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04/06/2025 | LUXEMBOURG | N°48128,48437

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juin 2025, 48128,48437


Tribunal administratif Nos 48128 et 48437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48128+48437 4e chambre Inscrits les 2 novembre 2022 et 20 janvier 2023 Audience publique du 3 juin 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), … (Slovénie), contre deux décisions du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

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JUGEMENT

I) Vu la requête inscrite sous le numéro 48128 du rôle et dép

osée au greffe du tribunal administratif en date du 2 novembre 2022 par Maître Miloud AHME...

Tribunal administratif Nos 48128 et 48437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48128+48437 4e chambre Inscrits les 2 novembre 2022 et 20 janvier 2023 Audience publique du 3 juin 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), … (Slovénie), contre deux décisions du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

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JUGEMENT

I) Vu la requête inscrite sous le numéro 48128 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 novembre 2022 par Maître Miloud AHMED BOUDOUDA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), établie et ayant son siège social à …, élisant domicile en l’étude de son litismandataire, sise à L-…, tendant principalement à l’annulation, sinon subsidiairement à la réformation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 27 juillet 2022, confirmant, sur opposition, sa décision du 1er juin 2022 prononçant une amende administrative de 14.000 euros à son encontre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2023 ;

II) Vu la requête inscrite sous le numéro 48437 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2023 par Maître Miloud AHMED BOUDOUDA, préqualifié, au nom de la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), préqualifiée, élisant domicile en l’étude de son litismandataire, sise à L-8009 Strassen, 151, route d’Arlon, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 17 octobre 2022 ayant déclaré le recours gracieux formé contre la décision du 27 juillet 2022, non fondée, tout en confirmant sa décision du 1er juin 2022 ayant prononcé une amende administrative de 14.000 euros à son encontre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 avril 2023 ;

I) et II) Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en sa plaidoirie à l’audience publique du 21 janvier 2025, Maître Miloud AHMED BOUDOUDA s’étant excusé.

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A la suite d’un contrôle effectué le 21 avril 2022 sur le lieu de travail sis à L-…, l’Inspection du Travail et des Mines, dénommée ci-après « l’ITM », sur base du constat que la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), ci-après désignée par « la Société », avait détaché des salariés en vue d’effectuer une prestation de service sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tout en ayant omis d’effectuer la déclaration de détachement requise telle qu’imposée par l’article L. 142-2 du Code du travail et de transmettre certains documents concernant les salariés visés par l’article L. 142-3 du Code du travail, adressa, par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 mai 2022, une injonction à la Société, lui demandant conformément aux articles L. 614-4, paragraphe (1), point a) et L. 614-5 du même Code, de régulariser sa situation par rapport à l’article L. 142-3 du Code du travail, endéans un délai de 15 jours calendrier, par la communication via la plateforme électronique prévue à cet effet, de toutes les informations et de tous les documents requis, traduits en langue française ou allemande, à savoir : le nom et prénom du représentant effectif de l’entreprise détachante, son numéro de téléphone, ainsi que son adresse e-mail, la dénomination sociale ou le nom et prénom, l’adresse, le numéro de téléphone, ainsi que l’adresse e-mail de la personne morale ou physique déterminée librement et clairement par l’entreprise détachante, présente sur le territoire luxembourgeois, qui sera la personne de référence pour communiquer avec l’ITM et les autres autorités compétentes énumérées à l’article L. 142-4 du Code du travail en matière de respect des conditions liées au détachement, le lieu de résidence habituelle des salariés détachés en question, ainsi que leur lieu d’hébergement visé à l’article L. 010-1, point 15 du Code du travail, si celui-ci diffère du lieu de résidence habituelle, le certificat de TVA délivré par l’administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, ci-après désigné par « l’AED », l’original ou la copie certifiée conforme du formulaire A1, ou le cas échéant, l’indication précise des organismes de sécurité sociale auxquels les travailleurs sont affiliés pendant leur séjour sur le territoire luxembourgeois, une copie du certificat médical d’embauchage délivré par les services de santé au travail sectoriellement compétents, une copie du contrat de travail, ou le cas échéant, une attestation de conformité à la directive 91/533/CEE du 14 octobre 1991 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le salarié des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail, telle que transposée par la législation de l’Etat compétent, délivrée par l’autorité de contrôle compétente du pays dans lequel l’entreprise détachante a son siège ou effectue habituellement ses prestations, les copies des autorisations de séjour ou titres de séjour pour les ressortissants de pays tiers parmi lesdits salariés détachés et les documents officiels attestant les qualifications professionnelles des salariés détachés en question, ainsi que la copie du contrat de prestation de services conclu avec le maître d’ouvrage, tout en l’avertissant que tout manquement de sa part de s’y conformer risquerait de l’exposer aux mesures et sanctions administratives prévues à l’article L. 143-2 du Code du travail.

