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06/06/2025 | LUXEMBOURG | N°47426

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 juin 2025, 47426


Tribunal administratif N° 47426 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47426 5e chambre Inscrit le 11 mai 2022 Audience publique du 6 juin 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47426 du rÃ

´le et déposée le 11 mai 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges SIMON, avoc...

Tribunal administratif N° 47426 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47426 5e chambre Inscrit le 11 mai 2022 Audience publique du 6 juin 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47426 du rôle et déposée le 11 mai 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges SIMON, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses organes sociaux actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 10 février 2022, référencée sous le numéro (1), ayant rejeté sa réclamation à l’encontre des bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités pour les années d'imposition 2015 à 2018, des bulletins de l'impôt commercial communal pour les années 2015 à 2018, des bulletins d’établissement de la valeur unitaire aux 1er janvier 2016, 2017 et 2018 ainsi que des bulletins de l'impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 4 novembre 2020 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date 11 octobre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 novembre 2022 par Maître Georges SIMON, préqualifié, pour le compte de sa mandante, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Georges SIMON et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mai 2024.

Vu l’avis du greffe du 19 mai 2025 du tribunal administratif informant les parties en cause que le tribunal avait prononcé la rupture du délibéré et que l’affaire était refixée pour plaidoiries à l’audience publique du 4 juin 2025.

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire à l’audience publique du 4 juin 2025, les parties étant excusées.

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1 Par résolutions de son conseil de gérance en date du 9 janvier 2014, la société à responsabilité limitée (AA) SARL, ci-après désignée par la « société (AA) », constituée en date du 11 octobre 2013, décida d’ouvrir une « succursale » aux États-Unis d’Amérique, ci-après désignés par les « USA », sous la dénomination « (AA) SARL - … », ci-après désignée par la « (FF) », afin de lui confier les « activités de gestion et d'administration des actifs financiers » du groupe (AA), – dont la société mère est une société de droit américain dénommée (BB), ci-

après désignée par la « Société mère » –, ainsi que « le suivi des flux de trésorerie vers et depuis ses comptes bancaires, l'administration générale du bureau, tel que le suivi des appels, lettres et courriels, le traitement des factures, la comptabilité générale concernant ses propres activités, la préparation de divers rapports à la direction du siège au Luxembourg et le soutien en relation avec différents projets ».

Par courrier daté du 28 janvier 2020, le bureau d'imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », informa la société (AA) de son intention d’entreprendre un contrôle ultérieur au sens du § 100a, alinéa (2) de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », des années d'imposition 2015 à 2018 en demandant les documents suivants sur la (FF) :

« - une copie du procès-verbal statuant sur la création de la succursale aux Etats-Unis d’amérique - un aperçu détaillé des activités de la succursale - adresse exacte de la succursale - une confirmation officielle du fisc américain que la société luxembourgeoise est imposable pour son établissement stable ou vous me remettez une copie de la déclaration fiscale ainsi que le bulletin d’impôt afférent des années susmentionnées.

- le cas échéant, une copie du contrat de location, nom(s) et adresse(s) des administrateurs, une copie du contrat de travail du/des salarié(s) - une pièce justificative concernant l’ouverture d’un compte bancaire aux Etats-Unis d’Amérique.

- le bilan d’ouverture de la succursale - le bilan et le compte de profits et pertes de la succursale clôturant au 31.12.2015, 31.12.2016, 31.12.2017 et au 31.12.2018 ».

Par un deuxième courrier séparé daté également du 28 janvier 2020, conformément à la circulaire L.I.R n° 56/1 - 56bis/1 du 27 décembre 2016, le bureau d'imposition demanda à la société (AA) une analyse détaillée « justifiant l'application du principe de pleine concurrence aux transactions de financement intra groupe ».

Par courrier daté du 24 mars 2020, la société (AA) fournit au bureau d'imposition des documents requis par le premier courrier du 28 janvier 2020 concernant la (FF).

2 Par courrier daté du 26 mars 2020, la société (AA) fournit au bureau d'imposition une analyse sur l'application du principe de pleine concurrence aux opérations de financement intragroupe.

Par courrier daté du 16 septembre 2020, et conformément aux dispositions du § 205, alinéa (3) AO, le bureau d'imposition informa la société (AA) de son intention de s'écarter de ses déclarations fiscales pour les années 2015 à 2018 pour l'impôt sur le revenu des collectivités (« IRC »), l'impôt commercial communal (« ICC ») et l'impôt sur le fortune (« IF ») au motif qu’il refusait la reconnaissance de la qualification d’établissement stable à la (FF), de sorte que les revenus tirés des actifs de l’entité américaine seraient intégralement imposables au Luxembourg. Le bureau d’imposition invita la société (AA) à présenter ses observations éventuelles jusqu’au 9 janvier 2020 au plus tard.

Par courrier daté du 9 octobre 2020, la société (AA) fit valoir ses arguments en faveur de la reconnaissance de la (FF) en tant qu’établissement stable auprès du bureau d'imposition.

Par courrier daté du 21 octobre 2020, le bureau d'imposition rejeta le raisonnement présenté par la société (AA).

En date du 4 novembre 2020, le bureau d'imposition émit les bulletins de l’IRC pour les années d'imposition 2015 à 2018, les bulletins de l'ICC pour les années 2015 à 2018, les bulletins d’établissement de la valeur unitaire aux 1er janvier 2016, 2017 et 2018, ainsi que les bulletins de l’IF aux 1er janvier 2016, 2017 et 2018. Lesdits bulletins indiquent que : « L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants […] Imposition dans le cadre d’un contrôle ultérieur suite à notre lettre du 16 septembre 2020. ».

Par courrier de son représentant du 4 février 2021, réceptionné le lendemain par l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », la société (AA) introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration, ci-après désigné par le « directeur », contre les bulletins d’imposition susmentionnés.

Suite au dépôt de ladite réclamation, le directeur procéda à la mise en état du dossier et formula une demande additionnelle d'information en date du 26 octobre 2021, tendant à se voir communiquer des informations et documents additionnels pour les exercices 2015, 2016, 2017 et 2018, tels que :

« […] 1. Une copie du contrat de prêt d’un montant de … dollars américain accordé à (BB) le 5 décembre 2014 ;

2. une copie des factures simplifiées émises par (BB) au titre de la convention de services «(« Services agreement ») datée du 15 janvier 2014, incluant le détail des services et l’allocation des coûts ;

3. une des factures émises par (BB) au titre de l’annexe conclue le 22 mars 2016 entre (BB) et la réclamante au « Global Services Agreement ») daté du 1er janvier 2015, incluant le détail des services et le calcul des coûts ;

3 4. une copie du document intitulé « … », ensemble avec le détail des services rendus et le calcul des coûts (« service fee ») ;

5. une description des pouvoirs de signature sur le compte bancaire de l’établissement stable et une liste des personnes autorisées à effectuer des opérations sur ledit compte ;

6. une copie des résolutions du conseil de gérance de la réclamante, respectivement des décisions prises par le « … », en relation avec l’allocation des actifs à la succursale, la gestion de ces actifs ainsi que leur réallocation au Luxembourg ;

7. un descriptif des raisons économiques qui ont conduit à la mise en place de l’établissement stable aux États-Unis, respectivement à la fermeture de celui-ci ;

[…] ».

Par un courrier daté du 15 décembre 2021, la société (AA) fit parvenir à l'administration, des documents additionnels, ainsi que des explications relatives aux informations demandées par l’administration concernant la (FF).

Par une décision du 10 février 2022, référencée sous le numéro (1), le directeur rejeta comme non fondée la réclamation de la société (AA).

Cette décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 4 février 2021 par les sieurs (A) et (B), de la société à responsabilité limitée (CC), au nom de la société à responsabilité limitée (AA), avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal des années 2015, 2016, 2017 et 2018, ainsi que contre les bulletins de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation et de l'impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 4 novembre 2020;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la mise en état du directeur des contributions du 26 octobre 2021 en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO) et la réponse de la réclamante reçue le 16 décembre 2021;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu'elles sont partant recevables ;

4 Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition d'avoir refusé de reconnaître qu'une partie de ses activités serait exercée au travers d'un établissement stable situé aux Etats-Unis de sorte que les revenus ainsi que la fortune en relation avec cet établissement stable devraient être exonérés conformément à la convention fiscale conclue entre le Grand-Duché du Luxembourg et les Etats-Unis d'Amérique ;

Des bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2016, 2017 et 2018 et des bulletins de la base d'assiette de l'impôt commercial communal des années 2015, 2016, 2017 et 2018 Considérant qu'aux termes du § 232, alinéa 1er AO, un bulletin d'impôt ne peut être attaqué qu'au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l'impôt fixé ou conteste son assujettissement à l'impôt ;

Considérant que les montants de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2016, 2017 et 2018 et de l'impôt commercial communal des années 2015, 2016, 2017 et 2018 ont été fixés à chaque fois à 0 (zéro) euro ;

Considérant qu'il en découle que les réclamations contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2016, 2017 et 2018 et contre les bulletins de la base d'assiette de l'impôt commercial communal des années 2015, 2016, 2017 et 2018 doivent être déclarées irrecevables pour défaut d'intérêt ;

Des bulletins de l'impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 Considérant qu'une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d'imposition seraient inexactes ; qu'une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l'espèce notamment contre les bulletins de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 ;

Considérant qu'il en résulte que les réclamations dirigées contre les bulletins de l'impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 doivent être rejetées comme non fondées ;

Considérant que si le bulletin d'établissement séparé a fait l'objet d'une réclamation, sa réformation entraîne d'office un redressement du bulletin d'impôt établi sur base dudit bulletin d'établissement séparé (§ 218, alinéa 4 AO) ;

Du bulletin de l'impôt sur le revenu des collectivités de l'année 2015 et des bulletins de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ;

5 Considérant que les bulletins litigieux furent émis en date du 4 novembre 2020 suite à un contrôle ultérieur du bureau d'imposition en vertu du § 100a, alinéa 2 AO, modifiant ainsi les impositions originaires établies sur pied du § 100a, alinéa 2 AO; que préalablement à l'émission des bulletins litigieux, le bureau d'imposition informa la réclamante par un courrier daté du 28 janvier 2020, de son intention de procéder à un tel contrôle ultérieur ; que dans ce contexte, il sollicita des informations et documents additionnels en relation avec la succursale aux Etats-Unis ; que la réclamante s'exécuta par courriers datés des 24 mars, 26 mars et 11 septembre 2020;

Considérant que par courrier daté du 16 septembre 2020, le bureau d'imposition informa la réclamante, conformément au § 205, alinéa 3 AO, de son intention de s'écarter des déclarations pour les années 2015 à 2018 ; que sur base du fait que la succursale n'est ni enregistrée, ni assujettie à l'impôt aux Etats-Unis, que la succursale déclarée est entièrement gérée par le biais d'un contrat de services par la société (BB) et que l'établissement stable déclaré n'a en fait aucun pouvoir décisionnel quant à la gestion des actifs, ni peut-il activement développer son activité, le bureau conclut que « la structure n'est pas à reconnaître comme établissement stable situé aux Etats-Unis, qu'il s'agit en fait d'une prestation de service rendue par l'entité américaine, et que les revenus tirés des actifs sont donc intégralement imposables au Luxembourg. De même, les créances et les intérêts éventuellement capitalisés doivent être mis en compte pour les besoins du calcul de l'impôt sur la fortune. » ;

Considérant que la réclamante contesta cette position par courrier daté du 9 octobre 2020 alors que, selon elle, toutes les caractéristiques d'un établissement stable au sens de l'article 5 de la de la convention conclue entre les Etats-Unis d'Amérique et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 3 avril 1996 (la convention) sont présentes en l'espèce ; que, néanmoins, après avoir analysé en détail les explications fournies par la réclamante, sans être convaincu de leur bien-fondé, le bureau d'imposition procéda à l'émission des bulletins en cause sur base des considérations lui communiquées au préalable ;

qu'en l'espèce, la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que la question de l'espèce consiste à déterminer si, sur base des éléments de fait, la réclamante disposait bien d'un établissement stable aux Etats-Unis au sens des dispositions applicables au cours des exercices litigieux ;

Considérant que le § 16, alinéa 1er de la loi d'adaptation fiscale (StanpG), dans sa version applicable aux exercices litigieux, dispose que « Betriebsstätte im Sinn der Steuergesetze ist jede feste örtliche Anlage oder Einrichtung, die der Ausübung des Betriebs eines stehenden Gewerbes dient» ; que l'alinéa 2 précise que « Als Betriebsstätten gelten :

1.

die Stätte, an der sich die Geschäftsleitung befindet ;

2.

