Tribunal administratif N° 48315 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48315 5e chambre Inscrit le 23 décembre 2022 Audience publique du 18 juin 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA), …, contre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal, en matière d’impôt
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48315 du rôle et déposée le 23 décembre 2022 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social à L-3364 Leudelange, 11, rue du Château d’Eau, elle-
même représentée aux fins de la présente procédure par Maître Gaëlle FELLY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA), établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2018, émis le 12 mai 2021 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 avril 2023 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS SCS, préqualifiée, pour le compte de la société (AA), prequalifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en ses plaidoiries à l’audience publique du 13 novembre 2024, Maître Gaëlle FELLY s’étant excusée.
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1 En date du 4 février 2021, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », réceptionna la déclaration pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités de l’année 2018 de la société (AA), ci-après désignée par la « société (AA) », renseignant un bénéfice imposable à hauteur de … euros.
Le 12 mai 2021, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société (AA), pour l’année d’imposition 2018, un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités fixant un revenu arrondi de … euros, ainsi qu’un bulletin de l’impôt commercial communal.
En date du 14 juillet 2021, le bureau d’imposition réceptionna une déclaration rectificative de la société (AA) pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités de l’année 2018 renseignant un bénéfice imposable à hauteur de ….
euros, ensemble avec de nouveaux comptes annuels au 31 décembre 2018.
Par courrier du 22 juillet 2021, le bureau d’imposition informa la société (AA) de son refus de donner suite à sa « demande de redressement de l’exercice 2018 » au motif que « les données transmises s’avèrent insuffisantes, voire incomplètes afin de pouvoir statuer sur le bien fondé de [sa] requête ».
Par courrier du 5 août 2021, réceptionné le 9 août 2021 par le bureau d’imposition, la société (AA) prit position par rapport au courrier prémentionné du 22 juillet 2021, tout en informant le bureau d’imposition qu’elle avait procédé au dépôt électronique d’une seconde déclaration fiscale rectificative.
A la même date, le bureau d’imposition réceptionna une telle seconde déclaration rectificative pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial communal et pour l’impôt sur la fortune concernant l’année 2018, renseignant un bénéfice imposable à hauteur de … euros.
Par courrier du 10 août 2021, le bureau d’imposition informa la société (AA) qu’il n’était pas en mesure d’émettre un bulletin rectificatif de l’année 2018 endéans le délai de 3 mois.
Par courrier daté du 12 août 2021, la société (AA) introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », à l’encontre des bulletins d’impôt prémentionnés, tout en rappelant le dépôt électronique de la seconde déclaration fiscale rectificative en date du 5 août 2021.
A défaut de réponse du directeur, la société (AA) a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2022, un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2018, émis le 12 mai 2021.
2 1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO » et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est, d’un côté, compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’impôt.
D’un autre côté, il ressort des dispositions de l’article 8, paragraphe (3), point 3 de la loi du 7 novembre 19961, qu’un bulletin d’impôt peut être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du § 228 AO ou une demande en application du § 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.
Dans la mesure où il est constant que le directeur n’a pas pris position suite à la réclamation datée du 12 août 2021, la société (AA) a valablement pu introduire, en date du 23 décembre 2022, un recours principal en réformation dirigé contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal pour l’année 2018, tous les deux émis le 12 mai 2021, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
2) Quant au fond A l’appui de son recours et au-delà des faits et rétroactes relatés ci-dessus, la société demanderesse explique tout d’abord que son employé, Monsieur (A), aurait développé deux procédés permettant de transformer du dioxyde de carbone en engrais à l’aide d’ammoniaque dans le cadre de son objet social principal qui serait « la recherche, le développement, la construction et le montage d’installations mécaniques, ainsi que le conseil économique dans ce domaine », de même que « la recherche & [le] développement de procédés utilisés dans ces installations ». Les brevets pour lesdites inventions auraient ensuite été déposés auprès de (BB) « (BB) », sous le nom « (A1) », ci-après désignés par « les brevets (A1) », la société demanderesse insistant encore sur l’efficacité de ces deux procédés qui aurait été démontrée lors de tests industriels réalisés sur le site de la société (CC) à ….
Par la suite, elle aurait cédé le droit d’usufruit portant sur les brevets (A1) à la société (DD), ci-après désignée par « la société (DD) », ce qui aurait permis à celle-ci de les exploiter 1 « Lorsqu’une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du §§131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas ».
3 commercialement et plus particulièrement de construire et de vendre des usines qui feraient usage des procédés inventés par Monsieur (A), respectivement d’organiser des tests industriels desdits procédés auprès de ses clients.
Or, comme les deux procédés précités auraient présenté l’inconvénient d’émettre une quantité relativement élevée d’ammoniaque, Monsieur (A) aurait, en sa qualité d’employé, travaillé sur un procédé permettant d’éliminer l’émission d’ammoniaque lors de la transformation de dioxyde de carbone en engrais, procédé qu’il aurait réussi à finaliser en 2017.
La société demanderesse fait valoir qu’elle serait, dès lors, restée juridiquement propriétaire du droit intellectuel attaché à l’invention.
La société demanderesse poursuit en expliquant qu’elle serait certes entrée en pourparlers avec la société (DD) au cours de l’année 2018 afin de lui céder le droit d’usufruit sur cette nouvelle invention, mais que la cession n’aurait toutefois été réalisée que le 29 novembre 2018 pour un prix de … euros.
Avant même la réalisation de la vente du droit d’usufruit portant sur ledit brevet, la société (DD) aurait fait la demande de dépôt de brevet auprès de (BB) « (BB) » sous le nom « (B1) », ci-après désignée par « le brevet (B1) ». La société demanderesse explique que cette solution aurait été retenue afin d’éviter, d’une part, que le brevet ne lui soit octroyé à elle-même à un moment où elle aurait déjà vendu le droit d’usufruit à la société (DD), au vu du délai qui risquerait de s’écouler entre la date de dépôt de la demande du brevet et la date de l’obtention du brevet, et, d’autre part, un dédoublement des demandes de dépôt de brevets qui seraient « relativement coûteuses ».
Elle explique ensuite que lors du dépôt le 4 février 2021 de la déclaration fiscale pour l’année 2018, elle aurait oublié, « par mégarde », de joindre le modèle 760 à sa déclaration fiscale afin de solliciter le bénéfice du régime favorable prévu à l’article 50ter de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », sur la vente du droit d’usufruit sur le brevet (B1) , erreur dont elle aurait pris conscience au moment de l’émission des bulletins d’impôt litigieux, de sorte qu’elle aurait déposé une déclaration rectificative auprès du bureau d’imposition en date du 14 juillet 2021.
En droit, la société demanderesse fait tout d’abord valoir que l’article 50ter LIR prévoirait une exonération fiscale à hauteur de 80% des « revenus éligibles » générés en relation avec des « actifs éligibles » telles que définies dans ladite disposition. Il conviendrait encore de noter que l’exonération à hauteur de 80% des prédits revenus serait accordée à hauteur du pourcentage des « dépenses éligibles » par rapport au total des dépenses engendrées par l’entreprise, lesquelles seraient obtenues en additionnant les dépenses inéligibles et celles qui seraient « éligibles » aux termes de l’article 50ter LIR. La société demanderesse se réfère encore à la circulaire du directeur L.I.R. n°50ter/1 du 28 juin 2019 concernant le « Régime fiscal de la propriété intellectuelle », ci-après désignée par « la circulaire LIR 50ter/1 », laquelle prévoirait que les frais de personnel des chercheurs, techniciens ou autres personnels d’appui qualifieraient de « dépenses éligibles » au sens de l’article 50ter LIR, si elles se rapportaient directement à la constitution, le développement ou l’amélioration d’un « actif éligible ».
