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10/06/2025 | LUXEMBOURG | N°48886

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juin 2025, 48886


Tribunal administratif No 48886 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48886 4e chambre Inscrit le 28 avril 2023 Audience publique du 10 juin 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), … (Slovénie), contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48886 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en

date du 28 avril 2023 par Maître Miloud AHMED BOUDOUDA, avocat à la Cour, inscrit au tablea...

Tribunal administratif No 48886 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48886 4e chambre Inscrit le 28 avril 2023 Audience publique du 10 juin 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), … (Slovénie), contre une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines en matière d’amende administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48886 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 avril 2023 par Maître Miloud AHMED BOUDOUDA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), établie et ayant son siège social à SLO-…, élisant domicile en l’étude de son litismandataire, sise à L-8009 Strassen, 151, route d’Arlon, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 24 janvier 2023 confirmant, sur opposition, l’amende administrative de 18.000 euros prononcée à son encontre par une décision du 8 octobre 2022 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Miloud AHMED BOUDOUDA et Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 2025.

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A la suite d’un contrôle effectué le 19 septembre 2022 sur le lieu de travail sis à L-…, l’Inspection du Travail et des Mines, dénommée ci-après « l’ITM », sur base du constat que la société à responsabilité limitée de droit slovène (AA), ci-après désignée par « la Société », avait détaché des salariés en vue d’effectuer une prestation de service sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tout en ayant omis de transmettre certains documents visés par l’article L. 142-3 du Code du travail, concernant ses salariés, adressa, par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 octobre 2022 une injonction à la Société, lui demandant conformément aux articles L. 614-4, paragraphe (1), point a) et L. 614-5 du Code du travail, de régulariser sa situation par rapport à l’article L. 142-3 du même Code, endéans un délai de 15 jours calendrier par la communication via la plateforme électronique prévue à cet effet, de toutes les informations et de tous les documents requis, traduits en langue française ou allemande, tout en l’avertissant que tout manquement de sa part de s’y conformer risquerait de l’exposer aux mesures et sanctions administratives prévues à l’article L. 143-2 du Code du travail.

Suite à la transmission de certains documents par la Société en date des 24 octobre 2022, le directeur de l’ITM, ci-après dénommé « le directeur », par décision du 8 novembre 2022, infligea une amende administrative de 18.000 euros à la Société, sur base de l’article L. 614-13 du Code du travail, pour avoir omis de donner entièrement suite à l’injonction précitée du 11 octobre 2022 et de prendre toutes les mesures requises endéans les délais impartis.

Suite à la transmission de documents par la Société en date des 9 et 23 novembre 2022, ainsi que 13 décembre 2022, le directeur, en date du 24 janvier 2023, déclara l’opposition dirigée contre la décision précitée du 8 novembre 2022 non fondée et confirma l’amende de 18.000 euros prononcée à l’égard de la Société, dans les termes suivants :

« (…) Vu les articles L 142-2, L 142-3 et L. 143-2 du Code du travail ;

Vu l'article L. 614-13, paragraphe 1er à 4, du Code du travail ;

Vu l'injonction du 11 octobre 2022 qui a été établie conformément aux articles L.

614-4, paragraphe 1er, point a), deuxième tiret et L. 614-5 du Code du travail par …, Inspecteur principal du travail, de l'Inspection du travail et des mines ;

Vu la décision du 8 novembre 2022 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines d'infliger une amende administrative « ITM Amende … » de 18.000 euros à la société (AA) sise à SLO-…, en sa qualité d'employeur, pour avoir omis de prendre à la date de la décision précitée toutes les mesures requises par l'injonction de l'Inspection du travail et des mines du 11 octobre 2022;

Vu l'opposition du 23 novembre 2022 contre ladite décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines, qui a été notifiée par la société (AA), préqualifiée, et qui a été reçue par l'Inspection du travail et des mines en date du 23 novembre 2022 ;

Attendu que l'opposition du 23 novembre 2022 contre la décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines a été régulièrement notifiée endéans un délai de quinze jours calendrier à compter de la date de notification de l'amende administrative ;

Vu l'opposition du 12 décembre 2022 contre ladite décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines, qui a été notifiée par la société (AA), préqualifiée, et qui a été reçue par l'Inspection du travail et des mines en date du 13 décembre 2022 ;

