lequel se trouverait le siège américain du groupe (BB).
Le délégué du gouvernement donne encore à considérer qu’à la page 4 de ladite déclaration, la société (BB) aurait mentionné la société « (BB) » comme étant sa société-mère et non pas la société demanderesse.
Au vu de tous ces éléments, le délégué du gouvernement conclut qu’il existerait de forts doutes quant à l’identification de la société (BB), incohérences qui seraient de nature à enlever aux données ainsi soumises par la société demanderesse leur caractère fiable et crédible. Ainsi, le délégué du gouvernement estime que la société demanderesse n’aurait soumis aucun élément tangible fournissant des indices concrets que la société (BB), établie dans l’Etat du …, serait soumise à un impôt sur le revenu des collectivités comparable.
6 A cela s’ajouterait que l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB) ne prouverait pas qu’elle serait pleinement imposable aux Etats-Unis, alors qu’il ne serait pas certain que ladite déclaration ait effectivement été déposée auprès des autorités fiscales américaines et que la cote d’impôt alléguée soit effectivement la cote d’impôt in fine retenue par les autorités américaines et payée par la société (BB). A cet égard, le délégué du gouvernement fait plus particulièrement valoir que seul un bulletin de l’impôt sur le revenu fédéral américain de l’année 2018, émis au nom de la société (BB), établirait qu’un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités du Luxembourg aurait été fixé. Pour le surplus, la société demanderesse devrait également rapporter la preuve que la société (BB) se serait effectivement acquittée des impôts. Or, a défaut de telles preuves, la société (BB) ne pourrait pas être considérée comme une société pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois, de sorte que la société demanderesse ne serait pas susceptible de bénéficier de l’exonération contenue au § 60, alinéa (2) BewG à l’endroit de la société (BB).
Il « [serait] dès lors impératif que [la société demanderesse] produise, en cours d’instance, les pièces justificatives corroborant que la société [(BB)] a été soumise en 2018, dans l’Etat de Delaware, à un impôt comparable à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois », et plus particulièrement « le bulletin de l’impôt sur le revenu fédéral américain de l’année 2018 accompagné de la preuve de paiement de l’impôt ».
Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à l’application du taux de change au 31 décembre 2017.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse soutient que contrairement à ce qui serait prétendu par la partie étatique, elle aurait coché la case correspondant à la condition de pleine imposition de sa filiale, la société (BB), à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités sur le formulaire 506a pour l’exercice fiscal 2017.
Elle fait ensuite valoir qu’il n’existerait aucune notion de « juridiction à régime fiscal privilégié » en droit fiscal luxembourgeois, tout en précisant que ni les Etats-Unis d’Amérique, en général, ni l’Etat du …, en particulier, ne figureraient sur la liste de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales.
Tout en reprenant ses développements quant à la notion d’ « impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités » contenus dans sa requête introductive d’instance, elle précise que ni la loi, ni la jurisprudence, ni encore une quelconque ligne directrice de l’administration fiscale luxembourgeoise ne préciserait quelles pièces pourraient permettre de démontrer qu’une société étrangère est soumise dans son Etat de résidence à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, de sorte que cette condition pourrait être démontrée par tous moyens.
En ce qui concerne tout d’abord les reproches du délégué du gouvernement quant au certificat de résidence 2021, la société demanderesse indique verser le certificat émis pour la société (BB) par les autorités fiscales américaines au titre de l’année 2018 lequel – outre de préciser que celle-ci aurait sa résidence fiscale aux Etats-Unis d’Amérique - confirmerait expressément que la société (BB) aurait bien déposé une déclaration fiscale fédérale aux Etats-
Unis d’Amérique pour l’exercice fiscal de 2018.
7 Concernant ensuite le certificat de résidence 2018 et le reproche du délégué du gouvernement suivant lequel celui-ci aurait été délivré par le bureau de …, lequel ferait partie de l’Etat de …, alors que la société (BB) aurait été établie dans l’Etat du Delaware, la société demanderesse explique que le certificat de résidence fiscale aux États-Unis (formulaire 6166) serait délivré par l’ « Internal Revenue Service », l’agence gouvernementale américaine chargée d’administrer le recouvrement de l’impôt fédéral, ci-après désignée par « l’IRS ».
