La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52880

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2025, 52880


Tribunal administratif N° 52880 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52880 4e chambre Inscrit le 20 mai 2025 Audience publique du 20 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

____________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52880 du rôle et déposée le 20 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maît

re Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem...

Tribunal administratif N° 52880 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52880 4e chambre Inscrit le 20 mai 2025 Audience publique du 20 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

____________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52880 du rôle et déposée le 20 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Somalie) et être de nationalité somalienne, connu sous différents alias, assigné à résidence à la maison retour à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures, erronément attribuée au « ministre de l’Immigration et de l’Asile », du 5 mai 2025 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de le transférer vers la Croatie, comme étant l’Etat responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mathieu WERNOTH, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Madame le délégué du gouvernement Evelyne LORDONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 juin 2025.

____________________________________________________________________________

Le 14 novembre 2024, Monsieur (A), connu sous différents alias, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur (A) n’avait pas introduit de demande de protection internationale dans un autre Etat membre, tandis qu’une recherche dans la base de données VIS montra qu’il était bénéficiaire d’un visa délivré par la Croatie d’une durée de validité du 19 octobre au 10 novembre 2024.

Le 29 novembre 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue dedéterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

En date du 9 décembre 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues croates une demande de prise en charge de Monsieur (A) basée sur l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III.

Par arrêté du 30 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par le « ministre », assigna Monsieur (A) à résidence à la maison retour sise à L-… pour une durée de trois mois.

Par courrier du 7 février 2025, les autorités croates acceptèrent la demande de prise en charge de Monsieur (A) du 9 décembre 2024 sur base de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III.

Par arrêté du 30 avril 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre prorogea pour une nouvelle durée de trois mois l’assignation à résidence de Monsieur (A).

Par décision du 5 mai 2025, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 7 mai 2025, le ministre informa Monsieur (A) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer dans les meilleurs délais vers la Croatie sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 14 novembre 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 12(4) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers la Croatie qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 14 novembre 2024 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 29 novembre 2024.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 14 novembre 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac n'a révélé aucun résultat.

2 Il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale que la Croatie vous a délivré un visa valable du 19 octobre 2024 jusqu'au 10 novembre 2024 qui vous a permis d'entrer sur le territoire des Etats membres.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 29 novembre 2024.

Sur cette base, une demande de prise en charge sur base de l'article 12(4) du règlement DIII a été adressée aux autorités croates en date du 9 décembre 2024, demande qui fut acceptée par lesdites autorités croates en date du 7 février 2025.

2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

La responsabilité de la Croatie est acquise suivant l'article 12(4) du règlement DIII en ce que le demandeur est titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre et que l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

Un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale que la Croatie vous a délivré un visa valable du 19 octobre 2024 jusqu'au 10 novembre 2024 qui vous a permis d'entrer sur le territoire des Etats membres.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté votre pays d'origine le 6 novembre 2024 à l'aide d'un passeur qui aurait tout organisé, concernant vos documents falsifiés. Vous auriez pris l'avion de Mogadiscio à Istanbul, puis vous auriez continué votre voyage jusqu'à Izmir. Après une journée, vous auriez quitté Izmir et vous vous seriez rendu en bateau en direction de la 3 Grèce. Vous vous seriez ensuite rendu à … et y auriez pris un vol pour la France (Paris-CDG).

Vous seriez arrivé à Paris le 10 novembre 2024 et auriez quitté la France le même jour pour vous rendre au Luxembourg en train.

Monsieur, vous déclarez que votre voyage aurait été organisé par un passeur et vous soulignez que vous n'auriez pas utilisé votre visa émis par les autorités croates pour entrer sur le territoire des Etats membres, sans pour autant être en mesure de fournir des preuves pour corroborer vos déclarations.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 29 novembre 2024, vous mentionnez que vous avez des maux d'estomac, ainsi des problèmes de dos et des problèmes dentaires. Vous mentionnez aussi que vous auriez été blessé au pied droit lors d'une attaque des terroristes de la milice Al-Shabaab. Cependant, vous n'avez fourni aucun élément concret sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers la Croatie qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Monsieur, vous déclarez que vous ne seriez jamais allé en Croatie et que vous n'y auriez ni famille, ni proches.