Zweigniederlassungen, Fabrikationsstätten, Warenlager, Ein-

und Verkaufsstellen, Kontore und sonstige Geschäftseinrichtungen, die dem Unternehmer (Mitunternehmer) oder seinem ständigen Vertreter (zum Beispiel einem Prokuristen) zur Ausübung des Gewerbes dienen ;

3.

Bauausführungen, deren Dauer zwölf Monate überstiegen hat oder voraussichtlich übersteigen wird. » ;

6 Considérant que l'article 7 de la convention prévoit que :

« 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.

2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, lorsqu'une entreprise d'un État contractant exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque État contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu'il aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques OU analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il constitue un établissement stable (…). » Considérant que l'article 23, alinéa 2 de la convention prévoit que « la fortune constituée par des biens mobiliers qui font partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un État contractant a dans l'autre État contractant, ou par des biens mobiliers qui appartiennent à une base fixe dont un résident d'un État contractant dispose dans l'autre État contractant pour l'exercice d'une profession indépendante, est imposable dans cet autre État.» et que l'article 25 prévoit que « lorsqu'un résident du Luxembourg reçoit des revenus ou possède de la fortune qui, conformément aux dispositions de la présente Convention, sont imposables aux Etats-Unis, le Luxembourg exonère ces revenus ou cette fortune de l'impôt » ;

Considérant que l'article 5 de la convention dispose que :

« 1. Au sens de la présente Convention, l'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

2. L'expression « établissement stable » comprend notamment :

a) un siège de direction, b) une succursale, c) un bureau, d) une usine, e) un atelier et f) une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles.

3. Un chantier de construction ou de montage, une installation de forage ou un navire de forage utilisés pour l'exploration de ressources naturelles ne constitue un établissement stable que si la durée du chantier, ou la durée d'utilisation de l'installation ou du navire dépasse douze mois.

4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu'il n'y a pas « établissement stable » si :

7 a) il est fait usage d'installations aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l'entreprise ;

b) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d'exposition ou de livraison ;

c) des marchandises appartenant à l'entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise ;

d) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'acheter des marchandises ou de réunir des informations, pour l'entreprise ;

e) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins d'exercer, pour l'entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire ;

f) une installation fixe d'affaires est utilisée aux seules fins de l'exercice cumulé d'activités mentionnées aux alinéas a) à e), à condition que l'activité d'ensemble de l'installation fixe d'affaires résultant de ce cumul garde un caractère préparatoire ou auxiliaire.

5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe.

(…) » ;

Considérant que la réclamante a été constituée le 11 octobre 2013 avec pour objet notamment la prise de participations dans d'autres entreprises luxembourgeoises ou étrangères, l'acquisition par achat, souscription, ou de toute autre manière ainsi que l'aliénation par vente, échange ou de toute autre manière de titres, obligations, créances, billets et autres valeurs de toutes espèces, ainsi que la possession, l'administration, la mise en valeur et la gestion de ces participations ; qu'elle peut également emprunter ou prêter sous quelque forme que ce soit et procéder à l'émission d'obligations, de titres d'emprunt ou de tout autre type de titres de créance, convertibles ou non, sans toutefois offrir ces obligations, titres d'emprunt ou titres de créance au public, procéder à l'émission de tous types d'actions, sûretés ou garanties rachetables ou non, sans toutefois pouvoir les offrir au public, hypothéquer, nantir ou grever tout ou partie de ses actifs, accorder tout type de garanties et de sûretés en faveur de tiers pour garantir ses obligations ou les obligations de ses filiales et/ou société(s) parente(s), sociétés affiliées ou toutes autres sociétés qui font partie du même groupe de sociétés que la Société ; qu'en l'espèce, la réclamante fait partie d'un groupe de sociétés dont la société mère est la société de droit américain (BB) ;

Considérant qu'il ressort d'une copie de résolutions circulaires signées le 9 janvier 2014 que le conseil de gérance de la réclamante décida, avec effet au 10 janvier 2014, d'ouvrir une succursale aux Etats-Unis, à dénommer « (AA) S.à r.l. — … », avec pour objet social toute activité en relation avec la gestion et l'administration des actifs financiers intragroupes qui lui serait alloués par la réclamante, de nommer un gérant de succursale et de lui attribuer tous les pouvoirs quant à la gestion quotidienne de celle-ci ; qu'il ressort des mêmes résolutions que la réclamante accorda à une société affiliée, avec effet au 10 janvier 2014, un prêt 8 convertible (« convertible loan ») pour un montant de … dollars américains qu'elle alloua immédiatement à la succursale nouvellement ouverte ;

Considérant qu'en date du 15 janvier 2014, suite à l'ouverture de la succursale, la réclamante conclut un contrat de services (« services agreement ») avec (BB), la société mère du groupe, au titre duquel cette dernière acceptait de mettre à disposition du personnel en l'occurrence, la dame (C) qui fut alors nommée gérante de la succursale par lettre d'instruction émise à la même date - en charge de fournir des services de gestion et de comptabilité, incluant l'ouverture d'un compte bancaire au nom de la succursale, la mise en place de l'infrastructure incluant l'équipement de bureau, le système comptable et de gestion des salaires, les affaires quotidiennes de la succursale, le suivi des investissements alloués à la succursale suivant les décisions du conseil de gérance de la réclamante, le suivi du règlement des intérêts sur les actifs, la réconciliation, la gestion et la responsabilité en tant que signataire sur les comptes bancaires ouverts au nom de la succursale, le suivi et la coordination des dépôts des intérêts sur les actifs alloués à la succursale, la gestion de l'administration générale de la succursale incluant les factures courantes, les loyers, les salaires, le contrôle des comptes bancaires, effectuer la gestion des liquidités ainsi que des devises, les questions comptables et financières, y compris la tenue des comptes de la succursale et l'établissement des rapports statutaires incluant la préparation des comptes annuels tant intermédiaires que finaux, l'assistance dans la préparation des comptes de gestion mensuels et la compilation mensuelle des rapports de performance de la succursale, l'assistance dans la préparation du budget annuel incluant les projections des flux de trésorerie et si requis, l'assistance dans la préparation des procédures de préparation des comptes statutaires et de dépôt auprès des autorités, la compilation des informations pour la préparation des déclarations fiscales et la correspondance avec les conseillers externes et les autorités fiscales ; qu'en vertu de ce contrat, le personnel devait rendre les services sous la supervision, la direction et le contrôle de la succursale mais continuerait d'être employé et rémunéré par (BB) ;

Considérant qu'au titre du même contrat, (BB) s'engageait également à fournir au personnel un local de bureau équipé sis à « (AA), … », afin que le personnel puisse convenablement exercer les activités décrites dans le contrat ;

Considérant que pour l'ensemble des activités ainsi fournies par (BB) au titre du contrat de services, une rémunération annuelle égale aux coûts supportés par (BB) en relation avec les services fournis plus une marge de 5%, sans pouvoir excéder … dollars américains, a été fixée ; que selon les termes du contrat, les factures en relation avec ces services devaient être émises sur une base semi-annuelle et inclure une allocation séparée des coûts relatifs notamment au personnel, au bureau, et aux équipements de bureau utilisés par la succursale ;

Considérant que, suite à la demande du directeur de fournir les factures relatives à ces services incluant un détail des services effectivement fournis et la répartition des coûts, la réclamante ne versa qu'une seule facture, relative à l'année 2014 et portant pour mention « Annual Service Fee from US Branch Manager and CSS Acctg under the terms of the (AA) dated 1/15/2014 », ne contenant ni la description des services rendus ni l'allocation des coûts pourtant contractuellement requise ;

Considérant que la réclamante, sur demande du directeur, versa un accord interne de gestion (« internal management arrangement ») convenu entre elle-même et sa succursale à la même date, soit le 15 janvier 2014 ; qu'alors que la réclamante explique dans sa requête que « l'assistance de la Société à l'ES américain était limitée aux services de gestion générale, à 9 l'assistance et aux conseils liés aux activités de la succursale américaine », il ressort de cet accord que la succursale délégua à la réclamante une partie importante des services qu'elle était supposée fournir ; qu'y sont en effet visés les services de gestion générale et de conseil en connexion avec les activités de la succursale, les services administratifs généraux et de conseil en relation avec la gestion financière, les opérations informatiques, l'achat et la comptabilité, les services pour l'établissement et la tenue des comptes financiers de la succursale, avec, pour autant que nécessaire ou désiré, les rapports mensuels, annuels, les rapports de gestion et autres rapports périodiques, les services de liaison entre la succursale et les tiers, incluant les banques et les conseillers ainsi qu'entre la succursale et les sociétés affiliées du groupe, les services et l'assistance dans la mise en place et la maintenance des comptes bancaires au nom de la succursale, incluant le conseil et l'assistance en relation avec la gestion de trésorerie, les transactions bancaires de la succursale, l'accomplissement du suivi des engagements de la succursale, le support administratif en relation avec les services précités et, de manière générale, tous les services de gestion, administratifs ou similaires tels que requis par la succursale pour remplir ses obligations légales et assurer ses activités quotidiennes ;

Considérant que pour ces services, une rémunération annuelle égale aux coûts supportés par la réclamante en relation avec les services fournis, auxquels s'ajoute une marge à déterminer par une étude de prix de transfert, a été fixée ; que la réclamante versa ladite étude à sa requête mais, malgré la demande du directeur, ne présenta aucun document détaillant les services effectivement rendus au titre de ce contrat ou les coûts y relatifs ;

Considérant qu'il ressort encore du dossier fiscal qu'un contrat global de services (« Global Services Agreement ») fut ensuite conclu en date du 22 mars 2016 entre la réclamante et (BB), par lequel cette dernière s'engageait à fournir à la réclamante des services de gestion et des services techniques (« management and technical services »), à savoir (a) l'assistance dans le planning opérationnel et la stratégie, incluant l'assistance dans la structuration légale (« legal entity structure ») et dans l'évaluation, l'interaction avec les auditeurs externes et internes, le support et l'assistance dans le développement des relations d'affaires avec les clients et les fournisseurs, le conseil et l'assistance en relation avec les plans futurs de développements et (b) les services de comptabilité technique et les services financiers, incluant l'orientation sur les standards comptables et les procédures de budget (tels que les rapports annuels, trimestriels et semi-annuels et la préparation aux budgets annuels et aux prévisions périodiques), le conseil et l'assistance en relation avec la comptabilité technique et les systèmes financiers ;

Considérant que pour ces services, une rémunération annuelle devait être fixée suivant une méthodologie conforme aux lignes directrices de l'OCDE sur les prix de transfert ainsi qu'à la réglementation américaine sur les prix de transfert ; qu'aucune facture ne fut cependant soumise par la réclamante en relation avec ce contrat mais uniquement des extraits bancaires indiquant le paiement d'un « Annual Service Fee » pour les années 2015 (… dollars américains), 2016, 2017 et 2018 (… dollars américains à chaque fois) ;

