Tribunal administratif N° 50217 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:50217 2e chambre Inscrit le 18 mars 2024 Audience publique du 5 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50217 du rôle et déposée le 18 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à …, dans la province de … (Afghanistan) et être de nationalité afghane, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 29 février 2024 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yasmine GUEBASI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 mars 2025.
Le 25 août 2022, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, entretien lors duquel il affirma être âgé de … ans.
En date du même jour, l’intéressé fut convoqué à un examen médical en vue de déterminer son âge. Ledit examen médical eut lieu en date du 8 septembre 2022, suite auquel un bilan d’estimation de l’âge osseux, dressé le 9 septembre 2022, conclut à un âge osseux d’un minimum de … ans, tout en retenant que l’âge donné par le concerné, à savoir … ans, ne serait pas probable.
En date du 21 décembre 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 29 février 2024, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 1er mars 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 22 mars 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux A votre arrivée, vous vous êtes présenté aux autorités luxembourgeoises en prétendant être un mineur non-accompagné. Or, votre déclaration a été remise en question par les autorités luxembourgeoises et un test osseux a été effectué afin de permettre de vérifier l’exactitude de vos propos concernant votre âge réel. Le résultat de ce test a établi que vous aviez largement dépassé l’âge de la majorité et que vous n’êtes de ce fait pas à considérer comme un mineur non-accompagné.
2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Monsieur, vous déclarez être né le … à …, de nationalité afghane, d’ethnie Hazare, de confession musulmane chiite et avoir vécu à …. Concernant votre date de naissance, il y a lieu de mentionner qu’après avoir indiqué la date ci-dessus, vous avez remis une carte d’identité sur laquelle la date du … est reprise.
Concernant vos craintes en cas de retour dans votre pays d’origine, vous indiquez craindre des représailles de la part des Taliban sachant que votre père aurait combattu en tant que … les nomades qui se seraient ralliés aux Taliban pendant un an et demie avant le retour au pouvoir des Taliban en Afghanistan.
Vous ajoutez aussi qu’en tant que Hazara, il serait difficile de mener une vie normale dans votre pays.
Quant aux faits liés à vos craintes, vous expliquez que les nomades se seraient ralliés aux Taliban et lors de la prise de pouvoir par les Taliban, ces derniers auraient ordonné à tous les … de leur remettre leurs armes. Votre père aurait cependant refusé de donner suite à leurs ordres car ceux qui auraient accepté de remettre leurs armes aux Taliban auraient disparu ou auraient été assassinés.
2 Vous ajoutez que votre père aurait travaillé en tant que … avant son engagement en tant que …. Dans ce cadre, il se serait fait arrêter à plusieurs reprises par les Taliban qui auraient fait sortir ses passagers d’ethnie Hazara et les auraient décapités devant ses yeux.
Vous ajoutez que les Hazaras n’auraient plus aucun droit en Afghanistan depuis l’arrivée des Taliban et ne pourraient plus mener une vie digne de ce nom.
A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez votre carte d’identité afghane (Tazkira).
3. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Concernant les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous évoquez le fait que vous seriez personnellement à risque de vous retrouver dans le viseur des Taliban compte tenu du fait que votre père les aurait combattus en tant que … avant leur reprise du pouvoir et qu’en tant que son fils aîné, les Taliban risqueraient de s’en prendre à vous s’ils ne trouveraient pas votre père : « Parce que mon père était … et parce qu’avant cela il était …, il faisait l’aller-retour entre … et …, mais les talibans tuaient les Hazâras. » (p.6/10 de votre rapport d’entretien) et « Je suis son fils, mon père m’a dit que s’il quittait le pays tout seul il prendrait son fils à sa place. Du coup j’étais en danger à cause du travail de mon père.
» (p.6/10 de votre rapport d’entretien).
