Tribunal administratif N° 49641 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49641 3e chambre Inscrit le 31 octobre 2023 Audience publique du 18 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49641 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2023 par Maître Olivier WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 31 juillet 2023 portant rejet de sa réclamation introduite en date du 23 janvier 2023 à l’encontre de deux bulletins d’appel en garantie émis à son encontre en date du 29 novembre 2022 par le bureau d’imposition … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date 30 janvier 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier WIES et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er avril 2025.
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En date du 29 novembre 2022, le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit deux bulletins d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’encontre de Monsieur (A), l’un en sa qualité d’administrateur-délégué de la société anonyme (AA), ci-
après désignée par « la Société », et l’autre en sa qualité de représentant permanent de la société anonyme (BB), ci-après désignée par « la société (BB) », administratrice de la Société, lesdits bulletins d’appel en garantie déclarant Monsieur (A) codébiteur solidaire d’un montant total de … euros, en principal et intérêts, résultant de retenues d’impôt non réalisées pour les années d’imposition 2019 à 2022.
Par courrier de son mandataire ad litem du 20 janvier 2023, parvenu à l’administration des Contributions directes, ci-après dénommée « l’ACD », le 23 janvier 2023, Monsieur (A) fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’ACD, ci-après dénommé « le directeur », à l’encontre du « bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) [lui] adressé en date du 29 novembre 2022 ».
Par décision du 31 juillet 2023, portant le numéro C …, le directeur déclara non fondée la réclamation introduite par Monsieur (A) dans les termes suivants :
« […] Le directeur des contributions, Vu la requête introduite le 23 janvier 2023 par Me Olivier Wies, au nom du sieur (A), demeurant à L-…, pour réclamer contre le « bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) [lui] adressé en date du 29 novembre 2022 » ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que force est de constater qu’en date du 29 novembre 2022 deux bulletins d’appel en garantie ont été émis à l’égard du réclament, l’un en sa qualité d’administrateur-
délégué de la société anonyme (AA), en faillite, et l’autre en sa qualité de représentant permanent de la société anonyme (BB), administratrice de la société (AA) ; que, dans un souci d’exhaustivité et par application du principe de l’effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas 1er et 2 AO, à interpréter les requêtes des contribuables selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés, la requête est à considérer comme étant dirigée contre les deux bulletins d’appel en garantie émis en date du 29 novembre 2022 par le bureau d’imposition … ;
Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-
même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les formes (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Considérant que les bulletins attaqués ont déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2019, 2020, 2021 et 2022, y compris les intérêts accumulés depuis lors, au motif qu’il aurait en sa qualité de représentant légal de la société anonyme (AA), en faillite, commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d’impôt sur les salaires, et dont la société était (et est toujours) redevable ;
Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d’une personne morale est responsable du paiement des dettes d’impôt de la personne morale qu’il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu’aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;
Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l’inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l’impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d’impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l’administration ;
Considérant qu’il s’avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu’en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l’auteur du dommage ne peut pas s’exonérer en invoquant une prétendue faute d’un tiers, lequel n’entrera en ligne de compte qu’au stade du recours entre les coresponsables ; que le représentant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s’opposer à une poursuite au motif qu’elle n’a pas été engagée contre un autre, quod non en l’espèce, étant donné que deux autres bulletins d’appel en garantie ont été émis à l’encontre de la société anonyme (BB) et du sieur (B) ;
Considérant, matériellement, qu’en vertu de l’article 136, alinéa 4 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR.) l’employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de l’administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu’il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sous l’empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l’imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBl. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBl. 1981 II 493 ; cf. Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ; que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant (« Vertreter ») d’une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1 er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;
Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu’il n’accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d’avant son entrée en fonction, à l’aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l’emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu’elle s’est présentée durant les années antérieures ;
Considérant dans ce contexte, et notamment d’après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’Administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;
Considérant encore qu’en ce qui concerne la notion de l’inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa ter AO, que la Cour administrative a consigné que :
1) « Dans la mesure où il n’est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n’ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n’ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d’imposition à procéder par la voie de la taxation d’office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d’avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d’imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l’appelant, étant donné qu’en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu’il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d’impôt et que l’omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.
(…) Or, le fait pour l’appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d’impôt soient déposées en temps utile auprès de l’administration des Contributions directes, est à qualifier d’inexécution fautive des obligations du représentant d’une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l’égard des créances d’impôt visées dans le bulletin d’appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l’argumentation de l’appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu’il est resté trop longtemps inactif et qu’il semblerait, d’après les éléments du dossier, qu’il n’est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (Cour administrative du 23 août 2016, n° 38378C du rôle), et que .
2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d’une société à l’obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l’obligation des représentants d’une société de veiller au paiement des impôts dus (…).
La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.
En premier lieu, il est erroné de limiter l’analyse sur l’obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d’avoir égard à l’ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l’impôt dû.
(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d’imposition est aux antipodes de l’attitude que l’on peut attendre d’une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d’administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.