Rappelons à cet égard que la Croatie est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que la Croatie est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que la Croatie profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, la Croatie est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture, de même que les conditions minimales d'accueil fixées dans la directive Accueil.

Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers la Croatie sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Croatie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Croatie, d'introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités 4 croates ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes croates, notamment judiciaires.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l'application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles.

Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII.

En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers la Croatie, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers la Croatie, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avère être nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers la Croatie en informant les autorités croates conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités croates n'ont pas été constatées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 mai 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle, précitée, du 5 mai 2025.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation sous analyse.

Lors de l’audience des plaidoiries, le délégué du gouvernement a conclu à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Monsieur (A), alors que celui-ci auraitdisparu de la maison retour depuis le 14 mai 2025 et que les autorités luxembourgeoises auraient été saisies, en date du 4 juin 2025, par leurs homologues allemands, d’une demande de reprise en charge de Monsieur (A) sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III.

Le litismandataire de Monsieur (A) s’est rapporté à prudence de justice sur ce point.

Il échet de relever que l’intérêt à agir est considéré comme l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés2. En matière de contentieux administratif portant sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait et en droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif3.

A cet égard, il convient de souligner que si stricto sensu l’intérêt à agir est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action, doit être vérifié au jour du jugement sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, d’encombrer le rôle des juridictions administratives et d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de devoir se justifier inutilement devant les juridictions administratives, exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation, sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier4.

Or, la première personne à pouvoir justifier s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite, est le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande, et ce, en établissant qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés et que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès. La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès.

En l’espèce, la décision déférée consiste à transférer Monsieur (A) vers la Croatie, pays dont le ministre estime qu’il est l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale. Etant donné que par sa requête introductive d’instance, Monsieur (A) tend à marquer son opposition à un tel transfert et vu qu’il ne ressort d’aucun élément en cause qu’il serait retourné volontairement en Croatie ou même dans son pays d’origine, en l’occurrence en Somalie, ce dernier est censé avoir conservé son intérêt à agir dans le présent litige, ce d’autant 1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247.

2 Trib. adm. prés., 27 septembre 2002, n° 15373 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées.

3 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 2 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 11 mai 2016, n°35579 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 37 et les autres références y citées.plus que son litismandataire, lequel s’est présenté à l’audience des plaidoiries, a toujours mandat à poursuivre la présente procédure pour le compte de Monsieur (A).

Au vu de ces éléments, le tribunal ne saurait conclure à une perte d’un intérêt à agir dans le chef de Monsieur (A), étant relevé que le simple fait de disparaître de la maison retour, respectivement de déposer une demande de protection internationale dans un autre Etat-membre, n’est pas suffisant pour établir à lui seul et à défaut de tout autre élément, qu’il ne témoigne plus le moindre intérêt pour le déroulement et le maintien de son recours intenté le 20 mai 2025.

Le moyen d’irrecevabilité afférent est dès lors à rejeter.

A défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité invoqué, respectivement à soulever d’office, le recours en réformation est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en expliquant avoir dû fuir son pays d’origine, la Somalie en raison de tentatives d’assassinats de la part de terroristes. Il précise ne pas être d’accord avec la motivation avancée dans la décision ministérielle litigieuse consistant à retenir la compétence des autorités croates afin de connaître de sa demande de protection internationale et, en conséquence, il sollicite à ce que le tribunal de céans procède à un examen beaucoup plus approfondi en fait et en droit.

En droit, le demandeur se prévaut d’une violation de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ainsi que d’une violation des articles 2, 3, 6, paragraphe (1) et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée « la CEDH ».

