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18/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52993

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juin 2025, 52993


Tribunal administratif N° 52993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52993 3e chambre Inscrit le 10 juin 2025 Audience publique du 18 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52993 du rôle et déposée le 10 juin 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A),

né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre ...

Tribunal administratif N° 52993 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52993 3e chambre Inscrit le 10 juin 2025 Audience publique du 18 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52993 du rôle et déposée le 10 juin 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 juin 2025 ayant prorogé son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 8 juin 2025 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sanae IGRI et Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 juin 2025.

Il se dégage d’un rapport de la police grand-ducale, Unité de la police de l’aéroport -

Service de contrôle à l’aéroport, du 8 mars 2025, qu’à cette date, Monsieur (A) fut interpellé à l’aéroport par les forces de l’ordre à l’occasion d’un contrôle de passagers en provenance de Lisbonne. Il s’avéra à cette occasion que l’intéressé était en possession d’un passeport algérien émis par l’ambassade algérienne à Lisbonne le 18 février 2025, ainsi que d’un titre de séjour délivré par les Pays-Bas - où il avait déposé, suivant les résultats d’une recherche effectuée le 11 mars 2025 dans la base de données EURODAC, une demande de protection internationale en date du 8 septembre 2023 - avec une durée de validité provisoire jusqu’au 5 avril 2025. Il apparut encore que Monsieur (A) faisait l’objet d’un signalement dans le Système d’information Schengen, ci-après désigné par « le SIS », par les Pays-Bas, valable du 16 février 2024 jusqu’au 23 février 2029, étant relevé qu’à titre de motif de recherche est renseigné ce qui suit : « Ressortissant d’un pays tiers en vue d’une décision de retour ».

Par arrêté du 8 mars 2025, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire sans délai, tout en luiinterdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé également à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 8 mars 2025 établi par la Police grand-ducale, Unité de la police de l’aéroport, Service de contrôle de l’aéroport ;

Vu la décision de retour du 8 mars 2025, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 3 ans ;

Considérant que l’intéressé est démuni d’un visa ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Le recours contentieux introduit le 18 mars 2025 par Monsieur (A) à l’encontre de la décision ministérielle précitée ayant ordonné son placement au Centre de rétention fut rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 24 mars 2025, inscrit sous le numéro 52547 du rôle.

Par arrêté du 4 avril 2025, notifié à l’intéressé en date du 8 avril 2025, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question. Le recours contentieux introduit le 15 avril 2025 par Monsieur (A) contre ledit arrêté fut rejeté comme n’étant pas fondé par jugement du tribunal administratif du 23 avril 2025, inscrit sous le numéro 52709 du rôle.

Par arrêté du 6 mai 2025, notifié à l’intéressé le 8 mai 2025, le ministre ordonna la prorogation du placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à compter de la notification de la décision en question. Le recours contentieux introduit le 12 mai 2025 par Monsieur (A) contre ledit arrêté fut rejeté comme n’étant pas fondé par jugement du tribunal administratif du 22 mai 2025, inscrit sous le numéro 52842 du rôle.

Par arrêté du 6 juin 2025, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre prorogea le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une nouvelle durée d’un mois avec effet au 8 juin 2025, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

2 Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 8 mars, 4 avril et 6 mai 2025, notifiés le 8 mars, le 8 avril et le 8 mai 2025, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 8 mars 2025 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’éloignement de l’intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l’éloignement de l’intéressé sera réalisé dans les plus brefs délais ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 6 juin 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 8 juin 2025.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé certains des faits et rétroactes à la base de la décision déférée, tels que retranscrits ci-avant, explique qu’il aurait introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas en date du 8 septembre 2023 et qu’il se serait vu délivrer une autorisation de séjour provisoire néerlandaise valable jusqu’au 5 avril 2025. Il ajoute avoir demeuré à Lisbonne et que sa situation administrative serait en cours de régularisation au Portugal où il aurait, par ailleurs, entrepris les démarches nécessaires en vue d’y travailler, notamment en y ayant déclaré son début d’activité professionnelle auprès de l’autorité fiscale et douanière portugaise. Il serait également affilié à la « sécurité sociale de Lisbonne ». Le demandeur poursuit en expliquant qu’il serait passé par le Luxembourg le 18 février 2025 afin de rendre visite à ses tantes qui habiteraient à ….

En droit, tout en citant l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur fait relever que le recours au placement de l’étranger au Centre de rétention devrait être écarté lorsqu’il n’existerait aucun risque de fuite dans le chef de celui-ci, du fait notamment de l’existence de garanties de représentation suffisantes. Il souligne, à cet égard, avoir exprimé sa volonté de respecter les obligations imposées par le ministre en vue de son éloignement.

Il affirme que le placement au Centre de rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d’aller et de venir, garantie tant par la Constitution que par l’article 5, paragraphe (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». A cet égard, il se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 6 novembre 1980, dans une affaire Guzzardi c. Italie, et précise qu’unplacement en rétention devrait rester l’ultima ratio.