4 En l’espèce, le brevet (B1) qualifierait, selon la société demanderesse, d’actif éligible conformément à l’article 50ter LIR. Dans ce contexte, elle explique que ledit brevet porterait sur une invention de son employé, Monsieur (A), lequel l’aurait développée en cette qualité.
Elle cite ensuite l’article 13 de la loi modifiée du 20 juillet 1992 portant modification du régime des brevets d’invention, ci-après désignée par « la loi du 20 juillet 1992 », ainsi qu’un extrait du contrat de vente conclu avec la société (DD) en date du 29 novembre 2018 pour réitérer qu’elle aurait été le propriétaire du brevet (B1) au moment de la cession litigieuse du 29 novembre 2018.
La société demanderesse fait ensuite valoir que, certes, en l’espèce, seule une partie du droit de propriété du brevet aurait été cédée, à savoir le droit d’usufruit, et non pas la totalité du droit de propriété juridique, mais que cette circonstance ne saurait la priver du bénéfice de l’exonération fiscale prévue à l’article 50ter LIR aux termes duquel qualifieraient de « revenus éligibles, « les revenus dégagés lors de la cession d’un actif éligible », au motif que ladite disposition n’exigerait pas l’aliénation de la totalité du droit de propriété.
Concernant l’antériorité du dépôt de la demande de brevet par la société (DD) par rapport à la conclusion du contrat de cession en date du 29 novembre 2018, la société demanderesse estime que le droit fiscal luxembourgeois appliquerait le principe de la primauté du propriétaire économique sur le propriétaire juridique. Elle se réfère à cet égard au § 11 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, dite « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », en vertu duquel le propriétaire économique « et partant fiscal » serait celui qui exercerait le pouvoir effectif sur un bien d’une telle manière qu’il empêcherait durablement le propriétaire juridique d’en exercer son emprise, de sorte que la propriété juridique serait sans valeur économique. En l’espèce, la propriété économique « et partant fiscale » aurait été transférée à la société (DD) lors de la vente litigieuse du 29 novembre 2018, au motif qu’il résulterait du contrat de vente que celle-
ci aurait acquis « the exclusive economic right to grant the licence to manufacture, sell and use apparatus embodying, employing and containing the invention ».
Il serait donc incontestable que les revenus résultant de la cession du droit d’usufruit du brevet (B1) seraient à considérer comme des « revenus éligibles » au sens de l’article 50ter LIR.
En ce qui concerne les « dépenses éligibles », la société demanderesse rappelle que le brevet serait le fruit de la recherche intellectuelle menée par Monsieur (A). Dans ce contexte, elle explique qu’au cours de l’année 2017, celui-ci aurait exclusivement développé le brevet (B1). L’intégralité du salaire versé à Monsieur (A) au cours de l’année 2017, soit un montant total de … euros, serait dès lors en rapport direct avec la constitution et le développement de l’actif éligible, de sorte que le salaire devrait être considéré comme une dépense éligible conformément à l’article 50ter LIR. Elle fait ensuite valoir qu’elle n’aurait - outre le salaire qu’elle aurait versé à son employé, Monsieur (A) - pas eu d’autres dépenses en rapport direct avec la constitution et le développement du brevet (B1).
5 Elle conclut que comme elle n’aurait pas exposé de « dépenses inéligibles » au sens de l’article 50ter LIR, le ratio de l’exonération devrait être déterminé de la manière suivante :
« Revenu dégagé par l’actif éligible … EUR Dépenses éligibles (salaire 2017 (A)) … EUR Dépenses totales encourues par (AA) … EUR Nexus Ratio Revenu net dégagé par l’actif éligible (… … EUR EUR - … EUR) Revenu net éligible ajusté et compensé (… … EUR x 1 (nexus ratio)) Portion de revenu exonéré suivant article … EUR ».
50ter LIR (80%) Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Il donne tout d’abord à considérer que la société demanderesse aurait été constituée par Monsieur (A) en date 7 avril 2006.
Il fait ensuite valoir que suite au dépôt de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2018 par la société demanderesse, le bureau d’imposition aurait émis à son encontre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2018 qui différeraient de ladite déclaration en ce que le bureau d’imposition, d’une part, n’aurait pas ajouté le montant de … euros au bénéfice imposable de l’année litigieuse, et d’autre part, aurait réduit l’exonération partielle de … euros à … euros, de sorte que le bénéfice imposable se serait élevé à … euros et non pas à … euros, tel que déclaré par la société demanderesse.
Le 14 juillet 2021, la société demanderesse aurait déposé une déclaration rectificative pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2018 dans le cadre de laquelle elle aurait sollicité une exonération en vertu de l’article 50bis LIR à hauteur de … euros et non plus à hauteur de … euros, telle qu’elle l’aurait déclarée dans la déclaration initiale. Le délégué du gouvernement estime que cette différence proviendrait de l’exonération supplémentaire de la plus-value découverte lors de « la cession d’un autre brevet », en l’occurrence … euros2.
Par la suite, à savoir en date du 5 août 2021, la société demanderesse aurait remis une deuxième déclaration rectificative pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2018, dans le cadre de laquelle elle aurait sollicité l’exonération en vertu de l’article 50ter LIR à l’endroit « des deux brevets », soit à hauteur de … euros, montant qui correspondrait cette fois à la somme de l’exonération des 2 80% x … euros.
6 revenus nets et de la plus-value en relation avec « les deux brevets », en l’occurrence … euros3 et … euros4.
En droit, le délégué du gouvernement rappelle tout d’abord que la société demanderesse serait d’avis, d’une part, que la plus-value découverte lors de la cession d’un droit d’usufruit portant sur le brevet (B1) serait à exonérer en vertu de l’article 50ter LIR et, d’autre part, que les revenus perçus à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage des brevets (A1) seraient à exonérer en vertu de l’article 50ter LIR au lieu de l’article 50bis LIR, tel que déclaré initialement par elle à travers sa demande d’exonération à hauteur de … euros.
Il se réfère en premier lieu à l’article 50bis, alinéas (1), (3), (4) et (5) LIR, en précisant que ladite disposition aurait été abrogée avec effet au 1er juillet 2016 par l’article 5 de la loi du 18 décembre 2015 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2016, qui prévoirait toutefois une applicabilité transitoire aux revenus et plus-values, pendant une période commençant le 1er juillet 2016 et expirant le 30 juin 2021, sur les droits qui auraient été constitués ou acquis avant le 1er juillet 2016.
Le délégué du gouvernement se réfère ensuite au fait qu’un nouveau régime fiscal de la propriété intellectuelle aurait été mis en place par la loi du 17 avril 2018 portant modification de la LIR qui aurait introduit l’article 50ter LIR avec effet à partir de l’année d’imposition 2018, disposition qui déterminerait les conditions et les limites dans lesquelles un contribuable pourrait en bénéficier. Ainsi, il faudrait que le contribuable se soit lui-même livré à une activité substantielle de recherche et développement en rapport avec la constitution, le développement ou l’amélioration d’un « actif éligible » au sens de l’article 50ter LIR.