En date du 11 mai 2022, la Société déposa certains documents relatifs à son dossier à l’ITM.

En date du 1er juin 2022, le directeur de l’ITM, ci-après dénommé « le directeur », infligea, une amende administrative de 14.000 euros à la Société, sur base de l’article L. 614-13 du Code du travail, pour avoir omis de donner entièrement suite à l’injonction précitée du 2 mai 2022 et de prendre toutes les mesures requises endéans les délais impartis, d’avoir notamment omis de notifier la dénomination sociale ou le nom et prénom, l’adresse, le numéro de téléphone, ainsi que l’adresse e-mail de la personne morale ou physique déterminée librement et clairement par l’entreprise détachante, présente sur le territoire luxembourgeois, qui sera la personne de référence pour communiquer avec l’ITM et les autres autorités compétentes énumérées à l’article L. 142-4 du Code du travail en matière de respect des conditions liées au détachement, le lieu de résidence habituelle de tous les salariés détachés, ainsi que leur lieu d’hébergement, l’original ou la copie certifiée conforme du formulaire A1, ou le cas échéant, l’indication précise des organismes de sécurité sociale, pour les salariés détachés …, …, … et …, une copie du certificat médical d’embauchage délivré par les services de santé au travail sectoriellement compétents pour tous les salariés détachés, une copie du contrat de travail, ou le cas échéant, une attestation de conformité à la directive 91/533/CEE du 14 octobre 1991 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le salarié des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail, pour tous les salariés détachés, une copie des autorisations de séjour ou titres de séjour pour les ressortissants de pays tiers détachés …, … et …, ainsi que les documents officiels attestant les qualifications professionnelles de tous les salariés détachés, une copie du contrat de prestation de services conclu avec le maître d’ouvrage ou donneur d’ordre.

En date des 21 juin, 1er et 11 juillet 2022, la Société déposa à nouveau certains documents relatifs à son dossier à l’ITM.

En date du 27 juillet 2022, le directeur confirma sa décision du 1er juin 2022 ayant infligée une amende administrative à la Société de 14.000 euros, en déclarant, l’opposition de la Société contre la décision du 1er juin 2022, non fondée.

Par deux courriels séparés du 26 septembre 2022, la Société fit parvenir à nouveau certains documents relatifs à son dossier à l’ITM.

Suite aux courriels du 26 septembre 2022, le directeur, en date du 17 octobre 2022, déclara recevable ledit recours gracieux, tout en confirmant sa décision du 1er juin 2022 ayant prononcé une amende administrative de 14.000 euros à l’encontre de la Société.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 novembre 2022, inscrit sous le numéro 48128 du rôle, la Société a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation, sinon subsidiairement à la réformation de la décision précitée du directeur du 27 juillet 2022, confirmant, sur opposition, sa décision du 1er juin 2022 prononçant une amende administrative de 14.000 euros à son encontre.

Par décision du 1er décembre 2022, le directeur déchargea la Société de l’amende administrative de 14.000 euros retenue à son encontre par la décision directoriale du 1er juin 2022 et annula ladite décision dans les termes suivants :

« (…) Aufgrund der Artikel L. 142-2, L. 142-3 und L. 143-2 des Arbeitsgesetzbuchs;

Aufgrund des Artikels L. 614-13, Absatz 1 bis 4 des Arbeitsgesetzbuchs;

Angesichts der Anordnung vom 2. Mai 2022, welche gemäß den Artikeln L. 614-4 Absatz 1 Buchstabe a) und L. 614-5 des Arbeitsgesetzbuchs von …, Inspecteur principal du travail des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes, erstellt wurde;

Angesichts des Beschlusses des Direktors des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes vom 1.