(…) (…), il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d’imposition et qu’il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d’appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (Cour administrative du 31 janvier 2017, n° 38343C du rôle) ;
Considérant qu’il ressort du Registre de commerce et des sociétés (RCS) que le réclamant était administrateur de la société anonyme (AA) du 30 avril 2009 au 10 octobre 2022 et administrateur-délégué de ladite société du 1er janvier 2018 au 10 octobre 2022 ; que la société anonyme (BB) était administratrice de la société (AA), représentée par le réclamant, du 15 février 2018 au 10 octobre 2022 ; que le réclamant était, dès lors, habilité à engager la société (AA) vis-à-vis de tiers par sa signature individuelle du 1er janvier 2018 au 10 octobre 2022, date du jugement de faillite par aveu ;
Considérant que le réclamant conteste les sommes réclamées tant en ce qui concerne leur principe qu’en ce qui concerne leur quantum ;
Considérant qu’à l’égard de tiers, dont notamment l’Administration des contributions directes, le réclamant était un représentant de la société pour la période en cause et personnellement tenu à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à ladite société ; qu’il était ainsi, entre autres, dans l’obligation de retenir, de déclarer et de payer les impôts sur salaires et traitements à l’Administration des contributions directes ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal de la société qu’une partie des arriérés d’impôt correspond aux retenues d’impôt sur les traitements et salaires fixées à travers le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2019, 2020, 2021 et 2022, émis en date du 23 novembre 2022, alors que l’autre partie correspond aux retenues d’impôt sur les traitements et salaires déclarées par la société, mais non entièrement payées ; que le tableau suivant récapitule les arriérés d’impôt en cause :
Année RTS déclarées, mais Bulletin Total non payées complémentaire 2019 … … … 2020 … … … 2021 … … … 2022 … … … Considérant que le § 119 AO pose le principe que le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt, tout en exceptant l’hypothèse où le bulletin émis à l’égard du débiteur principal a autorité de chose décidée et où le tiers appelé en garantie aurait eu la possibilité de réclamer contre ce bulletin en tant que représentant légal du contribuable principal, cas dans lequel ce bulletin est définitif également à l’égard de la personne appelée en garantie ; qu’il peut ainsi soulever tant des moyens dirigés contre la décision de l’appeler en garantie, en ce que les conditions afférentes ne se trouveraient pas réunies dans son chef, que des moyens tendant à contester la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard ; qu’il n’est dérogé à cette étendue des voies de recours à disposition de la personne appelée en garantie que dans les hypothèses prévues par le § 119, alinéa 2 AO, dont notamment celle où la personne appelée en garantie était le représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre le bulletin d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, mais que l’absence de recours a emporté l’autorité de chose décidée dans le chef dudit bulletin (Tribunal administratif du 16 juin 2021, n° 43799 du rôle, confirmé par la Cour administrative le 25 novembre 2021, n° 46295C du rôle) ;
En ce qui concerne les retenues déclarées, mais non payées des années 2020, 2021 et 2022 Considérant que lors de chaque déclaration et paiement de retenues d’impôt sur traitements et salaires par la société, le bureau compétent est censé avoir émis un bulletin d’impôt non écrit (§ 212 AO) ayant fixé le montant des retenues déclaré, et, le cas échéant, payé comme montant de retenues d’impôt que la société était tenue de prélever sur les rémunérations allouées ;
Considérant que pour les bulletins d’impôt non formels, comme en l’espèce, le délai de recours de trois mois pour introduire un recours tel que prévu au § 228 AO commence à courir, dans l’hypothèse où les paiements n’ont pas été effectués en temps utile, à la date de réception de la déclaration des retenues qui doit être considérée comme ayant chiffré pour la première fois la créance d’impôt du trésor public ;
Considérant qu’au vu du prononcé de la faillite de la société (AA) en date du 10 octobre 2022 et du dessaisissement en découlant de ses organes sociaux à partir de cette même date, tous les bulletins non formels découlant des déclarations de retenues d’impôt sur traitements et salaires soumises au bureau RTS compétent par la société (AA) jusqu’à la date du 10 juillet 2022, soit ceux au titre des retenues d’impôt sur traitements et salaires des années 2020 et 2021, avaient acquis autorité de chose décidée avant la date de la déclaration en faillite de ladite société ; qu’étant donné que le réclamant revêtait jusqu’au 10 octobre 2022 le mandat de représentant de la société (AA) qui l’a mis en mesure d’exercer pour compte de cette société les voies de recours légalement prévues contre lesdits bulletins, mais qu’aucune voie de recours n’a été introduite en fait, le § 119, alinéa 2 AO l’empêche de pouvoir valablement critiquer la validité de ces bulletins non formels émis avant le 10 juillet 2022, de manière que le caractère définitif de ces bulletins emporte la conséquence que l’Etat peut légalement se prévaloir des montants renseignés dans les déclarations à la base de ces bulletins, mais non encore réglés par la société comme constituant son préjudice justifiant l’appel en garantie du réclamant (cf. Cour administrative du 27 juillet 2016, n° 37634C du rôle ; Tribunal administratif du 16 juin 2021, n° 43799 du rôle, confirmé par la Cour administrative le 25 novembre 2021, n° 46295C du rôle ) ;
Considérant que le réclamant argue avoir payé en septembre 2022 le montant dû pour les années 2020 et 2021, conformément à la contrainte n° …, émise en date du 19 juillet 2022 ; que s’il est certes vrai que deux paiements de … euros (« impôts s/salaires 2020 »), respectivement de … euros (« impôts s/salaires 2021 ») ont été faits en date du 13 septembre 2022 en faveur de l’Administration des contributions directes, il y a néanmoins lieu de remarquer que ces paiements ont été imputés, de prime abord, sur les frais en général (… euros), les frais de poursuite (… euros) et les intérêts de retards échus (i.e. … + … + … = … (année 2020) ; … + … + … = … (année 2021)) avant que le solde de (… — … i.e.) … euros pour l’année 2020, respectivement de (… — … — … — … i.e.) … euros pour l’année 2021 ne fut imputé sur le principal respectif ; qu’il en résulte un solde ouvert de … euros au titre des retenues d’impôt de l’année 2020 et un solde ouvert de … euros au titre des retenues d’impôt de l’année 2021 ;