En l’espèce, en ce qui concerne le brevet (B1), le délégué du gouvernement explique que la société demanderesse aurait invoqué le fait qu’elle serait l’usufruitière de ce brevet pour la première fois dans le cadre de sa première déclaration fiscale rectificative, et qui aurait été cédé à sa filiale, la société (DD), pour un montant de … euros. De sa compréhension des éléments mis en avant par la société demanderesse, celle-ci affirmerait être l’usufruitière dudit brevet, étant donné que le contrat de vente du 29 novembre 2018 renseignerait (i) qu’elle serait la seule propriétaire de l’usufruit dudit brevet, (ii) qu’elle aurait le droit exclusif de vendre l’usufruit dudit brevet et (ii) que suite à la cession du droit d’usufruit portant sur le brevet (B1), la société (DD) deviendrait le « propriétaire bénéficiaire » (« beneficial owner ») de ce dernier. A cela s’ajouterait que les comptes annuels au 31 décembre 2018 de la société (DD) renseigneraient l’acquisition d’un droit de propriété intellectuelle pour un montant de … euros.
Or, selon le délégué du gouvernement, il n’existerait aucun document ou certificat corroborant le fait que la société demanderesse aurait été propriétaire du droit d’usufruit portant sur le brevet (B1) jusqu’au jour de la cession de ce dernier. A cet égard, il donne à considérer que la vente du brevet (B1) aurait été effectuée entre deux sociétés liées, alors que la société demanderesse détiendrait 95,24 % des actions de la société (DD). A cela s’ajouterait que le Monsieur (A), associé unique, serait également l’administrateur-délégué de la société (DD).
3 80% x … euros.
4 80% x … euros.
7 Sur cette toile de fond, le délégué du gouvernement s’interroge sur la question de savoir si les stipulations contenues dans le contrat de vente et « la remarque » figurant dans l’annexe aux comptes annuels au 31 décembre 2018 de la société (DD) correspondent à la réalité.
En citant l’article 13 de la loi du 20 juillet 1992, il fait valoir que s’il devait être admis que Monsieur (A) était l’inventeur du procédé breveté sous le nom (B1), tel que la société demanderesse l’affirmerait, il conviendrait de s’interroger sur la question de savoir s’il n’existait pas une « stipulation contractuelle plus favorable au salarié » dans son contrat de travail lequel n’aurait toutefois pas été versé dans le cadre du recours contentieux sous examen.
A cela s’ajouterait qu’il ressortirait des extraits de compte de salaire que Monsieur (A) n’aurait pas uniquement été employé par la société demanderesse, mais également par la société (DD) qui lui aurait versé des salaires bruts pour une somme de … euros au titre de l’année 2017. Le délégué du gouvernement en conclut qu’il ne pourrait pas être exclu que ces rémunérations seraient la contrepartie de l’activité de recherche de Monsieur (A).
Il résulterait par ailleurs du site internet de l’Office européen des brevets, d’une part, que Monsieur (A) aurait été l’inventeur du brevet (B1), et, d’autre part, que la société (DD) en aurait été le demandeur. Le délégué du gouvernement renvoie ensuite à une fiche de données (« FILING DATA ») émise par (BB) pour soutenir que la demande de brevet (B1) aurait été déposée en date du 9 octobre 2017 pour finalement être enregistrée le 8 octobre 2018, dates que la société demanderesse aurait elle-même indiquées dans les formulaires 750 et 760 joints à ses déclarations fiscales. Il serait dès lors manifeste que la société (DD) aurait déposé la demande du brevet (B1) en date du 9 octobre 2017.
Le délégué du gouvernement soutient ensuite que l’article 50ter LIR déterminerait les conditions et les limites dans lesquelles un contribuable pourrait bénéficier d’une exonération partielle du « revenu net éligible » dégagé par un « actif éligible ».
Dans ce contexte, il soutient tout d’abord que dans la mesure où la demande du brevet auprès de (BB) du brevet (B1) aurait été faite le 9 octobre 2017, cette date correspondrait à la date de constitution dudit brevet, de sorte que la condition visée à l’alinéa (1) de l’article 50ter LIR serait remplie en l’espèce, le délégué du gouvernement se référant dans ce contexte encore à la circulaire LIR 50ter/1. Le représentant étatique estime, en revanche, que le brevet (B1) serait, dès lors, certes susceptible de qualifier d’actif éligible au sens de l’article 50ter LIR, mais que la société demanderesse n’aurait toutefois pas fourni de rapport documentant de façon claire et précise le suivi de toutes les dépenses destinées au développement dudit brevet d’invention conformément à l’article 50ter, alinéa (9), n° 4 LIR, ce qui l’exclurait du bénéfice du régime fiscal favorable prévu par l’article 50ter LIR.
Le représentant étatique en conclut que la demande de la société demanderesse serait à rejeter dans son ensemble. D’une part, la plus-value de cession litigieuse ne tomberait pas non plus dans le champ d’application de l’article 50bis LIR en raison du fait que le brevet (B1) n’aurait pas été déposé avant le 1er juillet 2016. D’autre part, à défaut d’un rapport documentant le développement du brevet, de la demande de dépôt, du « certificat », du contrat de travail de Monsieur (A) et de toute autre preuve que la société demanderesse aurait été le propriétaire du 8 droit d’usufruit portant sur le brevet (B1), la société demanderesse ne pourrait pas bénéficier de l’exonération fiscale prévue à l’article 50ter LIR.
En ce qui concerne les brevets (A1), le délégué du gouvernement donne tout d’abord à considérer que dans l’hypothèse où l’article 50ter LIR ne serait pas applicable à l’égard du brevet (B1), la société demanderesse ne serait pas obligée d’appliquer l’article 50ter LIR à l’égard des brevets (A1), mais pourrait choisir d’opter soit pour le régime de l’article 50bis LIR, soit pour celui de l’article 50ter LIR conformément à l’article 50ter, alinéa (11) LIR. Il ajoute que, si le tribunal venait à la conclusion que la société demanderesse était admise à bénéficier des dispositions de l’article 50ter LIR à l’endroit du brevet (B1), celle-ci serait contrainte - conformément à l’article 50ter, alinéa (11) LIR - à demander l’application de l’article 50ter LIR également à l’endroit des brevets (A1) et à fournir un suivi des dépenses, ainsi qu’une documentation en relation avec l’actif éligible conformément à l’article 50ter, alinéa (9) LIR, ce qu’elle resterait toutefois en défaut de faire.
Le délégué du gouvernement fait ensuite valoir que la société demanderesse pourrait toutefois bénéficier de l’application de l’article 50bis LIR à l’endroit des redevances perçues pour l’usage ou la concession de l’usage des brevets (A1), alors que (i) ceux-ci auraient été constitués le 4 avril 2016, (ii) la société demanderesse aurait été le propriétaire desdits brevets pour la période du 4 avril 2016 jusqu’au 24 août 2021 et (iii) elle aurait constitué elle-même lesdits droits en les déposant auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Ministère de l’économie en date du 4 avril 2007, soit après le 31 décembre 2007 tel que prescrit par l’article 50bis, alinéa 4, n° 1 LIR et avant le 1er juillet 2016, soit avant l’abrogation de l’article 50bus LIR.