Le demandeur fait encore valoir que son placement au Centre de rétention serait disproportionné, alors que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence à la maison retour, auraient pu être prises.

Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il donne à considérer que le placement en structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’est pas légale, article qui serait suffisamment clair et inconditionnel de sorte qu’il devrait, faute de transposition dans le droit national, avoir un effet direct.

Le demandeur souligne qu’il aurait manifesté sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, de même qu’il aurait exprimé qu’il serait d’accord pour quitter le territoire luxembourgeois volontairement, avant d’insister sur le fait qu’il afficherait un comportement irréprochable au Centre de rétention, de sorte qu’il n’existerait pas de risque de fuite dans son chef.

Le demandeur cite encore, dans ce contexte, un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, qui aurait souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre. A cet égard, le demandeur fait valoir que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire ni proportionné, alors qu’une assignation à résidence à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle.

Par ailleurs, le demandeur soutient qu’une assignation à résidence à la maison retour constituerait une garantie de représentation suffisante, alors qu’une seule garantie de représentation serait exigée. Il donne à considérer qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence. ».

Le demandeur s’appuie encore sur des arrêts de la Cour de Cassation française en vertu desquels « la loi n’exige[rait] pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure » et « l’absence de domicile ne constitue[rait] pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence ».

En se référant enfin à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, à la jurisprudence de la CourEDH relativement à l’article 5 de la CEDH en matière de rétention administrative, ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2024, inscrit sous le numéro 51824 du rôle, le demandeur soutient que le dispositif d’éloignement ne seraitpas exécuté avec toute la diligence requise et que les perspectives de son éloignement dans un délai raisonnable seraient incertaines, alors qu’il existerait actuellement une « crise diplomatique » entre la France et l’Algérie, laquelle impacterait également le Luxembourg, que les autorités algériennes ne délivreraient plus ou très peu de laissez-passer et que certaines compagnies aériennes refuseraient de transporter des ressortissants algériens même munis d’un passeport en cours de validité, lesquels seraient « parfois refoulés » à l’arrivée sur le territoire algérien, ce qui expliquerait que le vol qui était prévu pour le 13 mai 2025 avait dû être annulé.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse et à sa mise en liberté immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « [a]fin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé, tel que cela a déjà été retenu dans les jugements prémentionnés des 24 mars, 23 avril et 22 mai 2025, qu’il a fait l’objet en date du 8 mars 2025 d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans, décision non visée par le présent recours, qu’il ne dispose pas d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable, ni d’une autorisation de travail, et qu’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le SIS.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la même loi figurent notamment celles de ne pas faire l’objet, tel que c’est le cas pour le demandeur, d’une interdiction d’entrée sur le territoire, ni d’un signalement aux fins de non-admission dans le SIS, telles que prévues au paragraphe (2) points 2. et 3. de la disposition légale en cause.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste toujours en défaut de faire, étant relevé que ses seules affirmations vagues, dépourvues de toute pièce à l’appui, ayant trait à son comportement irréprochable et à sa volonté de respecter les obligations imposées par le ministre et de coopérer avec les autorités luxembourgeoises en vue de son éloignement sont à elles seules insuffisantes à cet égard. Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont dès lors à rejeter.

Sur base de ces considérations, il échet de retenir que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation de l’intéressé selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel queprévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal est amené à constater, tel que relevé ci-avant et à l’instar de ses conclusions retenues dans son jugement prémentionné du 22 mai 2025, que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef. Plus particulièrement, le demandeur ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache, étant relevé qu’une structure d’hébergement d’urgence, telle que la maison retour, ne saurait être considérée ni comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure d’assignation à résidence dans cette structure ne saurait être concevable.

Par ailleurs, le demandeur n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

Il s’ensuit que le moyen tiré du caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables est à rejeter pour ne pas être fondé.

Concernant l’invocation par le demandeur, dans ce contexte, d’arrêts de la Cour de cassation française, il y a lieu de relever, d’une part, que des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, que le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle, de sorte que les développements afférents sont à rejeter pour ne pas être pertinents.

Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, le tribunal précise que cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi du 29 août 2008 et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire. Or, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par les justiciables que si leurs dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises et que l’Etat n’a pas transposé dans les délais ladite directive ou s’il en a fait une transposition incorrecte2.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 (1er volet) et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 9 octobre 2003, n° 15375 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 116 (2e volet) et les autres références y citées.Dans la mesure où, en l’espèce, le demandeur se contente d’alléguer de manière non autrement étayée que lesdites dispositions ne seraient pas transposées en droit national et ne démontre pas que l’Etat luxembourgeois aurait été en défaut de transposer ladite directive dans les délais impartis ou en aurait fait une transposition incorrecte, il y a lieu de retenir qu’il n’est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoquées.

