CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 13 mars 1997, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 et 319 de l'ancien Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le docteur X... coupable du délit d'homicide involontaire et en ce qu'il l'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'au paiement d'une amende de 10 000 francs ;
" aux motifs que, s'agissant de la qualification d'homicide involontaire, il convient dans un premier temps, de rappeler les principes juridiques gouvernant la matière ; que diverses dispositions conventionnelles telles que l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'article 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques, que l'article 6 de la Convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, reconnaissent l'existence, pour toute personne, et notamment l'enfant, d'un droit à la vie protégé par la loi ; qu'en droit interne, l'article 1er de la loi 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse a précisé que " la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie ; (qu') il ne saurait être porté une atteinte à ce principe qu'en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi " ; que, par ailleurs, la loi 94-653 du 29 juillet 1994, relative au respect du corps humain, a rappelé dans l'article 16 du Code civil que " la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie " ; que ces dispositions législatives ne sauraient être considérées comme de simples déclarations d'intention, dépourvues de tout effet juridique, alors que l'article 16-9 du Code civil indique que les dispositions de l'article 16 sont d'ordre public ; que de son côté, la Cour de Cassation, chambre criminelle, dans 2 arrêts rendus le 27 novembre 1996, a fait application de ces principes de droit international et de droit interne en précisant que la loi du 17 janvier 1975 n'admet qu'il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé en son article 1er, qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu'elle définit ; qu'elle a ajouté qu'eu égard aux conditions ainsi posées par le législateur, l'ensemble des dispositions issues de cette loi et de celles du 31 décembre 1979 relatives à l'interruption volontaire de grossesse n'étaient pas incompatibles avec les stipulations conventionnelles précitées ; qu'elle a par ailleurs rappelé que lors de la signature à New York le 26 janvier 1990 de la Convention relative aux droits de l'enfant, la France avait formulé une déclaration interprétative selon laquelle cette Convention ne saurait être interprétée comme faisant obstacle à l'application des dispositions de la législation française relative à l'interruption volontaire de grossesse ; que cette réserve démontre, a contrario, que ladite Convention était susceptible de concerner le foetus de moins de 6 semaines, délai légal en France de l'interruption volontaire de la grossesse ; qu'il en résulte que, sous réserve des dispositions relatives à l'interruption volontaire de la grossesse et celles relatives à l'avortement thérapeutique, la loi consacre le respect de tout être humain dès le commencement de la vie, sans qu'il soit exigé que l'enfant naisse viable, du moment qu'il était en vie lors de l'atteinte qui lui a été portée ;
" et aux motifs qu'au demeurant, la viabilité constitue une notion scientifiquement contingente et incertaine comme le reconnaît le prévenu lui-même qui, poursuivant actuellement des études aux Etats-Unis, a précisé devant la Cour que des foetus nés 23 ou 24 semaines après la conception avaient pu être maintenus en vie, alors qu'une telle hypothèse était totalement exclue quelques années auparavant ; que, dans la consultation établie par le professeur A...et produite par le docteur X..., il est fait état du rapport du professeur B... indiquant que l'embryon n'est que l'expression morphologique d'une seule et même vie qui commence dès la fécondation et se poursuit jusqu'à la mort, en passant par différentes étapes, sans que l'on sache à quel moment le zygote devient embryon, l'embryon foetus, le seul fait indiscutable étant le démarrage du processus de vie lors de la fécondation (consultation du professeur A..., p. 7) ; qu'ainsi, la viabilité lors de la naissance, notion scientifiquement contingente, incertaine, est de surcroît dépourvue de toute portée juridique, la loi n'opérant aucune distinction à cet égard ; qu'en l'espèce, il est établi que lors de l'échographie effectuée le 27 novembre 1991, suivie le même jour de la perte du liquide amniotique, la grossesse de Y..., épouse Z... se poursuivait normalement et que l'enfant qu'elle portait était en vie ; que lors de l'avortement thérapeutique réalisé le 5 décembre 1991, il a été constaté que, selon les mensurations de l'enfant