Monsieur, concernant le fait que vous risqueriez de devenir victime de représailles de la part des Taliban du fait que votre père les auraient combattus en tant que … avant leur reprise du pouvoir, il échet tout d’abord de constater qu’il n’est jamais rien arrivé à votre père 3 et ce d’autant plus que d’après votre récit, les Taliban auraient eu l’opportunité de s’en prendre à lui à plusieurs reprises lorsqu’ils auraient arrêté son taxi pour exécuter des passagers qui se seraient trouvés dans son véhicule. Votre explication par rapport à ce constat ne reste pour le moins pas convaincante : « Les talibans ne disaient rien au chauffeur, mais tuaient les passagers en disant qu’ils travaillaient pour l’Etat. » (p.7/10 de votre rapport d’entretien). Il semble évident que si les Taliban en auraient voulu après votre père, ils auraient certainement profité de ces occasions pour s’en prendre à lui.
Ce constat est d’autant plus conforté par le fait que vos parents et votre fratrie se trouvent actuellement toujours en Afghanistan et que rien ne leur est arrivé depuis l’arrivée au pouvoir des Taliban en août 2021.
Quand-bien même votre père serait à risque de se retrouver dans le collimateur des Taliban, ce qui reste à prouver, je constate qu’il s’agit de faits non-personnels vécus par un autre membre de la famille. Ces faits sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 uniquement si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, ce qui n’est clairement pas votre cas en l’espèce, alors que vous restez en défaut d’étayer un lien entre ces faits et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. Il ressort d’ailleurs clairement de vos dires que rien ne vous serait personnellement jamais arrivé jusqu’au jour de votre départ : « Non. » (p.6/10 de votre rapport d’entretien).
Il semble évident que vous n’êtes aucunement dans le collimateur des Taliban et que vos craintes sont à considérer comme purement hypothétiques et non fondées.
Ensuite, vous évoquez lors de votre entretien personnel avec l’agent ministériel, de manière générale, les tensions existantes entre les Taliban et les Hazara « Les Hazâras n’ont aucuns droits, avant ça ils en avaient quelques-uns, maintenant que les talibans ont le pouvoir les Hazâras n’ont droit à rien. Cela concerne aussi les Tadjiks et les Ouzbeks, mais principalement les Hazâras. Ils n’ont pas le pouvoir et ils n’ont pas le droit d’aller l’école. » (p.7/10 de votre rapport d’entretien).
Or, il ne ressort pas des informations à ma disposition que toutes les personnes d’ethnie Hazara seraient à risque de devenir victimes de persécution en Afghanistan de par leur seule appartenance ethnique.
Il convient dès lors de faire une analyse des motifs individuels et personnels présentés par chaque demandeur de protection internationale.
Il échet de constater que vous n’établissez aucunement être personnellement à risque alors que vous ne faites état que de considérations générales qui sont dépourvues de lien direct avec votre personne et que vos craintes personnelles restent dans l’état de simples suppositions spéculatives.
Il convient dès lors de constater que votre crainte est à qualifier de purement hypothétique. Or, une crainte hypothétique, qui n’est basée sur aucun fait réel ou probable ne saurait constituer une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention et de la Loi de 2015.
4 Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d’être persécuté respectivement que vous risquez d’être persécuté en cas de retour dans votre pays d’origine.
En outre, il échet de constater que vous ne semblez pas avoir envie de jouer franc jeu avec les autorités luxembourgeoises, alors que vous n’avez pas hésité à mentir sur votre âge réel à votre arrivée. En effet, vous avez essayé de faire croire aux autorités luxembourgeoises que vous seriez mineur en espérant ainsi de maximiser vos chances de vous voir octroyer une protection internationale. A votre arrivée au Luxembourg, vous avez prétendu avoir … ans en indiquant la date de naissance du …, date qui a fortement été remise en question par les autorités luxembourgeoises. Pour semer une confusion totale, vous avez ensuite remis une carte d’identité afghane sur laquelle la date de naissance du … est indiquée.