Considérant qu'en comparant les activités devant être théoriquement poursuivies par la succursale, à savoir la gestion et l'administration d'actifs financiers intragroupes, avec les services devant être fournis par la réclamante à celle-ci au titre de l'accord interne de gestion ainsi qu'avec les services devant être fournis par (BB) à la réclamante au titre du contrat global de services, il apparaît que la plus grande partie des activités de la succursale a été contractuellement transférée à la réclamante, qui elle-même en a transféré une partie à (BB) ;

que l'absence de factures détaillées, explicitant les services fournis et les coûts engagés par 10 chaque prestataire au titre des différents contrats, empêche d'établir si, et dans quelle mesure, ces contrats ont été suivis d'effet ;

Considérant qu'afin de nonobstant démontrer la poursuite d'une activité sur le sol américain, la réclamante versa, tant au cours de l'instruction par le bureau d'imposition qu'au niveau de la présente instance, des documents additionnels destinés à démontrer les actions effectivement entreprises par la succursale, respectivement par le gérant de la succursale ;

Considérant que la réclamante versa ainsi des résolutions du conseil de gérance de la réclamante relatives à la nomination des gérants successifs de la succursale, à l'affectation d'actifs à celle-ci ainsi qu'à la réaffectation d'actifs à la réclamante ; que la nomination d'un gérant et l'affectation d'actifs à la succursale apparaissent comme des étapes préliminaires nécessaires aux opérations de l'espèce, la succursale étant précisément destinée à prendre en charge la gestion et l'administration d'actifs ; que cependant, ces documents pris isolément ne permettent pas de démontrer une activité effective sur le sol américain ;

Considérant que la réclamante versa aussi un « aperçu détaillé » des activités de la succursale ainsi que des « rapports d'activités des gérants de la succursale américaine » intitulés « US Branch Update », ayant trait à l'année 2015 (un rapport), à l'année 2017 (trois rapports) ainsi qu'à l'année 2018 (deux rapports) ; que les rapports d'activités contiennent un récapitulatif des affectations et réaffectations d'actifs décidées par la réclamante, la balance de trésorerie et des intérêts ainsi que les comptes de gestion simplifiés établis pour la période visée, mais ne mentionnent aucune action concrète prise par le gérant en relation avec la gestion et l'administration des actifs ainsi affectés ; que l'« aperçu détaillé » fait référence à un prêt qui aurait été accordé par la succursale à une autre entité du groupe en décembre 2014 pour un montant de … dollars américains mais le contrat relatif à ce prêt, versé par la réclamante sur demande du directeur, ne contient pas de référence à la succursale de sorte que cette allégation est réfutée ; qu'accessoirement, eu égard au fait que les services de comptabilité ainsi que l'établissement de rapports périodiques ont été sous-traités par la succursale à la réclamante au titre de l'accord interne de gestion, se pose la question de savoir si ces rapports, non signés, n'ont pas en réalité été préparés par la réclamante elle-même, voire même par (BB) au titre du contrat global de services ;

Considérant que la réclamante mentionne encore que le gérant de la succursale aurait assisté à plusieurs réunions de son conseil de gérance et qu'il aurait, sur base du contrat de services, supervisé des employés de (BB) pour la fourniture des services comptables et financiers au profit de la succursale ; qu'elle ne fournit cependant aucun document de nature à soutenir ces affirmations, qui restent ainsi à l'état de pure allégation ;

Considérant qu'il ressort du document appelé « banking signatory authority for … » daté de juin 2018, que le gérant de la succursale ne disposait d'aucun pouvoir de signature sur les comptes bancaires de la succursale ; que les signataires mentionnés dans ce document étaient tous des employés de (BB) ; qu'ainsi, des opérations sur les comptes bancaires en relation avec les actifs financiers de l'espèce pouvaient être effectuées par (BB) sans aucune intervention du gérant ;

Considérant que les seuls documents émanant du gérant de la succursale sont deux lettres d'instruction signées par celui-ci au cours de l'année 2018 ; que ces lettres ont été émises conformément aux directives précises du conseil de gérance de la réclamante de sorte que le gérant se bornait à les entériner ;

11 Considérant qu'il ressort de ce qui précède qu'aucun élément du dossier n'est de nature à soutenir la poursuite par la réclamante d'une activité effective et régulière aux Etats-Unis d'Amérique que ce soit par le biais de la succursale ou du gérant de la succursale ; que les seules interventions établies (des lettres d'instruction signées par le gérant de la succursale), à supposer même qu'elles puissent être considérées comme des activités réalisées sur le sol américain, ne s'apparentent en tout état de cause qu'à des actes isolés qui ne présentent aucun degré de permanence ; que l'analyse du dossier tend à soutenir au contraire que la plus grande majorité des services en relation avec la gestion et l'administration des actifs financiers de la réclamante a en réalité été effectuée par la réclamante ou sous-traitée par cette dernière à sa société mère ;

Considérant finalement, quant à la question d'une installation fixe d'affaires que, s'il n'est en effet pas requis qu'une entreprise dispose d'un droit juridique formel, il doit être néanmoins établi que l'entreprise dispose d'un pouvoir réel de disposer d'une installation lui permettant de mener à bien ses activités spécifiques ; qu'en l'espèce, le contrat de services ne mentionne aucune adresse précise ; que l'adresse, correspondant à celle du siège social de (BB), ressort uniquement des résolutions circulaires du conseil de gérance de la réclamante signées le 9 janvier 2014; qu'afin de démontrer la réalité du local utilisé, la réclamante versa des photos d'un bureau prises dans les locaux de (BB) ainsi qu'un plan d'étage, tout en expliquant néanmoins que ces photos furent prises à titre d'exemple car après la fermeture de la succursale ; qu'elle précise également dans sa requête que, tout en restant à la même adresse, « le bureau d'ES a changé au cours des exercices sous revue » ; qu'il n'est en l'espèce pas possible de déterminer si l'espace en question était indépendant des locaux utilisés par (BB) ni si la réclamante avait, dans ces locaux, la libre disposition de manière permanente d'un bureau lui permettant d'effectuer ses activités, de sorte que cette condition fait également défaut ;

Considérant qu'il est rappelé que, conformément à l'article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, la preuve des faits libérant de l'obligation fiscale ou réduisant la cote d'impôt appartient au contribuable ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence d'une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle la réclamante exerçait ses activités pendant les périodes litigieuses, ou subsidiairement, d'une personne dépendante disposant aux Etats-Unis d'Amérique de pouvoirs lui permettant de conclure de manière habituelle des contrats au nom de la réclamante, au sens des dispositions applicables, c'est à bon droit que le bureau d'imposition a refusé de reconnaître un établissement stable de la réclamante aux Etats-Unis d'Amérique ; que les bulletins litigieux sont partant à confirmer;

Considérant que pour le surplus les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d'ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS dit les réclamations contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2016 à 2018 et contre les bulletins de la base d'assiette de l'impôt commercial communal des années 2015 à 2018 irrecevables, 12 reçoit les autres réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2022, inscrite sous le numéro 47426 du rôle, la société (AA) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur du 10 février 2022, précitée.

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite contre un bulletin d’impôt.

Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision directoriale susmentionnée du 10 février 2022, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

II) Quant à l’objet du recours Dans sa requête introductive d’instance, la société demanderesse indique qu’elle exerce un recours en réformation contre la décision du directeur du 10 février 2022 ayant rejeté sa réclamation qu’elle aurait introduite contre (i) les bulletin de l’IRC pour les années d’imposition allant de 2015 à 2018, (ii) les bulletins de l’ICC pour les années d’imposition allant de 2015 à 2018 et (iii) les bulletins de la valeur unitaire et de l’ICC aux 1er janvier des années d’imposition 2016, 2017 et 2018.

Dans le cadre de la décision déférée, le directeur a retenu que la société demanderesse avait introduit une réclamation contre « les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de la base d'assiette de l'impôt commercial communal des années 2015, 2016, 2017 et 2018, ainsi que contre les bulletins de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation et de l'impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018, tous émis en date du 4 novembre 2020 ».

S’agissant du volet de la réclamation portant sur les bulletins de l’IRC pour les années d’imposition 2016, 2017 et 2018, ainsi que sur les bulletins de l’ICC pour les années d’imposition 2015, 2016, 2017 et 2018, le directeur a retenu, après avoir énoncé que, « [c]onsidérant qu'aux termes du § 232, alinéa 1er AO, un bulletin d'impôt ne peut être attaqué qu'au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l'impôt fixé ou conteste son assujettissement à l'impôt », et que « [c]onsidérant que les montants de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2016, 2017 et 2018 et de l'impôt commercial communal des années 2015, 2016, 2017 et 2018 ont été fixés à chaque fois à 0 (zéro) euro », « les réclamations contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2016, 2017 et 2018 et contre les bulletins de la base d'assiette de l'impôt commercial communal des années 2015, 2016, 2017 et 2018 doivent être déclarées irrecevables pour défaut d'intérêt ».

S’agissant, ensuite, du volet de la réclamation portant sur les bulletins de l’IF aux 1er janvier des années d’imposition 2016, 2017 et 2018, le directeur a retenu, après avoir énoncé 13 que, « [c]onsidérant qu'une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d'imposition seraient inexactes » et « qu'une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l'espèce notamment contre les bulletins de l'établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 », qu’il « en résulte que les réclamations dirigées contre les bulletins de l'impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 doivent être rejetées comme non fondées ».

Force est de constater que la société demanderesse n’a formulé aucun moyen pour contester cette conclusion du directeur, de sorte qu’à travers le recours sous examen, le tribunal n’est saisi que du volet de la décision déférée concernant le bulletin de l’IRC de l’année d’imposition 2015, ainsi que les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation aux 1er janvier des années d’imposition 2016, 2017 et 2018, toujours dans la limite des moyens de la société demanderesse.

III) Quant au fond A. Quant à la question de la reconnaissance d’un établissement stable aux USA durant les années 2015, 2016, 2017 et 2018 Moyens et argument des parties En fait, la société demanderesse explique que l’activité de la (FF) aurait débuté à compter de la décision de lui allouer un prêt convertible à l’occasion des résolutions de son conseil de gérance du 9 janvier 2014, effective au 15 janvier 2014. Lesdites activités de la Succursale auraient notamment compris la gestion et l'administration des actifs financiers du groupe (AA), le suivi des flux de trésorerie vers et depuis ses comptes bancaires, l'administration générale du bureau tel que le suivi des appels, lettres et courriels, le traitement des factures, la comptabilité générale des activités de la (FF), la préparation de divers rapports à la direction du siège au Luxembourg et le soutien en relation avec différents projets.

S’agissant des gérants de la (FF), elle explique que son conseil de gérance aurait nommé comme première gérante de la (FF) Madame (C), laquelle se serait vue confier les tâches suivantes : ouvrir un compte bancaire au nom de la (FF), mettre en place l'infrastructure générale de la (FF), y compris l'équipement du bureau, les systèmes comptables, de rémunération et de l'organisation du matériel de bureau ainsi que suivre les affaires courantes de la (FF), faire le suivi en relation avec les investissements de la (FF), à savoir les actifs alloués et les actifs financiers futurs, faire le suivi en relation avec la perception des intérêts sur les actifs alloués à la (FF), réconcilier et gérer les pouvoirs de signature sur les comptes bancaires ouverts au nom de la (FF), contrôler et coordonner le dépôt des intérêts produits par les actifs alloués sur les comptes bancaires de la (FF) et, si nécessaire, prendre des dispositions nécessaires pour le versement des montants requis par le siège au Luxembourg, s'occuper de l'administration générale de la (FF), par exemple la gestion du téléphone, de la correspondance, des paiements locaux tels que les loyers et les salaires, le contrôle des comptes bancaires, la gestion de la trésorerie et des devises étrangères, s'occuper des questions comptables et financières, y compris la tenue des comptes de la (FF) et établir des rapports statutaires conformément à toutes les règles comptables, juridiques et fiscales pertinentes, y compris, mais sans s'y limiter, en relation avec la préparation des comptes annuels, assister avec la préparation des comptes de gestion mensuels et des rapports de performance de la (FF) sur une base mensuelle conformément aux procédures de rapport standard fixées par le siège au Luxembourg, assister avec la préparation du budget 14 annuel, y compris les prévisions de trésorerie, aide à la préparation des comptes statutaires et des dépôts auprès des autorités compétentes, si nécessaire, rassembler des informations pour les déclarations fiscales et préparer un projet de calcul d'impôt à soumettre à l'examen de conseillers externes, le cas échéant, et enfin s’occuper de la correspondance avec les autorités fiscales en coopération avec des conseillers externes.