Attendu que l'opposition du 12 décembre 2022 contre la décision du Directeur de l'Inspection du travail et des mines a été régulièrement notifiée endéans un délai de quinze jours calendrier à compter de la date de notification de l'amende administrative ;

Que la société (AA), préqualifiée, informe dans son opposition du 12 décembre 2022 que les documents demandés auraient été transmis à l'Inspection du travail et des mines par courriel ;

Attendu que la société (AA), préqualifiée, n'a cependant pas notifié à la date de la décision du 8 novembre 2022 du Directeur de l'Inspection du travail et des mines, les documents suivants ;

2 Que la société (AA), préqualifiée, n'a en effet pas notifié les fiches de salaire pour le mois de septembre 2022 des salariés détachés … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), et … (…) ;

Que la société (AA), préqualifiée, n'a en effet pas notifié les preuves de paiement de l'intégralité des salaires du mois de septembre 2022 des salariés détachés … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), et … (…) ;

Que la société (AA), préqualifiée, n'a en effet pas notifié les pointages indiquant le début, et la fin et la durée du travail journalier pour le mois de septembre 2022 des salariés détachés … (…), … (…), … (…), … (…), … (…), et … (…) ;

Que les motifs invoqués par la société (AA), préqualifiée, dans son opposition ne sauraient être retenus et ne permettent dès lors pas de justifier une décharge de l'amende administrative ;

Par ces motifs le Directeur de l'Inspection du travail et des mines se déclare compétent pour connaître de l'opposition introduite par la société (AA), sise à SLO- …, en sa qualité d'employeur ;

la dit recevable mais non fondée ;

confirme l'imposition de l'amende administrative « ITM Amende … » de 18.000 euros à l'encontre de la société (AA) sise à SLO-…, en sa qualité d'employeur. (…). ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 avril 2023, la Société a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 24 janvier 2023 confirmant, sur opposition, l’amende administrative de 18.000 euros, lui infligée à travers la décision directoriale du 8 novembre 2022.

En ce qui concerne la compétence du tribunal pour statuer sur la décision directoriale déférée du 24 janvier 2023, il convient de rappeler qu’en application des articles L. 143-3 et L. 614-14 du Code du travail, les décisions de l’ITM « sont soumises au recours en réformation visé à l’article 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ».

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, à titre principal, contre l’acte litigieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire et sur le moyen d’irrecevabilité y relatif, tel que développé par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, cet examen étant devenu surabondant.

Dans son mémoire en réponse, la partie étatique se rapporte à prudence de justice, en ce qui concerne la recevabilité ratione temporis du recours sous examen, ainsi que quant à la forme de ce dernier.

Force est au tribunal de préciser que si le fait de se rapporter à prudence de justice constitue une contestation, une contestation non autrement étayée est cependant à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions 1.

Etant donné que la partie étatique est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le recours serait irrecevable, quant au délai et quant à la forme, la demande afférente encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Le recours en réformation dirigé contre la décision du directeur du 24 janvier 2023 est, par ailleurs, à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond et à l’appui de son recours, la demanderesse rappelle certains faits et rétroactes tels que relevés ci-avant, tout en faisant observer que le délai lui accordé pour répondre à l’injonction du 11 octobre 2022 et pour faire traduire les documents nécessaires aurait été largement insuffisant. Elle fait encore valoir qu’entretemps, un responsable se serait rendu à l’ITM où on aurait personnellement garanti à ce dernier que le délai serait prolongé.

La demanderesse explique ensuite qu’une fois toutes les traductions effectuées, l’intégralité des documents requis aurait été fournie, de sorte que l’injonction aurait été respectée.

En droit, la demanderesse conclut à un excès de pouvoir dans le chef du directeur, alors que le délai de quinze jours pour répondre à l’injonction du 11 octobre 2022 ne lui aurait pas permis, en tant que société de droit étranger, avec siège social en Slovénie, d’exercer son droit de réponse conformément aux règles de la procédure administrative contentieuse au regard du fait que la traduction de l’intégralité des pièces en français ou en allemand aurait été sollicitée et que ces circonstances auraient dû permettre un allongement dudit délai en raison de la distance.