Or, un test osseux auquel vous vous êtes soumis a clairement démontré que vous avez largement dépassé l’âge de la majorité en estimant votre âge à plus de vingt-cinq ans. Un tel comportement fait preuve d’un désintérêt évident par rapport à la procédure d’asile et n’est évidemment pas celui d’une personne réellement en danger et réellement à la recherche d’une protection, alors qu’on devrait du moins pouvoir attendre d’une telle personne qu’elle joue franc jeu et qu’elle n’essaye pas d’induire en erreur les autorités desquelles elle attend se voir offrir une protection internationale quant à son âge et son identité. Il saute manifestement aux yeux que vous ne semblez avoir envie de collaborer de manière transparente avec les autorités desquelles vous demandez une protection internationale. Mis à part le fait que vous avez menti aux autorités, force est encore de constater que ni votre identité, ni votre âge ne sont établis officiellement d’autant plus que le contenu et la provenance votre Tazkira n’ont pas pu être authentifiés de manière certaine par l’Unité de la Police à l’aéroport.
On ne saurait dès lors retenir dans votre chef une quelconque crainte fondée de persécution. Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
5 En l’espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.
Tout en renvoyant aux développements contenus dans la partie « Quant au refus de statut de réfugié », il échet de constater que les craintes que vous avancez sont à considérer comme étant purement hypothétiques de sorte que vous restez en défaut d’établir que vous seriez à risque de subir une atteinte grave en cas de retour dans votre pays d’origine.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l’Afghanistan, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 29 février 2024 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre la décision de refus d’une demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 29 février 2024, prise en son double volet, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours, le demandeur retrace en partie les faits et rétroactes repris ci-
avant et indique plus particulièrement être de nationalité afghane, d’ethnie hazara et de confession religieuse musulmane chiite. Il explique qu’il ne pourrait pas vivre en Afghanistan, alors qu’il craindrait d’y être persécuté par les talibans, étant donné qu’il serait le fils aîné d’un opposant politique. En effet, son père, qui aurait été un …, aurait pris les armes pour défendre son village contre les talibans et serait, de ce fait, sur la liste des personnes à éliminer. Le demandeur explique que, suite à la prise de pouvoir des talibans, le simple fait d’être associé aux actions de son père aurait constitué dans son chef une menace directe pour sa sécurité, raison pour laquelle il aurait été contraint de fuir son pays d’origine. Il ajoute qu’à l’heure actuelle, son père aurait disparu.
En droit, le demandeur fait valoir que la décision ministérielle sous analyse devrait être réformée pour violation de la loi, notamment de l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés, sinon pour erreurmanifeste d’appréciation des faits. A cet égard, il rappelle que la notion de crainte prévue à la Convention de Genève devrait être qualifiée de raisonnable lorsqu’elle est basée sur une évaluation objective de la situation dans le pays d’origine du demandeur d’asile et que cette crainte découle du manquement du pays d’origine dudit demandeur de remplir ses obligations de protection vis-à-vis de ses citoyens. Monsieur (A) s’appuie dans ce contexte sur les articles 2 de la Convention de Genève, 39, 40 et 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », combiné aux articles 2, 5, 6 et 13 de cette même Convention, qui seraient d’application, au vu de l’actualité se déroulant en Afghanistan, notamment en ce qui concernerait les Hazaras, tout en citant diverses sources, desquelles il ressortirait que les personnes d’ethnie hazara seraient persécutées par les talibans. Il en conclut qu’il risquerait de subir des persécutions en raison de son appartenance ethnique et religieuse, ainsi que de son comportement, qui lui vaudrait d’être considéré comme un opposant politique au régime actuel des talibans, fondé sur une interprétation rigide et extrême de la loi islamique qui ne tolèrerait aucun écart.