S’agissant, en premier lieu, de la violation de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, le demandeur reproche au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation de sa situation particulière, tant au regard des conditions matérielles d’accueil que des défaillances systémiques dans la procédure d’asile en Croatie, ainsi que de s’être abstenu de procéder à un examen rigoureux et approfondi de la situation prévalant dans ce pays. Il souligne le caractère réfragable de la présomption de respect des droits fondamentaux par les Etats membres, en se fondant sur les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », du 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10 et C-493/10, N. S.

e.a., ainsi que du 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, tout en relevant, par renvoi, à cet égard, à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après désignée par « la CourEDH », que les Etats-membres devraient renoncer au transfert de demandeurs de protection internationale en cas de défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil dans l’Etat de destination, entraînant une violation des droits fondamentaux des personnes concernées. Dans ce cadre, le demandeur renvoie encore à un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 4 janvier 2024, lequel aurait annulé une décision de transfert vers la Croatie, ainsi qu’aux rapports de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, ci-après désignée par « l’OSAR », du 21 février 2023 et intitulé « Jurisprudence concernant la Croatie, pays Dublin, 2022 », respectivement de février 2025 et intitulé « Conditions d’accueil en Croatie », faisant état d’un manque d’accès aux soins médicaux pour les demandeurs de protection internationale, de l’existence de refoulements directs ou indirects aux frontières croates, en violation des articles 3 et 13 de la CEDH, sans possibilité d’agir contre les agents des forces de l’ordre croates ayant commis des violences dans ce cadre, d’une d’assistance juridique limitée dans le cadre des procédures contentieuses devantles juridictions croates compétentes, ainsi que de défaillances dans le cadre du traitement des demandes de protection internationale matérialisées plus particulièrement par un résumé insuffisant des déclarations des personnes concernées, ainsi que par l’absence d’interprètes assermentés. Il relève encore, dans ce cadre, que le rapport de l’OSAR de février 2025 aurait recommandé de cesser les transferts basés sur le règlement Dublin III vers la Croatie. Le demandeur conteste ainsi la conclusion ministérielle selon laquelle la Croatie respecterait les droits fondamentaux de l’Union européenne et qu’il pourrait faire l’objet d’un transfert vers ledit pays. Il donne finalement à considérer, dans ce contexte, qu’il souffrirait de problèmes dentaires et lombaires nécessitant des soins réguliers qui ne pourraient être assurés en Croatie, au regard de l’accès y insuffisants à de tels soins.

En second lieu, le demandeur conclut à la violation, par la Croatie, des articles 2 et 3 de la CEDH en se basant, à nouveau sur le rapport de l’OSAR de février 2025 relatif aux violences des autorités croates lors de refoulements de migrants aux frontières et quant à l’absence de recours effectifs, dans ce cadre, des victimes de ses agissements, ainsi que sur un arrêt de la CourEDH du 17 janvier 2023, dans une affaire Daraibou c. Croatie ayant condamné la Croatie pour violation de l’article 3 de la CEDH.

En dernier lieu, le demandeur fait valoir, sur base de la jurisprudence de la CJUE, ainsi que des rapports, précités, de l’OSAR, que la Croatie violerait l’article 13 de la CEDH en n’assurant pas le droit à un recours effectif aux demandeurs de protection internationale, en raison de la circonstance (i) que l’assistance juridique ne couvrirait pas la procédure d’appel ni les diligences autres que contentieuses, (ii) que l’effet suspensif de l’appel pour certaines procédures serait impossible à obtenir et (iii) que la Croatie aurait procédé à des refoulements de demandeurs de protection internationale sans examen de leur situation individuelle et personnelle.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

L’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « Si, en application du règlement (UE) n° 604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités croates pour prendre en charge Monsieur (A), prévoit que « Si le demandeur est seulement titulaire d’un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis 8 moins de deux ans ou d’un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d’entrer sur le territoire d’un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n’a pas quitté le territoire des États membres.

(…) ».

Il suit de ces dispositions que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui qui a délivré au demandeur un visa dont la validité a expiré depuis moins de six mois, aussi longtemps que le demandeur n’a pas quitté le territoire des Etats membres.