Par ailleurs, les conditions de l’alinéa (5) de cette disposition seraient aussi remplies en l’espèce au motif que la société demanderesse aurait elle-même constitué le droit litigieux.
Il rappelle enfin que lors de la détermination du revenu net à exonérer, le bureau d’imposition aurait, à juste titre, porté en déduction des redevances un amortissement supplémentaire en relation avec des frais de recherche et de développement des brevets (A1), en l’occurrence un amortissement s’élevant à … euros5. Partant l’exonération partielle se serait chiffrée à … euros6.
Le délégué du gouvernement en conclut que les bulletins d’impôt seraient à confirmer dans leur refus d’application de l’article 50ter LIR aux brevets (A1) et au brevet (B1) et dans leur application de l’article 50bis LIR aux seuls brevets (A1).
Dans son mémoire en réplique, et quant à l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle Monsieur (A) aurait été salarié de la société (DD), la société demanderesse - tout en se référant à une attestation testimoniale établie par Monsieur (A) - donne, tout d’abord, à considérer que celui-ci serait certes administrateur de la société (DD), mais qu’il n’existerait toutefois aucun rapport salarial entre cette dernière et Monsieur (A), de sorte qu’il n’aurait pas pu inventer le brevet (B1) en sa qualité de salarié de la société (DD) et, par voie de conclusion celle-ci, n’aurait pas pu acquérir un droit quelconque sur ledit brevet.
5 6,66% (amortissement sur 15 ans) x ….
6 80% x (… (redevances) - … (amortissement déclaré) - …).
9 A cela s’ajouterait que certes aucun contrat de travail écrit n’existerait entre elle-même et son salarié, Monsieur (A), l’existence d’un tel écrit ne constituerait pas, en droit du travail, une condition de validité d’un contrat de travail lequel pourrait être reconnu sur base d’éléments factuels. En l’espèce, il ressortirait clairement de l’attestation testimoniale de Monsieur (A) que celui-ci aurait développé le brevet (B1) en sa qualité de salarié auprès d’elle-
même et qu’il aurait été conscient qu’elle serait le propriétaire exclusive de tous les droits résultant dudit brevet. Elle ajoute encore que Monsieur (A) serait enregistré auprès du Centre Commun de la Sécurité Sociale et du bureau RTS compétent comme travailleur salarié. En l’absence de clauses contractuelles contraires, il conviendrait donc de conclure qu’il ne saurait être valablement contesté qu’elle aurait été le propriétaire exclusif de l’invention (B1) au moment où elle l’aurait cédée à la société (DD).
En ce qui concerne l’obligation de documentation découlant de l’article 50ter LIR, la société demanderesse, tout en admettant qu’elle se serait jusqu’alors limitée à présenter « un tableau succinct » duquel il ressortirait que les dépenses supportées par elle-même en relation avec le développement d’(B1) se seraient limitées aux salaires alloués à Monsieur (A) et que le seul revenu en relation avec le brevet (B1) aurait été la plus-value réalisée lors de la cession de l’usufruit portant sur ledit brevet, elle verserait néanmoins à l’appui de son mémoire de réplique des documents complémentaires consistant en un registre détaillé qui, d’une part, pour chaque poste du compte de profits et pertes, ferait une allocation précise entre ce qui devrait être considéré comme (i) dépenses éligibles, (ii) dépenses totales et (iii) revenus éligibles au sens de l’article 50ter LIR en relation avec le brevet (B1), et, d’autre part, détaillerait pour les années fiscales 2016 à 2018, (i) le revenu net éligible, (ii) le revenu net éligible négatif reporté des années antérieures et (iii) le revenu net éligible ajusté de l’exercice au sens de l’article 50ter LIR.
A cela s’ajouterait qu’il ressortirait de l’attestation testimoniale de Monsieur (A) que la période requise pour le développement de l’invention (B1) s’étendrait de novembre 2016 à la date de la demande du dépôt du brevet en octobre 2017, période pendant laquelle celui-ci aurait exclusivement travaillé sur ladite invention. Ainsi, l’intégralité du salaire alloué à Monsieur (A) lors de la période de développement de l’invention (B1) devrait être prise en compte pour les besoins du registre.
La société demanderesse fait ensuite valoir que compte tenu de la nature des dépenses engagées, il apparaîtrait que les dépenses supportées en rapport avec le développement du brevet (B1) seraient circonscrites à la rémunération salariale allouée à Monsieur (A) pour son travail intellectuel. En effet, lors de la période de développement, il ressortirait de son registre ainsi que de son compte de profit et pertes qu’elle n’aurait pas subi de frais d’instruments, de frais d’équipements, de frais de matière première, de frais d’études ou tout autres frais qui pourraient être liés au développement d’un droit intellectuel à l’exception des salaires versés à l’inventeur, Monsieur (A).
Ainsi, compte tenu de la période de développement, des dépenses de développement pour le brevet (B1) et de la date de cession de l’usufruit dudit brevet, la société demanderesse conclut que le revenu net éligible ajusté pour l’exercice 2018 au sens de l’article 50ter LIR 10 s’élèverait à … euros7 et non pas à … euros, tel qu’elle l’aurait initialement indiqué dans sa requête introductive d’instance.
En ce qui concerne le rapport du lien prévu à l’article 50ter LIR, la société demanderesse fait valoir que celui-ci correspondrait au rapport entre la somme des dépenses éligibles au cours des années du développement du procès litigieux et la somme des dépenses totales au cours de cette période, soit (… EUR / … EUR) = …. En tenant compte du revenu net éligible ajusté et du rapport du lien, la portion exonérée de la plus-value réalisée sur la cession de l’usufruit correspondrait ainsi à 80% du revenu net éligible ajusté de … euros, à savoir … euros.
Ainsi, en ce qui concerne le brevet (B1), la société demanderesse conclut qu’il serait établi (i) qu’elle aurait été propriétaire dudit brevet au moment de la cession de l’usufruit et (ii) qu’elle se serait conformée de manière adéquate à son obligation de documentation prévue à l’article 50ter LIR, de sorte qu’elle ne saurait se voir refuser l’exonération partielle de 80% du revenu net éligible ajusté pour l’année 2018.
En ce qui concerne les brevets (A1) et quant au reproche du délégué du gouvernement qu’elle n’aurait pas respecté son obligation de documentation prévue à l’article 50ter LIR, la société demanderesse explique qu’elle aurait créé un registre identique à celui du brevet (B1), qu’elle affirme avoir versé à l’appui de son mémoire en réplique.
La société demanderesse fait ensuite valoir que selon l’attestation testimoniale de Monsieur (A), la période requise pour le développement desdits brevets se serait étendue de « mars 2015 » à la date de la demande du dépôt du brevet en avril 2015, période pendant laquelle il aurait exclusivement travaillé sur le développement des brevets (A1). Elle estime que l’intégralité du salaire alloué à Monsieur (A) lors de la période de développement devrait être prise en compte pour les besoins du registre et que compte tenu de la nature des dépenses engagées, il apparaîtrait que les dépenses supportées en rapport avec le développement de (A1) seraient circonscrites à la rémunération salariale allouée à Monsieur (A) pour son travail intellectuel. Ainsi, il ressortait du registre annexé au mémoire en réplique, de même que de son compte de profit et pertes que lors de la période du développement, elle n’aurait pas subi de frais d’instruments, de frais d’équipements, de frais de matière première, de frais d’études ou tout autres frais qui pourraient être liés au développement d’un droit intellectuel à l’exception des salaires versés à Monsieur (A).