Elle fait encore relever que son responsable aurait effectué toutes les diligences demandées endéans un délai raisonnable et en tous cas avant la décision du 24 janvier 2023, ce qui ressortirait des pièces qu’elle aurait versées à l’appui de son recours, de sorte que l’amende serait à annuler, respectivement que le montant de l’amende serait à réduire à de plus justes proportions, eu égard aux circonstances de l’espèce.

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Force est de rappeler, à titre liminaire, en ce qui concerne la loi applicable à l’examen du bien-fondé du présent recours, que si, dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal est amené à considérer les éléments de fait et de droit de la cause au moment où il statue, en tenant compte des changements intervenus depuis la décision litigieuse2, il n’en reste pas moins qu’en vertu du principe de non-rétroactivité des lois, consacré à l’article 2 du Code civil, le tribunal doit apprécier tant la question du champ d’application du Code du travail que celle de la qualification des faits au regard des obligations y inscrites et 1 Trib. adm. 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 (2e volet) et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 15 juillet 2004, n° 18353 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en reformation, n° 19 et les autres références y citéessusceptibles de conduire à une sanction administrative, ainsi que la question de la compétence du pouvoir sanctionnateur au regard du Code du travail tel qu’il était en vigueur au moment des faits, respectivement au jour de la décision déférée, le principe et le quantum de la sanction étant, par contre, à analyser sur base de la version du Code du travail applicable au jour du jugement.

Aux termes de l’article L. 614-4, paragraphe (1), point a) du Code du travail : « (1) Les membres de l’inspectorat du travail, sont autorisés en outre : a) à procéder à tous les examens, contrôles ou enquêtes jugés nécessaires pour s’assurer que les dispositions légales, réglementaires, administratives et conventionnelles sont effectivement observées et notamment : (…) - à demander communication dans les meilleurs délais de tous livres, registres, fichiers, documents et informations relatifs aux conditions de travail, en vue d’en vérifier la conformité avec les dispositions légales, réglementaires, administratives et conventionnelles, de les reproduire ou d’en établir des extraits; (…) ».

Il résulte de cette disposition légale que les membres de l’ITM peuvent procéder aux contrôles et examens qu’ils estiment nécessaires en vue de garantir l’observation des dispositions légales et réglementaires, respectivement conventionnelles applicables et qu’ils peuvent, à cette fin, notamment demander communication de tous les documents et informations relatifs aux conditions de travail des salariés d’une entreprise endéans un certain délai, ce qui a été fait en l’espèce par le biais de l’injonction litigieuse du 11 octobre 2022, enjoignant à la demanderesse de verser toute une série de documents relatifs au détachement de six de ses salariés sur le territoire luxembourgeois, en vue de permettre à l’ITM de procéder à la vérification du respect de toutes les dispositions légales en matière de détachement.

En ce qui concerne d’abord le moyen tiré de l’excès de pouvoir tenant à critiquer le délai lui imparti par l’ITM pour la transmission des documents requis, force est d’abord de relever qu’il a été jugé qu’en vertu de l’article L. 614-4, paragraphe (1) précité du Code du travail, autorisant l’ITM à demander la communication de tous livres, registres, fichiers, documents et informations relatifs aux conditions de travail « dans les meilleurs délais », c’est-à-dire dans un court délai, combiné avec l’article L. 614-13, paragraphe (1) du même Code selon lequel « En cas de non-respect endéans le délai imparti, des injonctions du directeur [de l’ITM] ou des membres de l’inspectorat du travail, dûment notifiées par écrit, conformément aux articles L. 614-4 à L. 614-6 et L. 614-8 à L. 614-11, le directeur de l’Inspection du travail et des mines est en droit d’infliger à l’employeur, à son délégué, ou au salarié une amende administrative », que tant le directeur que les membres de l’ITM sont en droit de fixer, dans leurs injonctions adressées à un employeur, un délai dans lequel ces informations et documents doivent être remis à l’ITM3, délai qui est de rigueur en ce que son non-respect autorise le directeur à infliger une amende administrative à la personne visée par l’injonction non respectée. Dans la mesure où l’article L. 143-2 du Code du travail, dans sa version applicable au moment de la décision déférée, prévoit expressément que l’amende administrative prononcée par le directeur suite à la constatation d’infractions aux dispositions des articles L. 142-2 et L. 142-3 du même Code, doit respecter la procédure d’injonction prévue à l’article L. 614-13 du Code du travail, le même constat s’impose en l’espèce.