Juni 2022, die Gesellschaft (AA) mit Sitz in …, in ihrer Eigenschaft als Arbeitgeber, wegen Nichtergreifens aller in der Anordnung des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes vom 2. Mai 2022 geforderten Maßnahmen zum Zeitpunkt des eben genannten Beschlusses, mit einem Bußgeld « ITM Amende … » von 14.000 Euro zu belegen;

Angesichts des Beschlusses des Direktors des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes vom 27. Juli 2022 das Bußgeld « ITM Amende … » von 14.000 Euro, das gegen die oben genannte Gesellschaft (AA), in ihrer Eigenschaft als Arbeitgeber verhängt wurde, zu bestätigen;

Angesichts des Beschlusses des Direktors des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes vom 17. Oktober 2022 das Bußgeld « ITM Amende … » von 14.000 Euro, das gegen die oben genannte Gesellschaft (AA), in ihrer Eigenschaft als Arbeitgeber verhängt wurde, zu bestätigen;

Angesichts der Abänderungsklage vom 2. November 2022 gegen den besagten Beschluss vom 1. Juni 2022 des Direktors des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes, welcher das verhängte Bußgeld von 14.000 Euro bestätigte, die von dem zugelassenen Rechtsanwalt Miloud AHMED BOUDOUDA, in seiner Eigenschaft als Rechtsbeistand der oben genannten Gesellschaft (AA), vor dem Verwaltungsgericht Luxemburg eingelegt wurde;

Dass der oben genannte Rechtsanwalt Miloud AHMED BOUDOUDA, in seiner Eigenschaft als Rechtsbeistand der oben genannten Gesellschaft (AA), im Rahmen der Abänderungsklage erwähnt, dass sein Mandant persönlich beim Gewerbe-

und Grubenaufsichtsamt gewesen wäre, um die Frist zu verlängern;

Dass der oben genannte Rechtsanwalt Miloud AHMED BOUDOUDA, in seiner Eigenschaft als Rechtsbeistand der oben genannten Gesellschaft (AA), im Rahmen der Abänderungsklage angibt, dass die vorgesehene Frist zu kurz gewesen wäre, um alle notwendigen Dokumente ins Französische oder Deutsche übersetzen zu lassen;

Dass der oben genannte Rechtsanwalt Miloud AHMED BOUDOUDA, in seiner Eigenschaft als Rechtsbeistand der oben genannten Gesellschaft (AA), im Rahmen der Abänderungsklage erklärt, dass alle angefragten Dokumente vor dem Beschluss vom 27. Juli 2022 beim Gewerbe- und Grubenaufsichtsamt eingegangen seien;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) die Firmenbezeichnung der juristischen Person oder den Namen und Vornamen der natürlichen Person, welche vom Entsendeunternehmen nach Belieben und eindeutig benannt wird, die in Luxemburg anwesend ist 4 und als Ansprechpartner für den Kontakt mit dem Gewerbe- und Grubenaufsichtsamt und den anderen in Sachen Einhaltung der mit der Entsendung verbundenen Bedingungen und in Artikel L. 142-4 genannten Behörden fungiert, übermittelt hat ;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) den gewöhnlichen Wohnort der entsandten Arbeitnehmer … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), und … (…) übermittelt hat;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) den Ort der Unterkunft der entsandten Arbeitnehmer, gemäß Artikel L.010-1, Punkt 15 des Arbeitsgesetzbuchs, wenn dieser sich vom gewöhnlichen Wohnort unterscheidet, der entsandten Arbeitnehmer … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), … (…) und … (…), übermittelt hat ;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) die Originale oder die beglaubigten Kopien des Formulars A1 der entsandten Arbeitnehmer … (…), und … (…), … (…), oder gegebenenfalls die genaue Angabe der Sozialversicherungsträger, und bei denen die folgenden entsandten Arbeitnehmer während ihres Aufenthalts auf luxemburgischem Hoheitsgebiet gemeldet sind übermittelt hat ;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) die Kopie der ärztlichen Einstellungsbescheinigung ausgestellt von den für die jeweilige Branche zuständigen arbeitsmedizinischen Diensten der entsandten Arbeitnehmer … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), und … (…) übermittelt hat ;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) die Kopien der Arbeitsverträge oder die Bescheinigungen, und gemäß der Richtlinie 91/533/EWG des Rates vom 14. Oktober 1991 über die Pflicht des Arbeitgebers zur Unterrichtung der entsandten Arbeitnehmer … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), und … (…) über die für ihren Arbeitsvertrag oder ihr Arbeitsverhältnisgeltenden Bedingungen übermittelt hat ;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) die Kopien der Aufenthaltserlaubnisse oder der Aufenthaltstitel der entsandten Arbeitnehmer … (…), und … (…), übermittelt hat ;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) die amtlichen Dokumente zur Bescheinigung der beruflichen Qualifikationen der entsandten Arbeitnehmer … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), und … (…) übermittelt hat ;

