La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2025 | LUXEMBOURG | N°49433

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juin 2025, 49433


Tribunal administratif N° 49433 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49433 1re chambre Inscrit le 15 septembre 2023 Audience publique du 25 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49433 du rôle et déposée le 15 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif par

Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des av...

Tribunal administratif N° 49433 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49433 1re chambre Inscrit le 15 septembre 2023 Audience publique du 25 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49433 du rôle et déposée le 15 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (…), de double nationalité colombienne et vénézuélienne, et de Madame (B), née le … à … (…), de nationalité colombienne, tous les deux agissant tant en leurs noms propres qu’aux noms et pour le compte de leurs enfants mineurs (C), née le … à … (…), et (D), né le … à … (…), tous les deux de nationalité colombienne, demeurant actuellement tous ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 août 2023 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour du 20 mai 2024 de Maître Fatim-Zohra ZIANI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de Madame (B), de Monsieur (A) et de leurs enfants (C) et (D), préqualifiés ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 avril 2025.

Le 15 février 2022, Madame (B) et Monsieur (A), accompagnés de leur fille mineure, (C), et de leur fils mineur, (D), ci-après désignés par les « consorts (AB) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

1 En date des 7 et 19 septembre 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (B) fut entendue le 12 septembre 2022 pour les mêmes raisons.

Par décision du 10 août 2023, notifiée aux intéressées par lettre recommandée expédiée le 14 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », informa Madame (B) et Monsieur (A) que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 15 février 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») en votre nom et au nom de vos enfants mineurs (C), née le … à … et (D), né le … à …, les deux de nationalité colombienne.

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1) Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 15 février 2022, votre rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, Monsieur, des 7 et 19 septembre 2022, et le vôtre, Madame, du 12 septembre 2022, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.

Monsieur, vous signalez être de double nationalité colombienne et vénézuélienne, être originaire d’… au … mais avoir vécu depuis … avec votre épouse et vos enfants à … puis à … en …, où vous auriez possédé votre entreprise de …. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous auriez craint pour votre sécurité, aussi bien au … qu’en …. En cas d’un retour au …, vous craindriez que vous et votre famille ne soyez tués ou torturés. En cas d’un retour en …, vous craindriez d’être tué par la « guérilla ». En plus, vos « droits fondamentaux » y seraient menacés.

Vous prétendez avoir rejoint le parti « Accion Democratica » en 2012 et avoir soutenu des candidats de l’opposition. Le 19 août 2015, … aurait fermé la frontière avec la …, aurait désigné des … comme étant des paramilitaires et en aurait expulsé 1200 vers la …. Etant donné que votre épouse et vos enfants seraient de nationalité colombienne et que vous auriez soutenu l’opposition, vous auriez eu peur de la xénophobie au … et vous auriez souffert de ces craintes pendant un an. Le 26 octobre 2016, vous auriez participé à une manifestation de l’opposition et le 2 novembre 2016, quatre hommes se présentant comme les « tupamaros » seraient rentrés chez vous et vous auraient menacé de mort en pointant une arme sur vous et en disant « Maudit opposant, décharné de merde, paramilitaire colombien » (p. 5 de votre rapport d’entretien).

Ces hommes vous auraient ensuite donné vingt-quatre heures pour quitter le pays. Deux heures plus tard, accompagné de votre famille, vous auriez pris un taxi pour rejoindre la frontière … que vous auriez alors passée par une rivière alors qu’elle aurait été fermée. Vous prétendez 2 que vous ne pourriez plus retourner au … alors que vous y auriez été déclaré « traitre à la patrie » pour avoir adhéré à un parti d’opposition.

Vous vous seriez alors tous installés chez vos beaux-parents et vous auriez commencé à travailler. En …, vous auriez acheté votre propre maison en … et en …, vous auriez constitué légalement votre entreprise. En …, pendant la nuit, des personnes liées à la « guérilla de l’EPL » (p. 6 de votre rapport d’entretien) seraient venues dans votre quartier et auraient laissé des graffitis disant « EPL - Presente, ejercito del pueblo. Ensuite, la pandémie a commencé » (p.