Les fonctions énumérées ci-avant seraient également détaillées dans la lettre d'instructions adressée à Madame (C) par son conseil de gérance en date du 17 décembre 2013.

En date du 18 novembre 2015 et du 11 avril 2018, son conseil de gérance aurait nommé de nouveaux gérants pour la (FF). En effet, Monsieur (D) et Monsieur (E) auraient été nommés en date du 18 novembre 2015, avec effet au 20 novembre 2015, gérants conjoints et auraient disposé d’un pouvoir de signature individuel et des pouvoirs nécessaires pour l'administration quotidienne de la (FF). Les gérants auraient par ailleurs disposé du pouvoir d'effectuer individuellement au nom et pour le compte de la (FF) tous les actes et activités légaux entrant dans le cadre de l'objet social de cette dernière.

En date du 11 avril 2018, Monsieur (F) aurait été nommé seul gérant de la (FF), tout en disposant des mêmes pouvoirs que ses deux prédécesseurs alors que des lettres d'instructions envoyées aux gérants nouvellement nommés détailleraient leurs fonctions.

Ensuite, la société demanderesse donne à considérer qu’elle aurait conclu une convention de services en date du 9 janvier 2014, effective au 15 janvier 2014, avec la Société mère qui prévoirait une mise à disposition par cette dernière du personnel à la (FF) afin de l'assister dans certaines des tâches qui y seraient mentionnées, mais également afin de mettre à disposition un espace de bureau dédié et équipé sur le site de la Société mère dans l'Etat de … situé au « … » Les services fournis par la Société mère auraient été soumis au paiement d'une rémunération annuelle d'un montant de USD …, lequel serait la rémunération standard appliquée par le groupe (AA) pour les services, tels que prévus par ladite convention de services. Dès l'année 2014, les paiements en relation avec ces services auraient d’ailleurs été effectués par le biais de virements bancaires sur base de la relation contractuelle résultant de la convention de services.

Elle ajoute encore qu’afin de permettre à la (FF) de payer ses frais et dépenses, et de manière générale de bien mener ses activités commerciales et financières, un compte bancaire aurait été ouvert à son nom chez « … » en date du 10 janvier 2014. Les virements bancaires effectués à partir de ce compte bancaire de la (FF) mentionneraient que le paiement était lié aux accords de services.

Il conviendrait en outre de signaler qu'un accord de gestion interne aurait également été conclu avec la (FF) en date du 9 janvier 2014, effectif au 15 janvier 2014, prévoyant une assistance limitée à certains services de gestion générale et de conseil lié aux activités spécifiques de l'établissement stable. La société demanderesse précise qu’elle disposerait seulement d'un droit de regard et d'inspection des comptes, livres et registres se rapportant aux services rendus.

L’accord interne de gestion aurait toutefois été résilié fin 2015.

La société demanderesse expose ensuite les différents actifs financiers qu’aurait eu à gérer la (FF), laquelle aurait accordé un prêt convertible en date du 5 décembre 2014 à la Société mère pour un montant total de USD … Au cours de l'année 2015, la société demanderesse donne à considérer que plusieurs actifs auraient été réalloués vers la (FF). Le 20 décembre 2016, l'emprunt de USD …, ainsi que les intérêts courus auraient été remboursés par la Société mère 15 après lui avoir été préalablement réalloués. Au cours de l'exercice 2016, elle aurait par ailleurs réalloué plusieurs actifs vers la (FF) et inversement. Il en résulterait une créance pour la (FF) de USD … au 31 décembre 2016. Le 29 novembre 2017, elle aurait alloué à la (FF) une créance intragroupe détenue sur la société à responsabilité limitée (CC) SARL d'un montant de USD … Le 30 novembre 2017, elle aurait alloué à la (FF) une créance intragroupe et les intérêts courus détenue sur la société (DD) d'un montant respectif de JPY …, soit USD … et JPY …, soit USD …. Au cours de l'exercice 2018, divers actifs lui auraient encore été réalloués par la (FF) et inversement. Il lui aurait encore été réalloué le prêt de USD … accordé à la société à responsabilité limitée (CC) SARL ainsi que les intérêts de USD …, mais également le contrat de prêt accordé à la société (DD) pour un montant total de USD … L'allocation et la réallocation des actifs vers et depuis la (FF) auraient été faites en ligne avec les résolutions du conseil de gérance suivies de lettres d'instructions au(x) gérant(s) de la (FF) et de lettres de notification émises par le(s) gérant(s) aux parties concernées par les opérations respectives.

La société demanderesse fait également plaider qu’il résulterait de ses états financiers datés des 31 décembre 2015, 2016, 2017 et 2018 qu’une comptabilité séparée de celle de la (FF) aurait été maintenue pendant toute la période concernée par le présent recours.

En droit, la société demanderesse estime que ce serait à tort que le directeur aurait retenu que l’existence d’un établissement stable ne serait pas établie.

Elle explique tout d’abord que le directeur analyserait l'existence de l'établissement stable sur base des critères prévus par l'article 5 de la Convention fiscale en vue de l'élimination de la double imposition conclue entre le Luxembourg et les Etats-Unis, ci-après désignée par la « Convention », et du § 16 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG ».

Il conviendrait de rappeler à cet égard que ladite Convention attribuerait le pouvoir exclusif d'imposition des revenus d'un établissement stable à l'Etat sur le territoire duquel serait établi cet établissement stable. Ainsi, pour autant que la preuve de l'existence de l'établissement stable serait rapportée, le Luxembourg ne devrait pas soumettre les revenus et la fortune allouée à l'établissement stable aux USA, en vertu de l'article 25 paragraphe 2. (a) de la Convention.

Tout en se prévalant du § 16, alinéa (1) StAnpG, dans sa version applicable aux exercices litigieux, ainsi que de l'article 5 de la Convention, la société demanderesse conclut que la définition d'un établissement stable en vertu de la législation fiscale nationale et de la Convention reposerait essentiellement sur les mêmes caractéristiques, à savoir (i) la présence d'une installation d'affaires, (ii) qui aurait une certaine fixité, et (iii) par l'intermédiaire de laquelle l'entreprise exercerait tout ou une partie de son activité.

Concernant tout d’abord l’existence d’une installation d’affaires, elle avance que l’expression couvrirait toute installation matérielle quelconque à l'instar de celles énumérées à titre d'illustration par l'article 5, paragraphe (2) de la Convention. Elle en déduit qu’une installation d'affaires pourrait donc être située dans les locaux d'une autre entreprise, ce qui pourrait être le cas notamment lorsque l'établissement stable disposerait d’un accès permanent à une partie des locaux appartenant à une telle autre entreprise. En l'espèce, il serait incontestable que la (FF) aurait disposé d’une installation d'affaires aux USA pendant les années litigieuses. En effet, celle-ci disposerait de locaux situés au « … », lesquels 16 comprendraient notamment un bureau entièrement équipé, avec des meubles de bureau, un téléphone, un ordinateur et une imprimante, un service de courrier électronique et un accès internet, un espace de stockage, des fournitures de bureau et des bureaux partagés.

Elle estime par ailleurs que l’analyse du directeur serait pour le moins surprenante dans la mesure où, pour écarter l’existence d’une installation d’affaire aux USA, il avancerait que « le contrat de services ne mentionne aucune adresse précise ; que l'adresse, correspondant à celle du siège social de (BB), […] qu'afin de de montrer la réalité du local utilisé la réclamante versa des photos d'un bureau […] ainsi qu'un plan d'étage […] que tout en restant à la même adresse, « que le bureau de l'établissement stable a changé au cours des exercices sous revue » ; qu'il n'est en l'espèce pas possible de déterminer si l'espace en question était indépendant des locaux utilisés par (BB) ni si la réclamante avait dans ces locaux, la libre disposition de manière permanente d'un bureau lui permettant d'effectuer ses activités, de sorte que cette condition fait également défaut », alors que le fait que les installations auraient été à disposition de la (FF) au siège social de la Société mère, un bâtiment de taille importante, n'aurait rien d'inhabituel dans le fonctionnement d'une entreprise. Cette circonstance ne remettrait en aucun cas en cause le fait que ces installations auraient été à sa disposition. De plus, elle aurait fait preuve de bonne foi en fournissant au directeur un plan de de l’étage et des photographies présentant un exemple de bureau mis à disposition de la (FF). Le directeur se serait limité à remettre en question les éléments de preuve apportés sans autre base légale ou factuelle, en arguant notamment que les photos des bureaux auraient été prises à titre « d'exemple car après la fermeture de l'établissement stable ». Elle estime qu’il serait pourtant évident qu'il ne serait pas commun de photographier des bureaux dans le cours des activités et que la date de ces illustrations ne saurait démontrer une quelconque faiblesse dans l'argumentation entourant l'existence de l'établissement stable.

La société demanderesse fait valoir que l’exigence d'indépendance des locaux par rapport à ceux de la Société mère posée par le directeur dans sa décision de refus ne se justifierait pas à la lumière des conditions énoncées par la Convention Modèle OCDE et les commentaires s'y rapportant, lesquels préciseraient même explicitement que l'installation d'affaires pourrait se trouver dans les locaux d'une autre entreprise.

Elle ajoute que la (FF) aurait aussi ouvert et maintenu pendant toute la durée de son existence un compte bancaire en son nom propre auprès de la banque … à partir duquel ladite (FF) aurait exercé ses activités commerciales. Ce compte bancaire aurait servi entre autres à assurer les obligations financières de la (FF) pendant les exercices litigieux, comme par exemple, le paiement des montants dus en contrepartie des prestations de services reçues sur base des contrats de services précités.

La société demanderesse explique ensuite qu’aux USA l'inscription au registre du commerce ne s'appliquerait qu'aux sociétés ou établissements stables devant obtenir une licence d'exploitation dans certains cas pour des activités commerciales n’incluant pas les activités de financement, de sorte que la (FF) exerçant une activité de financement ne serait pas soumise à l'obligation d'obtenir une licence d'exploitation. Néanmoins, elle-même aurait été enregistrée aux USA conformément aux exigences de la législation locale. En effet, elle aurait déposé un « formulaire SS-4 » et aurait obtenu un « numéro d'identification d'emploi », à savoir le …. qui fournirait des informations à son propos aux autorités fiscales fédérales américaines.

Un « EIN » serait attribué aux employeurs, aux propriétaires uniques, aux sociétés, aux partenariats, aux successions, aux fiducies et à d'autres entités à des fins de déclaration fiscale américaine.

17 Elle conclut qu’il serait manifeste, que la (FF) disposerait d'une installation d'affaires aux USA.

S’agissant ensuite du critère de l’existence d’une installation fixe, la société demanderesse explique que l’installation en question devrait d'une part, avoir un lien avec un point géographique déterminé et, d'autre part, être caractérisée par une certaine permanence, ce qui serait le cas en l’espèce. En effet les bureaux auraient été situés au siège social de la Société mère au « … » et par conséquent situés dans un endroit géographique spécifique qui serait de nature permanente. Les bureaux auraient été mis à disposition conformément à la convention de services pendant toute la période d'activité de la (FF) allant du 9 janvier 2014 à sa dissolution en 2019.

S’agissant du troisième critère tenant aux activités de la (FF), la société demanderesse fait plaider que l'existence d'un établissement stable supposerait que l'entreprise disposant d'une installation fixe d'affaires aux USA l'utiliserait pour exercer toute ou une partie de son activité, sans que celle-ci ne constitue pour autant une activité préparatoire ou auxiliaire.