In Erwägung, dass die oben genannte Gesellschaft (AA) eine Kopie des mit dem Bauherrn oder Auftraggeber (BB). geschlossenen Dienstleistungsvertrags übermittelt hat;

Dass die von der oben genannten Gesellschaft (AA) in ihrer Abänderungsklage geltend gemachten Gründe eine Aufhebung des Bußgeldes zu rechtfertigen vermögen;

Aus diesen Gründen entscheidet der Direktor des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes 5 somit den Beschluss des Direktors des Gewerbe- und Grubenaufsichtsamtes vom 1. Juni 2022 aufzuheben und die Gesellschaft (AA) mit Sitz in … von der Zahlung des Bußgeldes « ITM Amende … » von 14.000 Euro zu befreien. (…) » Par une deuxième requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2023, inscrit sous le numéro 48437 du rôle, la Société a encore fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 17 octobre 2022 ayant déclaré le recours gracieux formé contre la décision du 27 juillet 2022, non fondée, tout en confirmant sa décision du 1er juin 2022 ayant prononcé une amende administrative de 14.000 euros à son encontre.

Il y a tout d’abord lieu de prononcer la jonction des deux recours, inscrits sous les numéros 48128 et 48437 du rôle, étant donné qu’il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de statuer sur ces deux affaires par un seul et même jugement, dans la mesure où il y a identité de parties et que les deux affaires sont intimement liées alors qu’il s’agit de deux décisions administratives prises successivement par le directeur suite au même contrôle effectué le 21 avril 2022.

1) Quant à la compétence du tribunal et la recevabilité du recours inscrit sous le numéro 48128 du rôle Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, l’existence d’une telle possibilité entraînant qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit contre la même décision1.

En ce qui concerne la compétence du tribunal pour statuer sur l’acte litigieux, il convient de rappeler qu’en application des articles L. 143-3 et L. 614-14 du Code du travail, les décisions de l’ITM « sont soumises au recours en réformation visé à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ».

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, à titre subsidiaire, contre l’acte litigieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre principal et sur le moyen d’irrecevabilité y relatif, tel que développé par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, cet examen étant devenu surabondant.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève encore l’irrecevabilité pour défaut d’objet du recours dirigé contre la décision directoriale du 27 juillet 2022, laquelle, selon lui, n’existerait plus. Il fait valoir que la décision directoriale du 1er décembre 2022 constituerait une décision nouvelle, déchargeant la Société du paiement de l’amende confirmée par la décision directoriale du 27 juillet 2022, telle que lui infligée par décision directoriale initiale du 1er juin 2022, de sorte que la décision déférée n’aurait plus d’existence légale et ne pourrait, par conséquent, plus faire l’objet d’un recours contentieux, le délégué du gouvernement se référant 1 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 4 et les autres références y citées.encore à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 18 novembre 2022, inscrit sous les numéros 44745 et 45327 du rôle, ayant retenu cette même solution.

