Tribunal administratif N° 49840 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49840 2e chambre Inscrit le 22 décembre 2023 Audience publique du 12 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49840 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2023 par Maître Max LENERS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Syrie), déclarant agir en sa qualité de tuteur et de représentant des intérêts du mineur (B), né le … à … (Syrie), tous deux de nationalité syrienne et demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 17 avril 2023 portant refus de faire droit à la demande du mineur (B) tendant au regroupement familial dans le chef de ses parents et de sa fratrie mineure, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 26 septembre 2023 prise sur recours gracieux, refusant en même temps de faire droit à sa demande d’autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de ces mêmes personnes ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2024 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Max LENERS déposé au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2024 ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 mars 2025, Maître Max LENERS s’étant excusé.
Il se dégage du dossier administratif qu’en date du 22 octobre 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », tant en son nom propre qu’en celui du mineur (B), ci-après désigné « le mineur (B) ».
1Par décisions ministérielles du 12 septembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné « le ministre », accorda à chacun d’eux le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et leur annonça ensuite, par deux courriers séparés du 19 septembre 2022, la délivrance dans leur chef d’un titre de séjour en qualité de « protection internationale - statut de réfugié » avec une validité du 12 septembre 2022 au 11 septembre 2027.
Par courrier daté 22 décembre 2022, le mineur (B) introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire de l’époque, une demande de regroupement familial au sens des articles 69 et suivants de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », au profit de ses parents, Madame (C) et Monsieur (D), et de ses frère et sœur mineurs, (E) et (F).
Par décision du 17 avril 2023, le ministre refusa de faire droit à la demande de regroupement familial du mineur (B) avec ses parents et sa fratrie, dans les termes suivants :
« […] J'accuse bonne réception de votre courrier reprenant l'objet sous rubrique qui m'est parvenu en date du 27 décembre 2022.
Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.
Tout d'abord, il y a lieu de rappeler que les parents de votre mandant ont explicitement confié, par jugement syrien du 20 septembre 2021, la tutelle ("ständige Vormundschaft") de leur fils (B) à Monsieur (A). Tous les deux ont introduit une demande de protection internationale en date du 22 octobre 2021 et par décision ministérielle du 12 septembre 2022, le statut de réfugié leur a été accordé. Il y a par ailleurs lieu de constater que Monsieur (A) et (B) habitent à la même adresse.
Par conséquent, le jeune (B) ne peut pas être considéré comme mineur non-accompagné au sens de l'article 68 d) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration alors qu'il est entré sur le territoire accompagné d'un adulte qui soit responsable de lui de par la loi ou la coutume. De même, il n'a pas été laissé seul, Monsieur (A) étant son tuteur officiel d'après la loi syrienne. Par conséquent l'article 70, paragraphe (4) de la loi citée n'est pas applicable en l'espèce.
Ainsi, afin de pouvoir bénéficier du regroupement familial conformément à l'article 70, paragraphe (5) de la loi modifiée du 29 août 2008, les ascendants en ligne directe au premier degré doivent être à charge du regroupant et privés du soutien familial nécessaire dans leur pays de résidence respectivement de provenance.
Or, il ne ressort pas de votre demande que Monsieur (D) et Madame (C) sont à charge du jeune (B) et il n'est pas prouvé que les intéressés ne peuvent pas subvenir à leurs besoins élémentaires par leurs propres moyens.
En ce qui concerne la demande de regroupement familial en faveur des enfants (F) et (E), je tiens à vous informer que le regroupement familial de la fratrie n'est pas prévu à l'article 70 de la loi modifiée du 29 août 2008.
2Enfin, les intéressés ne remplissent aucune condition qui leur permettrait de bénéficier d'une autorisation de séjour dont les catégories sont fixées à l'article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.
L'autorisation de séjour leur est donc refusée conformément aux articles 75 et 101, paragraphe (1), point 1. de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration. […] ».
Par courrier de son litismandataire du 17 juillet 2023, le mineur (B) fit introduire un recours gracieux contre la prédite décision du 17 avril 2023, dans lequel il réitéra sa demande de regroupement familial dans le chef de ses parents et de ses frère et sœur, tout en sollicitant, à titre subsidiaire, la délivrance d’une autorisation de séjour pour raisons privées à leur profit au sens de l’article 78 de la loi du 29 août 2008.
Par décision du 26 septembre 2023, le ministre, d’une part, confirma sa décision de refus initiale par rapport à la demande de regroupement familial en l’absence d’éléments pertinents nouveaux et, d’autre part, refusa de faire droit à la demande du mineur (B) tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour pour raisons privées dans le chef de ses parents et de sa fratrie. Cette décision est libellée comme suit :
« J'accuse bonne réception de votre courrier qui m'est parvenu en date du 19 juillet 2023.