S’agissant ensuite des démarches entreprises par le ministre en vue de permettre l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, le tribunal relève que dans son jugement prémentionné du 22 mai 2025, il a été retenu, d’une part, qu’il se dégage du dossier administratif et plus particulièrement d’un plan de vol dressé par l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel (« UGAO ») le 4 avril 2025 qu’un vol à destination d’Alger avait été organisé et réservé au nom du demandeur pour la date du 13 mai 2025 mais que l’UGAO a informé les services du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », le 8 mai 2025 que ledit vol avait dû être annulé en raison d’un problème avec la compagnie aérienne et, d’autre part, qu’il ressort encore du dossier administratif que le 14 mai 2025, l’agent en charge du dossier du demandeur auprès du ministère s’est renseigné auprès de l’UGAO quant à l’organisation d’un nouveau vol, à la suite de quoi l’UGAO l’a informé que l’éloignement de l’intéressé était en cours de préparation et que son départ devrait avoir lieu au début du mois de juin 2025.

Quant aux démarches effectuées depuis lors, force est de constater qu’il se dégage du dossier administratif, notamment d’une note au dossier du 10 juin 2025 qu’à la même date, l’agent en charge du dossier du demandeur auprès du ministère a été informé par l’UGAO que son départ est prévu pour le 7 juillet 2025 et qu’un plan de vol détaillé suivra.

Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.

La conclusion ainsi retenue n’est pas énervée par les affirmations du demandeur relatives à son séjour au Portugal. En effet, si le demandeur affirme que sa situation administrative y serait en cours de régularisation et s’il entend appuyer cette affirmation en versant certains documents, à savoir un certificat de résidence, une déclaration de début d’activité, une facture émise par l’autorité fiscale et douanière portugaise, une déclaration du centre de la sécurité sociale de Lisbonne qui attesterait de sa situation contributive, une déclaration de rémunération enregistrée par la sécurité sociale et de solidarité de Lisbonne, un document fiscal émis par l’autorité fiscale et douanière portugaise du registre central des contribuables et un document « relatif à la soumission d’une manifestation d’intérêt par le biais du portail SAPA », documents par rapport auxquels le demandeur n’a, d’ailleurs, pas autrement pris position et lesquels ont d’ores et déjà été pris en compte par le tribunal administratif dans ses jugements prémentionnés des 23 avril et 22 mai 2025, il n’en reste pas moins que l’intéressé ne produit aucun élément probant dont il se dégagerait qu’il disposerait d’un quelconque titre de séjour au Portugal. Il s’ensuit, à l’instar des conclusions du tribunal retenues dans ses jugements prémentionnés des 23 avril et 22 mai 2025, qu’aucun reproche ne saurait être adressé au ministre de ne pas s’être adressé aux autorités portugaises afin, le cas échéant, de clarifier la situation administrative de l’intéressé dans ce pays, mais d’avoir, au vu du constat que le demandeur dispose d’un passeport algérien valable jusqu’au 17 février 2026, chargé l’UGAO d’organiser son éloignement vers son pays d’origine.

En ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à une prétendue absence de perspective raisonnable d’éloignement, celle-ci est également à rejeter étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches accomplies par l’autorité ministérielle seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien, conclusion qui s’impose d’autant plus que l’éloignement du concerné est, tel que relevé ci-

avant, prévu pour le 7 juillet 2025, étant encore précisé que le demandeur est en possession d’un passeport algérien en cours de validité de sorte qu’il n’y ait aucun besoin, en l’espèce, de délivrance d’un laissez-passer dans le chef de celui-ci.

Ce constat n’est pas ébranlé par les articles de presse versés en cause par le demandeur qui ont exclusivement trait aux relations diplomatiques franco-algériennes et dont il ne se dégage, en tout état de cause, pas que l’éloignement de tout ressortissant algérien doté d’un passeport valable s’avérerait matériellement impossible pour se heurter à un refus systématique des autorités algériennes de le laisser entrer sur le territoire algérien, étant encore relevé que les autorités algériennes sont tenues par le droit international de réadmettre leurs ressortissants.

Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté de mouvement, consacrée par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

L’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays3.

Dans un arrêt du 15 décembre 20164, la CourEDH a retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.

Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».

En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet en date du 8 mars 2025 d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement dont il fait l’objet en exécution de ladite décision de retour est toujours en cours et poursuivie avec la 3 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.

4 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.diligence légalement requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5, paragraphe (1) de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Au vu des développements ci-avant, le tribunal conclut que les contestations du demandeur quant à la légalité, à la nécessité, au caractère justifié et à la proportionnalité de la mesure de prorogation de placement en rétention litigieuse sont à rejeter dans leur ensemble.

Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de l’intéressé de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juin 2025 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 52993
Date de la décision : 18/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-18;52993 ?

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