3 Trib. adm., 12 mars 2019, n° 39663 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Travail, n° 266 et l’autre référence y citée. Par ailleurs, si la loi elle-même ne prévoit aucun délai précis endéans lequel les pièces et informations sollicitées par l’ITM doivent lui être communiquées, la mention « meilleurs délais », laisse une marge d’appréciation certaine au directeur, ainsi qu’aux autres membres de l’ITM pour fixer un délai en vue d’obtenir la communication des pièces et informations ainsi visées4.

En considération du fait que les pièces et informations sollicitées par l’injonction du 11 octobre 2022 sont des documents standard que tout employeur devrait a priori avoir à sa disposition dès l’écoulement du mois afférent, le délai de 15 jours calendaires ne saurait a priori porter à critique.

Si la demanderesse estime que le délai lui imposé aurait été insuffisant pour la communication de la traduction des documents sollicités, force est toutefois de constater que dans la mesure où il ressort des considérations qui précèdent que le délai de 15 jours était, en l’espèce, suffisant, et que l’ITM, sans aucune réaction de la part de la Société dans le délai utile, n’a, dès lors, pas fait un usage disproportionné du pouvoir lui accordé par la loi dans ce contexte, étant relevé qu’il s’est écoulé un délai d’environ un mois avant le prononcé de la première décision directoriale. Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation de la demanderesse selon laquelle la traduction desdits documents aurait requis un allongement dudit délai en raison de la distance, alors que les documents sollicités par l’ITM étaient, dans tous les cas, à communiquer à l’ITM sur la plateforme électronique destinée à cet effet, étant encore précisé, à cet égard, que la Société, ayant fait l’objet d’un contrôle de l’ITM en date du 19 septembre 2022, avait connaissance, depuis au moins cette date, de son obligation de présenter la documentation relative aux salariés du mois en question et que, contrairement à ses dires, il n’est pas établi qu’elle se serait manifestée pour solliciter une prolongation du délai lui imparti ni que ledit délai aurait été prolongé oralement, tel que le soutient la demanderesse.

Il s’ensuit que le moyen de la demanderesse tirée d’un prétendu excès de pouvoir en ce qui concerne le délai lui imposé pour communiquer les documents sollicités encourt le rejet pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite le moyen tenant à affirmer que la totalité des documents sollicités dans l’injonction du 11 octobre 2022 aurait été remise, preuve dont la demanderesse a la charge, il échet de relever qu’il résulte tant des pièces versées en cause, que des explications de part et d’autre, que la totalité des pièces y énumérées n’a pas été remise à l’ITM dans les délais impartis par ladite injonction.

En effet, force est de constater que si la demanderesse affirme avoir transmis à l’ITM la totalité des documents réclamés par l’injonction du 11 octobre 2022, avant même que la décision litigieuse du 24 janvier 2023 n’ait été prise, notamment dans le cadre de ses courriers des 9 et 23 novembre, ainsi que du 13 décembre 2022, il ressort cependant tant du dossier administratif que du mémoire en réponse du délégué du gouvernement que la communication de la fiche de salaire, de la preuve du paiement du salaire, ainsi que de la fiche de pointage du salarié détaché …, pour le mois de septembre 2022, n’a pas été faite, conclusion que la demanderesse n’a pas utilement remise en cause dans le cadre du recours sous examen, faute d’avoir pris position par un mémoire en réplique. Ainsi, elle reste actuellement toujours en défaut de fournir les documents précités lui réclamés dans le cadre 4 Ibidem.de l’injonction du 11 octobre 2022, qu’elle reste partant en défaut d’avoir intégralement respectée.

Ainsi, au-delà de ce qu’aux vœux de l’article L. 614-13 précité du Code du travail, le simple retard dans les suites données à une injonction est déjà passible d’une amende, le fait qu’en l’espèce, la totalité des documents sollicités n’avait pas été remise dans le délai imparti, amène le tribunal à conclure que c’est a priori à bon droit que le directeur a infligé une amende administrative à la demanderesse.