I. Recours gracieux contre ma décision du 17 avril 2023 intervenue dans le cadre de la demande d'autorisation de séjour dans le chef de Monsieur (D) et de Madame (C) ainsi que des enfants (F) et (E) Après avoir procédé au réexamen du dossier de vos mandants, je suis au regret de vous informer qu'à défaut d'éléments pertinents nouveaux ou non pris en considération, je ne peux que confirmer ma décision du 17 avril 2023 dans son intégralité.
II. Demande d'autorisation de séjour vie privée basée sur les liens familiaux dans le chef des parents ainsi que de la fratrie mineure de votre mandant Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.
En effet, afin de pouvoir bénéficier d'une autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l'article 78, paragraphe (1), point 3. de la loi modifiée du 29 août 2008 (anciennement article 78 1) (c) de la même loi) sur la libre circulation des personnes et de l'immigration, votre mandant doit non seulement témoigner de liens personnels intenses, anciens et stables au-delà de liens familiaux affectifs normaux avec Monsieur (D), Madame (C) ainsi que sa fratrie mineure mais également, conformément aux conditions fixées au paragraphe (2) de l'article 78 cité, disposer de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui sont à sa charge sans recourir au système d'aide sociale. Or, vous n'apportez pas de preuve que vos mandants disposent de telles ressources ou qu'ils remplissent les conditions exigées pour entrer dans le bénéfice d'une autorisation de séjour dont les différentes catégories sont prévues par l'article 38 de la loi modifiée du 29 août 2008.
3 Par conséquent, l'autorisation de séjour sur base de l'article 78, paragraphe (1), point 3. est refusée à vos mandants sur base de l'article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 décembre 2023, Monsieur (A) a fait introduire, au nom et pour le compte du mineur (B), un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 17 avril 2023 portant refus de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le chef de ses parents et de sa fratrie, ainsi que de la décision confirmative du 26 septembre 2023 prise sur recours gracieux, refusant en même temps de faire droit à sa demande d’autorisation de séjour pour raisons privées dans leur chef.
Dans la mesure où aucune disposition légale n’instaure un recours au fond en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être valablement introduit contre les décisions ministérielles déférées.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a soulevé l’irrecevabilité du présent recours à défaut pour Monsieur (A) de justifier d’un mandat spécial pour ester en justice au nom et pour le compte du mineur (B).
Dans son mémoire en réplique, en se référant aux décisions déférées et en se prévalant du principe de l’estoppel selon lequel nul ne saurait se contredire au détriment d’autrui, Monsieur (A) rétorque que le ministre aurait jusqu’à présent toujours considéré qu’il serait le tuteur du mineur (B), de sorte qu’il ferait « manifestement preuve d’incohérence » en argumentant désormais le contraire. Monsieur (A) donne à ce sujet encore à considérer que le fait qu’aucun administrateur ad hoc n’ait été nommé, ni même sollicité par la partie étatique pour représenter le mineur (B), démontrerait à lui seul que le ministre aurait considéré que Monsieur (A) en serait le représentant légal. Au vu de ces considérations, il conviendrait de rejeter le moyen étatique tiré de l’irrecevabilité de la requête introductive d’instance.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement se réfère aux jurisprudence et doctrine françaises selon lesquelles le principe de l’estoppel ne s’appliquerait qu’aux contradictions adoptées par une partie au cours d’une même instance. Tel ne serait cependant pas le cas en l’espèce dans la mesure où Monsieur (A) se référerait à des décisions ministérielles qui seraient antérieures à la présente instance et qui ne sauraient ainsi servir de fondement pour l’application de ce principe. A cela s’ajouterait qu’à travers son mémoire en réplique, Monsieur (A) aurait lui-même soutenu que la tutelle du mineur (B) serait limitée (« gegenständlich beschränkt ») en ce qu’elle ne comporterait que « les démarches à effectuer pour l’acquisition de son passeport, visas de sortie », ce qui équivaudrait à une reconnaissance de l’absence, dans son chef, d’un mandat pour ester en justice au nom et pour le compte du mineur (B).
En ce qui concerne la représentation en justice d’un mineur, il convient de relever qu’en matière d’état des personnes, le juge administratif applique la loi nationale de l’intéressé1.
En l’espèce, il se dégage du dossier administratif, et plus particulièrement du rapport d’entretien de Monsieur (A) dans le cadre de sa demande de protection internationale, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que celui-ci n’a pas de lien de parenté avec le mineur (B), ce dernier étant en effet « un fils d’un ami » qui lui aurait demandé « de prendre son fils avec [lui] », le 1 Cour adm., 25 mai 2004, n°17672C du rôle.