Le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers la Croatie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale du demandeur serait la Croatie, Etat qui lui a délivré un visa d’une validité du 19 octobre 2024 au 10 novembre 2024, et que les autorités croates ont accepté sa prise en charge le 7 février 2025 sur base du dernier article, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers ledit Etat membre comme étant responsable pour connaître de sa demande de protection internationale.

Force est de constater que le demandeur ne conteste pas la compétence de principe des autorités croates, respectivement l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises, mais invoque l’existence, en Croatie, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et dans les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale au sens de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ainsi que, de manière plus générale, une violation des articles 2, 3, 6 et 13 de la CEDH, étant relevé que le tribunal doit constater que la violation des prédits articles de la CEDH - mis à part de l’article 3 de la CEDH - n’est invoquée qu’en tant qu’argumentation censée prouver l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile en Croatie, de sorte à devoir faire l’objet d’une analyse dans le cadre du moyen de la demanderesse basé sur une violation de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, et non pas en tant que moyens autonomes visant directement la décision déférée du 5 mai 2025.

A cet égard, le tribunal précise que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale, malgré la compétence de principe d’un autre Etat membre, et d’examiner, le cas échéant, sa demande, sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte - corollaire à l’article 3 de la CEDH -, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1) du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire, disposition légale dont la violation n’est pas mise en avant, en l’espèce, par le demandeur.

Concernant l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, celui-ci dispose que : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de 9 l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. ».

Force est au tribunal de constater que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte.

La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé5.

A cet égard, le tribunal relève que la Croatie est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ci-après désignée par « la Convention contre la torture », ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard6. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants7.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées8. Dans un arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que 5 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, point 92.

6 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.

7 Idem, point. 79 ; voir également : trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n°34133 du rôle, disponibles sur ww.jurad.etat.lu.

8 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile9, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.

Le tribunal est également amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives10, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE11, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 201712.

Quant à la preuve à rapporter par les demandeurs, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 201913 que pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, précité, du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine14. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant15.

Le tribunal doit, tout d’abord, relever qu’il ressort des déclarations du demandeur dans le cadre de son audition auprès du ministère en date du 29 novembre 2024, que, bien qu’il ait été bénéficiaire d’un visa valable du 19 octobre 2024 au 10 novembre 2024 de la part des autorités croates, il ne s’y est jamais rendu, de sorte qu’il n’a jamais été confronté à un quelconque problème en Croatie, tant en ce qui concerne les incidents hautement critiquables de refoulements directs et indirects à la frontière croate au cours desquels des violences policières seraient impunément commises, qu’en ce qui concerne d’éventuelles difficultés dans le traitement des demandes de protection internationale. Il échet encore de constater que le 9 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, point 95.

10 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur: www.jurad.etat.lu.

11 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

12 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.

13 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, point 91.

14 Ibidem, point 92.

15 Ibidem, point 93.demandeur ne risque d’ailleurs pas de faire l’objet d’un « push back » en cas de transfert vers la Croatie - une telle pratique visant a priori les migrants cherchant à franchir illégalement la frontière croate -, dans la mesure où il sera officiellement éloigné vers ledit pays sur le fondement des dispositions pertinentes du règlement Dublin III. Dans ce contexte, le tribunal doit finalement relever que le délégué du gouvernement s’est encore prévalu du rapport de l’AIDA du 20 juillet 2024 et intitulé « Country Report : Croatia », selon lequel les personnes transférées dans le cadre du règlement Dublin III ne rencontrent pas d’obstacles en Croatie pour accéder à la procédure d’asile16, élément excluant également le risque pour le demandeur d’être exposé à un refoulement direct à la frontière croate, respectivement de subir des violences policières contre lesquelles il ne disposerait pas de recours effectif.