Considérant, en ce qui concerne les bulletins non formels émis après le 10 juillet 2022, qu’il ressort du dossier fiscal qu’en date du 5 octobre 2022, soit 5 jours avant le jugement de faillite par aveu, la société a déposé trois déclarations trimestrielles de retenues d’impôt sur traitements et salaires pour les mois de janvier 2022 à septembre 2022 ; que par le biais de ces déclarations, elle a déclaré avoir opéré en 2022 des retenues d’impôt pour un montant total de (… (janvier à mars) + … (avril à juin) + … (juillet à septembre) i.e.) … euros, sans néanmoins continuer ce montant à l’Administration des contributions directes ;
Considérant que le réclamant argue que « l’appel en garantie couvre la période de la crise sanitaire, période financièrement extrêmement difficile pour la société (AA) S.A. », de sorte que « les fonds disponibles ne permettaient plus de payer les salaires échus, y compris les retenues obligatoires » ;
Considérant de prime abord que l’existence de problèmes économiques et financiers de la société en raison de facteurs économiques extérieurs à sa gestion n’est pas reconnue d’une manière générale comme cause de justification, surtout lorsque le défaut d’exécution des obligations fiscales de la société porte sur des retenues d’impôt sur les salaires non versées au Trésor, ces retenues devant en effet être opérées sur le montant brut des salaires que la société met effectivement à disposition pour le paiement des salaires sans qu’elles constituent une charge incombant séparément à la société (Cour administrative du 7 mai 2020, n° 43531C du rôle) ;
Considérant ensuite que dans la mesure où les retenues d’impôt sur les traitements et salaires ont dû être prélevées directement sur les salaires payés par la société, à laquelle il incombait partant de les déclarer à l’Administration des contributions directes par la voie d’un formulaire idoine dans les délais impartis à une époque où le réclamant était encore en charge de la gestion de cette société, il est a priori mal fondé de contester le quantum des retenues d’impôt redues par la société sur base de ses propres déclarations (Cour administrative du 7 mai 2020, n° 43531C du rôle) ;
Considérant qu’à défaut d’éléments de preuve que l’impôt déclaré pour l’année 2022 différerait de l’impôt réellement opéré, aucune suite favorable ne peut être donnée à la contestation du réclamant ;
Considérant que le réclamant s’est abstenu d’affecter les sommes retenues au paiement de l’impôt dû pour compte des salariés, étant relevé qu’il s’agit de sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié ; qu’or, en ne donnant pas à ces montants l’affectation qu’ils doivent recevoir, le représentant de la société détourne les montants à d’autres fins, ce qui constitue à l’évidence une inexécution fautive de ses devoirs (Cour administrative du 28 juin 2019, n° 40913C du rôle) ;
En ce qui concerne les retenues d’impôt non déclarées des années 2019 et 2021 Considérant qu’il ressort du dossier fiscal qu’une partie des arriérés d’impôt des années 2019 et 2021 correspond aux retenues d’impôt sur les traitements et salaires fixées à travers le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2019, 2020, 2021 et 2022, émis en date du 23 novembre 2022 ; qu’à défaut d’une réclamation dans le délai légal, ce bulletin a acquis force de la chose décidée à l’égard du débiteur principal, la société (AA) ;
Considérant néanmoins, qu’en vertu du § 119 AO, alinéa 1er AO, le réclamant est à considérer comme étant en droit d’introduire une réclamation à l’encontre du bulletin en cause suite à l’émission du bulletin d’appel en garantie litigieux ; que sa requête est donc également recevable en ce qui concerne le bulletin d’impôt émis en date du 23 novembre 2022 à l’encontre de la société, mais uniquement pour ce qui est des effets qu’a créés ledit bulletin à son égard personnel, notamment par le biais du bulletin d’appel en garantie en cause ;
Considérant que lors d’une vérification des retenues d’impôt sur les salaires de la société (AA) des années 2019 à 2022, le bureau d’imposition … a constaté des incohérences entre les montants déclarés par la société par le biais de déclarations mensuelles de la retenue d’impôt sur rémunérations et des crédits d’impôt bonifiés et les montants déclarés dans les extraits de compte salaire et pension (ECSP) ; qu’à défaut de livres de salaires, malgré invitation envoyée à la curatrice de la société afin de se les procurer, le bureau d’imposition a dû fixer des retenues complémentaires pour les années 2019 et 2021 en recourant à la taxation partielle, conformément au § 217 AO ;
Considérant que le § 217 AO constitue la base légale de la taxation, c’est-à-dire le moyen qui permet au bureau d’imposition qui a épuisé toutes les possibilités d’investigation sans pouvoir élucider convenablement tous les éléments matériels du cas d’imposition, d’arriver néanmoins à la fixation de l’impôt, à laquelle les contribuables ne peuvent guère se soustraire (cf. Jean Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, in :
études fiscales nos 81-85, novembre 1989, n° 190, page 117 et Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;
Considérant que « la taxation d’office consiste en une évaluation unilatérale de la base imposable par le fait de l’administration. Le but de la taxation d’office est d’aboutir, à défaut de pouvoir évaluer la valeur réelle, à une valeur probable ou approximative de la base imposable, le contribuable devant s’imputer à lui-même les conséquences éventuellement désavantageuses de la taxation d’office. La prise en compte pour l’administration fiscale d’une marge de sécurité est licite, dès lors qu’elle est faite avec mesure et modération » (Cour administrative du 11 juin 2002, n° 14725C du rôle) ; que « la taxation d’office ne constitue pas une mesure de sanction à l’égard du contribuable, mais un procédé de détermination des bases d’imposition compte tenu des éléments à disposition du bureau d’imposition, même applicable à l’égard des contribuables soigneux et diligents » (Tribunal administratif du 26 avril 1999, n° 10156 du rôle) ;
Considérant que l’instruction du dossier a révélé que la manière de procéder à la taxation partielle de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2019 et 2021 par le bureau d’imposition ne donne pas lieu à critique ;
Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que c’est à tort que le réclamant estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, notamment du fait que durant la période en cause, il était un représentant au sens du § 103 AO de la société anonyme (AA), en faillite ; que la mise à charge des arriérés de ladite société, au titre de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires des années 2019, 2020, 2021 et 2022, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 octobre 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision directoriale précitée du 31 juillet 2023.
Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes au contribuable. Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit, tel que c’est le cas en l’espèce, contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin d’impôt.
Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal par Monsieur (A) à l’encontre de la décision directoriale du 31 juillet 2023 précitée ayant statué sur les mérites de sa réclamation introduite contre le « bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) [lui] adressé en date du 29 novembre 2022 ».
Ledit recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur, outre de rappeler certains rétroactes tels que passés en revue ci-avant, explique avoir assuré la gestion de la Société, laquelle aurait été active dans le domaine de la restauration et qui aurait été sujette à de graves turbulences financières au cours de la crise sanitaire.
En raison de ces problèmes financiers, l’acquittement des salaires et des retenues fiscales serait devenu complexe, de sorte qu’en date du 5 octobre 2022, les administrateurs de la Société n’auraient eu d’autre choix que de déclarer la faillite sur aveu de celle-ci, le demandeur précisant encore que le jugement d’ouverture de faillite aurait été rendu en date du 10 octobre 2022. Il ajoute qu’à ce jour, le curateur, n’aurait toujours pas clos les opérations de faillite, tout en soutenant que si des actifs devaient être découverts par celui-ci, ils seraient, de manière évidente, continués à l’ACD.
Le demandeur donne encore à considérer qu’après s’être vu adresser une contrainte d’un montant de … euros par l’ACD, la Société se serait acquittée d’un montant total de … euros lequel correspondrait aux impôts sur salaires exigés pour les années fiscales 2020 et 2021.
Compte tenu de ce versement, le montant de … euros lui réclamé à travers les deux bulletins d’appel en garantie émis à son encontre, ne serait pas compréhensible.
En droit, le demandeur exclut en premier lieu tout comportement fautif dans son chef.
A cet égard et après s’être référé aux paragraphes 103 et 109 AO, ainsi qu’à un arrêt de la Cour administrative du 22 février 2000, inscrit sous le numéro 11694 du rôle, le demandeur fait plaider que la responsabilité solidaire des représentants légaux des sociétés en matière fiscale ne saurait être invoquée que si ces derniers ont commis une faute personnelle. Une telle faute personnelle se distinguerait d’un simple manquement administratif, respectivement d’une erreur commise de bonne foi, dans la mesure où elle nécessiterait une négligence, une omission ou une action délibérée du représentant légal, le demandeur ajoutant qu’il appartiendrait à l’ACD d’établir cette faute.
Monsieur (A) est d’avis qu’en l’espèce, il faudrait tenir compte de la « dimension temporelle cruciale » dans la mesure où il n’aurait plus été en fonctions au moment où les appels en garantie auraient été émis dans son chef alors que la Société aurait été en faillite à cette date. Ainsi, et si le paragraphe 110 AO prévoirait certes que le représentant légal reste responsable des actions qu’il a commises durant son mandat, il serait pourtant de jurisprudence que pour engager la responsabilité d’un dirigeant après sa démission, il serait impératif de prouver une faute commise par celui-ci, ce qui ne serait toutefois pas le cas en l’espèce.
Le demandeur insiste ensuite sur le fait qu’il y aurait lieu de faire une distinction entre une inexécution simple et une inexécution fautive, laquelle exigerait une analyse approfondie des circonstances l’entourant. Il donne à cet égard à considérer que pendant la période visée par l’ACD, la Société aurait régulièrement satisfait à l’ensemble de ses obligations fiscales, le demandeur rappelant que cette période aurait été marquée par des défis économiques tels que la pandémie liée au COVID-19, lesquels auraient mis la Société dans une position financière délicate.
Le demandeur continue en soulignant que la Société se serait en effet trouvée dans des circonstances financières complexes, affectant sa liquidité ainsi que sa capacité de s’acquitter de toutes ses obligations financières. Ces difficultés financières auraient été dues à des facteurs extérieurs et non pas à une négligence ou une mauvaise gestion de sa part. Le demandeur exclut encore toute intention malveillante dans le chef de la Société, laquelle n’aurait pas choisi délibérément de ne pas s’acquitter du paiement des impôts mais se serait trouvée, tout comme d’autres sociétés à la même époque, dans une tourmente financière. Dans ce contexte, le demandeur met encore en exergue que malgré les difficultés économiques de la Société il n’aurait pas choisi « la voie de la passivité ou de l’abandon », mais se serait, au contraire, profondément engagé tant sur le plan professionnel que sur le plan personnel pour assurer les obligations financières de celle-ci. Ainsi il aurait même eu recours à ses propres fonds pour aider à payer les salaires des employés de la Société et pour financer les opérations courantes et satisfaire certaines des obligations fiscales de celle-ci. Il précise encore avoir pris le risque d’emprunter à titre personnel moyennant deux virements effectués en date du 13 septembre 2022 pour assurer la survie de la Société ce qui témoignerait son profond attachement à celle-ci et de sa foi en son potentiel de redressement. Le demandeur est d’avis qu’en se portant garant de la Société et ayant ainsi fait preuve d’un sens des responsabilités aigu, il aurait envoyé un message fort aux créanciers et partenaires commerciaux de cette dernière.
Or, la décision directoriale litigieuse aurait fait fi de son engagement, de sa gestion proactive et de l’absence toute action fautive dans son chef en retenant sa responsabilité automatique, de sorte qu’elle devrait encourir la réformation de ce chef.
A titre subsidiaire, le demandeur conclut à un manque de transparence des actions du curateur de la faillite de la Société ainsi que de la taxation d’office effectuée par l’ACD.