6 de votre rapport d’entretien). En …, vous auriez décidé de postuler pour le poste de … de la junte d’action communale du quartier de … pour la période 2022-2024. Votre groupe aurait gagné les élections du …. Le …, vous auriez eu votre première assemblée avec l’ancienne équipe en charge et avec la police. Votre groupe aurait abordé les problèmes de votre quartier et parlé du trafic de drogues et du recrutement des jeunes par des groupes criminels. Vous auriez en outre demandé les livres des comptes et des biens. Le 16 janvier 2022, le commandant de l’EPL vous aurait téléphoné pour vous mettre en garde que personne ne devrait être mis au courant de cet appel « parce qu’il avait des gens infiltrés dans la police » (p. 6 de votre rapport d’entretien). Vous prétendez en outre que ce commandant « avait un ordre d’expulsion du quartier parce que j’étais une balance et parce que j’avais demandé les comptes et que je me mêlais de choses dont je ne devais pas me mêler » (p. 6 de votre rapport d’entretien). Si jamais vous ne faisiez pas « ça », vous seriez devenu un « objectif militaire » (p. 6 de votre rapport d’entretien). Le lendemain, vous auriez voulu déposer plainte à la police mais celle-ci ne l’aurait pas acceptée et vous aurait orienté vers le parquet ou le défenseur du peuple. Auprès du parquet on vous aurait signalé que vous devriez déposer plainte en ligne à cause du Covid-

19 et, auprès du défenseur du peuple, on vous aurait donné un rendez-vous quatre jours plus tard. Par crainte pour votre sécurité, vous auriez ensuite déménagé avec votre famille à …. Le 18 janvier 2022, votre beau-père vous aurait informé que deux motards seraient à votre recherche et qu’ils lui auraient fait comprendre qu’ils sauraient où vous vous trouveriez et qu’ils vous tueraient pour ne pas avoir écouté ledit commandant de l’EPL.

Vu le manque de protection auxquels devraient faire face les leaders de la « communauté » (p. 6 du rapport d’entretien) en Colombie, vous auriez pris le choix de quitter le pays, sentant que le gouvernement vous aurait abandonné. Le 7 février 2022, vous auriez quitté la … à bord d’un avion à destination de la Turquie. Le lendemain vous auriez pris un avion pour aller en France, où vous auriez pris le train pour venir au Luxembourg.

Madame, vous signalez être de nationalité colombienne et vous confirmez les dires de votre époux. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez que des guérilleros ne s’en prennent à vous ou à votre famille après que votre époux aurait été menacé par téléphone le 16 janvier 2022. Vous n’auriez jamais personnellement demandé une protection auprès des autorités colombiennes parce que « le gouvernement et la guérilla sont alliés » (p. 5 de votre rapport d’entretien).

A l’appui de vos dires, vous présentez les pièces suivantes :

− Vos quatre passeports colombiens tous émis en …, vos cartes d’identité colombiennes, ainsi que votre passeport et votre carte d’identité vénézuéliens, Monsieur ;

− la copie d’une lettre en langue espagnole émise par le « Comité Ejecutivo Municipal Cardenas » ;

3 − trois photos concernant des « publicités électorales », une photo concernant l’« acte des élections », une photo concernant l’« acte de candidature » de votre « junta », la photo d’un « registre d’inscription » à la commune, une photo du « registre électoral » ou encore une photo qui concernerait un procès-verbal d’une réunion du …;

− Votre invitation en langue espagnole pour participer à la cérémonie des prises de fonction, la copie d’un certificat en langue espagnole qui informerait sur le fait que vous auriez été élu trésorier de votre junta et la copie d’un certificat de votre élection « au niveau du gouvernorat » ;

− Deux photos montrant des « réunions communautaristes » auxquelles vous auriez participé, deux photos montrant des maillots de foot que vous auriez offerts aux jeunes et deux photos d’une réunion avec la police et d’un dénommé … qui aurait créé une fondation.

2) Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, comme susmentionné, une demande de protection internationale s’analyse par rapport au(x) pays d’origine des demandeurs, respectivement, par rapport au(x) pays dont ils possèdent la nationalité. En l’occurrence, vos demandes de protection internationale s’analyseront aussi bien par rapport à la … qu’au ….

Concernant vos motifs de fuite allégués en lien avec le …, il échet de relever que vous basez vos craintes pour votre sécurité sur vos origines colombiennes, respectivement, la 4 xénophobie qui régnerait au … et sur le fait qu’en 2016, quatre membres présumés des « tupamaros » seraient une fois passés chez vous pour vous menacer avec une arme en disant « Maudit opposant, décharné de merde, paramilitaire colombien » et vous pressant de quitter le pays. Vous auriez quitté le … le jour-même et n’y seriez plus jamais retournés.

Concernant vos dires en lien avec la xénophobie contre les … qui régnerait au …, force est de constater que vous vous limitez à parler de façon très générale de ce phénomène et que vous restez en défaut de faire part d’expériences personnelles ou de quelconques discriminations que vous auriez personnellement vécues à cause de vos origines colombiennes, Madame ou de ceux de vos enfants.