Il suit des considérations qui précèdent que l’intégralité de l’argumentation du demandeur, basée sur le risque de subir un refoulement à la frontière croate, respectivement, dans ce cadre, des violences policières, et fondée sur les articles 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ainsi que les articles 2 et 3 de la CEDH, encourt le rejet pour être dépourvue de pertinence.

Concernant ensuite les décisions de juridictions étrangères invoquées par le demandeur, et plus particulièrement un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juin 2024, outre le fait que le tribunal n’est pas lié par des jurisprudences émanant de juridictions d’autres pays, il y a lieu de relever que le jugement en question ayant retenu que les autorités croates ne seraient pas en mesure de garantir un examen effectif des demandes de protection internationale concernées dans cette affaire, se réfère exclusivement à des rapports d’organisations non-

gouvernementales de l’année 2023, en l’occurrence le rapport Solidarité sans frontières du 28 juin 2023, le rapport de l’ « Asylum Database et de l’European Council on refugees and exile » de juin 2023, de « Human Rights Watch » de mai 2023, autrement dit sur une base d’informations qui ne reflètent plus nécessairement la situation telle qu’elle existe actuellement en Croatie, -

critique qui vaut également à l’encontre du rapport de l’OSAR du 21 février 2023, tel qu’invoqué directement par le demandeur dans le cadre du recours sous examen, - étant précisé dans ce contexte, tel que relevé par la partie étatique et non remis en cause par le demandeur, que le même tribunal a confirmé quelques mois avant, à savoir le 2 janvier 2024, une décision de transfert dans le cadre du règlement Dublin III vers la Croatie17 et que d’autres jugements de tribunaux administratifs français postérieurs au jugement précité du 4 janvier 2024 ont également conclu à l’absence de défaillances systémiques en Croatie.

Le tribunal doit encore relever que les reproches du demandeur, en ce qui concerne les prétendues carences affectant, selon lui, le traitement, en Croatie, des demandes de protection internationale, telles que plus particulièrement le fait que les autorités croates compétentes n’effectueraient qu’un résumé incomplet des déclarations des personnes dans le cadre de leurs auditions, l’absence d’interprètes assermentés, un défaut de prise en charge suffisant, par le biais de l’assistance juridique, des frais d’avocats, ainsi qu’une prise en charge médicale inadaptée des demandeurs de protection internationale, ne permettent pas de retenir l’existence de défaillances systémiques en Croatie s’opposant au transfert de demandeurs de protection internationale.

Ainsi, en ce qui concerne les problèmes de traduction liés à un manque d’interprètes assermentés, le tribunal doit, tout d’abord, relever, que le passage du rapport de l’OSAR de février 2025 cité par le demandeur vise l’assistance de traducteurs dans le cadre des activités de 16 AIDA, « Country Report : Croatia », publié le 10 juillet 2024, page 57.

17 Tribunal administratif de Strasbourg, 2 janvier 2024, n°2307972.la police des frontières croates18 et non pas dans le cadre des auditions de demandeurs de protection internationale, pour lesquelles le rapport ne fait pas état d’un manque de disponibilités d’interprètes19. Dans ce contexte, il faut encore constater que les instances juridictionnelles croates compétentes avaient retenu que ces difficultés liées à l’activité de la police des frontières croates constituaient une violation des dispositions légales applicables20, ce qui démontre, d’une part, que les personnes concernées ont disposé d’un recours effectif en la matière et, d’autre part, que la conclusion de défaillances systémiques, de ce chef, s’opposant au transfert de demandeurs de protection internationale vers la Croatie ne saurait être retenue. L’argumentation afférente du demandeur basée tant sur l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, que sur l’article 6 de la CEDH encourt le rejet pour manquer de fondement.

Le tribunal doit, par ailleurs, constater qu’il ressort du rapport de l’OSAR de février 2025 que les demandeurs de protection internationale disposent, en Croatie, de voies de recours contre les décisions de refus de leur demande pour lesquelles ils bénéficient d’une assistance juridique prise en charge par l’Etat en ce qui concerne l’introduction du recours en première instance et la représentation devant la juridiction compétente, de sorte à, ainsi, avoir la possibilité de voir rectifier certaines erreurs ayant, le cas, échéant, pu survenir en raison d’une transcription lacunaire des déclarations effectuées dans le cadre de leur audition.