4père du mineur (B) n’ayant lui-même pas pu les accompagner faute de moyens financiers pour s’offrir le voyage.
Si à la première page de la requête introductive d’instance, Monsieur (A) déclare agir « en capacité de tuteur et de représentant des intérêts du mineur (B) », il est néanmoins indiqué à la deuxième page que : « Pour les fins du périple jusqu’au Luxembourg, Monsieur (A) aurait été nommé, selon les autorités luxembourgeoises – qu[o]d non –, par un jugement syrien du 20 septembre 2021 en tant que "tuteur" du mineur (B) ».
Il s’ensuit que Monsieur (A) ne tire lui-même pas sa qualité de « tuteur » dudit jugement syrien, mais la déduit uniquement de la position défendue par les autorités luxembourgeoises dans le cadre du traitement de la demande de protection internationale du mineur (B) qui auraient jusqu’à l’introduction du recours sous analyse toujours considéré qu’il serait le tuteur du mineur (B), tout en se référant à cet égard plus particulièrement à la décision litigieuse du 17 avril 2023.
A cela s’ajoute que tant Monsieur (A) que le mineur (B), par l’intermédiaire de son litismandataire de l’époque, ont de façon constante et péremptoire toujours défendu eux-mêmes la position suivant laquelle les pouvoirs de représentation Monsieur (A) à l’égard du mineur (B) seraient très restrictifs, et ce, tant dans la phase précontentieuse2 que dans la phase contentieuse3.
Il suit des développements qui précèdent que la qualité de tuteur et a fortiori de celle de représentant légal investi du pouvoir nécessaire pour introduire le présent recours au nom et pour le compte du mineur (B), n’est pas établie dans le chef de Monsieur (A).
Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation de Monsieur (A) suivant laquelle le fait qu’aucun administrateur ad hoc n’ait été ni nommé ni sollicité par l’autorité ministérielle démontrerait à suffisance que cette dernière aurait considéré que Monsieur (A) assumerait le rôle de représentant légal du mineur (B), alors que, d’une part, les considérations du ministre à cet égard ne sont pas de nature à remédier à l’absence de pouvoir dans le chef de Monsieur (A) pour agir au nom et pour le compte du mineur (B), ni ne lient-elles le juge administratif qui reste libre dans l’appréciation de la recevabilité du recours sous analyse, étant relevé à cet égard que c’est au moment de l’introduction du recours, soit au 22 décembre 2023, que le tribunal doit se placer pour faire cette analyse, et, d’autre part, la loi du 29 août 2008 ne prévoit aucune obligation pour le ministre de désigner un administrateur ad hoc pour un mineur, qu’il soit accompagné ou non, souhaitant formuler une demande de regroupement familial avec les 2 « Qu’à la lecture de la décision rendue par le Tribunal syrien en date du 20 septembre 2021, on constate qu’est octroyé au sieur (A) certains pouvoirs mais que ces derniers sont très limitatifs concernant l’enfant [lire le mineur (B)] ; Qu’en effet, les attributions listées concernent uniquement le fait d’obtenir un passeport ou/un visa, ainsi que le fait d’accompagner l’enfant mineur auprès des ambassades ou consulats ; Qu’ainsi, la décision du 20 septembre 2021 n’englobe que des considérations purement administratives et ce de façon extrêmement stricte ;
Qu’il apparait clairement que les missions attribuées au sieur (A) sont étroitement lié[e]s uniquement au voyage que s’apprêtait à faire le mineur vers l’Europe ; qu’il est ainsi demandé au Ministère de ne pas s’arrêter à l’appellation donnée à la décision du 20 septembre 2021 alors qu’elle n’a de tutelle que le nom. », page 3 du recours gracieux introduit en date du 17 juillet 2023 à l’encontre de la décision ministérielle du 17 avril 2023.
3 « Pour les fins du périple jusqu’au Luxembourg, Monsieur (A) aurait été nommé, selon les autorités luxembourgeoises – qu[o]d non –, par un jugement syrien du 20 septembre 2021 en tant que "tuteur" du mineur (B). », page 2 de la requête introductive d’instance du 22 décembre 2023 ; « En l’espèce, la tutelle a été "gegenständlich beschränkt" et ne comportait que les démarches à effectuer pour "l’acquisition de son passeport, visas de sortie" du mineur (B) […] Monsieur (A) ne peut pas être considéré comme un adulte légalement responsable de lui de par la loi ou la coutume de la loi syrienne », page 9 du mémoire en réplique.