Etant donné que ni le dossier administratif, ni les pièces versées par la demanderesse à l’appui de son recours ne comportent les documents énumérés ci-avant, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement a fait valoir que la demanderesse n’est pas seulement restée en défaut d’avoir respecté le délai de 15 jours y relatif pour leur transmission, tel que figurant dans l’injonction concernée du 11 octobre 2022, mais qu’elle reste actuellement toujours en défaut de les avoir versés, même en cours d’instance.

Il s’ensuit que l’affirmation selon laquelle l’injonction aurait été respectée encourt le rejet.

En ce qui concerne, finalement, le bien-fondé et le montant de la sanction retenue, il échet d’abord de rappeler qu’en vertu de l’article L. 143-2, paragraphe (1) du Code du travail, « Les infractions aux dispositions des articles L. 142-2, L. 142-3 L. 145-4, L. 145-5, L. 145-6, et L. 281-1 sont passibles d’une amende administrative entre 1.000 et 5.000 euros par salarié détaché et entre 2.000 et 10.000 euros en cas de récidive dans le délai de deux ans à compter du jour de la notification de la première amende.

Le montant total de l’amende ne peut être supérieur à 50.000 euros.

Pour fixer le montant de l’amende, le directeur de l’Inspection du travail et des mines prend en compte les circonstances et la gravité du manquement ainsi que le comportement de son auteur. (…) ».

Force est ensuite de constater que si la partie étatique admet qu’une partie des documents sollicités par l’ITM à travers son injonction du 11 octobre 2022 ont entretemps été remis par la Société, c’est à bon droit qu’elle conteste cependant l’affirmation de la demanderesse selon laquelle la totalité des documents sollicités se trouverait désormais en possession de l’ITM.

En effet, il appartient au demandeur de rapporter la preuve qu’il a communiqué la totalité des documents requis à l’administration et non à l’administration de rapporter la preuve négative qu’elle ne disposerait pas des pièces en question5, la simple affirmation en ce sens étant insuffisante, de sorte qu’en l’absence de preuve contraire, la demanderesse reste toujours en défaut d’établir qu’elle a mis à disposition de l’ITM la totalité des documents visés par l’injonction du 11 octobre 2022, et plus particulièrement les documents retracés ci-

avant, telles que ce manquement a déjà été constaté par le décision directoriale déférée du 24 janvier 2023.

5 Voir en ce sens Trib. adm., 21 mai 2007, n° 22205 du rôle, conf. par Cour adm., 6 décembre 2007, n°23150C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n°889 et l’autre référence y citée. Dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal doit apprécier les faits commis par la demanderesse en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant en considération la situation dans son ensemble, étant précisé que dans le cadre d’un recours en réformation, le juge analyse la décision déférée quant à son bien-fondé et à son opportunité, avec le pouvoir d’y substituer sa propre décision, impliquant que cette analyse s’opère au moment où il est appelé à statuer6 suivant les éléments de fait et de droit présentement acquis7.

Il résulte de l’article L. 614-13 précité du Code du travail que si une personne concernée ne donne pas suite à une injonction de l’ITM en vertu de l’article L.614-4, le directeur peut lui infliger une amende administrative, laquelle n’est partant en l’espèce pas critiquable en son principe, alors qu’il a été retenu ci-avant qu’un des documents sollicité, n’a été transmis ni dans les délais impartis par les injonctions respectives, ni par après, de sorte que le retard y relatif s’est encore accentué. Ainsi, la demande de la partie demanderesse de se voir délier de toute amende est d’ores et déjà à rejeter.

Force est encore, dans ce contexte, de souligner que le but des injonctions adressées par l’ITM dans la présente affaire consiste dans le contrôle du respect, par la partie demanderesse, de ses obligations légales vis-à-vis de ses salariés, et que la sanction prévue à l’article L. 614-13 du Code du travail constitue un instrument de contrainte administrative destiné à inciter l’employeur à se conformer, dans les plus brefs délais, aux injonctions émanant de l’ITM. Elle vise ainsi à garantir que les documents requis soient transmis promptement, afin de permettre à l’ITM d’exercer efficacement sa mission de contrôle du respect des dispositions légales en matière de droit du travail.