Les commentaires de la Convention Modèle OCDE préciseraient d’ailleurs à ce titre que l'activité ainsi exercée ne devrait pas nécessairement être une activité de production et que les opérations effectuées à travers cet établissement stable devraient être effectuées de façon régulière. Dans le cas d'espèce, l'activité de la (FF) consisterait en la gestion et l'administration d'actifs financiers et serait assurée notamment par ses gérants respectifs.

La société demanderesse poursuit en affirmant que le directeur contesterait dans sa décision l'existence d'une activité effective et régulière de la (FF) et qualifierait cette activité de préliminaire, alors qu’il serait incontestable que les activités de la (FF), et notamment l'activité de gestion des actifs financiers, telles que décrites dans les différentes pièces qu’elle aurait annexées au présent recours, auraient été exercées depuis des bureaux mis à sa disposition aux USA par des gérants, lesquels auraient tous eu les pouvoirs et compétences pour le faire.

Elle précise encore par rapport à la qualification d’activité « préliminaire » qu’il conviendrait dans un premier temps de s'interroger sur les raisons poussant le directeur à analyser les documents « isolément » au lieu d'examiner toutes les actions de (FF) dans leur ensemble. En outre, les documents seraient accompagnés de diverses pièces justificatives venant dans le contexte général appuyer l'existence de l'activité de la (FF) tels que des relevés bancaires se rapportant aux paiements effectués au titre des activités accomplies ou encore des rapports d'activités des gérants de la (FF). En effet, ces documents démontreraient et corroboreraient son intention de se doter d'un établissement stable légalement établi, de lui confier la gestion d'actifs financiers comme activité propre ainsi que la bonne exécution des tâches confiées.

Par rapport à l’affirmation du directeur suivant laquelle les preuves de la mise en place de l'activité de l'établissement stable ne seraient en réalité que constitutives de preuves d'étapes préliminaires et non d'une activité effective, la société demanderesse se réfère à un arrêt du Bundesfinanzhof allemand, lequel aurait retenu qu’un établissement stable commencerait à exister à partir du moment où seraient effectués des actes tendant à exercer une activité commerciale à un moment ultérieur, tel que la location de bureaux, ou encore la mise à disposition de moyens financiers, sans que ceux-ci ne puissent pour autant être considérés 18 comme actes « préparatoires » ou « auxiliaires » au sens de la Convention. Ainsi, les activités « préparatoires » ou ici « préliminaires » réalisées dans le but de mettre en place l'exercice d'une activité économique seraient suffisantes pour caractériser le début de l'existence d'un établissement stable.

Par ailleurs, les gérants de la (FF) se seraient vu confier diverses fonctions en relation avec l'administration des actifs financiers. Il résulterait en plus des Curriculum Vitae des gérants respectifs de la (FF) que ces derniers auraient tous été des personnes hautement qualifiées bénéficiant de formations commerciales et comptables et de plus de dix ans d'expérience professionnelle. Il serait dès lors évident que tous les gérants ayant assuré la gestion de la (FF) auraient disposé des compétences, des connaissances et de l'expérience nécessaires et suffisantes pour exercer leur fonction de gérant.

La société demanderesse rappelle que de multiples actifs auraient été alloués à la (FF), et réalloués par celle-ci, de façon régulière au cours de chacune des années d'activité de cette dernière. Les gérants successifs auraient été impliqués dans ces opérations, comme le démontreraient, par exemple, les lettres d'instruction ou les actes d'allocation d'actifs signés aux USA ou encore les procès-verbaux des conseils de gérance de la société demanderesse.

Elle souligne également que l'ouverture d'un compte bancaire au nom et pour le compte de la (FF), ainsi que la récurrence des paiements des frais de services annuels pour un montant de USD … en échange de la prestation de certains services comptables et financiers qui auraient été fournis au profit de la (FF) par les employés de la Société mère au titre de la convention de services, auraient été effectués à partir de ce compte bancaire et démontreraient également le caractère régulier de l'activité de l'établissement stable.

Enfin, la société demanderesse explique qu’en raison du fait que la gestion des actifs alloués à la (FF) ne relèverait pas des activités de son conseil de gérance, ni des employés au Luxembourg, le gérant de la (FF) aurait régulièrement communiqué les activités de l'établissement stable audit conseil de gérance par le biais de présentations incluant des informations sur le fonctionnement de la (FF), sur les principales transactions effectuées depuis le précédent rapport, sur les bénéfices réalisés et un aperçu des comptes de l'établissement stable.

Les circonstances qu’elle aurait ainsi détaillées ci-dessus confirmeraient que les gérants successifs de la (FF) auraient effectivement exercé des fonctions de supervision et de contrôle de manière régulière.

Elle prend ensuite position par rapport au reproche du directeur tenant à l’absence de facture détaillée à propos des paiements en lien avec la convention de service et fait valoir que l’absence de facture détaillée ne démontrerait aucunement l’absence de services rendus mais serait uniquement due à la récurrence des paiements, à la bonne communication interne entre les gérants des différentes entités impliquées dans ces services et au fait que les paiements seraient dus sur base des conventions de services. D’ailleurs, chaque virement bancaire indiquerait l'objet pour lequel il aurait été effectué, comme par exemple le paiement des services annuels.

Il y aurait encore lieu de prendre en compte que certains services comptables et financiers auraient été fournis au profit de la (FF) par les employés de la Société mère en ligne avec la convention de services sous la supervision du gérant de la (FF). Le gérant financier employé au « Shared Service Center » au siège de la Société mère dans l'Etat de … serait 19 notamment chargé de fournir une assistance à la (FF). Le directeur des finances communiquerait mensuellement par courrier électronique certaines informations en relation avec les actifs financiers, telles que les informations provenant des relevés bancaires mensuels, le tableau des prêts et les saisies à reporter dans les états financiers de la (FF). Ces informations auraient été régulièrement communiquées au gérant de la (FF), ainsi qu'au groupe de destinataires impliqués dans les activités de la (FF) afin de permettre une gestion régulière de ses affaires courantes.

En application d'une politique Générale de groupe, l'équipe « Treasury Operations » régirait et superviserait tous les mouvements de fonds pour la Société mère et toutes ses filiales à travers le monde. Ainsi, Madame (C), premier gérant de la (FF) et simultanément membre de l'équipe « Treasury Operations » aurait disposé d'un pouvoir de signature sur le compte bancaire de la (FF) pendant les années de son mandat. Les gérants lui ayant succédés ne faisant pas partie de cette équipe « Treasury Operations », n’auraient pas disposé de pouvoirs de signature sur les comptes bancaires qui auraient alors été transférés au département en charge de la trésorerie de la Société mère. Ainsi, les gérants auraient donné des consignes au département trésorerie « Treasury Operations » pour initier, à sa demande uniquement, tout mouvement sur le compte bancaire de la (FF).

Ainsi, il apparaitrait comme évident que l’ensemble des critères visés à l’article 5 paragraphe (1) précité de la Convention serait rempli en l'espèce, de sorte que ce serait à tort que le directeur aurait refusé de reconnaitre la qualification d'établissement stable à la (FF) durant les années litigieuses.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet des moyens de la société demanderesse exposés ci-avant.

Il cite tout d’abord les deux premiers alinéas du § 16 StAnpG dans sa version applicable aux exercices litigieux, ainsi que les articles 5, 7, 23 paragraphe (2) et 25 de la Convention.

Il indique ensuite que, d’après les explications de la société demanderesse, la (FF) aurait conclu un contrat de services avec la Société mère. Dans le but de contrôler la réalité des prétendues prestations et activités de la (FF), le bureau d'imposition aurait demandé à la société demanderesse de lui fournir les factures relatives à ces services, laquelle n’aurait pu fournir qu'une seule facture relative à l'année 2014, et portant pour mention « Annual Service Fee from US Branch Manager and CSS Acctg under the terms of the (AA) Inc. Service Agreement dated 1/15/2014 ». Or cette facture ne ferait mention ni de la description des services rendus ni de l'allocation des coûts pourtant contractuellement requise.

Le délégué du gouvernement relève ensuite que, sur demande du directeur, la société demanderesse aurait également versé un accord interne de gestion convenu entre elle-même et la (FF) en date du 15 janvier 2014. À cet égard, la société demanderesse aurait expliqué auparavant que « l'assistance de la Société à l'ES américain était limitée aux services de gestion générale, à l'assistance et aux conseils liés aux activités de la succursale américaine ». Or, il ressortirait de cet accord que la (FF) aurait délégué à la société demanderesse une partie importante des services qu'elle était supposée fournir.

Le délégué du gouvernement estime qu’il serait encore surprenant que l’accord interne de gestion ne comporterait aucune rémunération déterminable puisqu'il ferait référence à une rémunération annuelle à calculer sur base d'une étude de prix de transfert de la part de la société 20 à responsabilité limitée (CC) SARL, ci-après désignée par « (CC) », datée au 31 janvier 2014.

Or, le seul document relatif aux prix de transfert versé au cours de l'instruction et qui comporterait l'entête de « (CC) » serait daté au 20 février 2014 et ne serait d’ailleurs signé par aucun responsable de la part de (CC).

Il ressortirait par ailleurs du dossier fiscal qu'un contrat global de services aurait été conclu en date du 22 mars 2016 entre la société demanderesse et la Société mère, par lequel cette dernière se serait engagée à fournir à la société demanderesse des services de gestion et des services techniques. Cependant, aucune facture n'aurait été remise par la société demanderesse pour étayer les services réellement prestés.

La partie étatique poursuit en affirmant qu’en prenant en considération les services devant être fournis par la société demanderesse à la (FF) au titre de l'accord interne de gestion, ainsi que ceux devant être fournis par la Société mère à la société demanderesse au titre du contrat global de services, il apparaitrait que la majeure partie des activités devant être théoriquement poursuivies par la (FF), à savoir la gestion et l'administration d'actifs financiers intra-groupes, aurait été contractuellement transférée à la société demanderesse, qui en aurait elle-même transféré une partie à la Société mère. Elle précise à cet égard que l'absence de factures détaillées, explicitant les services fournis et les coûts engagés par chaque prestataire au titre des différents contrats, empêcherait d'établir si, et dans quelle mesure, ces contrats auraient été suivis d'effet.

Le délégué du gouvernement affirme ensuite, qu’afin de démontrer la poursuite d'une activité sur le sol américain, la société demanderesse aurait versé, tant au cours de l'instruction par le bureau d'imposition qu'au stade de la réclamation devant le directeur, des documents additionnels destinés à démontrer les actions effectivement entreprises par la (FF), respectivement par son gérant. Ainsi la société demanderesse aurait versé des résolutions de son conseil de gérance relatives à la nomination des gérants successifs de la (FF), à l'affectation d'actifs à celle-ci, ainsi qu'à la réaffectation d'actifs de la société demanderesse à la (FF). La partie étatique estime toutefois que la nomination d'un gérant et l'affectation d'actifs à la (FF) seraient à considérer comme des étapes préliminaires nécessaires aux opérations de l'espèce.

Dès lors, ces documents pris isolément ne permettraient pas de démontrer une activité effective sur le sol américain.

La société demanderesse aurait également versé un « aperçu détaillé » des activités de la (FF) ainsi que des « rapports d'activités des gérants de la succursale américaine » et plus particulièrement, un rapport ayant trait à l'année 2015, trois rapports ayant trait à l'année 2017, ainsi que deux rapports se rapportant à l'année 2018. Eu égard au fait que les services de comptabilité ainsi que l'établissement de rapports périodiques auraient été sous-traités par la (FF) à la société demanderesse au titre de l'accord interne de gestion, il y aurait lieu de se demander si ces rapports, non signés, n'auraient pas en réalité été préparés par la société demanderesse elle-même, voire même par la Société mère au titre du contrat global de services.

Il ressortirait encore du document appelé « banking signatory authority for … » daté de juin 2018, que le gérant de la (FF) ne disposerait d'aucun pouvoir de signature sur les comptes bancaires de celle-ci. Les signataires mentionnés dans ce document seraient tous des employés de la Société mère. La partie étatique en conclut que des opérations sur les comptes bancaires en relation avec les actifs financiers de l'espèce auraient pu être effectuées par la Société mère sans aucune intervention du gérant de la (FF).