Le demandeur estime ensuite que la condition tenant à l’existence d’actes revêtant une gravité suffisante conformément à l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et celle tenant à la nature des actes au sens de l’article 42 (2) de ladite loi, seraient remplies en l’espèce, en soutenant que les menaces et les agressions « indirectes » à l’encontre de son père de la part des talibans s’analyseraient en des actes de persécutions dont il pourrait lui-même faire l’objet, tout en précisant à cet égard que les talibans seraient actuellement au pouvoir en Afghanistan et qu’il ne pourrait ainsi bénéficier d’aucune protection.
A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur se réfère à l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, en estimant remplir les conditions y prévues au motif que les actes invoqués seraient des atteintes graves au sens de l’article 48 de ladite loi. Il estime encore, en se prévalant plus particulièrement de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015, qu’il lui serait impossible de retourner en Afghanistan, et ce d’autant plus depuis l’arrivée au pouvoir des talibans qui contrôleraient tout le pays. Le fait de vivre dans la peur constante que ses craintes se réalisent constituerait également un véritable traitement inhumain, sinon un traitement dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’interprétation que la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », en aurait faite. Le demandeur donne encore à considérer qu’au vu de la situation sécuritaire actuelle en Afghanistan, il ne bénéficierait d’aucune protection efficace dans son pays d’origine et qu’il ne pourrait pas y profiter d’une fuite interne. Il se réfère finalement à l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, en soutenant qu’il n’existerait aucune « bonne raison » de penser que les atteintes graves qu’il aurait subies ne se reproduiraient pas en cas de retour dans son pays d’origine.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son 7 appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […].
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder uneprotection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. En revanche, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.
En l’espèce, le demandeur invoque différents motifs à la base de sa demande du statut de réfugié, à savoir le risque de persécution par les talibans en raison (i) de la participation de son père à la protection de leur village en tant que … et (ii) de son appartenance ethnique hazara et de sa confession musulmane chiite.
En ce qui concerne les craintes de persécutions de la part des talibans en raison du rôle de son père en tant que …, si les actions de son père peuvent éventuellement s’inscrire sur la toile de fond des opinions politiques qui pourraient lui être attribuées par les talibans et pourraient, de ce fait, tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève, force est cependant au tribunal de constater que le demandeur reste essentiellement vague sur les menaces dont son père aurait été victime de la part des talibans et dont lui-même pourrait être victime en cas de retour.
En effet, il affirme que « […] les barbes blanches ont reçu une lettre de la part des talibans, les talibans ont demandé aux … de rendre leur arme. Ceux qui ont rendu leur arme, ils ont disparu, je ne sais pas s’ils ont été assassinés »1, tout en précisant que son père n’a pas rendu son arme.
Or, cette seule affirmation ne permet pas de retenir que son père aurait été directement et personnellement menacé par les talibans, mais que le demandeur se base sur des suppositions selon lesquelles les personnes ayant combattu les talibans et leur ayant rendu leurs armes avaient disparu, sans donner d’ailleurs d’autres précisions à cet égard.
Le tribunal se doit ainsi de constater que le demandeur ne fait ni n’a fait état de représailles ou de menaces dont son père aurait fait l’objet et qui seraient liées directement ou indirectement à son activité en tant que …, que ce soit avant ou après la demande de remise des armes formulée par les talibans.
1 Page 7 du rapport d’audition.
A cela s’ajoute que le demandeur n’a pas non plus fait état d’une quelconque menace ou persécution de la part des talibans à l’égard de sa propre personne, celui-ci se contentant, en effet, d’affirmer qu’il craindrait d’être persécuté par ceux-ci pour être le fils d’un ….