Ainsi, compte tenu de la période de développement et des dépenses de développement en relation avec le brevet (A1), la société demanderesse conclut que le revenu net éligible ajusté au sens de l’article 50ter pour l’exercice 2018 s’élèverait à … euros8, de sorte que la portion exonérée de la rémunération correspondrait à 80% du revenu net éligible ajusté, à savoir … euros.
7 « Revenu net éligible de l’exercice … EUR ; Revenu net éligible négatif reporté : … EUR; Revenu net éligible ajusté de l’exercice : … EUR ».
8 « Revenu net éligible de l’exercice : … EUR ; Revenu net éligible négatif reporté : … EUR; Revenu net éligible ajusté de l’exercice : … EUR ».
11 Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement fait valoir que les pièces déposées par la société demanderesse à l’appui du mémoire en réplique n’apporteraient « rien de nouveau ». Il estime à cet égard, d’une part, que l’attestation testimoniale de Monsieur (A), associé et gérant unique, serait à écarter des débats alors qu’un dirigeant ne pourrait pas témoigner dans le cadre d’un litige dans lequel la société qu’il représente est partie en cause, et, d’autre part, que les registres versés par la société demanderesse comme « pièce 2 » ne seraient que des documents purement unilatéraux dépourvus de toute force probante, alors qu’ils n’auraient pas été publiés.
Appréciation du tribunal En ce qui concerne l’objet du litige, le tribunal constate que les parties sont en désaccord sur la question de savoir si, d’une part, la plus-value réalisée par la société demanderesse au titre du contrat de cession conclu avec la société (DD) en date du 29 novembre 2018, intitulé « Patent sale agreement », se rapportant au brevet (B1), et, d’autre part, les revenus perçus par celle-ci à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage des brevets (A1) en faveur de la société (DD) peuvent bénéficier de l’application de l’article 50ter LIR au titre de l’année d’imposition 2018.
Aux termes de l’article 50ter LIR :
« (1) Aux fins du présent article, on entend par :
1. « actif éligible », un actif de propriété intellectuelle autre qu’un actif de propriété intellectuelle à caractère commercial, pour autant qu’il a été constitué, développé ou amélioré après le 31 décembre 2007 dans le cadre des activités de recherche et développement visées au numéro 3 du présent alinéa et qu’il s’agit d’un des actifs suivants:
a) une invention protégée en vertu de dispositions nationales ou internationales en vigueur par :
i) un brevet;
[…] 3. « dépenses éligibles », la somme des dépenses nécessaires aux activités de recherche et développement, en rapport direct avec la constitution, le développement, ou l’amélioration d’un actif éligible, en ce compris les dépenses encourues par un établissement stable, mais attribuées au contribuable en vertu d’une convention tendant à éviter les doubles impositions pour autant que cet établissement stable est situé dans un État partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre que le Luxembourg, qu’il est opérationnel au moment de la réalisation du revenu éligible et qu’il ne bénéficie pas d’un régime fiscal de propriété intellectuelle similaire dans l’État dans lequel il est situé, et qui sont faites par le contribuable pour des activités de recherche et de développement effectuées par le contribuable lui-même, ou sont payées par le contribuable:
12 a) à une entité qui n’est pas une entreprise liée; ou b) à une entreprise liée pour autant que cette entreprise verse les rétributions obtenues sans marge à une entité qui n’est pas une entreprise liée.
Ne constituent pas des dépenses éligibles:
i) les coûts d’acquisition;
ii) les intérêts et frais de financement;
iii) les coûts immobiliers;
iv) les autres coûts qui ne se rattachent pas directement à un actif éligible.
Par exception au point iv) qui précède, les dépenses engagées dans le cadre de la recherche et développement générale ou spéculative ou les dépenses de recherche et développement n’ayant pas abouti directement à la création d’un actif éligible peuvent néanmoins être prises en compte comme dépenses éligibles à condition que le contribuable établisse un lien entre ces dépenses et un actif éligible spécifique ou qu’il justifie une répartition proportionnelle de telles dépenses entre les actifs éligibles quant au principe et quant au montant sur base de documents probants.
Les dépenses éligibles sont à prendre en compte au moment où elles sont encourues, quel que soit leur traitement comptable ou fiscal ;
4. « dépenses totales », la somme:
a) des dépenses éligibles;
b) des coûts d’acquisition; ainsi que c) des dépenses nécessaires aux activités de recherche et développement en rapport direct avec la constitution, le développement ou l’amélioration d’un actif éligible qui sont faites à une entreprise liée.
Les dépenses totales sont à prendre en compte au moment où elles sont encourues, quel que soit leur traitement comptable ou fiscal;
5. « entreprises liées », toutes les entreprises visées à l’article 56;
6. « principe de pleine concurrence », le principe visé aux articles 56 et 56bis;
7. « revenus éligibles », les revenus suivants:
a) les revenus perçus à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage d’un actif éligible;
b) les revenus ayant un rapport direct avec l’actif éligible qui sont incorporés dans le prix de vente d’un produit ou d’un service. Les principes indiqués à l’article 56bis sont d’application pour isoler les revenus non directement liés à l’actif éligible de ceux générés par l’actif éligible;
c) le revenu dégagé lors de la cession d’un actif éligible;
13 d) les indemnités obtenues dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’un arbitrage portant sur un actif éligible;
8. « revenus nets éligibles », les revenus éligibles diminués des dépenses totales ainsi que des dépenses en rapport indirect avec un actif éligible encourues au cours de l’exercice d’exploitation;
9. « prix de revient de l’actif éligible », la valeur définie à l’article 26, que les dépenses aient été activées ou déduites du bénéfice imposable au cours des exercices d’exploitation auxquels elles se rapportent;
[…] (6) Le revenu net éligible ajusté et compensé déterminé conformément aux alinéas 2 à 5, est multiplié par un rapport dont :
− le numérateur est égal à la somme des dépenses éligibles encourues par le contribuable au cours de l’exercice courant et des exercices précédents, relatives soit à l’actif éligible, soit au produit ou service ou famille de produits ou services émanant d’actifs éligibles. Ensuite, cette somme est augmentée jusqu’à concurrence de 30% de son montant pour autant que le montant majoré des dépenses éligibles n’excède pas la somme des dépenses totales encourues par le contribuable au cours de l’exercice courant et des exercices précédents ;
− le dénominateur est égal à la somme des dépenses totales encourues par le contribuable au cours de l’exercice courant et des exercices précédents relatives soit à l’actif éligible, soit au produit ou service ou famille de produits ou services émanant d’actifs éligibles.
(7) Le revenu net éligible ajusté et compensé déterminé conformément aux alinéas 2 à 5 tel qu’il résulte après application du rapport visé à l’alinéa 6 est exonéré à hauteur de 80%.
(8) Dans le cas d’actifs éligibles soumis à des procédures d’enregistrement, l’exonération partielle prévue à l’alinéa 7 est accordée à partir de la date de dépôt de la demande d’enregistrement. En cas de retrait ou de refus de la demande d’enregistrement, l’exonération accordée au cours des exercices précédents est à annuler et le montant exonéré est à réintégrer au résultat de l’exercice durant lequel la demande est retirée ou le refus est notifié au contribuable.
