AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2004), que, saisi les 5, 14 avril et 28 août 1995 par le Syndicat des professionnels européens de l'automobile (SPEA) de pratiques d'ententes mises en oeuvre sur le marché de la distribution automobile, le Conseil de la concurrence (le Conseil), après enquête administrative dont le rapport lui a été transmis le 15 septembre 1998, après notification de griefs le 29 mars 2000 sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE, aux sociétés Renault et Peugeot et à leurs groupements de concessionnaire pour avoir mis en place des mesures ayant pour objet d'exclure les mandataires automobiles et les revendeurs indépendants de la distribution des véhicules de ces marques, et notification de griefs complémentaires le 15 février 2002 sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce au Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) pour organisation de menaces de boycott ayant pour objet de réduire la capacité concurrentielle des mandataires automobiles, après enfin disjonction le 26 mai 2003 de la saisine en trois procédures distinctes, a, par décision n° 03-D-68 du 23 décembre 2003, dit non prescrits les faits reprochés au CNPA, lui a infligé une sanction de 20 000 euros et a ordonné des mesures de publication ; que le CNPA a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que le CNPA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours et d'avoir rejeté l'exception de prescription alors, selon le moyen,
1 / qu'il résulte de l'article L. 462-7 du Code de commerce que le Conseil de la concurrence ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ; qu'en retenant qu'une notification de griefs interrompait la prescription à l'égard d'entreprises qui n'y étaient pas visées et pour des faits différents, la cour d'appel a violé le texte précité ;
2 / que le Conseil de la concurrence ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ; que les faits visés dans la notification de griefs adressée le 29 mars 2000 aux sociétés Renault et Peugeot ainsi qu'à leurs groupements de concessionnaires consistaient en l'octroi d'aides discriminatoires aux concessionnaires, la mise sur le marché de séries spéciales empêchant la réimportation de ces véhicules en France, l'interdiction de tout rabais sur certains modèles, des pressions et sanctions exercées par les fabricants à l'encontre de concessionnaires étrangers au réseau qui livrent des intermédiaires et des revendeurs indépendants, la mise en place par un fabricant d'une procédure de contrôle des bons de commande permettant de désavantager les commandes des acheteurs localisés en France, si bien qu'en retenant que cette notification de griefs avait interrompu la prescription relativement à des faits de menace de boycott à l'égard du Crédit de l'Est et du Républicain Lorrain, la cour d'appel a violé l'article L. 462-7 du Code de commerce ;
3 / qu'il résulte de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que l'impartialité doit s'apprécier objectivement ; que le Conseil de la concurrence a procédé par voie de notification de griefs complémentaires au CNPA, lequel n'était pas visé par les notifications de griefs initiales en date du 29 mars 2000, puis a décidé la disjonction de l'affaire en trois dossiers distincts concernant respectivement les faits reprochés aux sociétés Renault et Peugeot ainsi qu'à leurs groupements de concessionnaires et ceux reprochés au CNPA ; que, statuant sur les recours formés par le SPEA contre les décisions du Conseil de la concurrence relatives aux pratiques mises en oeuvre par les constructeurs et leurs groupements de concessionnaires, la cour d'appel de Paris a retenu que les faits reprochés au CNPA "ne sont pas de même nature" que ceux reprochés aux constructeurs et à leurs concessionnaires et que les allégations d'interférences à l'origine d'un effet cumulatif entre les pratiques des deux constructeurs et celles reprochées au CNPA ne sont pas étayées, si bien qu'en énonçant, pour décider que la notification des griefs concernant les faits reprochés aux constructeurs et à leurs groupements de concessionnaires avait valablement interrompu la prescription à l'égard de ceux reprochés au CNPA, qu'il existait des liens étroits entre eux, la cour d'appel a rendu une décision de nature à faire peser un doute raisonnable sur l'impartialité des juges au sens du texte précité ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'un acte tendant à la recherche, la constatation ou la sanction de pratiques anticoncurrentielles, même s'il ne concerne que certaines des entreprises incriminées ou une partie seulement des faits commis pendant la période visée par la saisine, interrompt la prescription à l'égard de toutes les entreprises concernées et pour l'ensemble des faits dénoncés dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien de connexité ; qu'ayant constaté que les pratiques visées dans les deux notifications de griefs, issues d'une saisine unique et ayant fait l'objet d'un rapport d'enquête commun, présentent entre elles des liens étroits résultant du fait que les pratiques dénoncées auraient pour objet commun de faire obstacle à la concurrence des mandataires sur le marché de la distribution automobile, c'est à juste titre que la cour d'appel a confirmé la décision du Conseil retenant que la notification des griefs relative aux faits imputés aux constructeurs et à leurs groupements de concessionnaires a interrompu la prescription s'agissant des pratiques reprochées au CNPA ;
Et attendu, en second lieu, que, bien que de nature différente, des faits sont susceptibles de présenter entre eux des rapports étroits caractérisant leur connexité ; que le moyen manque en fait en sa troisième branche ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Centre national des professions de l'automobile aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le Centre national des professions de l'automobile à payer au Ministre de l'économie DGCCRF la somme de 2 000 euros et au Syndicat des professionnels européens de l'automobile la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille cinq.