S’il affirme, à présent, qu’« […] à l’heure actuelle, [son père] suite à sa fuite après l’arrivée des talibans a disparu. La famille ne sait point s’il est tenu captif, ou s’il a été assassiné pour son opposition politique », force est de constater que ses déclarations à ce sujet sont sujettes à caution pour n’avoir été faites pour la première fois que dans le cadre de la requête introductive d’instance, à savoir le 18 mars 2024, alors qu’il y indique que son père aurait disparu suite à sa fuite d’Afghanistan après l’arrivée des talibans au pouvoir, soit en août 2021. Par ailleurs, le demandeur reste en défaut de fournir le moindre détail sur les circonstances de sa disparition.
Même à supposer que son père ne soit plus avec sa famille restée à …, il y a lieu de constater que le demandeur n’apporte aucun élément permettant de lier la disparition de son père avec son rôle en tant que … à ….
Au vu de toutes ces considérations, la crainte du demandeur d’être persécuté du seul fait de l’activité de … de son père doit davantage s’analyser en un sentiment général d’insécurité, respectivement comme étant purement hypothétique, et ce d’autant plus qu’il ressort de ses déclarations que ses quatre frères se trouvent toujours en Afghanistan et qu’aucun évènement les concernant en relation avec les talibans n’a été avancé par le demandeur, de sorte que les faits à la base de la demande de protection internationale de Monsieur (A) ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié.
Quant aux craintes de subir des persécutions de la part des talibans en tant qu’Hazara chiite, si ces motifs relèvent de la Convention de Genève pour être en lien avec la religion et l’appartenance ethnique du demandeur, le tribunal est néanmoins amené à relever que la Cour administrative a décidé que « […] Concernant ensuite les craintes de persécutions ou d’atteintes graves de la part des Talibans en raison de sa confession musulmane chiite et son appartenance à l’ethnie hazara, les premiers juges se sont à juste titre appuyés sur la jurisprudence de la Cour administrative par rapport à la situation générale des membres de cette communauté en Afghanistan, ayant retenu que s’il se dégage certes des sources à sa disposition que les membres de l’ethnie hazara font l’objet de la persistance d’actes de violence et de harcèlements de la part des Talibans, il ne ressort néanmoins pas des éléments d’informations lui soumis que les Hazaras feraient l’objet de persécutions généralisées et systématiques du seul fait de leur origine ethnique ou de leur confession musulmane chiite. Tel que déjà retenu par la Cour dans ses arrêts des 19 mai 2022 (n° 46363C du rôle) et 30 juin 2022 (n° 46108C du rôle), les attaques menées contre les Hazaras sont pour la plupart l’œuvre de l’organisation terroriste EIK et visent surtout les lieux de culte chiites respectivement des civils hazara en raison de leur profil de fonctionnaires, de journalistes ou encore de personnel d’organisations non gouvernementales, attaques qui sont pour le surplus très ponctuelles, non quotidiennes et perpétrées dans les grandes villes du pays.
La Cour a encore retenu dans des arrêts du 21 février 2023 (n° 48083C du rôle) et 9 mars 2023 (n° 48007C du rôle) qu’un rapport « EUAA Country Guidance : Afghanistan » d’avril 2022 recommande de vérifier si la personne concernée hazara présente d’autres éléments qui permettraient de conclure qu’elle correspond à un profil plus à risque que d’autres.
10 Il s’ensuit que le seul fait d’être hazara et de confession chiite n’est pas suffisant en soi pour justifier une crainte de persécution dans le chef de l’appelant.
Cette conclusion n’est pas invalidée par les sources d’informations additionnelles invoquées par l’appelant en instance d’appel. En effet, s’il est certes vrai que certaines publications évoquent un sérieux risque de génocide des Hazaras chiites en Afghanistan, il n’en demeure pas moins que la Cour ne dispose pas de suffisamment d’éléments permettant de retenir que la situation actuelle puisse être qualifiée de telle. […] »2, analyse qui a été confirmée à plusieurs reprises, notamment dans un arrêt récent du 20 mars 20253.