(9) L’exonération partielle prévue par l’alinéa 7 est soumise aux conditions additionnelles suivantes:
1. Le contribuable doit assurer le suivi des dépenses éligibles, des dépenses totales et du revenu éligible en rapport avec chaque actif éligible, afin de pouvoir établir le lien entre ce revenu et ces dépenses.
14 2. Lorsque le contribuable dispose d’une pluralité d’actifs éligibles et s’il démontre que son activité liée à la recherche et au développement est tellement complexe qu’un suivi par actif éligible n’est pas réalisable, il peut procéder à un suivi par produit ou service ou famille de produits ou services émanant d’actifs éligibles. Il doit établir sur la base d’informations objectives et vérifiables que le repérage et le suivi par produit ou service ou famille de produits ou services émanant d’actifs éligibles est approprié et qu’il est compatible avec l’organisation des activités de recherche et développement. En l’occurrence, les dépenses éligibles englobent toutes les dépenses éligibles au titre du développement de tous les actifs éligibles ayant contribué au produit ou au service ou à la famille de produits ou services émanant d’actifs éligibles et les dépenses totales englobent toutes les dépenses totales au titre du développement de tous les actifs éligibles ayant contribué au produit ou au service ou à la famille de produits ou services émanant d’actifs éligibles. Le repérage et le suivi de toutes les dépenses éligibles et des dépenses totales au titre du produit ou du service ou de la famille de produits ou de services émanant d’actifs éligibles, ainsi que des revenus éligibles s’y rapportant directement sont à faire de manière cohérente et continue. L’exonération établie sur la base de la présente méthode prend fin dans un délai raisonnable déterminé sur la base de la durée de vie moyenne de tous les actifs éligibles ayant contribué au produit ou au service ou à la famille de produits ou services émanant d’actifs éligibles.
3. Les dépenses totales et les revenus éligibles doivent être déterminés conformément au principe de pleine concurrence.
4. Le contribuable doit tenir à la disposition de l’administration des contributions directes des documents probants qui établissent la conformité aux prescriptions du présent alinéa.
[…] (11) Dans le cas où les dispositions de l’article 50bis, applicables jusqu’au 30 juin 2021, et celles du présent article seraient applicables de manière concurrente pour les revenus et composantes de revenus perçus à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage de droits de propriété intellectuelle qualifiants au sens de l’article 50bis, y inclus la plus-value dégagée lors de la cession de droits de propriété intellectuelle qualifiants au sens de l’article 50bis, il appartient au contribuable de choisir d’appliquer les dispositions de l’article 50bis ou celles du présent article. Toutefois, le choix est à exercer de manière à ce que pour un exercice d’exploitation donné seule une des dispositions susvisées s’applique à l’exclusion de l’autre pour tous les actifs éligibles aussi bien pour l’application de l’article 50bis que pour l’article 50ter. Le choix opéré dans le cadre de la déclaration pour l’impôt sur le revenu est irrévocable à partir de l’année d’imposition où il est exercé. […] ».
Il s’ensuit que l’application de l’avantage fiscal inscrit à l’article 50ter, alinéa (7) LIR est soumise notamment aux conditions cumulatives (i) que le droit de propriété intellectuelle qualifie d’ « actif éligible », c’est-à-dire qu’il doit faire partie du groupe d’actifs énumérés au numéro 1 de l’alinéa (1) de l’article 50ter LIR et qu’il doit avoir été constitué, développé ou amélioré dans le cadre d’une activité de recherche et de développement exercée par le contribuable lui-même après le 31 décembre 2007, (ii) que les dépenses nécessaires de 15 recherche et de développement exposées par le contribuable lui-même soient en rapport direct avec notamment la constitution et le développement de l’actif éligible et que les activités de développement et de recherche soient effectuées par le contribuable lui-même, de sorte qu’elles qualifient de « dépenses éligibles » conformément à l’article 50ter, alinéa (1), numéro 3 LIR, (iii) que le revenu en rapport direct avec un actif éligible corresponde à l’un des quatre types y énumérés, de sorte qu’il qualifie de « revenu éligible » au sens de l’article 50ter, alinéa (1), numéro 7 LIR, et (iv) que le contribuable assure le suivi des « dépenses éligibles », des « dépenses totales » et du « revenu éligible » en rapport avec chaque actif éligible et qu’il tienne à la disposition de l’administration des Contributions directes des documents probants qui établissent la conformité aux prescriptions de l’article 50ter LIR, conformément à l’alinéa (9) de cette disposition.
Etant donné que ces conditions sont, tel que relevé ci-avant, à respecter cumulativement, le non-respect d’une seule d’entre elles implique que l’avantage fiscal y visé ne peut pas être accordé.
Dans ce contexte, il est relevé que l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », attribue la charge de la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt au contribuable, de sorte qu’en vue de pouvoir profiter des conditions d’imposition favorables prévues à l’article 50ter LIR, il appartient à la société demanderesse, qui s’en prévaut, d'établir qu’elle remplit les conditions d'application y prévues.
En ce qui concerne tout d’abord la plus-value réalisée par la société demanderesse au titre du contrat de cession conclu avec la société (DD) en date du 29 novembre 2018, il y a lieu de constater que dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement fait valoir que la société demanderesse ne remplirait pas les conditions pour bénéficier de l’exonération de l’article 50ter LIR aux motifs, d’une part, qu’il ne serait pas établi qu’elle aurait été le « propriétaire du droit d’usufruit portant sur le brevet [(B1)] » au moment de la cession litigieuse à la société (DD) et, d’autre part, qu’elle n’aurait pas respecté l’obligation de suivi et de documentation prévue par l’article 50ter, alinéa (9) LIR.
Par rapport au premier motif de refus avancé par le délégué du gouvernement et indépendamment de la question de savoir si la cession de l’usufruit d’un brevet qualifie de revenu éligible au sens de l’article 50ter, alinéa (1), numéro 7 LIR, question non litigieuse en l’espèce, le tribunal est amené à retenir qu’il ne résulte pas des pièces versées au débat par la société demanderesse qu’elle rapporte la preuve d’avoir été l’usufruitier du droit intellectuel concerné et qu’elle aurait pu céder par la suite.
En effet, force est tout d’abord de constater qu’il ressort du dossier fiscal, de même que des pièces versées par la société demanderesse que celle-ci n’est pas le propriétaire juridique du brevet (B1), alors que le brevet concerné a été enregistré par la société (DD) et en son nom, de sorte que cette dernière est le seul propriétaire juridique dudit brevet, de sorte que c’est la société (DD) qui détenait seule, au moment de la cession litigieuse, d’une part, l’usufruit, et d’autre part, la nue-propriété du brevet (B1), et non pas la société demanderesse. Il ressort, en effet, des propres déclarations de la société demanderesse contenues dans sa déclaration 16 fiscale rectificative, et plus particulièrement dans le modèle 750, que « la date de constitution de l’actif éligible », respectivement la « date de dépôt de la demande d’enregistrement » est le 9 octobre 2017. Il ressort encore de la fiche de données, intitulée « FILINING DATA » émise par (BB), versée par la société demanderesse à l’appui de son recours, que la demande de brevet a été déposée par la société (DD) auprès du ministère de l’Economie, Office de la propriété intellectuelle, le 9 octobre 2017, soit 1 an avant la conclusion du contrat de vente litigieux.