21 Ainsi, le délégué du gouvernement estime qu’aucun élément du dossier ne serait de nature à soutenir la poursuite d'une activité effective et régulière aux USA par la société demanderesse, que ce soit par le biais de la (FF) ou de son gérant. Les seules interventions établies, à savoir des lettres d'instruction signées par le gérant de la (FF), ne s'apparenteraient en tout état de cause, même en supposant qu'elles puissent être considérées comme des activités réalisées sur le sol américain, qu'à des actes isolés ne présentant aucun degré de permanence.

Au-delà du fait que la société demanderesse ne verserait pas de pièces pertinentes pour établir la réalité des activités exercées par la (FF), il conviendrait encore de constater que la société demanderesse ne contesterait aucunement la position étatique visant à dire qu'une grande partie des activités prétendument effectuées par la (FF) serait déléguée à la société demanderesse elle-même.

S’agissant de la question d'une installation fixe d'affaires, le délégué du gouvernement précise qu’il ne serait certes pas requis qu'une entreprise dispose d'un droit juridique formel, mais qu’il devrait être néanmoins établi que l'entreprise jouisse d'un pouvoir réel de disposer d'une installation lui permettant de mener à bien ses activités spécifiques. En l'espèce, le contrat de services ne mentionnerait aucune adresse précise, et il ressortirait uniquement des résolutions circulaires du conseil de gérance de la société demanderesse signées le 9 janvier 2014 que l'adresse correspondrait à celle du siège social de la Société mère. Afin de démontrer la réalité du local utilisé, la société demanderesse se limiterait à verser des photos d'un bureau prises dans les locaux de la Société mère, ainsi qu'un plan d'étage, tout en expliquant néanmoins que ces photos auraient été prises à titre d'exemple après la fermeture de la (FF), de sorte qu'elles seraient dénuées de valeur probante. Le délégué du gouvernement indique encore que la société demanderesse aurait également précisé dans sa réclamation que, tout en restant à la même adresse, « le bureau d'ES a changé au cours des exercices sous revue ». Il ne serait donc pas possible, en l'espèce, de déterminer si l'espace en question était indépendant des locaux utilisés par la Société mère, et si la société demanderesse avait, dans ces locaux, la libre disposition de manière permanente d'un bureau lui permettant d'effectuer ses activités, de sorte que cette condition ferait également défaut.

Il s’ensuivrait que la société demanderesse n’aurait pas rapporté la preuve de l'existence d'un établissement stable et des conditions y relatives. Par conséquent, il conviendrait de confirmer la décision directoriale litigieuse.

À l’appui de son mémoire en réplique, la société demanderesse maintient les moyens énoncés dans sa requête introductive tout en réfutant l’argumentation de la partie étatique sur plusieurs points.

Elle estime qu’en réduisant l'enjeu de l'affaire à la seule question du caractère régulier de la documentation fournie, le délégué du gouvernement tenterait de passer outre la question centrale qui serait de déterminer l'existence réelle de la (FF). Il se bornerait ainsi à répéter l'argumentation du directeur sans analyser en substance ses arguments alors que la documentation fournie permettrait de conforter la reconnaissance de l'existence de la (FF).

Elle estime que, contrairement aux affirmations de la partie étatique, il serait évident que la permanence et la fixité de la (FF) seraient corroborées par toute la documentation produite en cause. Dès lors, l'adresse de la (FF) au « … » aurait toujours été connue, non équivoque et inchangée pendant les années litigieuses.

22 S’agissant ensuite de la preuve de l’activité réelle de la (FF), la société demanderesse justifie l’absence de factures détaillées émises en vertu de la convention de service, reprochée par le délégué du gouvernement, « simplement » par la récurrence des paiements, la « bonne communication » interne entre les gérants des différentes entités impliquées dans ces services et le fait que les paiements auraient été dus sur base de la convention de services. Par ailleurs, chaque virement bancaire indiquerait l'objet pour lequel il aurait été effectué comme le paiement des services annuels. Ainsi l'absence de certaines factures détaillées ne démontrerait en aucun cas une absence de services rendus par la (FF), alors même que le versement d'un « annual service fee » résultant de l'exécution de la convention de services conforterait la bonne exécution de celle-ci.

La société demanderesse poursuit en admettant que, certes, certains services lui auraient été délégués par la (FF) en vertu de l’accord interne de gestion qui aurait d’ailleurs été résilié fin 2015, mais que l'activité principale de gestion des actifs alloués, dont elle réitère l’envergure, aurait bien été réalisée par le biais des quatre gérants successifs de la (FF) qui auraient disposé des compétences, des connaissances et de l'expérience nécessaires et suffisantes. Elle ajoute qu’elle aurait joint des copies d'attestations testimoniales de deux des gérants de la (FF) au mémoire en réplique, lesquelles attesteraient effectivement de leur activité d'administration, de supervision et de contrôle des actifs financiers alloués à la (FF). Certes certains services comptables et financiers auraient été fournis au profit de la (FF) par les employés de la Société mère en ligne avec la convention de services, mais ces services auraient été effectués sous la supervision des gérants de la (FF). D’ailleurs, les gérants de la (FF) auraient régulièrement communiqué les activités de celle-ci au conseil de gérance par le biais de présentations, lesquelles auraient inclus des informations sur le fonctionnement de la (FF), sur les principales transactions effectuées depuis le précédent rapport, sur les bénéfices réalisés ainsi que sur les comptes de la (FF).

La société demanderesse réagit une nouvelle fois au reproche du directeur, repris par le délégué du gouvernement à l’appui de son mémoire en réponse, consistant à dire que la nomination d'un gérant et l'affectation d'actifs à la (FF) apparaissent comme des étapes préliminaires et que les documents pris isolément ne permettent pas de démontrer une activité effective de la (FF) sur le sol américain.

Il conviendrait selon elle dans un premier temps de s'interroger à nouveau sur les raisons poussant l'administration à analyser les documents « isolément » au lieu d'examiner toutes les fonctions de la (FF) dans leur ensemble. Les éléments fournis ne pourraient pas faire l'objet d'une analyse isolée mais nécessiteraient de prendre en compte le contexte plus global, tel que résultant des éléments et pièces fournis à l'appui de son recours.

La société demanderesse rappelle encore que, selon un arrêt du Bundesfinanzhof allemand, en ligne avec les commentaires de la Convention Modèle OCDE, un établissement stable commencerait à exister à partir du moment où seraient effectués des actes tendant à exercer son activité principale à un moment ultérieur tel que par exemple la location de bureaux ou encore la mise à disposition de moyens financiers, sans que ceux-ci ne pourraient pour autant être considérés comme actes « préparatoires » ou « auxiliaires » au sens de la Convention Modèle OCDE.

Ainsi, les activités « préparatoires » ou « préliminaires » réalisées dans le but de mettre en place l'exercice d'une activité économique seraient donc suffisantes pour caractériser le début de l'existence d'un établissement stable.

23 De surcroît, il y aurait lieu de retenir que les commentaires de la Convention Modèle OCDE préciseraient que l'activité d'un établissement stable ne devrait pas nécessairement être une activité de production et que les activités de financement, ainsi que les activités de licence, de détention, de négociation et de commerce sont considérées comme des activités « commerciales » qui comprendraient l'exercice de services professionnels et d'autres activités de caractère indépendant.

La société demanderesse prend position par rapport aux critiques de la partie étatique suivant lesquelles (i) les rapports d’activité qu’elle aurait produit ne mentionneraient aucune activité et (ii) l’ « aperçus détaillé » des activités de la (FF) versé par elle ferait référence à un prêt qui aurait été accordé par la (FF) à une autre entité du groupe en décembre 2014 pour un montant de USD …, sans toutefois que le contrat relatif audit prêt, versé par elle ne contienne de référence à la (FF). Tout en admettant que le prêt en question qu’elle aurait accordé aurait ensuite été alloué à la (FF), la société demanderesse explique que la mention de l’allocation de cet actif à la (FF) ou de sa réallocation en sa faveur apparaitraient notamment dans une lettre du 20 décembre 2016 ou encore dans la notification de transfert du 20 décembre 2016. La mention de ces mouvements démontrerait l'existence d'une activité de gestion des actifs alloués à la (FF).

Contrairement aux affirmations de la partie étatique, la société demanderesse fait plaider que les procès-verbaux de son conseil de gérance mentionneraient explicitement que les gérants de la (FF) auraient assisté aux réunions de son conseil de gérance par conférence téléphonique et y auraient présenté l'état des affaires de la (FF). Elle ajoute encore que, contrairement à ce que soutiendrait le délégué du gouvernement, ce seraient bien les gérants de la (FF) qui auraient préparé les rapports périodiques, tel que cela ressortirait des procès-verbaux des réunions de son conseil de gérance.

La société demanderesse réagit encore à l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle l’accord interne de gestion ferait référence à une étude de prix de transfert préparée par (CC) datée du 31 janvier 2014, alors que le document relatif au prix de transfert versé serait daté du 20 février 2014 et ne serait pas signé par un responsable de la part de (CC).

Elle précise à cet égard qu’il serait très habituel que les documents ou notes émanant des cabinets d'avocats ou des « Big 4 » ne soient pas signés, comme ce serait le cas de l'étude de prix de transfert en l'espèce. Cette absence de signature ne préjudicierait en rien la validité du document fourni, qui resterait d'ailleurs non contestée, ce que le délégué du gouvernement ne pourrait ignorer. La seule entête « (CC) » et l'absence de l'indication qu'il s'agirait d'un projet de document permettrait d'ailleurs d'attester que le document fourni est final. Elle ajoute encore que contrairement à ce qui serait affirmé par le délégué du gouvernement, l’accord interne de gestion ne ferait pas référence à l'étude de prix de transfert datée du 31 janvier 2014, mais se réfèrerait par anticipation à une étude de prix de transfert « devant être préparée par (CC) avant le 31 janvier 2014 ». Due à la charge de travail élevée que représenterait une telle étude, la délivrance de l'étude de prix de transfert aurait eu lieu avec un retard d'une vingtaine de jours ce qui n'aurait rien d'inhabituel. Elle précise que la préparation de l'étude de prix de transfert confirmerait encore sa bonne foi en démontrant que les services concernés avaient été rémunérés à leur juste valeur.

S’agissant du pouvoir de signature des gérants sur les comptes bancaires de la (FF), la société demanderesse rappelle qu’en application d'une politique générale de groupe, l'équipe « Treasury Operations » régirait et superviserait tous les mouvements de fonds pour la Société 24 mère et toutes ses filiales à travers le monde. Madame (C), premier gérant de la (FF) et membre de l'équipe « Treasury Operations », disposerait d'un pouvoir de signature sur le compte bancaire de la (FF) durant la totalité de son mandat. Par la suite, les gérants de la (FF) lui ayant succédé ne faisant pas partie de l'équipe « Treasury Operations », n’auraient pas disposé de pouvoirs de signature sur les comptes bancaires qui auraient dès lors été transférés au département en charge de la trésorerie de la Société mère. Ainsi, lesdits gérants donneraient des consignes au département trésorerie « Treasury Operations » pour initier, à sa demande uniquement, tout mouvement sur le compte bancaire de la (FF). En vue de cette politique générale de groupe, l'absence de mention des gérants sur le « banking signatory authority for … » serait logique et cohérent et ne prouverait aucunement que ces derniers n'auraient pas autorité sur les transactions effectuées depuis le compte bancaire de la (FF).

Enfin, faisant suite au reproche de la partie étatique suivant laquelle les procès-verbaux de son conseil de gérance seraient incomplets, la société demanderesse précise avoir joint à son mémoire en réplique des copies complètes desdits procès-verbaux de son conseil de gérance.

Analyse du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève que les parties en cause ne contestent pas l’applicabilité de la Convention en l’espèce.