A cet égard, il donne d’abord à considérer que le fait que les livres de salaires n’auraient pas été fournis à l’ACD résulterait d’un élément extérieur échappant à son contrôle direct, à savoir le fait qu’une telle sollicitation de l’ACD ne lui aurait pas été personnellement notifiée, mais au curateur de la faillite, sur lequel il n’aurait aucun contrôle, de sorte qu’il ne saurait être tenu seul responsable de cette non-communication des pièces requises. Il ajoute qu’il n’aurait pas été en mesure de présenter une défense exhaustive alors qu’il n’aurait pas été dûment informé de la taxation d’office effectuée par l’ACD en date du 27 novembre 2022.
Le demandeur fait dans ce contexte encore valoir qu’une telle taxation d’office ne devrait pas se transformer en sanction déguisée et il demande à l’ACD, en se basant sur le paragraphe 119, alinéa 1er AO et afin de pouvoir exercer pleinement son droit à la contestation, de dévoiler sa méthodologie afin de démontrer que cette estimation unilatérale serait la plus probable et la plus raisonnable, compte tenu des informations disponibles et de lui transmettre une copie complète de son dossier fiscal.
En insistant sur son droit à une évaluation équitable et transparente, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse.
Il fait encore valoir que le paragraphe 217 AO, invoqué par l’ACD pour procéder à la taxation d’office, ne permettrait pas à celle-ci de lui attribuer une responsabilité non méritée.
Dans la mesure où il n’aurait jamais été contacté par l’ACD avant ladite taxation d’office, il ne serait pas établi en cause que lui-même, voire la Société ou encore la société (BB) auraient fait preuve d’un manque de coopération envers le fisc, le demandeur rappelant à cet égard qu’une taxation d’office ne saurait intervenir que lorsque le bureau d’imposition, après avoir épuisé tous les moyens d’investigation à sa disposition, ne parvient pas à élucider tous les éléments matériels du cas d’imposition.
Il ajoute qu’il aurait d’ailleurs toujours manifesté sa volonté de coopérer pleinement avec l’ACD, ce qui résulterait notamment de la multitude de fois où il aurait demandé à celle-ci de lui faire parvenir une copie intégrale de son dossier fiscal, demandes qui seraient toutefois restées lettre morte.
Le demandeur en conclut qu’en l’espèce, l’ACD n’aurait pas pu justifier le recours à la taxation d’office, en arguant que toutes les possibilités d’investigation auraient été épuisées, de sorte que la décision directoriale litigieuse devrait encourir la réformation de ce chef.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Force est de constater que le demandeur conclut à la réformation de la décision directoriale litigieuse en concluant d’un côté à l’absence de toute faute dans son chef, et, de l’autre côté à un recours inopiné à une taxation d’office.
A cet égard et en ce qui concerne d’abord l’engagement de la responsabilité personnelle du demandeur, le tribunal relève qu’en vertu des dispositions de l’article 136, alinéa 4 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel.
Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO, qui dispose que « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
Il s’ensuit que le représentant d’une société commerciale est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à cette dernière et notamment de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable directement, respectivement ceux dont elle est redevable pour compte d’autrui. Ces obligations légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux d’une société.
En l’espèce, il n’est pas contesté en cause, pour ressortir notamment d’un extrait du registre de commerce et des sociétés versé en cause par le demandeur que celui-ci était administrateur-délégué à la gestion journalière de la Société et ce dès la constitution de celle-ci en date du … 2018, et qu’il avait le pouvoir de l’engager par sa signature unique. Il ressort par ailleurs d’un extrait du registre de commerce et des sociétés versé en cause par Monsieur (A), que celui-ci était également représentant permanent de la société (BB), laquelle était, de son côté, administrateur de la Société et pouvait de ce chef engager celle-ci par sa signature conjointe avec celle de l’administrateur-délégué.
Il s’ensuit que le demandeur, en tant qu’administrateur-délégué de la Société et administrateur de la société (BB), elle-même administrateur de la Société, est, de jure et de facto, considéré responsable de l’administration de cette dernière pendant toute la période litigieuse, dont fait partie en l’occurrence l’accomplissement des obligations fiscales incombant à cette dernière, et plus particulièrement le paiement sur les fonds de la Société des impôts dont elle est redevable directement, de même que ceux dont elle est, comme en l’espèce s’agissant du paiement des retenues sur salaires et traitements, redevable pour compte d’autrui.
Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle des représentants du fait du non-paiement des impôts dont est redevable une personne morale, le paragraphe 109 AO prévoit dans son alinéa 1er ce qui suit: « Die Vertreter und die übrigen in den §§ 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den §§ 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ». Ces dispositions légales mettent ainsi une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société.
Tel que relevé à juste titre par le demandeur, il se dégage encore du paragraphe 109, alinéa 1er AO que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO dans le chef d’un représentant légal d’une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité personnelle en application du paragraphe 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant, en effet, posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.
Le paragraphe 109 AO soumet ainsi la mise en œuvre de la garantie à la triple condition de l’existence d’une faute (« schuldhafte Verletzung ») commise dans une qualité visée au paragraphe 103 à 108 AO, d’un dommage subi par l’Etat et d’un lien de causalité entre le dommage et la faute.
Par ailleurs, le paragraphe 7, alinéa 3 StAnpG dispose que « Jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern ». Dès lors, en cas de pluralité de responsables, la possibilité de poursuivre simultanément tous les responsables résulte implicitement du paragraphe 7 StAnpG en vertu duquel ceux qui sont poursuivis en qualité de responsables sont tenus solidairement. Le bureau d’imposition n’est par contre pas obligé de poursuivre tous les co-responsables et peut limiter son recours contre un ou plusieurs d’entre eux. En toute hypothèse, il appartient au bureau d’imposition de relever les circonstances particulières qui ont déterminé son choix 1.
Le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève en effet pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce, à un double titre, tout d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. Il appartient dès lors à l’administration des Contributions directes de justifier la décision à ce double égard.