L’IRS délivrerait les formulaires 6166 à partir d’un bureau situé à …, en … Le formulaire 6166 indiquerait qu’une entreprise est une société américaine. L’IRS ne fournirait toutefois pas de certificat pour l’Etat fédéré dans lequel une société est constituée. A cet égard, la société demanderesse insiste sur le fait que l’Etat fédéré dans lequel la société (BB) aurait été constitué n’aurait, de toute façon, pas de pertinence pour la détermination de son assujettissement à l’impôt sur les sociétés américain, prélevé sur l’ensemble du territoire des Etats-Unis d’Amérique.
En ce qui concerne en troisième lieu l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB) et les interrogations avancées en cause par le délégué du gouvernement sur l’indication d’une adresse en … et non pas au … la société demanderesse met en avant qu’en principe, l’Etat dans lequel une société est constituée ne serait pas indiqué sur ses déclarations d’impôt fédéral sur le revenu (formulaire 1120), étant donné que cet impôt serait prélevé pour le compte de l’Etat fédéral et non pas pour compte de chaque Etat fédéré. Les déclarations d’impôt fédéral sur le revenu des États-Unis d’Amérique n’exigeraient dès lors pas que l’adresse indiquée sur le formulaire soit l’adresse de l’Etat fédéré de constitution du contribuable. A cet égard, la société demanderesse fait plus particulièrement valoir que la pratique de de la société (BB) et plus généralement du groupe consisterait à fournir à l’IRS l’adresse postale du siège du groupe – en l’espèce … - afin de centraliser le traitement du courrier.
Quant à l’indication de la dénomination de la société « (BB) » sur l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB), la société demanderesse soutient qu’il s’agirait de la société mère ultime du groupe durant la période sous revue.
Ainsi, contrairement à ce qu’avance la partie étatique, aucun doute n’existerait quant à l’identification de la société (BB). En outre, les différents certificats de résidence fiscale, de même que l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB), indiqueraient tous le même numéro fiscal et la même dénomination sociale, laquelle serait également reprise dans le formulaire 506a.
Quant au reproche du délégué du gouvernement que seul un bulletin de l’impôt sur le revenu fédéral américain de l’année 2018, émis au nom de la société (BB), établirait qu’un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités du Luxembourg aurait été fixé, la société demanderesse fait tout d’abord rappeler qu’en l’absence de dispositions prévues par la loi ou de jurisprudence établie relatives aux pièces permettant de démontrer qu’une société étrangère est soumise dans son Etat de résidence à « un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités », la limitation aux « seuls » bulletins d’imposition opérée par l’administration fiscale luxembourgeoise n’aurait pas de fondement légal. Le système fiscal américain reposerait par ailleurs sur un principe d’auto-évaluation, selon lequel tous les contribuables seraient tenus de calculer leur propre impôt sur le revenu, de remplir et de déposer une déclaration d’impôt.
Contrairement à l’administration des Contributions directes au Luxembourg, l’IRS n’émettrait donc pas de bulletins d’imposition. Le montant d’impôt calculé serait payé par les sociétés sous forme d’acomptes et elles seraient tenues d’effectuer un paiement final de tout impôt restant dû au plus tard à la date d’échéance de la déclaration d’impôt sur le revenu.
8 Tout en donnant à considérer que l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB) compterait des milliers de pages, la société demanderesse estime que l’extrait versé en tant que pièce permettrait à suffisance de calculer l’impôt dû par la société (BB) au titre de l’année 2018. Toutefois, « afin de lever tout éventuel doute sur l’impôt établi », elle verserait à l’appui du mémoire en réplique un extrait plus détaillé de la déclaration d’impôt 2018 de la société (BB) ainsi que la page de la signature de la déclaration (formulaire 8453-C) lequel mentionnerait, en outre, à la ligne 3, le montant de l’impôt dû par la société (BB) pour l’année 2018 après la prise en compte des crédits d’impôt, en l’occurrence … dollars américains. Ce montant rapporté au montant du revenu imposable de la société (BB), soit … dollars américains, résulterait en un taux d’imposition effectif pour l’année 2018 de 15,48%, donc bien au-dessus des 9% requis pour le test de l’impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois.