Les parties en cause sont en désaccord sur la question de savoir si les revenus générés par la (FF) sont imposables au Luxembourg ou aux USA. Elles se réfèrent à cet égard toutes les deux à l’article 7, paragraphe (1) de la Convention aux termes duquel« [l]es bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable », de même qu’à l’article 23, paragraphe (2) de la Convention, qui dispose que « [l]a fortune constituée par des biens mobiliers qui font partie de l’actif d’un établissement stable qu’une entreprise d’un Etat contractant a dans l’autre Etat contractant […] est imposable dans cet autre Etat ». Le litige opposant les parties en l’espèce porte dès lors plus particulièrement sur la question de savoir si la (FF) est à qualifier d’établissement stable au sens des articles 7 et 23 de la Convention, de sorte que ses bénéfices seraient à imposer aux USA, ou bien si au contraire, elle n’est pas à qualifier d’établissement stable de sorte que ses bénéfices seraient à imposer au Luxembourg.

Quant à la charge de la preuve, l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », dispose que : « [l]a preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. ». En l’espèce, la société demanderesse sollicite l’exonération au Luxembourg de revenus ainsi que de la fortune qu’elle entend allouer à un établissement stable aux USA. Par conséquent, il lui appartient de prouver que les conditions de cette exonération sont remplies, partant, de démontrer qu’elle avait bien un établissement stable aux USA au sens de la Convention pendant les années d’imposition 2015, 2016, 2017 et 2018.

Quant à la qualification d’établissement stable, il convient de relever qu’en vertu de l’article 5 de la Convention :

25 « 1. Au sens de la présente Convention, l'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

2. L’expression « établissement stable » comprend notamment:

a) un siège de direction b) une succursale, c) un bureau, d) une usine, e) un atelier et f) une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d’extraction de ressources naturelles.

3. Un chantier de construction ou de montage, une installation de forage ou un navire de forage utilisés pour l’exploration de ressources naturelles ne constitue un établissement stable que si la durée du chantier, ou la durée d’utilisation de l’installation ou du navire dépasse douze mois.

4. Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, on considère qu’il n’y a pas « établissement stable » si:

a) il est fait usage d’installations aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison de marchandises appartenant à l’entreprise;

b) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de stockage, d’exposition ou de livraison;

c) des marchandises appartenant à l’entreprise sont entreposées aux seules fins de transformation par une autre entreprise;

d) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’acheter des marchandises ou de réunir des informations, pour l’entreprise;

e) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins d’exercer, pour l’entreprise, toute autre activité de caractère préparatoire ou auxiliaire;

f) une installation fixe d’affaires est utilisée aux seules fins de l’exercice cumulé d’activités mentionnées aux alinéas a) à e).

5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu’une personne - autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l’entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l’intermédiaire d’une installation fixe d’affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe.

6. Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.

26 7. Le fait qu’une société qui est un résident d’un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l’autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l’intermédiaire d’un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-

même, à faire de l’une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l’autre. ».

Dès lors, pour être qualifié d’établissement stable, outre de ne pas tomber dans un des cas d’exclusion expressément prévus au paragraphe (4) de l’article 5 précité, trois éléments doivent être réunis : premièrement, il faut une installation d’affaires, c’est-à-dire une installation matérielle quelconque à l’instar de celles énumérées à titre d’illustration par l’article 5, paragraphe (2), de la Convention ; deuxièmement, cette installation doit être fixe, c’est-à-dire qu’elle doit, d’une part, avoir un lien avec un point géographique déterminé et, d’autre part, être caractérisée par une certaine permanence ; troisièmement, l’activité de l’entreprise doit avoir été exercée entièrement ou partiellement à partir ou à travers cette installation fixe d’affaires1.

L’expression « installation d’affaires » couvre tout local, matériel ou installation utilisé pour l’exercice des activités de l’entreprise, qu’il serve ou non exclusivement à cette fin2. Dès lors, un établissement stable au sens de la Convention est une installation fixe d’affaires dans un État contractant par l’intermédiaire de laquelle une entreprise résidente dans l’autre État contractant exerce tout ou partie de son activité dans l’État contractant de l’installation fixe d’affaires.

Force est en l’espèce au tribunal de constater que le directeur a, à juste titre, dénié à la société demanderesse la qualification d’établissement stable à la (FF).

Par rapport aux deux premières conditions tenant à l’existence d’une installation fixe d’affaires, il y a tout d’abord lieu de relever que, si l’adresse de la (FF) ressort tout d’abord de diverses pièces produites en cause par la société demanderesse, telles que les résolutions de son conseil de gérance du 9 janvier 2014, la lettre d’instruction du 15 janvier 2014 de la société demanderesse à l’attention de (C), ainsi que la lettre de « Notification of transfer » d’une créance émanant la (FF) à l’attention de la Société mère en date du 20 décembre 2016, ou encore les lettres d’allocation et d’instruction de la société demanderesse à l’attention des gérants de la (FF) datées du 20 décembre 2016, du 29 novembre 2017, respectivement du 21 décembre 2018, le tribunal constate qu’il s’agit à chaque fois de documents internes au groupe (AA), lesquels demeurent à eux seuls en l’absence de tout autre élément insuffisants pour établir une installation d’affaires aux USA. S’agissant des photos d’un bureau prises au sein des locaux de la Société mère, censées représenter le bureau mis à disposition de la (FF), ainsi que du plan desdits locaux, ces documents témoignent de l’existence d’un immeuble de bureau, mais ne font ressortir aucun lien entre lesdits locaux et la société demanderesse, voire sa (FF). Ils ne témoignent partant pas à suffisance d’une installation d’affaires aux USA.

Si certes l’adresse de la (FF) ressort encore du formulaire « Application for Employer Identification Number » émis par le … des USA, il n’en demeure pas moins que le document en question ne comporte aucune signature d’un représentant de l’administration fiscale américaine ou encore aucun tampon officiel apposé par cette dernière et ne permet dès lors pas non plus d’établir l’existence d’une installation fixe d’affaires aux USA.

1 Cf. Jean Schaffner, Droit fiscal international, Promoculture Larcier 2014, pp. 161-165.

2 Cf. Oliver R. Hoor, Le Modèle OCDE de Convention fiscale, Analyse technique détaillée, Legitech Editions juridiques et fiscales, p. 113.

27 Force est ensuite au tribunal de constater qu’il est constant que la société demanderesse a conclu une convention de services le 9 janvier 2014, effective au 15 janvier 2015, avec la Société mère, ci-après désignée par la « convention de services », qui prévoyait, outre la mise à disposition de personnel par la Société mère en faveur de la société demanderesse, la mise à disposition à cette dernière par la Société mère d’un espace de bureau dédié et équipé dans les locaux de la société mère situés au « … ». Toutefois, le tribunal relève à cet égard que la société demanderesse est restée en défaut d’établir à suffisance l’exécution effective de ladite convention de service dans la mesure, ou tel que relevé par le directeur, la société demanderesse n’a produite qu'une seule facture relative à l'année 2014, année non litigieuse en l’espèce, portant pour mention « Annual Service Fee from US Branch Manager and CSS Acctg under the terms of the (AA) dated 1/15/2014 », ne contenant par ailleurs ni la description des services rendus ni l'allocation des coûts pourtant contractuellement requise.

Il suit des considérations qui précèdent que la preuve de l’existence d’une installation fixe d’affaires aux USA dans le chef de la (FF) n’est pas établie en l’espèce.

Partant, les deux premières conditions à la reconnaissance d’un établissement stable tenant à l’existence d’une installation fixe d’affaires dans le chef de la (FF) ne sont pas remplies en l’espèce.

Ensuite, par rapport à la troisième et dernière condition suivant laquelle l’activité de la société demanderesse aux USA doit avoir été exercée en tout ou en partie par l’intermédiaire de la (FF), le tribunal est amené à retenir que la société demanderesse est également restée en défaut de soumettre à son appréciation des éléments suffisants témoignant de l’existence réelle et effective d’une activité de gestion et d’administration de tout actif financier intra-groupe sur le sol américain durant les années litigieuses.

En premier lieu, force est au tribunal de constater que trois contrats, à savoir (i) la convention de service précitée du 15 janvier 2014 conclu entre la société demanderesse et la Société mère, (ii) l’accord interne de gestion du 15 janvier 2014 conclu entre la société demanderesse et la (FF) et (iii) le contrat global de services du 22 mars 2016 conclu entre la société demanderesse et la Société mère, ressortent des pièces fournies par la société demanderesse. Il y a lieu de prendre en considération ces trois contrats afin de déterminer les activités exercées par la Société mère, la société demanderesse et la (FF) et, corollairement de déterminer si la (FF) a exercé une activité réelle aux USA.

Par rapport à la convention de service aux termes de laquelle la (FF) se serait vu mettre à disposition du personnel par la Société mère, il y a lieu de constater que même sur demande expresse de l’administration, comme le fait remarquer le directeur et le représentant étatique après lui, aucune facture détaillée relative à la mise à disposition de personnel n’a été produite par la société demanderesse en relation avec les années litigieuses, de sorte qu’il n’est pas établi que le personnel mis à disposition de la (FF) par la Société mère exerçait ses activités sous la direction de la (FF) mais qu’il y a en revanche lieu de conclure que ledit personnel demeurait employé par la Société mère.

Si la société demanderesse verse en cause certains documents, tels que les procès-

verbaux de son conseil de gérance auquel les gérants de la (FF) avaient assisté via vidéoconférence, des courriers émis et signés par les gérants de la (FF) ou encore des attestations testimoniales de deux des gérants de la (FF), ces documents ne permettent pas 28 d’établir l’exercice par la société demanderesse d’activités aux USA par l’intermédiaire de la (FF) au sens de l’article 5, paragraphe (1) de la Convention étant donné que le tribunal vient de constater que l’absence de facture relative à la mise à disposition de personnel par la Société mère à la société demanderesse implique le constat que ledit personnel n’exerçait pas ses activités pour le compte de la (FF), mais demeurait employé et travaillait sous la direction de la Société mère.

Les conclusions qui précèdent sont corroborées par le fait qu’il est constant en cause pour ressortir par ailleurs des explications de la société demanderesse que la majorité des gérants de la (FF), à l’exception de Madame (C), ne disposait d’aucun pouvoir de signature sur les comptes bancaires de la (FF), contrairement aux employés de la Société mère, tel que cela apparait sur le « banking signatory authority for … ». Cette absence de pouvoir de signature de la majorité des gérants s’expliquerait selon la société demanderesse par le fait qu’en vertu de la « politique générale du groupe », seule l’équipe « Treasury Operations », dont aurait fait partie Madame (C), aurait été en mesure de régir et de superviser tous les mouvements de fonds des sociétés du groupe. Ainsi, les gérants de la (FF) auraient donné des « consignes au département trésorerie « Treasury Operations » pour initier, à sa demande uniquement, tout mouvement sur le compte bancaire de la …[USA]. ». Ainsi, il suit des considérations qui précèdent que sans le support du groupe « Treasury Operations », et donc, par conséquent, sans le support de la Société mère, la (FF) ne pouvait initier aucune opération sur son compte bancaire, ce qui comprend notamment les réaffectations d’actifs financiers. Il s’ensuit que les gérants ne disposaient pas des pouvoirs nécessaires pour assurer seuls l’activité de gestion et d’administration des actifs financiers intra-groupes. De surcroît, les explications de la société demanderesse quant à la « politique générale du groupe » ne sont assorties d’aucune pièce établissant une telle politique générale, de sorte à rester à l’état de pures allégations.

Dans le même contexte, il échet de préciser qu’il n'est pas établi par la société demanderesse que la (FF) disposait réellement d’un compte bancaire autonome. En effet, la lettre datée du 10 janvier 2014 adressée au service client de … par la société demanderesse à cet égard ne constitue qu’une autorisation de cette dernière d’ouvrir un compte bancaire en faveur de la (FF). Aucun autre document destiné à établir l’existence d’un tel compte, tels que des extraits de compte ou encore un certificat de la banque concernée ne sont versés en cause, de sorte que l’existence d’un compte bancaire au nom de la (FF) et géré par elle n’est pas établi.