Quant à l’exercice du pouvoir d’appréciation par l’administration fiscale, le paragraphe 2 StAnpG dispose dans ses alinéas (1) et (2) « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind 1 Trib. adm. 14 juin 2010 n° 26277 du rôle, conf. par Cour adm. 6 janvier 2011, n° 27126C, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 594 (1er volet) et les autres références y citées.
Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles, en raison et en équité, de fonder sa décision.
Le tribunal constate que le non-paiement d’une partie des retenues sur salaires et traitements visant les périodes litigieuses, à savoir les années 2019 à 2022, mis en l’espèce à charge du demandeur, n’est pas contesté et a eu pour effet que des impôts de l’ordre de … euros en principal n’ont pas été perçus par le fisc.
Par conséquent, en sa qualité d’administrateur-délégué de la Société, respectivement en tant que représentant de permanent de la société (BB), administrateur de la Société, la responsabilité personnelle du demandeur est, en principe, susceptible d’être engagée dans les conditions du paragraphe 109, alinéa 1er AO d’autant plus que sont concernées des retenues sur salaire non réglées et échues durant son mandat.
S’agissant de la question de savoir si le demandeur s’est rendu coupable d’une inexécution fautive de ses obligations, alors qu’il est rappelé, tel que relevé ci-avant, que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO dans le chef d’un représentant social n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité personnelle en application du paragraphe 109, alinéa 1er AO, le tribunal relève que les retenues constituent des sommes d’argent qui, dès le versement du salaire, ne doivent pas recevoir une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû par le salarié et que l’employeur et débiteur du revenu salarial qui a opéré la retenue sans en assurer le versement au fisc a, de ce fait, nécessairement détourné les sommes retenues à d’autres fins, alors que cette partie du salaire est due à l’Etat non pas par l’employeur, mais par le salarié2. Le manquement fautif consiste dès lors dans le fait de ne pas avoir prélevé les retenues lors de l’allocation de traitements ou salaires, respectivement de ne pas avoir versé les retenues au trésor public3.
Force est ensuite au tribunal de constater que le demandeur entend néanmoins échapper à sa responsabilité en alléguant une impossibilité d’avoir pu procéder au paiement des retenues litigieuses en raison des difficultés financières de la Société suite à divers facteurs extérieurs, dont la pandémie liée au COVID-19.
A cet égard, il convient de souligner que s’il est vrai que, dans des circonstances particulières, l’insuffisance de liquidités pour des raisons indépendantes de la volonté des représentants, responsables de la gestion de la société, combinée à des tentatives sérieuses d’apurer les dettes fiscales compte tenu des moyens à la disposition, sont susceptibles d’anéantir le constat d’une violation fautive des obligations d’un dirigeant4, la Cour administrative dans un arrêt du 25 novembre 2021, n°46153C du rôle, est venue préciser que si elle peut partager ce postulat dans le cas de figure d’un non-paiement de dettes fiscales de la société, tel ne saurait être le cas en présence d’un non-versement au Trésor de retenues d’impôt sur les salaires, ce deuxième cas de figure requérant, selon la Cour, une analyse différenciée.
2 Cour adm. 28 juin 2018, n° 40913C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
3 Cour adm. 4 janvier 2018, n° 40087C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
44 En ce sens trib. adm., 5 février 2018, n°38743 du rôle, confirmé par Cour adm., 28 juin 2018, n°40913C, disponible sous www.jurad.etat.lu.
En effet, et tel que relevé ci-avant, les retenues d’impôt sur les salaires ne sont pas à proprement parler des dettes ou charges incombant à la société, mais une obligation fiscale de la société pour compte de ses salariés, les retenues devant en effet être opérées sur le montant brut des salaires dus par la société à ses salariés.
Ainsi, en s’abstenant de régler au Trésor public l’intégralité des montants de retenues d’impôt déclarés par la société, l’administrateur donne à la partie non payée des retenues d’impôt déclarées une affectation autre que le seul paiement de l’impôt dû pour compte des salariés de la société et de la sorte, il n’exécute pas ses obligations légales. L’inexécution fautive des obligations de l’administrateur réside dans le fait de ne pas avoir donné à ces montants la seule affectation légalement admissible et de les avoir utilisés à d’autres fins5.
Il s’ensuit que le comportement du demandeur, qui a engendré la non-perception par le Trésor public de sommes dues au titre de l’impôt sur les traitements et salaires qui auraient dû être déclarées, retenues et continuées à l’ACD par la Société pour les quatre années d’imposition concernées, est à considérer comme fautif et que ni les problèmes économiques et financiers de la Société en raison de facteurs économiques extérieurs à sa gestion, ni les tentatives de Monsieur (A) de renverser la barre, ne sont de nature à justifier ou excuser sa façon de faire.
Les deux autres conditions justifiant un appel en garantie, à savoir l’existence d’un dommage accru au Trésor public, en l’occurrence l’insuffisance d’impôt résultant des défauts de paiement des impôts dus à l’échéance, d’une part, et l’existence d’un lien de cause à effet entre le non-paiement des retenues d’impôt sur salaire litigieuses et ledit dommage, d’autre part, sont vérifiées en l’espèce, de sorte que c’est à bon droit que le bureau d’imposition d’abord, et le directeur par la suite, ont retenu que les conditions pour la mise en œuvre de la responsabilité personnelle de Monsieur (A) au sens du paragraphe 109 , alinéa 1er AO pour les retenues d’impôt visées dans les bulletins litigieux se trouvent réunies en cause.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le directeur a confirmé la décision du bureau d’imposition d’émettre un appel en garantie à l’égard du demandeur sur base du constat d’un comportement fautif dans le chef de celui-ci, lequel, en sa qualité d’administrateur-délégué de la Société, et de représentant permanent de la (BB), elle-même administrateur de la Société, est personnellement responsable des insuffisances dans le règlement de l’impôt qui sont la conséquence de son comportement fautif, à savoir le défaut caractérisé d’avoir veillé, au cours des années litigieuses, à ce que les retenues sur les salaires soient continuées au Trésor public.