Le tribunal est ensuite amené à relever que la société demanderesse-ci se limite à affirmer qu’« au moment de la cession du droit d’usufruit, [elle aurait été] propriétaire du brevet (B1) », fait qui résulterait du contrat de vente litigieux du 29 novembre 2018 aux termes duquel elle serait « the sole and exclusive owner of, and has the sole and exclusive right to sale usufruct on the Patent registered (hereinafter the Rights) […] named […] (B1). », sans avoir pour autant rapporté préalablement une quelconque preuve de nature à démontrer qu’elle aurait était propriétaire du droit intellectuel concerné et a fortiori qu’elle aurait été légalement en mesure d’en céder une composante, en l’occurrence l’usufruit.
Au vu de ce qui précède et à défaut d’un quelconque élément probant référencé par la société demanderesse qui serait de nature à invalider les constats faits ci-avant, respectivement qui serait de nature à prouver que la société demanderesse aurait été propriétaire juridique du brevet (B1), et a fortiori titulaire du droit d’usufruit sur ledit brevet au moment de la conclusion du contrat le 29 novembre 2018, le tribunal est amené à retenir que la société demanderesse est restée en défaut de remettre en cause le motif de refus afférent avancé par le délégué du gouvernement.
De l’entendement du tribunal, la société demanderesse conteste par ailleurs le motif de refus du délégué du gouvernement sous analyse en affirmant qu’elle aurait été le « propriétaire économique » du brevet (B1) au sens du 11 StAnpG, propriété économique qu’elle aurait ensuite transférée à la société (DD) lors de la vente litigeuse du 29 novembre 2018. Elle argumente qu’en tant que « propriétaire économique », elle aurait empêché durablement le propriétaire juridique d’exercer son emprise sur le brevet, de sorte que le titre de propriété juridique serait sans valeur économique.
Or, il est vrai qu’il est de principe, en droit fiscal, que les faits et les actes juridiques doivent être interprétés et appréciés d'après des critères économiques, de manière que la juridiction saisie ne saurait s'arrêter aux seules formes juridiques choisies par les parties pour réaliser une opération déterminée, mais qu’elle est appelée, au-delà de l'apparence juridique, de rechercher et d'analyser la réalité économique recouverte par lesdites formes juridiques.
Le § 11 StAnpG, invoqué par la société demanderesse, disposant que « Für die Zurechnung bei der Besteuerung gelten, soweit nichts anderes bestimmt ist, die folgenden Vorschriften […] 4. Wirtschaftsgüter, die jemand in Eigenbesitz hat, werden dem Eigenbesitzer zugerechnet. Eigenbesitzer ist, wer ein Wirtschaftsgut als ihm gehörig besitzt », s’insère dans la logique de ce principe général, tout en fixant, par ailleurs, des règles spécifiques en ce qui concerne l’imputation personnelle de revenus et de biens et en instaurant une propriété fiscale distincte de la propriété juridique dans l’hypothèse où il se dégage de la réalité économique que la propriété économique a été transférée à un tiers.
17 Il s’ensuit que la notion de « Eigenbesitzer » vise en principe le propriétaire juridique d’un bien, à moins qu’il ne se dégage de la réalité économique que la propriété économique a été transférée à un tiers, hypothèse dans laquelle celui-ci est à considérer comme possesseur au sens du § 11 StAnpG9.
Or, en l’espèce, afin de justifier qu’elle aurait été le « propriétaire économique », la société demanderesse se limite à affirmer qu’« il résulte[rait] du contrat de vente que [la société] (DD) a[urait] acquis, par l’obtention du droit d’usufruit, « the exclusive economic right to grant the licence to manufacture, sell and use apparatus embodying, employing and containing the invention »10 », de sorte qu’« [a]insi, la propriété économique (et donc fiscale) a été transférée à [la société] (DD) lors de la vente du 29 novembre 2018 ».
Si la société demanderesse justifie sa « propriété économique » par le renvoi au contrat relatif à la vente du 29 novembre 2018 lequel stipule certes que « A. Seller [i.e. la société demanderesse] is the sole and exclusive owner of, and has the sole and exclusive right to sale usufruct on the Patent registered (hereinafter the Rights) […] named […] (B1). », mais qui précise juste après, de façon pour le moins ambigüe, que « B. Without admitting the validity of the above-mentioned Rights, but solely for commercial purposes, Buyer [i.e. la société (DD)] wishes to obtain the exclusive economic right to grant the license to manufacture, sell and use apparatus embodying, employing and containing the invention protected by the Rights. ». Or, le tribunal n’entrevoit pas dans quelle mesure le contrat litigieux peut stipuler que la société demanderesse serait le seul propriétaire juridique du brevet (B1), alors que la société (DD) est pourtant dépositaire et propriétaire juridique du brevet (B1), tel que retenu ci-avant. Au-delà de ce constat, le tribunal constate que dans ledit contrat, la société (DD) affirme elle-même qu’elle ne reconnaît pas, par la signature du contrat, la validité des droits de propriété en faveur de la société demanderesse dont celle-ci réclame désormais la propriété exclusive. A défaut d’autres éléments, ce contrat ne permet pas d’établir - à lui seul - que la société demanderesse aurait été propriétaire économique du brevet en question.
En tout état de cause, force est au tribunal de relever, en ce qui concerne les développements de la société demanderesse selon lesquels la réalité économique serait tout autre que la situation juridique, et plus particulièrement son argumentation sur base des critères jurisprudentiels consacrés à partir du §11 StAnpG, que ladite argumentation est à rejeter dans son intégralité pour être non fondée, alors qu’il ne saurait être permis à un contribuable de se prévaloir du principe de la réalité économique pour se soustraire à la réalité juridique qu’il a lui-même engendrée, alors qu’il est rappelé que le principe, dégagé du § 11 StAnpG, vise uniquement à permettre, en matière fiscale, aux autorités fiscales et au juge administratif de rechercher et d’analyser, au-delà de l’apparence juridique, la réalité économique recouverte par les formes juridiques choisies par les parties pour réaliser une opération déterminée, en vue de 9 Trib. adm. 3 juin 2015, n° 35745 du rôle, Pas. adm 2023, V° Impôts, n° 84 et les autres références y citées.
10 Page 1 du « Patent sale agreement » conclu entre la société demanderesse et la société CPPE en date du 28 novembre 2018, « Recitals », point B.
18 vérifier si ces dernières correspondent à l’intention réelle des parties11, et n’octroie aucun droit au contribuable à une requalification sur base d’une appréciation économique12.
Cette conclusion n’est pas non plus énervée par les développements de la société demanderesse selon lesquels elle n’aurait pas fait la demande de dépôt du brevet litigieux afin d’éviter que le brevet ne lui soit octroyé à un moment où elle aurait « déjà vendu le droit d’usufruit » à la société (DD) et afin d’éviter un dédoublement des demandes de dépôt de brevet qui seraient « relativement coûteuses », ces développements n’étant pas de nature à remettre en cause un défaut de qualité de propriétaire juridique, voire même économique dans son chef.
Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par l’attestation émise par Monsieur (A) par laquelle ce dernier affirme qu’il aurait travaillé au développement du brevet (B1) dans le cadre de ses fonctions de salarié de la société demanderesse et qu’il aurait été conscient que la société demanderesse serait le propriétaire exclusif de l’invention sous-jacente. Force est en effet de constater que ladite attestation opère une confusion entre la propriété de l’invention et celle du brevet et ne permet ainsi pas de conclure que la société demanderesse était le titulaire du droit d’usufruit sur le brevet. En effet, la question de la propriété de l’invention sous-jacente n’est pas pertinente, étant encore relevé que, contrairement aux développements de la société demanderesse, Monsieur (A) affirme dans son attestation avoir lui-même déposé le brevet litigieux13.