En effet, vous expliquez uniquement que le 19 août 2015, … aurait fermé la frontière avec la …, aurait désigné des … comme étant des paramilitaires et en aurait expulsé 1200 vers la …. Or, ces faits et explications ne vous ont nullement touchés et ne sont par conséquent manifestement pas pertinents non plus pour ce qui est de l’analyse de vos demandes de protection internationale. Le seul fait de critiquer la xénophobie au … tout en restant en défaut de faire part de quelconques expériences personnelles dans ce contexte, ne revêt en tout cas pas un degré de gravité tel à pouvoir être comparé à un acte de persécution au sens de la Convention de Genève, respectivement, tel à justifier dans vos chefs des craintes fondées d’être victimes de tels actes.

Le constat est identique pour ce qui serait de votre deuxième motif de fuite en lien avec le …, à savoir la menace unique dont vous auriez été victime, Monsieur. En effet, bien que vous reliez cette menace à votre prétendue participation à une manifestation au soutien de l’opposition de sorte que vos craintes à cet égard rentreraient a priori dans le champ d’application de la Convention de Genève en étant liées à vos opinions politiques, il importe toutefois surtout de soulever qu’une seule menace ne revêt à nouveau pas un degré de gravité tel à pouvoir être perçue comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève ou de la Loi de 2015. Ce constat vaut d’autant plus que cela aurait donc fait plus ou moins cinq ans que vous auriez soutenu un parti d’opposition rejoint en 2012 et que pendant tout ce temps il ne vous serait jamais rien arrivé. A cela s’ajoute qu’il ne saurait par ailleurs aucunement être retenu comme établi qu’une menace datant de sept ans serait toujours d’actualité, respectivement, que vous vous trouveriez toujours dans le collimateur de qui que ce soit au …, pays dans lequel vous n’auriez plus mis pied depuis 2016.

Partant, vos motifs de fuite en lien avec le … ne sauraient pas suffire pour justifier dans vos chefs l’octroi du statut de réfugié.

Concernant la …, vous basez vos motifs de fuite exclusivement sur cette menace téléphonique que vous auriez reçue, Monsieur, de la part du prétendu commandant de l’« EPL » (Ejército Popular de Liberación) le 16 janvier 2022, à cause de votre prétendu engagement au sein de cette junta. Vous ne faites pas état d’un quelconque autre problème rencontré en …. Or, à nouveau il s’agirait du coup de constater que le fait de recevoir une seule menace téléphonique pendant les plus ou moins six ans que vous auriez vécu en …, ne revêt pas non plus un degré de gravité tel à pouvoir être défini comme un acte de persécution au sens desdits textes. Ce constat ne saurait être ébranlé par le fait que, comme au …, vous prétendez avoir été menacé à cause de votre activisme, respectivement, votre prétendu engagement au sein de cette junta et que vous relieriez donc vos prétendues craintes à un 5 élément qui pourrait à nouveau, a priori, rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève.

A cela s’ajoute qu’il n’est en plus nullement établi que vous n’auriez pas pu compter sur la protection des autorités colombiennes, voire, que celles-ci ne pourraient ou ne voudraient pas vous aider. Monsieur, vous prétendez certes à un moment donné que personne n’aurait voulu vous protéger en … mais force est de constater que cette image ne se dégage nullement du reste de vos dires.

En effet, il en ressort qu’au parquet on vous aurait informé que vous devriez déposer une plainte en ligne à cause du Covid-19, tandis que chez le défenseur du peuple, on vous aurait tout de suite proposé un rendez-vous qui aurait déjà eu lieu quatre jours après s’être adressé à cette institution. Pour des raisons qui vous sont propres, vous n’auriez toutefois ni suivi la consigne de déposer plainte en ligne, ni voulu vous rendre à ce rendez-vous quatre jours plus tard en vous contentant de prétendre que personne ne pourrait vous protéger.

Madame, vous prétendez carrément dans ce contexte que vous n’auriez jamais personnellement recherché la protection des autorités alors que « le gouvernement et la guérilla sont alliés ». Or, à part le fait qu’il ne vous est jamais rien arrivé en … et que vous basez vos craintes sur la seule menace que votre époux aurait reçue de la part de l’EPL, il s’agit surtout de soulever que le gouvernement colombien n’est absolument pas allié de l’EPL.

Bien au contraire, les autorités colombiennes, combattent activement l’EPL et procèdent régulièrement à des arrestations de ses membres. Cette lutte a d’ailleurs porté ses fruits alors qu’aujourd’hui l’EPL n’est plus que l’ombre de soi-même et a perdu énormément de membres et d’influence, au point de ne plus constituer de réelle menace aux yeux des autorités colombiennes.