En l’espèce, la faute est encore plus grave que le défaut de paiement de l’intégralité des retenues d’impôt s’est étendu sur plusieurs années, à savoir de 2019 à 2022.
Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation du paragraphe 109 AO, ensemble les contestations du demandeur quant à l’existence d’une inexécution fautive dans son chef, sont rejetés comme étant non fondés.
Dans le cadre du préjudice du Trésor, le demandeur conteste encore le quantum des sommes réclamées en soutenant en substance que la taxation d’office opérée par l’ACD manquerait de transparence dans la mesure où il ne lui serait pas possible de connaître la méthodologie employée par cette dernière, laquelle resterait encore en défaut de prouver en 5 Cour adm. 27 juillet 2016, n° 37634C du rôle, Pas. adm. 2024, Impôts, n° 602 et les autres références y citées.
quoi son estimation serait la plus probable. Il met, par ailleurs, en exergue que suite à la contrainte qui aurait été envoyée à la Société, il aurait procédé au règlement de la somme de … euros, ce qui correspondrait aux impôts sur salaires exigés par l’ACD pour les années fiscales 2020 et 2021, de sorte que le montant final de … euros figurant dans le bulletin d’appel en garantie ne serait pas compréhensible.
Force est tout d’abord de constater qu’en l’espèce, la situation est particulière en ce sens que le montant réclamé dans le cadre des bulletins d’appel en garantie émis à l’égard du demandeur se compose d’une part de retenues d’impôts sur salaire déclarées mais non payées, s’élevant à … euros (…+…+…), et, d’autre part, de retenues d’impôts non déclarées des années 2019 et 2021, lesquelles ont été fixées à travers un bulletin complémentaire de la retenue d’impôt sur salaires émis le 23 novembre 2022, à savoir après la faillite de la Société, et ce sur base d’une taxation d’office, ayant retenu un montant impayé de … euros (…+… euros).
En ce qui concerne en premier lieu le montant de … euros résultant de retenues d’impôts sur salaires déclarées mais pas entièrement réglées des années 2020 à 2022, il échet d’abord de relever que conformément au paragraphe 119 AO, le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt. Cette faculté de faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux à disposition du débiteur principal de l’impôt implique que la personne appelée en garantie est en droit de soulever tant des moyens dirigés contre la décision de l’appeler en garantie, en ce que les conditions afférentes ne se trouveraient pas réunies dans son chef, que des moyens tendant à contester la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard. Il n’est dérogé à cette étendue des voies de recours à disposition de la personne appelée en garantie que dans les hypothèses prévues par le paragraphe 119, alinéa 2 AO, dont notamment celle où la personne appelée en garantie était représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre le bulletin d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, mais que l’absence de recours a emporté l’autorité de chose décidée dans le chef dudit bulletin. Pour les bulletins d’impôts informels, comme en l’espèce, le délai de recours de trois mois pour introduire un recours tel que prévu au paragraphe 228 AO commence à courir, dans l’hypothèse où les paiements n’ont pas été effectués en temps utile, à la date de réception de la déclaration des retenues qui doit être considérée comme ayant chiffré pour la première fois la créance d’impôt du trésor public.
Compte tenu du fait que le demandeur a été administrateur-délégué de la Société, de même que représentant permanent de la société (BB), jusqu’au jour du prononcé de la faillite de la Société, à savoir jusqu’au 10 octobre 2022, tous les bulletins non formels découlant de déclarations de retenues d’impôts sur traitements et salaires soumises au bureau RTS compétent par la Société jusqu’à cette date doivent être considérés comme ayant acquis autorité de chose décidée, étant encore précisé, que le mandat d’administrateur-délégué du demandeur l’a a priori mis en mesure d’exercer les voies de recours légalement prévues contre lesdits bulletins.
Force est ensuite de constater que si le demandeur ne semble pas contester les bulletins non formels résultant a priori de ses propres déclarations de retenues d’impôt sur les traitements et salaires soumises au bureau d’imposition compétent par la Société jusqu’au jugement déclaratif de la faillite, il conteste toutefois toujours redevoir le montant de … euros lui réclamé à travers le bulletin d’appel en garantie sur base de ces mêmes bulletins non formels, confirmé par la décision directoriale litigieuse, en arguant qu’il aurait déjà remboursé une partie de ce même montant suite à la contrainte qui aurait été adressée à la Société en date du 19 juillet 2022.
A cet égard, il convient d’abord de souligner que s’il n’est pas contesté en cause que le demandeur a effectivement procédé à deux versements le 13 septembre 2022, suite à la prédite contrainte adressée la Société laquelle visait non seulement les retards de paiement des retenues d’impôts sur salaires mais également l’impôt sur la fortune et l’impôt commercial, ainsi que des cotisations pour la chambre de commerce, versements qui s’élevaient respectivement à … euros et … euros, il ressort toutefois des explications circonstanciées du directeur que ceux-ci ont été imputés en premier lieu sur les frais en général, les frais de poursuite et les intérêts de retard d’ores et déjà échus à cette date et que le solde restant qui s’est élevé à … euros et à … euros a ensuite été imputé sur le principal des années concernés, à savoir les années 2020 et 2021. Il ressort encore des explications circonstanciées de la partie étatique, qu’après ces opérations, le solde ouvert pour 2020 s’élevait à … euros au titre des retenues d’impôts sur salaires et de … euros pour 2021.
Il convient ensuite de relever qu’il ressort des explications non contestées de la partie étatique que 5 jours avant le prononcé du jugement de faillite, en l’occurrence le 5 octobre 2022, la Société a encore déposé trois déclarations trimestrielles de retenues d’impôt sur salaires pour les mois de janvier à septembre 2022, déclarations dans lesquelles elle avait affirmé avoir opéré des retenues d’impôt sur salaire pour un montant total de … euros, somme qui n’a toutefois pas été continuée au fisc.