Dans ce cadre, il faut encore relever qu’il n’existe pas d’obligation légale, en matière de protection internationale, de disposer d’un double degré de juridiction, de sorte que l’exclusion du bénéfice de l’assistance juridique pour l’instance d’appel ne saurait être qualifiée de défaillance systémique, l’argumentation afférente du demandeur basée sur l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, tout comme celle basée sur les articles 6 et 13 de la CEDH, étant dès lors à écarter pour être dénué de fondement.

En tout état de cause et même si certaines des pratiques des autorités croates relatées dans les pièces versées en cause sont critiquables, respectivement inacceptables, il n’en reste pas moins que ces mêmes pièces ne sont pas suffisantes pour permettre de retenir de manière générale l’existence de défaillances systémiques en Croatie, à savoir que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs de protection internationale y seraient caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l’article 4 de la Charte.

Par ailleurs, le tribunal relève que le demandeur n’invoque aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers la Croatie, voire une demande en ce sens de la part de l’agence des Nations unies pour les réfugiés, ci-après dénommée « l’UNHCR ». Le demandeur ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers la Croatie de ressortissants somaliens dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile croate qui les 18 Page 14 du rapport de l’OSAR de février 2025 et intitulé « Conditions d’accueil en Croatie » 19 Ibidem, page 13.

20 Ibidem, page 14.exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte, étant rappelé que la Croatie est signataire de la Charte, de la CEDH, de la Convention contre la torture, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censée en appliquer les dispositions.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que le demandeur n’a pas rapporté la preuve de l’existence, en Croatie, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3, paragraphe 2, alinéa 2 du règlement Dublin III et de l’article 4 de la Charte, empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers ce pays.

Cependant, si les Etats membres sont dans l’obligation d’appliquer les règlements européens, il ressort de la jurisprudence de la CourEDH que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable21.

Dans ce contexte, la CJUE a suivi le raisonnement de la CourEDH en décidant que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte22, et qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant23.

En l’espèce, le demandeur conclut à une violation isolée de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, respectivement de l’article 2 de la CEDH en rappelant son argumentation relative aux violences commises par les autorités policières lors des push backs, ainsi que de l’absence de recours effectifs pour les victimes de telles violences, tout en faisant état d’un arrêt de la CourEDH ayant condamné la Croatie pour violation de l’article 2 de la CEDH en raison d’un incendie dans un centre de rétention pour migrants illégaux, situations, tel que retenu ci-avant, dans lesquelles le demandeur ne risque a priori pas de se retrouver, alors qu’il ne franchira pas irrégulièrement la frontière croate, mais fera l’objet d’un transfert officiel vers la Croatie dans le cadre de l’application du règlement Dublin III.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur ayant trait à une nécessaire prise en considération de son état de santé, le tribunal relève que dans son arrêt, précité, du 16 février 2017, la CJUE a mis en évidence le fait, en ce qui concerne les conditions d’accueil et les soins disponibles dans l’Etat membre responsable du traitement de la demande de protection internationale, que les Etats membres liés par la directive 2013/33 sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de 21 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n° 29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09.

22 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, points 65 et 96.

23 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, point 88.cette directive, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves : « Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s’accordent les États membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux offerts aux demandeurs d’asile dans les États membres seront adéquats (…) ». Elle a retenu ensuite que « (…) dans des circonstances dans lesquelles le transfert d’un demandeur d’asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens [de l’article 4 de la Charte]. En conséquence, dès lors qu’un demandeur d’asile produit, en particulier dans le cadre du recours effectif que lui garantit l’article 27 du règlement Dublin III, des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, les autorités de l’État membre concerné, y compris ses juridictions, ne sauraient ignorer ces éléments. Elles sont, au contraire, tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-

ci. (…) »24. Dans une telle situation, il appartiendra aux autorités concernées « (…) d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette personne. Dans l’hypothèse où, compte tenu de la particulière gravité de l’affection du demandeur d’asile concerné, la prise desdites précautions ne suffirait pas à assurer que son transfert n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, il incombe aux autorités de l’État membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé, et ce aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert (…) »25.