La Société n’a pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité.

En l’espèce, si le directeur a pris une première décision le 1er juin 2022, infligeant l’amende de 14.000,- euros « ITM Amende … » à la Société, laquelle fut confirmée par le biais de la décision du 27 juillet 2022, déférée devant le tribunal administratif par le biais du recours du 2 novembre 2022, force est au tribunal de constater qu’il ressort du dossier administratif qu’en date du 1er décembre 2022, le directeur a effectivement déchargé la Société du paiement de l’amende précitée de 14.000,- euros « ITM Amende … », tout en annulant cette dernière.

Ainsi, si au moment de l’introduction du recours sous analyse, celui-ci avait certes un objet, à savoir la demande en réformation de la décision directoriale du 27 juillet 2022, ayant confirmé l’amende de 14.000 euros « ITM Amende … », ladite décision a néanmoins fait l’objet d’une annulation par le directeur en date du 1er décembre 2022.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la recevabilité d’un recours est conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement. Ainsi si l’acte est annulé, comme c’est le cas en l’espèce, le recours perd son objet. Comme en cas d’annulation par le juge, en cas de retrait de la décision par l’administration elle-même, la décision sera réputée n’avoir jamais existé. En effet, il s’agit d’une possibilité offerte à l’autorité administrative de réparer spontanément ses erreurs en réalisant elle-même ce que ferait le juge saisi d’un recours contentieux2.

En effet, l’autorité compétente est habilitée à prendre une nouvelle décision, qui se substitue à la première décision, si elle consent à rouvrir l’instruction et à réexaminer la cause, à condition toutefois qu’elle se trouve en présence d’éléments nouveaux qui sont de nature à modifier la situation juridique et qu’elle prenne position quant à ceux-ci. Il y a encore lieu de relever qu’en tout état de cause, l’autorité administrative peut décider, même spontanément, de retirer ou de rapporter ses décisions, une possibilité lui offerte de réparer spontanément ses erreurs en réalisant elle-même ce que ferait le juge saisi d’un recours contentieux3.

Il s’ensuit que, le présent recours est devenu irrecevable dans la mesure où il n’a plus d’objet.

2) Quant à la compétence du tribunal et la recevabilité du recours inscrit sous le numéro 48437 du rôle En ce qui concerne ensuite la compétence du tribunal pour statuer sur l’actes litigieux, il convient de rappeler qu’en application des articles L. 143-3 et L. 614-14 du Code du travail, les décisions de l’ITM « sont soumises au recours en réformation visé à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ».

2 Trib. adm., 16 juin 2010, n° 26323 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 403 et les autres références y citées.

3 Ibidem.

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, à titre principal, contre l’acte litigieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire et sur le moyen d’irrecevabilité y relatif, tel que développé par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, cet examen étant devenu surabondant.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève encore l’irrecevabilité pour défaut d’objet du recours dirigé contre la décision directoriale du 17 octobre 2022, laquelle, selon lui, n’existerait plus. Il fait valoir que la décision directoriale du 1er décembre 2022 constituerait une décision nouvelle, déchargeant la Société du paiement de l’amende confirmée par la décision directoriale du 17 octobre 2022, telle que lui infligée par décision directoriale initiale du 1er juin 2022, de sorte que la décision déférée n’aurait plus d’existence légale et ne pourrait, par conséquent, plus faire l’objet d’un recours contentieux, le délégué du gouvernement se référant encore à cet égard à trois jugements du tribunal administratif des 3 mars 2023, 25 novembre 1998 et 8 février 2022, respectivement inscrits sous les numéros 46134, 10294 et 44077 du rôle, ayant retenu cette même solution en la matière.

La Société n’a pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant dans le cadre de la recevabilité du recours inscrit sous le numéro 48128 du rôle, si le directeur a pris une première décision le 1er juin 2022, infligeant l’amende de 14.000,- euros « ITM Amende … » à la Société, laquelle fut d’abord confirmée, sur opposition, par la décision directoriale du 27 juillet 2022, ainsi que, par la suite, sur recours gracieux, par le biais de la décision du 17 octobre 2022, actuellement déférée devant le tribunal administratif par le biais du recours introduit en date du 20 janvier 2023, force est au tribunal de rappeler qu’il ressort du dossier administratif qu’en date du 1er décembre 2022, le directeur a effectivement déchargé la Société du paiement de l’amende de 14.000,- euros « ITM Amende … », tout en annulant cette dernière.