Or, en omettant de prendre en considération, lors de la fixation du montant de l’amende administrative, le fait que les documents exigés ont été transmis, fût-ce tardivement, l’autorité administrative adopte une position selon laquelle toute régularisation postérieure à l’échéance initiale serait dépourvue de tout effet. Une telle interprétation est toutefois susceptible de décourager les employeurs de satisfaire à leurs obligations, même de manière différée, et porte ainsi atteinte à la finalité essentielle de l’injonction, à savoir permettre un contrôle effectif et efficient des conditions de travail.

En outre, le refus de prendre en compte les documents transmis, même tardivement, fait obstacle à une appréciation complète et équitable de la part du directeur, conforme aux exigences du paragraphe (5) de l’article L. 614-13 du Code du travail, lequel impose de tenir compte des circonstances de l’espèce, de la gravité du manquement ainsi que du comportement de l’auteur.

Contrairement à ce que soutient le délégué du gouvernement, l’amende administrative prévue à l’article L. 614-13 du Code du travail a pour seule finalité de sanctionner le non-

respect des injonctions émises par l’ITM, et non les infractions substantielles aux dispositions du Code du travail en tant que telles. Dès lors, le constat d’une éventuelle violation de l’article L. 326-1, alinéa 2, du même Code, relatif au délai de contrôle de l’aptitude du salarié à son poste, relève d’un autre régime de sanction et ne saurait, en tant que tel, fonder ou influencer la fixation de l’amende visée à l’article L. 614-13, tel que précité.

6 Trib. adm., 1er octobre 1997, n° 9699 du rôle, Pas adm. 2024, V° Recours en réformation, n° 16 et les autres références y citées.

7 Trib. adm., 8 juillet 2002, n° 13600 du rôle, Pas adm. 2024, V° Recours en réformation, n° 17 et les autres références y citées.

Ces considérations n’empêchent cependant pas de sanctionner le retard avec lequel les documents sollicités sont finalement transmis, étant donné qu’aux vœux de l’article L.614-13 du Code du travail, non seulement le défaut de transmission des documents sollicités, mais également le simple retard dans les suites données à une injonction sont passibles d’une amende.

Bien que le tribunal a retenu ci-avant que l’amende décidée à l’encontre de la demanderesse était justifiée dans son principe, étant donné que le délai pour la transmission des documents sollicités n’a pas été respecté, alors que ledit délai a expiré le 3 novembre 2022, et, vu que certains documents sollicités par l’ITM sont toujours en souffrance à l’heure actuelle, de sorte que le retard y relatif s’est encore accentué, empêchant toujours l’ITM de contrôler si la partie demanderesse s’est bien conformée à ses obligations légales vis-à-vis de tous ses salariés, ce qui a été l’objectif primaire du contrôle du 19 septembre 2022, le montant de l’amende prononcée par la décision déférée encourt cependant la réformation, au regard des critères fixés par le paragraphe (1) de l’article L. 143-2 du Code du travail, en ce que seuls les documents en relation avec le salarié … font actuellement toujours défaut, de sorte qu’il y a lieu de réduire le montant de l’amende à 2.500 euros.

Il s’ensuit que le moyen afférent relatif au caractère disproportionné de l’amende litigieuse est à accueillir en ce sens, de sorte que le recours en réformation sous examen est à déclarer comme partiellement fondé.

Il n’y a cependant pas lieu de faire droit à la demande présentée par la demanderesse en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000 euros, la demanderesse laissant d’établir en quelle mesure il serait inéquitable qu’elle supporte seule les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et dépens de l’instance et de les imposer pour moitié à chaque partie.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 24 janvier 2023 ;

au fond, le dit partiellement justifié :

partant, par réformation de la décision du directeur de l’Inspection du Travail et des Mines du 24 janvier 2023, réduit le montant de l’amende administrative à payer par la demanderesse à 2.500 euros ;

rejette le recours pour le surplus ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision déférée ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;

fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour moitié à l’Etat et pour moitié à la demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juin 2025 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier, Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 10 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 48886
Date de la décision : 10/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-10;48886 ?

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