En ce qui concerne finalement l’exigence de rapporter la preuve de l’acquittement des impôts dus par la société (BB), la société demanderesse verse à l’appui de son mémoire en réplique, les extraits de la plateforme américaine pour le paiement de l’impôt fédéral sur le revenu desquels il résulterait que la somme des acomptes payés par la société (BB) au titre de l’impôt fédéral sur le revenu correspondrait à … dollars américains, montant qui serait légèrement plus élevé à l’impôt dû indiqué à la ligne 3 du formulaire 8453-C. La différence entre le montant de … dollars américains et la somme des paiements effectués, soit … dollars américains, correspondrait à un excédent de paiement de … dollars américains, lequel serait indiqué à la ligne 5 du formulaire 8453-C de la déclaration fiscale de la société (BB).
Au vu de tout ce qui précède et au vu du fait que la partie étatique n’établirait aucune raison juridique ou factuelle valable pour refuser l’application de l’exonération de l’impôt sur la fortune à sa participation dans la société (BB), la société demanderesse conclut que l’exonération prévue à l’alinéa (2) du § 60 BewG devrait lui être accordée pour l’année 2018.
Quant à l’application du taux de change au 31 décembre 2017, la société demanderesse renvoie aux moyens développés dans sa requête introductive d’instance, tout en insistant sur le fait que la partie étatique n’exposerait aucun argument y relatif.
Appréciation du tribunal Force est de constater que l’objet du litige porte sur la question de savoir si la participation détenue par la société demanderesse dans la société (BB) est susceptible de bénéficier de l’exonération prévue par le § 60 BewG dans le cadre de la détermination de sa fortune d’exploitation au 1er janvier de l’année 2018 et plus particulièrement si la société (BB) est pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivité au sens du § 60, alinéa (2), numéro 3 BewG. A cet égard, le tribunal constate que la question de la date à prendre en considération pour apprécier la condition la condition du § 60, alinéa (2), numéro 3 BewG n’est pas litigeuse en l’espèce, la partie étatique se limitant à solliciter de la part de la société demanderesse d’établir que sa filiale, la société (BB), a été soumise « en 2018 » dans l’Etat du Delaware à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois, soit à un taux d’impôt effectif minimum lequel ne pourrait être inférieur à 9 % « pour l’année 2018 ».
Il y a lieu de relever que le § 60 BewG, intitulé « Vergünstigung für Schachtelgesellschaften », est libellé comme suit :
« (1) La participation détenue par:
9 1. un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l’annexe de l’alinéa 4, 2. une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 4, 3. un établissement stable indigène d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, 4. un établissement stable indigène d’une société de capitaux qui est un résident d’un Etat avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions, 5. un établissement stable indigène d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est un résident d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union européenne, est exonérée lorsque le détenteur, à la fin de l’exercice d’exploitation qui précède la date clé de fixation (alinéa 2 des §§21 à 23), a soit une participation d’au moins 10 pour cent, soit une participation dont le prix d’acquisition est d’au moins … euros.
(2) L’exonération s’applique uniquement à une participation détenue directement dans le capital social:
1. d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, 2. d’une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 4, 3. d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités. […] ».
Il résulte des dispositions du § 60 BewG que la participation détenue par une personne morale visée à l’alinéa (1), numéros 1 à 5, du prédit paragraphe est exonérée de l’impôt sur la fortune lorsque ce même détenteur a détenu, à la fin de l’exercice d’exploitation qui précède la date clé de fixation, soit une participation directe d’au moins 10 %, soit une participation directe dont le prix d’acquisition est d’au moins … euros dans le capital d’une personne morale visée à l’alinéa (2), numéros 1 à 3 du § 60 BewG, à savoir soit un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, ci-après désignée par « la directive mère et filiale », soit une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 4, soit une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités.
En l’espèce, il est constant en cause que la société demanderesse, en tant que société à responsabilité limitée résidente, qualifie d’organisme à caractère collectif au sens du § 60, alinéa (1), numéro 1 BewG précité. Pareillement, le taux de participation n’est pas litigieux en l’espèce, la société demanderesse détenant, de façon non contestée, au 31 décembre 2017, une participation de 100 % dans la société (BB). Les parties s’accordent encore pour retenir que la société (BB) ne qualifie pas comme une des sociétés visées aux numéros 1 et 2, alinéa (2) du § 60 BewG pour être une société de capitaux non résidente ayant son siège aux Etats-Unis dans l’Etat du Delaware.
10 Elles sont toutefois en désaccord sur la question de savoir si la société (BB) qualifie comme société de capitaux non résidente pleinement imposable aux Etats-Unis à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités au Luxembourg, conformément à l’alinéa (2), numéro 3 du § 60 BewG.