Ensuite, il convient de constater que la société demanderesse a conclu avec la (FF) en date du 15 janvier 2014 un « Internal management arrangement », ci-après désigné par « l’accord interne de gestion », aux termes duquel la (FF) déléguait à la société demanderesse une partie de ses activités.

S’il ressort, tel que l’affirme la société demanderesse, d’une lettre adressée à Monsieur (D) par la société demanderesse datée du 7 décembre 2015 que l’accord interne de gestion a été résilié à cette même date, il n’en demeure pas moins qu’au moins pour ce qui concerne l’année d’imposition 2015, une partie importante des activités de la (FF) a été déléguée à la société demanderesse sur base de l’accord interne de gestion. En effet, ledit accord interne de gestion prévoyait à sa « Section … », la délégation à la société demanderesse des services de gestion générale et de conseil en connexion avec les activités de la (FF), des services administratifs généraux et de conseil en relation avec la gestion financière, des opérations informatiques, l'achat et la comptabilité, des services pour l'établissement et la tenue des comptes financiers de la (FF), avec, pour autant que nécessaire ou désiré, les rapports mensuels, annuels, les rapports de gestion et autres rapports périodiques, des services de liaison entre la 29 (FF) et les tiers, incluant les banques et les conseillers ainsi qu'entre la (FF) et les sociétés affiliées du groupe, des services et l'assistance dans la mise en place et la maintenance des comptes bancaires au nom de la (FF), incluant le conseil et l'assistance en relation avec la gestion de trésorerie, les transactions bancaires de la (FF), l'accomplissement du suivi des engagements de la (FF), le support administratif en relation avec les services précités et, de manière générale, tous les services de gestion, administratifs ou similaires tels que requis par la (FF) pour remplir ses obligations légales et assurer ses activités quotidiennes. Force est au tribunal de conclure que les délégations ainsi opérées concernent la quasi-totalité des activités susceptibles d’être exercées par la (FF), de sorte qu’à tout le moins pour l’année 2015, l’activité de la société demanderesse aux USA n’a pas pu être réalisée par l’intermédiaire de la (FF).

A plus forte raison, le tribunal relève également que la société demanderesse est restée en défaut de présenter le moindre document détaillant les services effectivement rendus au titre dudit accord interne de gestion, telle qu’une facture détaillée, malgré une demande du directeur en ce sens, à l’exception d’une étude de prix de transfert de la part de (CC) datée du 20 février 2014, insuffisante pour témoigner d’une réelle activité de la (FF).

Enfin, en date du 22 mars 2016, la société demanderesse a conclu avec la Société mère un « Global service agreement », désignée ci-après par « l’accord global de service », prévoyant la fourniture de services de gestion et de service techniques y énumérés par la Société mère en faveur de la société demanderesse au point 4. de l’annexe audit accord global de service, à savoir (a) l'assistance dans le planning opérationnel et la stratégie, incluant l'assistance dans la structuration légale et dans l'évaluation, l'interaction avec les auditeurs externes et internes, le support et l'assistance dans le développement des relations d'affaires avec les clients et les fournisseurs, le conseil et l'assistance en relation avec les plans futurs de développements, ainsi que (b) les services de comptabilité technique et les services financiers, incluant l'orientation sur les standards comptables et les procédures de budget (tels que les rapports annuels, trimestriels et semi-annuels et la préparation aux budgets annuels et aux prévisions périodiques), le conseil et l'assistance en relation avec la comptabilité technique et les systèmes financiers. S’il est également stipulé au point 6. de l’annexe précitée que la fourniture de services de gestion et de services techniques par la Société mère en faveur de la société demanderesse sera facturée moyennant le versement de « Fees » stipulés comme suit « […] Per details in invoice ; methodology used to charge these services is in accordance with the OECD Guidelines on Transfer Pricing and the US Regulations on Transfer Pricing », aucune facture détaillée en relation avec ce contrat n’est produite par la société demanderesse si ce n’est des extraits bancaires indiquant le paiement d'un « Annual Service Fee » d’un montant de USD … pour l’année 2015, respectivement USD … pour les années 2016, 2017 et 2018.

C’est dès lors à juste titre que le directeur a retenu qu'en comparant les activités devant être théoriquement poursuivies par la (FF), à savoir la gestion et l'administration d'actifs financiers intra-groupes, avec les services devant être fournis par la société demanderesse à la (FF) au titre de l'accord interne de gestion, ainsi qu'avec les services devant être fournis par la Société mère à la société demanderesse au titre de l’accord global de services, il apparait que la plus grande partie des activités de la (FF) a été contractuellement transférée à la société demanderesse, qui elle-même en a transféré une partie à la Société mère. Il y a partant lieu de conclure que l’activité de la société demanderesse sur le sol américain était, au moins jusqu’à la résiliation de l’accord interne de gestion en date du 7 décembre 2015, réalisée par la Société mère. S’agissant des années litigieuses subséquentes, à savoir 2016, 2017 été 2018, la prise en 30 compte de l’accord global de services dans la présente analyse n’est pas pertinente puisqu’il ne concerne pas la (FF) mais uniquement la société demanderesse et la Société mère.

Le tribunal relève ensuite que la société demanderesse fournit diverses pièces faisant état de l’attribution par la (FF) de plusieurs actifs financiers, qu’elle a détenus puis réalloués par la suite. En effet, il ressort tout d’abord d’une lettre de « notification of transfer » adressée par la (FF) à la Société mère en date du 20 décembre 2016 un transfert par la (FF) à la société demanderesse d’une créance d’un montant principal de USD … avec les intérêts y-relatifs, détenue sur la Société mère, qui lui avait été préalablement allouée en date du 5 décembre 2014.

Il ressort ensuite d’une « Allocation and Instruction Letter » adressée par la société demanderesse à la (FF) en date du 29 janvier 2017 que cette dernière s’est vu allouer en gestion par la société demanderesse une créance intragroupe détenue sur la société à responsabilité limitée (CC) SARL d’un montant principal de USD … ainsi que les intérêts y relatifs.

S’agissant de l’année 2018, plusieurs lettres d’allocation, de réallocation et d’instructions datées respectivement du 11 juin 2018, du 28 juin 2018 ainsi que du 21 décembre 2018, témoignent de diverses allocations et réallocations successives d’actifs financiers intervenues entre la (FF) et la société demanderesse. En effet, une « Reallocation and Instruction Letter » du 21 décembre 2018 fait état des réallocations de la (FF) vers la société demanderesse du prêt susmentionné d’un montant principal de USD … ainsi que des intérêts y-relatifs, mais également de la somme de USD … provenant des fonds de la (FF) détenus sur le « cash pooling » avec la société dénommée (DD). Une « Allocation and Instruction Letter » du 11 juin 2018 fait ressortir l’allocation à la (FF) par la société demanderesse d’un prêt détenu sur la Société mère d’un montant principal de USD … et des intérêts y relatifs, ainsi que du montant de USD … provenant des fonds de la société demanderesse détenus sur le « cash pooling » avec (EE). Une « Reallocation and Instruction Letter » du 21 juin 2018 témoigne de la réallocation par la (FF) du prêt détenu sur la société (DD) pour un montant principal de JPY … ainsi que les intérêts y relatifs. Enfin, une quatrième « Instruction Letter » datée du 28 juin 2018 fait ressortir la réallocation du prêt détenu sur la Société mère d’un montant principal de USD … et des intérêts y-relatifs à la société demanderesse. Étant encore précisé à cet égard que les différentes lettres susmentionnées portent à chaque fois la signature des gérants en fonction de la (FF). De surcroît, il convient de noter que les différentes opérations d’allocations et de réallocations d’actifs ont effectivement été réalisées puisqu’elles apparaissent au sein des comptes annuels de la société demanderesse pour les années concernées, de sorte que la réalité desdites opérations est établie en l’espèce. Il y a encore lieu de préciser eu égard aux comptes annuels de la société demanderesse que ces derniers font apparaitre une comptabilité séparée entre la (FF) et la société demanderesse.

Si le constat par le tribunal suivant lequel la (FF) a reçu l’affectation d’actifs financiers, qu’elle a ensuite réaffectés, conjugué au fait que lesdits actifs apparaissent au sein de la comptabilité de la société demanderesse sur une colonne réservée à la (FF), doivent être considérés comme des indices en faveur d’une activité effective de la (FF) sur le sol américain, il y a toutefois lieu pour le tribunal de conclure qu’au regard de la délégation par la (FF) de nombreuses tâches prévues au sein des contrats analysés ci-avant, de l’absence de documents établissant que la (FF) disposait effectivement de la capacité de déléguer lesdites tâches auxquelles elle aurait initialement eu la charge, ainsi que l’absence de documents externes au groupe rendant compte d’une activité aux USA, la preuve d’une activité réelle et effective durant les années litigieuses dans le chef de la (FF) n’est pas rapportée par la société demanderesse.

31 Il s’ensuit que la troisième et dernière condition tenant à l’existence d’une activité exercée par l’intermédiaire de la (FF) n’est pas rapportée en l’espèce.

Dans la mesure où les conditions de l’article 5 de la Convention afférentes à la qualification d’un établissement stable ne sont pas remplies en l’espèce, faute d’éléments probants suffisants en ce sens, il y a partant lieu de conclure que c’est à juste titre que le directeur a dénié à la société demanderesse l’existence d’un établissement stable aux USA et partant, l’exonération de l’IRC et de l’ICC des profits alloués à la (FF) au titre des années d’imposition allant de 2015 à 2018, ainsi que de l’IF aux 1er janvier des années 2016, 2017 et 2018 quant à la fortune afférente.

IV) Quant aux contestations de la société demanderesse afférentes à une violation du principe d’égalité Moyens et arguments des parties La société demanderesse se prévaut d’une violation du principe d’égalité lequel serait consacré par les articles 10bis et 101 de la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg du 17 octobre 1868, telle qu'amendée. À cet égard, elle explique que, traditionnellement, le principe d'égalité prohiberait le traitement différencié de situations comparables comme ce serait le cas en l'espèce. La société demanderesse estime que, l’administration aurait créé une discrimination par rapport aux autres contribuables luxembourgeois se trouvant dans une situation comparable en refusant de reconnaitre le statut d'établissement stable à la (FF). Cette situation aboutirait à une rupture des principes de confiance légitime et de sécurité juridique, respectivement, une rupture d'égalité devant l'impôt, consacrée par les articles 10bis et 101 de la Constitution.

Le délégué n’a pas pris spécifiquement position sur le moyen précité de la société demanderesse à l’appui de son mémoire en réponse.

Analyse du tribunal Le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 15 de la Constitution3, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée.

En l’espèce, la société demanderesse se limite à invoquer de manière non circonstanciée une violation du principe d’égalité devant la loi, sans faire concrètement état d’un traitement différencié d’un autre contribuable dans une situation identique à la sienne. Le moyen afférent reste partant à l’état d’une pure affirmation hypothétique de sorte qu’il est à rejeter pour ne pas être fondé.

3 Dans sa version applicable au 1er juillet 2023, correspondant à l’article 10bis de la Constitution dans sa version antérieure.

32 V) Quant aux contestations de la partie étatique afférentes à une demande en indemnité de procédure Si le délégué du gouvernement conteste le principe et le quantum d'une demande tendant à l’obtention d’une indemnité de procédure au sens de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 qui aurait été formulée par la société demanderesse, force est au tribunal de constater qu’une telle demande n’a pas été formulée par la société demanderesse dans le cadre de son recours en réformation.

Il n’y a partant pas lieu de prendre position sur les contestations de la partie étatique en ce sens, qui sont à rejeter pour ne pas être pertinents en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non fondé, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 33


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 47426
Date de la décision : 06/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-06;47426 ?

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