Ajoutons encore à toutes fins utiles que la police est également bien présente à …, le dernier département dans lequel vous auriez vécu en ….

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les 6 auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.

L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il y a lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans vos pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour au … ou en …, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Si vous faites certes part de craintes d’une menace qui aurait été proférée contre vous au … et une autre en …, ces seuls faits ne suffisent manifestement pas pour retenir dans vos chefs des craintes fondées d’être victimes de tels atteintes graves et vos craintes dans ce contexte peuvent tout au plus être définies comme étant totalement hypothétiques. De plus, comme susmentionné, il est établi que les autorités colombiennes ne restent pas inactives face à l’agissement de membres d’EPL ou d’autres groupements criminels et qu’elles sont en mesure d’offrir une protection aux personnes qui en auraient besoin.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées. Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la …, du …, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner.

[…] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 septembre 2023, les consorts (AB) ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 10 août 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 10 août 2023 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 10 août 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

7 A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en réitérant, en substance, leurs déclarations, telles qu’actées lors de leurs auditions par un agent du ministère.

En droit, après avoir cité l’article 37 (3) et (5), ainsi que l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par la « Convention de Genève », les demandeurs considèrent réunir les conditions d’obtention du statut de réfugié et soutiennent que le ministre se serait adonné à un examen superficiel et insuffisant des faits en se basant uniquement sur des déclarations partielles, incomplètes et sur des généralités.

En ce qui concerne leur vie au …, les demandeurs exposent que suite à l’élection du président vénézuélien Nicolas MADURO, ce dernier aurait, en août 2015, ordonné la fermeture de la frontière entre le … et la … afin de lutter contre les paramilitaires colombiens et aurait procédé à l’expulsion de milliers de …Colombiens. Monsieur (A), qui aurait manifesté avec le parti d’opposition pour la révocation du président en place, explique qu’il aurait été menacé par la milice locale vénézuélienne, ce qui les aurait conduits à retourner en ….

En ce qui concerne leur situation en … depuis …, les demandeurs exposent que Monsieur (A), en sa qualité de trésorier élu de son quartier, aurait réclamé des documents comptables après avoir constaté des irrégularités dans les comptes. En conséquence, un commandant de l’EPL (« Armée Populaire de Libération ») l’aurait menacé en lui ordonnant de quitter le quartier ensemble avec sa famille, sous peine de devenir un « objectif militaire », le traitant de « balance » et lui interdisant de rapporter la conversation à la police. La famille aurait alors décidé de se réfugier dans un autre département en …, mais aurait été informée que deux motards se seraient renseignés sur leur lieu de séjour. Etant donné que « les leaders de l’opposition étaient régulièrement assassinés » et que les autorités … seraient incapables de les protéger pour être les complices des miliciens, les demandeurs auraient compris qu’ils ne seraient pas en sécurité en …. Ils précisent à cet égard que la … compterait parmi les pays les plus corrompus, tout comme le ….

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs soutiennent que tant au … qu’en …, ils courraient un risque réel de subir des atteintes graves, au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, compte tenu, d’une part, du fait que Monsieur (A) aurait fait l’objet de menaces personnelles de la part de groupes armés vénézuéliens et de milices colombiennes soutenues par les autorités en place en raison de son activisme politique et, d’autre part, des « multiples disparitions et assassinats de personne[s] publique[s] et politique[s] dans ces deux pays, avec la découverte de charniers ». Ils ajoutent que dans aucun de ces deux pays, ils ne pourraient bénéficier d’une protection étatique adéquate contre ces atteintes graves.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, en ce qui concerne le reproche des demandeurs à l’égard du ministre de s’être adonné à un « examen des plus superficiel et insuffisant des faits » en se basant sur des déclarations partielles, incomplètes et sur des généralités, le tribunal est amené à constater que cette affirmation générale et non autrement étayée est à écarter pour être simplement suggérée, étant souligné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des 8 demandeurs et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses affirmations.

Quant au bien-fondé de la décision de refus d’une protection internationale, il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, […], et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou 9 c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le 10 demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Il échet de rappeler que la question de savoir si un étranger craint avec raison d’être persécuté ou de subir des atteintes graves doit être examinée par rapport au pays dont celui-ci a la nationalité. En effet, tant que l’intéressé n’éprouve aucune crainte vis-à-vis du pays dont il a la nationalité, il n’est possible d’attendre de lui qu’il se prévale de la protection de ce pays. Il n’a pas besoin d’une protection internationale et, par conséquent, il n’est ni à considérer comme réfugié ni comme devant bénéficier du statut conféré par la protection subsidiaire1.