Dans la mesure où il ressort des développements ci-avant que les versements dont le demandeur fait état ont été effectués avant les dernières déclarations trimestrielles de retenues d’impôts et qu’ils n’ont pas servi à apurer le montant y déclaré, les contestations du demandeur quant au quantum de la dette fiscale de … euros résultant de retenues d’impôts sur salaires déclarées mais pas entièrement réglées des années 2020 à 2022 mise à sa charge à travers le bulletin d’appel en garantie du 29 novembre 2022 sont partant à rejeter.
Ensuite et en ce qui concerne les contestations du demandeur relatives à la taxation d’office, ayant retenu un montant impayé de … euros, force est de constater que le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt basé sur cette même taxation a été émis le 23 novembre 2022, c’est-à-dire après le prononcé de la faillite de la Société et a fortiori après la fin du mandat d’administrateur-délégué du concerné, de sorte que celui-ci est, en vertu des principes dégagés ci-avant, à considérer comme étant de droit d’introduire une réclamation contre ce même bulletin qui se trouve également à la base des bulletins d’appel en garantie confirmés par la décision directoriale sous analyse.
A cet égard, et en ce qui concerne les contestations du demandeur en relation avec la méthodologie employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenues d’impôts redues par la Société et le quantum de la créance d’impôt réclamée, il convient d’abord de préciser que la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable, cette preuve pouvant être rapportée par tous les moyens hormis le serment.
Pour ce qui est des critiques en relation avec la méthode employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenues redus par la Société, le tribunal constate que le directeur, dans la décision litigieuse, a précisé que lors d’une vérification des retenues d’impôt sur salaires de la Société des années 2019, le bureau d’imposition a constaté des incohérences entre les montants déclarés par la Société à titre de retenues d’impôts sur salaires et des crédits d’impôt bonifiés d’une part, et, les montants déclarés dans les extraits de compte salaire et pension d’autre part, ce qui l’a amené, faute de s’être vu communiquer les livres de salaires, de fixer les retenues complémentaires pour les années concernées par voie de taxation d’office partielle, laquelle ne souffrirait, d’après le directeur d’aucune critique.
Face à ces explications le demandeur, outre d’affirmer que le défaut de communication des livres de salaires ne lui serait pas imputable et que faute d’avoir été informé de la taxation d’office il n’aurait pu assurer valablement sa défense, se contente d’affirmer que la taxation ne saurait se transformer en sanction déguisée, le demandeur étant en effet d’avis que l’ACD resterait en défaut de produire les pièces justificatives à la base de l’estimation retenue à travers cette taxation.
A cet égard, il convient en premier lieu de rappeler que compte tenu du fait que la taxation d’office a été effectuée après la déclaration de faillite de la Société la notification de celle-ci au seul curateur de la faillite ne souffre d’aucune critique, le demandeur n’ayant à cette date plus eu le mandat d’administrateur-délégué.
Force est ensuite de constater que dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement a fourni des explications circonstanciées en ce qui concerne le montant réclamé à travers le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt, tout en versant le dossier contentieux et fiscal du demandeur conjointement audit mémoire.
Le délégué du gouvernement a ainsi précisé que le montant de … euros réclamé pour l’année 2021, trouve son origine dans le fait que dans ses déclarations de retenues d’impôts sur les traitements et salaires périodiques, la Société a déclaré un total de … euros (… euros+… euros+… euros+… euros), tandis que l’extrait de compte salaire et pension transmis par la Société via la plateforme électronique MyGuichet renseignait la somme de … euros, la différence entre ces deux montants correspondant à la somme réclamée.
De même, la somme de … euros pour l’année 2019 s’explique également, d’après les explications du délégué du gouvernement, par la différence entre les montants déclarés par la Société dans les déclarations de retenues d’impôts sur les traitements et salaires périodiques pour cette même période et les montants renseignés sur l’extrait de compte salaire et pension transmis par la Société via la plateforme électronique MyGuichet.
Il convient à cet égard encore de relever que l’ensemble des explications de la partie étatique en ce qui concerne le montant réclamé à travers le bulletin complémentaire de la retenue d’impôt se trouvent appuyées par les pièces figurant au dossier fiscal, de sorte à permettre un contrôle juridictionnel effectif de ces éléments. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la demande de Monsieur (A) de se voir communiquer le dossier fiscal des dix dernières années, y compris le grand livre de compte de la Société, le concerné restant en effet en défaut de justifier la pertinence de ces mêmes pièces.
Cette conclusion s’impose d’autant plus que Monsieur (A) ne prend aucunement position face aux explications circonstanciées du délégué du gouvernement relatives au bulletin complémentaire de la retenue d’impôt, le concerné n’ayant en effet pas déposé de mémoire en réplique.
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de retenir que le demandeur reste en défaut d’énerver valablement la validité du bulletin complémentaire de la retenue d’impôt, la seule affirmation que le défaut de communication des livres de salaires ne lui serait pas imputable étant, à défaut de tout élément pouvant laisser douter du bien-fondé du montant fixé dans le cadre de la taxation d’office partielle effectuée par le bureau d’imposition, insuffisant cet égard, de sorte que ses contestations relatives tant à la méthodologie employée par le bureau d’imposition pour fixer les compléments de retenues dus par la Société qu’au quantum de la dette d’impôt réclamée sont également à rejeter pour ne pas être fondées.
Il suit de ce qui précède et à défaut d’autres moyens que le recours est à rejeter dans son ensemble.
Au vu de l’issue du litige, il y a encore lieu de rejeter la demande d’indemnité de procédure de 5.000 euros formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 31 juillet 2023 ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande de Monsieur (A) de se voir communiquer le dossier fiscal des dix dernières années ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juin 2025 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 19