Ainsi, cet arrêt concerne l’hypothèse particulière dans laquelle un demandeur de protection internationale produit des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourraient entraîner un transfert sur celui-

ci, hypothèse dans laquelle les autorités de l’Etat membre procédant au transfert doivent prendre les précautions spécifiques afin de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de la personne concernée, telles que, par exemple, l’obtention, de la part de l’Etat membre responsable, de la confirmation que les soins indispensables seront disponibles à l’arrivée26.

Or, force est de constater, qu’en l’espèce, il ne ressort d’aucune pièce soumis par le demandeur à l’appréciation du tribunal que son transfert vers la Croatie pourrait avoir des conséquences significatives et irrémédiables sur son état de santé, respectivement que son état de santé s’opposerait à son transfert vers la Croatie et qu’il ne serait pas en mesure d’obtenir les soins nécessaires à son arrivée dans ce pays.

Si le demandeur verse certes en cause des certificats médicaux concernant des problèmes dentaires et lombaires dont il aurait souffert fin 2024, respectivement début 2025, ces documents ne permettent pas au tribunal d’apprécier la nature exacte et la gravité de l’état de santé du demandeur, ni de retenir que son état de santé nécessiterait un traitement ou suivi médical spécifique qui, en cas d’interruption, serait de nature à impacter son état de santé de manière 24 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, points 74 et 75.

25 Ibidem, points 76 à 85 et point 96.

26 Ibidem, point 83.irrémédiable et significative.

De plus, le demandeur n’a pas fait état lors de son entretien Dublin III auprès de la direction de l’Immigration en date du 29 novembre 2024 de la nécessité de bénéficier d’un suivi médical spécifique, si ce n’est la prise de quatre médicaments pour lesquels il est resté en défaut d’établir qu’ils ne seraient pas disponibles en Croatie.

Ainsi, le demandeur n’a pas fourni d’éléments objectifs qui seraient de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et a fortiori les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner le transfert sur lui.

Il résulte des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas démontré que, dans son cas précis, ses droits ne seraient pas garantis en cas de retour en Croatie.

Dans ce contexte le tribunal rappelle que la Croatie est signataire de la Charte, de la CEDH, de la Convention contre la torture et de la Convention de Genève, ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, est censée en appliquer les dispositions. Il convient, par ailleurs, de souligner que si le demandeur devait estimer que le système d’aide croate est à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités croates en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes adéquates.

Finalement, il convient encore de souligner que le règlement Dublin III ne s’oppose pas au transfert des personnes vulnérables, à savoir les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les mineurs et les personnes ayant été victimes d’actes de torture, de viol ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, mais prévoit dans son article 32 (1), alinéa 1er une obligation à la charge de l’Etat membre procédant au transfert de transmettre à l’Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer aux seules fins de l’administration de soins ou de traitements médicaux, et avec le consentement explicite de la personne concernée, de sorte qu’en cas de besoin, il pourra être tenu compte de l’état de santé du demandeur lors de l’organisation du transfert vers la Croatie par le biais de la communication aux autorités croates des informations adéquates, pertinentes et raisonnables le concernant conformément aux articles 31 et 32 du règlement Dublin III, à condition que l’intéressé exprime son consentement explicite à cet égard.

Au vu des considérations qui précèdent, il n’est pas établi que compte tenu de sa situation personnelle, le demandeur serait exposé à un risque réel de subir personnellement et concrètement des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, en cas de transfert en Croatie, nonobstant le constat fait ci-avant de l’absence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, au sens de l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est, à défaut d’autres moyens, à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 juin 2025 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 52880
Date de la décision : 20/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-20;52880 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award