Si le demandeur de protection internationale a une double nationalité, sa demande devra être appréciée par rapport au risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourt dans chacun des pays dont il a la nationalité, l’octroi de la protection internationale ne se justifiant, dans ce cas, seulement dans l’hypothèse où les conditions afférentes sont réunies par rapport à chacun des pays en question2.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, doit examiner, en plus de la situation générale du pays d’origine, la situation particulière du demandeur de protection internationale et vérifier, concrètement, si sa situation subjective a été telle qu’elle laissait supposer un danger pour sa personne.

En l’espèce, indépendamment de la qualification des faits invoqués par les demandeurs et plus particulièrement de la question de savoir si ces faits ont été motivés par un des critères de fond de la Convention de Genève, l’examen desdits faits ensemble les moyens et les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les faits en question n’atteignent pas le niveau de gravité requis pour être qualifiés de persécutions au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 ou d’atteintes graves au sens de l’article 48 la même loi.

1 Trib. adm., 15 décembre 2004, n° 18573 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 129 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 19 mars 2015, n° 35742 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 130.

11 Le tribunal est, dans ce contexte, amené à constater qu’à l’appui de leurs demandes de protection internationale, les demandeurs invoquent une menace de mort par arme à feu à l’encontre de Monsieur (A), perpétrée par des personnes se présentant comme des « tupamaros » au … en 2016.

Le tribunal relève encore que les consorts (AB) déclarent avoir quitté la … au motif que le 16 janvier 2022, un commandant de l’ « ELP » aurait menacé Monsieur (A) par téléphone en lui ordonnant de quitter le quartier, et que deux motards auraient proféré des menaces à son égard auprès de ses beaux-parents.

En ce qui concerne tout d’abord la menace de mort proférée à l’encontre de Monsieur (A) au …, il se dégage des déclarations des demandeurs auprès du ministère que le 2 novembre 2016, quatre hommes se seraient présentés à leur domicile et auraient menacé Monsieur (A) de mort s’il ne quittait pas le pays dans les vingt-quatre heures.

Or, si la menace de mort dont les demandeurs font ainsi état est certes condamnable, elle n’est néanmoins pas à elle seule d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiée d’acte de persécution ou d’une atteinte grave.

En effet, force est de constater, d’un côté, que ladite menace constitue un incident isolé non suivi d’un quelconque acte de violence concret, étant précisé que les demandeurs ont vécu au … pendant … ans sans avoir été victimes d’une quelconque autre agression. Il échet, de l’autre côté, de retenir que la menace en question est trop éloignée dans le temps pour pouvoir fonder une demande de protection internationale sept ans après, étant souligné que les demandeurs ont vécu les sept ans suivant cet incident en …, de sorte qu’il peut être raisonnablement admis que ladite menace n’est plus d’actualité en cas de retour des demandeurs au ….

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent et des éléments à sa disposition, le tribunal est amené à conclure que les faits invoqués par les demandeurs en relation avec le … ne sont pas de nature à justifier l’octroi d’une protection internationale.

En ce qui concerne la menace verbale en janvier 2022 en … de la part d’un commandant de l’ « ELP » qui lui aurait ordonné de quitter le quartier, le demandeur a déclaré ce qui suit auprès du ministère : « Il avait un ordre d’expulsion du quartier parce que j’étais une balance et parce qu’avais demandé les comptes et que je me mêlais de choses dont je ne devais pas me mêler. Et si je fais pas ça, j’étais un objectif militaire »3. Il a également déclaré que deux motards se seraient présentés chez ses beaux-parents pour se renseigner sur eux et proférer des menaces à son égard.

Or, le tribunal est amené à retenir que ces simples menaces verbales, non suivies d’un quelconque acte de violence concret, ne sont pas non plus d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiées d’actes de persécution ou d’atteintes graves, de sorte qu’elles ne sont pas de nature à justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, et à défaut d’autres moyens, que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit aux demandes de protection 3 Rapport d’entretien de Monsieur (A), page 6.

12 internationale des consorts (AB), de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.

2) Quant au recours visant la décision du ministre du 10 août 2023 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 août 2023 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Les demandeurs n’ont pas invoqué de moyens spécifiques à l’appui de ce volet de leur recours.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en réformation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 août 2023 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 août 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

13 condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juin 2025 par :

Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49433
Date de la décision : 25/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-25;49433 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award