A cet égard, force est de relever que pour pouvoir être considérée comme étant une société de capitaux non résidente « pleinement imposable » à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités au sens du numéro 3 de l’alinéa (2) du § 60 BewG, la société en question ne doit pas bénéficier d’une exemption subjective totale ou partielle, étant relevé qu’une exemption est subjective lorsqu’elle est attribuée par une disposition expresse de la législation2.
Dans ce contexte, il est encore relevé que l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de la procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », attribue la charge de la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt au contribuable, de sorte qu’en vue de faire bénéficier les participations détenues dans la société (BB) de l’exonération prévue par le § 60 BewG, il appartient à la société demanderesse, qui s’en prévaut, d’établir que celle-ci est « pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités » au sens du § 60 BewG.
Force est de constater que pour ce faire, la société demanderesse a versé à l’appui de sa requête introductive d’instance (i) le certificat de résidence 2018, (ii) le certificat de résidence 2021 et (iii) l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB).
Suite au reproche du délégué du gouvernement que le certificat de résidence 2021 serait à écarter pour se référer à l’année 2021, laquelle ne serait pas litigieuse dans le cadre du recours sous examen, la société demanderesse a notamment versé, à l’appui de son mémoire en réplique, le même formulaire au titre de l’année 2018, duquel il ressort, de manière non contestée, que la société a déposé une déclaration d’impôt, « form 1120 », au titre de l’année 2018 et qu’elle est considérée par les autorités fiscales américaines comme société résidente aux Etats-Unis, étant donné qu’il y est indiqué : « I certify that the above mentioned corporation is a U.S. corporation, and a resident of the United States of America for purposes of U.S. taxation ».
En ce qui concerne ensuite le reproche du délégué du gouvernement selon lequel ce certificat de résidence 2018 aurait été confectionné par un agent des autorités fiscales de la ville de … dans l’Etat de …, alors que la société (BB) a pourtant son siège dans l’Etat du …, la société demanderesse fait valoir – de manière circonstanciée et sans être contestée par le délégué du gouvernement – que les certificats de résidence aux Etats-Unis (formulaire 6166) seraient tous délivrés par un bureau de l’IRS situé dans l’Etat de Philadelphie et que l’IRS ne fournirait pas de certificat de résidence pour l’Etat fédéré dans lequel une société serait constituée. Le reproche afférent du délégué du gouvernement est partant à écarter.
Il est vrai, tel que le délégué du gouvernement le relève, que ce certificat de résidence 2018 ne renseigne pas le régime fiscal applicable à la société demanderesse.
Cela étant, le délégué du gouvernement a lui-même relevé qu’il ressort de l’extrait de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB) que le montant de l’impôt dû (« Total Tax ») par elle pour l’année 2018 - après la prise en compte de différents crédits d’impôts - s’élevait à … dollars 2 Trib. adm., 19 mai 2022, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 789 et l’autre référence y citée.
11 américains et que le montant du revenu imposable (« Taxable income ») de la société (BB) s’élevait à … dollars américains au titre de l’année 2018, de sorte que le taux d’imposition effectif était, tel que la société demanderesse l’affirme, de 15,48 % au titre de la même année.
Or, il n’est pas contesté par le représentant étatique qu’un taux de 15,48% correspond à « un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités », conformément au §60, alinéa (2), numéro 3 BewG, le délégué du gouvernement affirmant lui-même qu’un taux de 9% qualifie comme tel. Il se dégage par ailleurs des extraits de la plateforme américaine pour le paiement de l’impôt fédéral sur le revenu (« Electronic Federal Tax Payment System »), que la société (BB) a payé, de manière non contestée par le délégué du gouvernement, des acomptes pour un montant total de … dollars américains au titre de l’impôt fédéral américain sur le revenu pour l’année 2018.
Quant au reproche du délégué du gouvernement que la simple copie de la déclaration fiscale 2018 de la société (BB) n’établirait pas que celle-ci l’aurait effectivement déposée, respectivement que la cote d’impôt y indiquée serait effectivement celle retenue par les autorités fiscales américaines, la société demanderesse explique de manière cohérente et non contestée que selon les dispositions légales américaines tous les contribuables sont tenus de calculer leur propre impôt sur le revenu des collectivités, de remplir et de déposer une déclaration d’impôt sans que ne soit émis des bulletins d’impôt par l’IRS. Le délégué du gouvernement n’a pas pris position sur ce point dans le cadre d’un mémoire en duplique, ni oralement à l’audience publique des plaidoiries. Dans ces conditions, l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle seul un bulletin de l’impôt sur le revenu fédéral américain « de l’année 2018 » serait de nature à constituer une preuve pour établir que les conditions du § 60, alinéa (2), numéro 3 BewG seraient remplies encourt le rejet, étant précisé qu’aux termes de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999, la preuve est libre en matière fiscale.