Il s’ensuit que la société demanderesse n’est ni à considérer comme propriétaire juridique ni comme propriétaire économique du droit de propriété intellectuelle litigieux, de sorte que c’est à bon droit que le directeur lui a opposé le motif de refus d’application du régime de l’article 50terLIR à cet égard. Etant donné que les conditions prévues à l’article 50ter LIR sont prévues de manière cumulative, il devient surabondant d’examiner le respect de la condition tenant à l’obligation de suivi et de documentation prévue par l’article 50ter, alinéa (9) LIR.
En ce qui concerne ensuite le second volet du litige sous examen portant sur la question des revenus perçus par la société demanderesse à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage des brevets (A1), le tribunal relève, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que la société demanderesse a été propriétaire desdits brevets au titre de l’année 2018, le délégué du gouvernement reprochant exclusivement à la société demanderesse le non-
respect de l’obligation de suivi et de documentation prévue par l’article 50ter, alinéa (9) LIR, précité.
Conformément à l’article 50ter, alinéa 9, numéro 1 LIR, le contribuable doit assurer le suivi des dépenses éligibles, des dépenses totales et du revenu éligible en rapport avec chaque actif éligible, afin de pouvoir établir un lien entre cet actif, ce revenu et ces dépenses. Il y a lieu de souligner qu’il ressort des travaux parlementaires que le principe inhérent à l’approche du lien est que « le revenu en rapport avec un actif éligible peut seulement bénéficier d’un régime fiscal en faveur de la propriété intellectuelle si le contribuable a lui-même supporté les 11 Trib. adm., 3 février 2016, n° 35671 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 33, 1er volet et trib. adm., 2 décembre 2022, n° 44239 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 33, 2ème volet.
12 Cour adm., 31 mars 2022, nos 46131C et 46132C du rôle, disponibles sur le site justice.public.lu.
13 Page 3 de l’attestation en justice de Monsieur (A) : « […] j’ai […] pu déposer le brevet « (D1) ». […] ».
19 dépenses de recherche et développement engagées pour développer ledit actif, un contribuable souhaitant bénéficier d’un tel régime doit partant assurer le suivi des dépenses en rapport avec la constitution de l’actif éligible et du revenu afférent pour établir le lien entre les dépenses engagées, l’actif éligible et le revenu éligible en s’appuyant sur des documents probants »14.
Il se dégage ensuite de l’article 50ter, alinéa (9), numéro 4 LIR que le contribuable est obligé de tenir à la disposition de l’administration des Contributions directes les documents probants qui établissent la conformité aux prescriptions prévues à l’alinéa (9). En ce qui concerne ladite disposition, les travaux parlementaires précisent que « Bien que tout contribuable doive pouvoir justifier les données figurant dans ses déclarations d’impôts conformément aux dispositions du paragraphe 171 […] AO, il importe dans le présent contexte de souligner de manière concise les obligations de documentation étendues qui sont requises afin de pouvoir bénéficier de l’exonération partielle introduite par le présent projet de loi. »15.
Dans ce contexte, les travaux parlementaires insistent finalement sur le fait que « l’inobservation des obligations de suivi et de documentation par le contribuable entraînera son exclusion du bénéfice du régime de propriété intellectuelle pour la période de référence de l’inobservation. »16.
En l’espèce, et suite au reproche du délégué du gouvernement que la société demanderesse serait restée en défaut de fournir un rapport documentant de façon claire et précise le suivi de toutes les dépenses destinées au développement des brevets (A1), celle-ci a déposé, pour la première fois dans le cadre son mémoire en réplique, un tableau, intitulé « Comptes de Profits et Pertes », confectionné par ses soins et reprenant, outres les différents comptes de charges et produits, les dépenses éligibles, les dépenses totales et les revenus éligibles en rapport avec les brevets litigieux pour les années 2015 à 2018.
Force est de constater qu’il ressort dudit tableau, d’une part, que les « dépenses éligibles » supportées par la société demanderesse en relation avec les brevets (A1) se limiteraient à une partie des salaires alloués à Monsieur (A) au titre des années 2015 et 2016 pour son travail intellectuel en rapport avec lesdits brevets, à savoir un montant de … euros au titre de l’année 2015 et un montant de … euros au titre de l’année 2016, soit un total de … euros, et, d’autre part, qu’elle n’aurait pas supporté d’autres dépenses en lien avec les brevets (A1). Le montant des « dépenses éligibles » au sens de l’article 50ter, alinéa (1), numéro 3 serait donc égal au montant des « dépenses totales » au sens de l’alinéa (1), numéro 4 du même article.
Or, face aux contestations du délégué du gouvernement et à défaut (i) de pièces corroborant valablement et à suffisance de droit ses affirmations, tels que par exemple l’intégralité de ses comptes sociaux, les certificats de salaire de Monsieur (A) concernant les années litigieuses, respectivement (ii) d’éléments documentant le travail intellectuel dédié par 14 Cf. doc. parl. n° 71638 relatif au projet de loi portant modification de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en ce qui concerne le régime fiscal de la propriété intellectuelle, et modifiant la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’évaluation des biens et valeurs (« Bewertungsgesetz »).
15 Idem.
16 Idem.
20 Monsieur (A) au seul développement des brevets (A1) au titre des années 2015 et 2016, alors qu’il ressort du relevé versé par la société demanderesse que seulement une fraction du salaire alloué à Monsieur (A) au titre des années litigieuses serait en rapport avec le développement des brevets (A1), le tribunal est amené à retenir que la documentation fournie par la société demanderesse pour la première fois dans le cadre du présent recours doit être considérée comme insuffisante au regard de l’exigence de documentation inscrite à l’article 50ter, alinéa (9) LIR.
Il s’ensuit que la société demanderesse ne peut pas bénéficier du régime fiscal de l’article 50ter LIR en relation avec les revenus perçus à titre de rémunération pour l’usage ou la concession de l’usage des brevets (A1), à défaut d’avoir respecté la condition tenant à l’obligation de suivi et de documentation prévue par l’article 50ter, alinéa (9) LIR, étant rappelé que les conditions de l’article 50ter LIR sus-énoncées doivent être réunies cumulativement.
Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour être non fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de rejeter la demande de la société demanderesse de se voir octroyer une indemnité de procédure de 3.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel « Un recours en réformation auprès du tribunal administratif peut être introduit dans le mois qui suit sa notification contre toute décision d’octroi, de refus, de suspension ou de retrait d’une autorisation d’exercer. ».
La même conclusion s’impose en ce qui concerne la demande relative aux frais et dépens, l’article 32 de la loi du 21 juin 1999, précitée, disposant que « Toute partie qui succombera sera condamnée aux dépens, sauf au tribunal à laisser la totalité, ou une fraction des dépens à la charge d’une autre partie par décision spéciale et motivée », de sorte que, compte tenu de l’issue du litige, il y a lieu de condamner la société demanderesse aux frais et dépens.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond le dit non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros, telle que formulée par la société demanderesse ;
condamne la société demanderesse aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juin 2025 par :
21 Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Benoît HUPPERICH, premier juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 22