comparée aux tables publiées, il était permis d'attribuer à ce foetus un âge de 20 à 21 semaines, qui pourrait même être supérieur dans la mesure où il n'est pas certain que ces tables prennent en compte la morphologie propre aux enfants d'origine vietnamienne, le docteur X..., interrogé sur ce point à l'audience, n'ayant pu fournir aucune précision supplémentaire ; que l'examen anatomo-pathologique avait permis de conclure que le poumon foetal présentait un âge de 20 à 24 semaines ; qu'il résulte de l'ensemble de ces indications que l'âge du foetus était de 20 à 24 semaines, ses mensurations incitant plutôt à incliner vers la branche basse de l'évaluation ; qu'en tout état de cause, l'âge de ce foetus était très proche de celui de certains foetus ayant pu survivre aux Etats-Unis comme l'a précisé le docteur X... ; que les photographies figurant au dossier sous la côte D 32 montrent un enfant parfaitement formé dont la vie a été interrompue par la négligence du prévenu ; que comme l'avait fait remarquer la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 2 juin 1987, si l'atteinte portée à l'enfant avait provoqué une lésion n'entraînant pas sa mort, la qualification de blessures involontaires eût été retenue sans hésitation aucune ; qu'à plus forte raison, la qualification d'homicide involontaire doit être retenue s'agissant d'une atteinte ayant provoqué la mort de l'enfant ; qu'ainsi, tant l'application stricte des principes juridiques que les données acquises de la science, que des considérations d'élémentaire bon sens, conduisent à retenir la qualification d'homicide involontaire s'agissant d'une atteinte par imprudence ou négligence portée à un foetus âgé de 20 à 24 semaines en parfaite santé, ayant causé la mort de celui-ci ;
" 1° alors que le fait de provoquer involontairement une interruption de grossesse ne constitue pas le délit d'homicide involontaire sur le foetus ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que, subsidiairement, le fait de provoquer involontairement une interruption de grossesse ne constitue pas le délit d'homicide involontaire sur le foetus, lorsque celui-ci n'était pas viable au moment de cette interruption ; qu'en déclarant néanmoins le docteur X... coupable du délit d'homicide involontaire sur le foetus porté par Y..., épouse Z..., en considérant que certains foetus du même âge avaient exceptionnellement pu naître viables, sans constater qu'en l'espèce, le foetus était certainement viable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3° alors que, très subsidiairement, le délit d'homicide involontaire suppose l'existence d'un lien de causalité directe entre la faute et le décès ; qu'en décidant néanmoins que le docteur X... avait commis le délit d'homicide involontaire, après avoir constaté que la mort du foetus avait été provoquée non par l'atteinte portée par le médecin à la poche des eaux, mais par l'avortement thérapeutique pratiqué ultérieurement, ce dont il résultait que le lien de causalité entre la faute reprochée au docteur X... et la mort du foetus n'était pas direct, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 111-4 du Code pénal ;
Attendu que la loi pénale est d'interprétation stricte ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'une confusion résultant de l'homonymie entre 2 patientes présentes dans le même service de gynécologie, X..., docteur en médecine, a procédé sur l'une d'elles, venue pour un examen de grossesse, à une intervention visant à extraire un stérilet ; que cet acte a provoqué une rupture de la poche des eaux rendant nécessaire l'expulsion du foetus ;
Attendu que X... a été poursuivi pour atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître ;
Attendu que, pour le déclarer coupable d'homicide involontaire, la juridiction du second degré relève que l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques reconnaissent l'existence, pour toute personne, d'un droit à la vie protégé par la loi ; qu'elle souligne que la loi du 17 janvier 1975, relative à l'interruption volontaire de grossesse, pose le principe du respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, désormais rappelé par l'article 16 du Code civil dans la rédaction issue de la loi du 29 juillet 1994 ; qu'ensuite elle énonce qu'en intervenant sans examen clinique préalable, le médecin a commis une faute d'imprudence et de négligence, qui présente un lien de causalité certain avec la mort de l'enfant que portait la patiente ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits reprochés au prévenu n'entrent pas dans les prévisions des articles 319 ancien et 221-6 du Code pénal, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, en date du 13 mars 1997 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.