Quant aux interrogations du délégué du gouvernement quant à l’identification de l’adresse de la société (BB), la société demanderesse explique – de manière circonstanciée et sans être contestée sur ce point par le délégué du gouvernement – que les déclarations d’impôt fédéral sur le revenu des États-Unis d’Amérique (formulaire 1120) n’exigeraient pas que l’adresse indiquée sur le formulaire soit l’adresse de l’Etat fédéré de constitution du contribuable, étant donné que cet impôt serait prélevé pour le compte de l’Etat fédéral et non pas pour compte de chaque Etat fédéré. A cet égard, la société demanderesse fait plus particulièrement valoir que la pratique de sa filiale comme celle de nombreuses autres sociétés américaines consisterait à fournir à l’IRS l’adresse postale du siège du groupe, en l’espèce … du Nord, et ceci afin de centraliser le traitement du courrier. C’est également de façon convaincante que la société demanderesse explique que sa filiale aurait indiqué le nom de la société mère ultime du groupe comme « société mère » dans sa déclaration fiscale 2018, à savoir la société (BB), explication qui n’est pas contredite par le délégué du gouvernement dans un mémoire en duplique, non déposé en l’espèce.
Dans ce contexte, il y a lieu d’admettre que, conformément à l’alinéa (2), numéro 3 du § 60 BewG, la société (BB) a rapporté à suffisance la preuve qu’elle qualifie de société pleinement imposable aux Etats-Unis à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités au Luxembourg.
C’est dès lors à tort que le bureau d’imposition a conclu que la société (BB) n’était pas à considérer comme étant pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, de sorte que la condition du numéro 3, alinéa (2) du § 60 BewG ne serait pas remplie et qu’en conséquence la société demanderesse ne pourrait pas se voir octroyer dans le cadre de l’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 12 2018, l’exonération de l’impôt prévue par le § 60 BewG du chef de sa participation dans la société (BB).
Finalement, force est de constater que dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne l’application du taux de change au 31 décembre 2017.
Or, si le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation3, force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement n’a formulé aucune explication concrète à l’appui de sa contestation. Or, une contestation non autrement développée est à écarter. En effet, il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties et de faire des suppositions sur les moyens qu’ils ont voulu soulever au risque d’une violation des droits de la défense4.
Dès lors, les contestations afférentes de la partie étatique encourent le rejet.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours est fondé et que le bulletin d’établissement de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier 2018 est à modifier en ce sens que la participation détenue par la société demanderesse dans le capital social de la société (BB) est à exonérer dans le cadre de l'établissement de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation, en vertu du § 60 BewG, étant précisé que cette réformation du bulletin d’établissement prévisé entraînera, conformément au § 218, alinéa (4) AO, d'office un redressement du bulletin d'impôt sur la fortune établi sur base dudit bulletin d'établissement, comme le délégué du gouvernement l’a précisé à bon droit.
Quant à l’indemnité de procédure Arguments et moyens des parties Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure à hauteur de 3.000 euros, en soutenant qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, et ce plus particulièrement eu égard au fait qu’elle aurait été contrainte d’introduire une instance devant le tribunal administratif en raison de l’absence de réponse du directeur à sa réclamation introduite le 21 octobre 2022.
Le délégué du gouvernement conteste le principe et le quantum de la demande de l’octroi d’une indemnité de procédure étant donné que la société demanderesse n’aurait pas démontré en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge exclusive les frais exposés par cette dernière.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse fait valoir qu’elle aurait droit à une indemnité de procédure à hauteur de 5.000 euros en raison de l’absence de réponse aux justifications qu’elle aurait apportées dans le cadre de sa réclamation, ce qui aurait mené à l’introduction d’une instance devant le tribunal administratif. A cela s’ajouterait qu’il ressortirait des arguments et remarques de la partie étatique dans son mémoire en réponse que l’ensemble du litige résulterait tout d’abord d’une erreur opérée par le bureau d’imposition lors de la revue 3 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 (1er volet) et les autres références y citées.