5membres de sa famille, respectivement en vue de l’obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées au profit de ces derniers, au sens des articles 69 et suivants et 78 de ladite loi.
La conclusion retenue ci-avant selon laquelle la qualité de représentant légal investi du pouvoir nécessaire pour introduire le présent recours au nom et pour le compte du mineur (B) n’est pas établie pas dans le chef de Monsieur (A) n’est pas non plus énervée par l’attestation testimoniale du père du mineur (B) datée du 13 mai 2024 et soumise au tribunal en date du 21 mai 2024, visant, semble-t-il, à régulariser la procédure et aux termes de laquelle : « […] I the father of (B), and the statement is[s]ued on 20.09.2021, we give the right to Mr. (A), to tra[v]el with my son (B), and also give him the right to manage all administrative procedures respecting him, and I appoint him as legal Guardian. [T]his Guardia[n]ship statement is only valid for administrative procedures. […] ». En effet, force est tout d’abord de relever à ce sujet que mis à part le fait que cette attestation ne répond pas aux exigences posées par l’article 402 du nouveau Code de procédure civile en ce qu’elle n’est ni accompagnée d’un document officiel justifiant de l’identité de son auteur, ni assortie de la mention obligatoire qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales, elle ne saurait de toute façon pas conférer à Monsieur (A) davantage de pouvoirs que ceux qui lui avaient été conférés par le jugement syrien du 20 septembre 2021 et lequel ne lui avait, de l’aveu même de Monsieur (A), précisément pas conféré la qualité de tuteur, respectivement de représentant légal du mineur (B). Dans ce contexte, force est également au tribunal de relever que Monsieur (A) a, dans l’intervalle, et plus précisément en date du 16 janvier 2024, lui-même introduit une requête tendant à être déchargé de la « tutelle » du mineur (B), requête à laquelle il a été fait droit par un jugement syrien du 21 janvier 20244.
Pour ce qui est de l’invocation de la théorie de l’estoppel par Monsieur (A), qui argumente, en substance, que la partie étatique lui aurait auparavant reconnu la qualité de tuteur du mineur (B), de sorte qu’elle ne saurait, sans se contredire à son détriment, désormais conclure à l’irrecevabilité du recours sous analyse en soutenant qu’il ne disposerait pas d’un mandat pour ester en justice au nom et pour le compte de ce dernier, celle-ci encourt également le rejet.
A cet égard, le tribunal relève tout d’abord que l’estoppel s’analyse en une fin de non-recevoir fondée sur l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, autrement qualifiée d’exception d’indignité ou principe de cohérence (« non concedit venire contra factum proprium »). Ce principe s’oppose partant à ce qu’une partie puisse invoquer une argumentation contraire à celle qu’elle avait avancée auparavant. Ainsi, le principe de l’estoppel trouve à s’appliquer si une contradiction apparaît dans les prétentions et actions d’une partie quand celles-ci s’inscrivent dans une cause et poursuivent un objet identique5. Le tribunal relève également que la question ayant trait au pouvoir d’agir en justice est d’ordre public, pouvant même être soulevée d’office par le juge administratif, et que ce dernier n’est, tel que relevé ci-avant, point lié dans l’appréciation de la recevabilité d’un recours à une position antérieurement défendue par le ministre, que ce soit dans la phase précontentieuse ou contentieuse, à savoir en l’occurrence celle désormais contestée que Monsieur (A) serait le tuteur du mineur (B).
Ainsi et indépendamment du fait qu’un revirement de position par le ministre sur ce point n’est pas de nature à pallier l’absence de pouvoir de représentation dans le chef de 4 pièce n° 8 de Maître Max LENERS.
5 Trib. adm., 17 juin 2015, n° 34338, Pas. adm. 2024, Procédure contentieuse, n° 538 et les autres références y citées.
6Monsieur (A) à l’égard du mineur (B) dans la présente instance, le fait pour le ministre de s’être désormais aligné sur la position défendue par Monsieur (A) lui-même ne saurait, en tout état de cause, s’analyser en une contradiction au détriment de ce dernier, respectivement au détriment du mineur (B), condition sine qua non pour l’application du principe de l’estoppel.
Au vu des développements qui précèdent et à défaut par Monsieur (A) d’établir qu’il dispose d’un titre lui conférant la tutelle du mineur (B), respectivement d’un mandat pour ester en justice afin d’introduire le présent recours au nom et pour le compte du mineur (B), il y a lieu de retenir que le recours sous analyse est à déclarer irrecevable pour ne pas avoir été introduit par une personne ayant le pouvoir pour agir en justice au nom et pour le compte du mineur (B).
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en annulation irrecevable ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 12 juin 2025 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 7