Ainsi, avant même l’introduction du recours sous analyse, sollicitant la réformation de la décision directoriale du 17 octobre 2022, celui-ci n’avait plus d’objet alors que ladite décision, confirmant l’amende de 14.000 euros « ITM Amende … », avait d’ores et déjà fait l’objet d’une annulation par le directeur en date du 1er décembre 2022.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la recevabilité d’un recours est conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement. Ainsi si l’acte est annulé, comme c’est le cas en l’espèce, le recours perd son objet. Comme en cas d’annulation par le juge, en cas de retrait de la décision par l’administration elle-même, la décision sera réputée n’avoir jamais existé. En effet, il s’agit d’une possibilité offerte à l’autorité administrative de réparer spontanément ses erreurs en réalisant elle-même ce que ferait le juge saisi d’un recours contentieux4.

En effet, l’autorité compétente est habilitée à prendre une nouvelle décision, qui se substitue à la première décision, si elle consent à rouvrir l’instruction et à réexaminer la cause, à 4 Ibidem.condition toutefois qu’elle se trouve en présence d’éléments nouveaux qui sont de nature à modifier la situation juridique et qu’elle prenne position quant à ceux-ci. Il y a encore lieu de relever qu’en tout état de cause, l’autorité administrative peut décider, même spontanément, de retirer ou de rapporter ses décisions, une possibilité lui offerte de réparer spontanément ses erreurs en réalisant elle-même ce que ferait le juge saisi d’un recours contentieux5.

Il s’ensuit que, le présent recours en réformation est, à son tour, à déclarer irrecevable faute d’objet en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 17 octobre 2022.

Quant à ses demandes en allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 euros réclamées par la Société, dans le cadre des recours respectifs inscrits sous les numéro 48128 et 48437 du rôle, sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », il y a, tout d’abord, lieu de rappeler qu’une telle demande procède d’une cause juridique particulière et autonome, de sorte que l’irrecevabilité du recours principal pour défaut d’objet n’implique pas l’irrecevabilité de la demande en allocation d’une indemnité de procédure6.

En l’espèce, la Société motive ses demandes afférentes, en soutenant qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge l’intégralité des frais déboursés par elle dans le cadre des présentes instances contentieuses.

Au vu des circonstances particulières des présents litiges et notamment en raison du fait que la Société a été obligée d’agir en justice, sous l’assistance d’un avocat à la Cour, et que la décharge et l’annulation de l’amende visée par les recours sous examen sont intervenus de manière tardive, à savoir après l’introduction du recours sous examen inscrit sous le numéro 48128 du rôle, le tribunal retient qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la Société l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.

Il s’ensuit qu’au vu de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, il y a lieu d’évaluer ex aequo et bono l’indemnité à allouer à la Société à un montant de 1000 euros.

Pour les mêmes motifs, il y a lieu de condamner l’Etat aux frais et dépens de l’instance conformément à l’article 32 de la loi du 21 juin 1999 précitée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

joint les recours inscrits sous les numéros de rôle 48128 et 48437 ;

déclare le recours subsidiaire en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale du 27 juillet 2022 irrecevable ;

5 Ibidem.

6 Trib. adm., 23 septembre 2013, n° 31658 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 1313 (2e volet) et les autres références y citéesdit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation afférent ;

déclare le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale du 17 octobre 2022 irrecevable ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation afférent ;

reçoit les demandes en allocation d’une indemnité de procédure réclamées par la Société, en la forme ;

les déclare fondées, partant condamne l’Etat à payer à la Société un montant de 1000 euros à titre d’indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 juin 2025 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier, Shania Hames.

s. Shania Hames s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 48128,48437
Date de la décision : 04/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-04;48128.48437 ?

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