4 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 (2e volet) et les autres références y citées.
13 de ses déclarations fiscales. A cet égard, la société demanderesse explique plus particulièrement que la partie étatique prétendrait, à tort, qu’elle n’aurait pas coché la case indiquant que la société (BB) serait soumise à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités dans le formulaire 506a alors qu’il ressortirait de la pièce n°8 de sa farde de pièces qu’elle aurait bien coché cette case.
Ensuite, il semblerait que le litige découlerait également des a priori de la partie étatique vis-à -vis des sociétés établies dans l’Etat américain du … alors qu’elle sous-entendrait que l’Etat du … serait une « juridiction à régime fiscal privilégié » sans mentionner une quelconque base légale pour une telle qualification et sans s’intéresser aux impôts effectivement payés par la société (BB).
A cela s’ajouterait que la partie étatique serait d’accord sur le principe de la qualification de la société (BB) pour l’exonération prévue au § 60, alinéa (2) BewG et ne remettrait en cause que la qualité des pièces fournies qu’elle aurait fournies. A cet égard, la société demanderesse fait valoir que l’ensemble des éléments et pièces fournis à la présente instance auraient pu être demandées par le directeur en phase précontentieuse, de sorte que les éventuelles interrogations auraient pu être clarifiées au stade précontentieux. En restant muet face à la réclamation introduite le 21 octobre 2022, le directeur aurait manqué à ses obligations de procéder d’office à l’examen des faits à la base de la réclamation conformément au § 243, alinéa (1) AO et de prendre une décision formellement motivée conformément au § 258 AO. Dans ce contexte, la société demanderesse se réfère notamment à un jugement du 3 mars 2023, n°44429 qui aurait accordé une indemnité de procédure à la partie demanderesse en raison du silence gardé par le directeur suite à une réclamation introduite par celle-ci.
La société demanderesse estime finalement que cette approche silencieuse de l’administration serait également contraire aux principes de bonne administration préconisés par le gouvernement luxembourgeois dans les « Lignes de bonne conduite administrative » du 13 janvier 2017, qui prévoiraient notamment le droit à une gestion consciencieuse du dossier qui impliquerait une recherche active de tous les éléments pertinents, le droit à une décision explicitement motivée en fait et en droit compte tenu des circonstances particulières du dossier, le droit de recevoir toutes les explications nécessaires à la compréhension de la position de l’administration ou encore le droit d’obtenir notification de toute décision dans un délai raisonnable.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il serait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens.
Quant au quantum de la demande de l’indemnité de procédure, la société demanderesse soutient qu’outre les coûts relatifs à la phase de la réclamation et l’immobilisation des montants payés suivant les bulletins litigieux, le montant des honoraires d’avocats actuellement accumulés dans cette première phase de l’instance dépasserait largement le montant demandé au titre d’indemnité de procédure.
Appréciation du tribunal Le tribunal est amené à constater qu’indépendamment de la question de savoir si la société demanderesse n’a pas coché la case du formulaire adéquat en vue de solliciter l’application de l’exonération visée au § 60 BewG et ainsi failli à la base à ses obligations déclaratives, si certes, le directeur n’a pas donné suite à sa réclamation introduite le 21 octobre 2022, la société demanderesse est toutefois, par sa négligence, à l’origine de l’instance 14 contentieuse alors que, d’une part, elle n’a pas jugé utile de répondre au courrier du 1er juin 2022 lui adressé sur le fondement du § 205, alinéa (3) AO, l’informant notamment de son intention de refuser l’exonération prévue par le § 60, alinéa (2), numéro 3 BewG à sa participation détenue dans le capital social de la société (BB), et, d’autre part, qu’elle n’a présenté que progressivement les documents nécessaires à une solution utile du litige entamé par elle et ce encore à l’appui du mémoire en réplique.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare justifié, partant, par réformation du bulletin d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2018, dit que la participation détenue par la société demanderesse dans le capital social de la société (BB) est à exonérer dans le cadre de l'établissement de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation, en vertu du § 60 BewG ;
renvoie le dossier devant le bureau d’imposition compétent pour exécution ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse ;
condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 mai 2025 par :
Carine REINESCH, premier juge, Benoît HUPPERICH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Carine REINESCH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 15