Cette conclusion s’impose, en l’espèce, au tribunal en ce qui concerne les craintes de persécutions du demandeur dans la mesure où il reste en défaut de fournir des éléments personnels qui permettraient de retenir qu’il aurait un profil plus à risque de subir des persécutions que les autres Hazaras vivant en Afghanistan.
Si le demandeur affirme à cet égard qu’en tant que …, son père aurait été témoin de décapitations commises par des talibans à l’encontre de Hazaras qui auraient été soupçonnés de travailler pour l’Etat, ces déclarations laissent d’être plausibles dans la mesure où son père, également Hazara, qui aurait alors transporté des personnes considérées comme étant des traîtres aux yeux des talibans, n’aurait à aucun moment subi des persécutions de leur part.
Partant, le seul fait que le demandeur soit un Hazara chiite n’entraîne pas l’octroi du statut de réfugié dans son chef.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à constater que les faits invoqués par Monsieur (A) ne justifient pas, ni isolément ni pris dans leur ensemble, l’octroi du statut de réfugié dans son chef, de sorte que le recours pour autant qu’il est dirigé contre le refus ministériel de lui accorder le statut de réfugié est à déclarer non fondé.
Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application 2 Cour adm., 5 décembre 2023, n° 48946C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu 3 Cour adm., 20 mars 2025, n° 51457C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lude l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.
En revanche, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, le demandeur invoque, en substance, les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Il convient de prime abord de relever que le demandeur ne fait pas état d’un risque de subir la peine de mort ou l’exécution ou d’être victime d’une violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne au sens, respectivement, des points a) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, mais qu’il invoque uniquement une crainte de faire l’objet d’atteintes graves au sens du point b) du même article, de sorte que le tribunal limitera son analyse au risque allégué du demandeur de subir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine, étant précisé que les faits invoqués, respectivement les craintes à cet égard doivent atteindre un certain seuil de gravité.
En ce qui concerne le risque de faire l’objet d’atteintes graves de la part des talibans, en raison de l’activité de … de son père, le tribunal est amené à réitérer ses conclusions suivant lesquelles ses craintes avancées dans ce contexte sont essentiellement hypothétiques, de sorte qu’elles ne sont pas non plus de nature à justifier l’octroi d’une protection subsidiaire sur base du point b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Concernant l’appartenance ethnique et religieuse du demandeur, le tribunal estime qu’il n’existe pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes motifs que ceux développés dans le cadre de l’analyse du recours dirigé contre la décision de refus du statut de réfugié, qu’il y aurait de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, le demandeur encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
Au vu des développements qui précèdent, il convient de conclure que le demandeur reste en défaut de démontrer que les conditions de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015seraient remplies dans son chef. C’est, dès lors, à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande de protection subsidiaire du demandeur.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a valablement refusé de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur (A) prise en son double volet, de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.
2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire A l’appui de son recours contre l’ordre de quitter le territoire, le demandeur expose que cet ordre devrait encourir la réformation pour violation de la loi, alors qu’il risquerait de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine telles que définies aux articles 48 et 49 de la loi du 18 décembre 2015. A titre subsidiaire, il soutient que l’ordre de quitter le territoire serait contraire à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », dans la mesure où un retour en Afghanistan serait suivi de traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le délégué du gouvernement conclut également au rejet de ce volet du recours.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] Une décision du ministre vaut décision de retour […] », cette dernière notion étant définie par l’article 2 q) de la même loi comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », étant encore relevé, à cet égard, que si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, de sorte qu’un retour de Monsieur (A) en Afghanistan ne l’expose ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire vers ce pays.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’invocation par le demandeur de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 qui dispose que : « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d'un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
En effet, dans la mesure où le tribunal vient de confirmer l’absence de fondement des craintes alléguées par le demandeur par rapport à l’Afghanistan, son renvoi vers ce pays ne saurait être incompatible avec ledit article 129, précité.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire encourt également le rejet.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 29 février 2024 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 29 février 2024 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 5 juin 2025 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 14