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17/09/2024 | FRANCE | N°22TL22503

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 17 septembre 2024, 22TL22503


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société ORA E-Car a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune d'Agde à lui verser la somme de 33 034,82 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux de la banque centrale européenne majoré de 10 points à compter du 7 décembre 2020, et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices causés par le mauvais état des véhicules restitués à l'issue des contrats de location de voitures électriques pour l'exp

loitation du golf international du Cap d'Agde et de l'absence de paiement de frais de locatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ORA E-Car a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune d'Agde à lui verser la somme de 33 034,82 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux de la banque centrale européenne majoré de 10 points à compter du 7 décembre 2020, et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices causés par le mauvais état des véhicules restitués à l'issue des contrats de location de voitures électriques pour l'exploitation du golf international du Cap d'Agde et de l'absence de paiement de frais de location.

Par un jugement n° 2101464 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune d'Agde à verser à la société ORA E-Car la somme totale de 8 239,54 euros toutes taxes comprises avec intérêts au taux de 1,5 fois le taux d'intérêt légal à compter du 7 décembre 2020, la somme de 147 euros au titre des frais forfaitaires de recouvrement, la somme de 864,09 euros toutes taxes comprises au titre des dépens, ainsi que celle de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la demande de la société ORA E-Car.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés au greffe le 9 décembre 2022 et le 25 juillet 2024, la société ORA E-Car, représentée par Me Azam, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier en ce qu'il ne fait droit que partiellement à ses demandes indemnitaires ;

2°) à titre principal, de condamner la commune d'Agde à lui verser la somme de 5 517,39 euros toutes taxes comprises au titre de la location de voiturettes pour les mois de juin et juillet 2020, celle de 26476, 94 euros toutes taxes comprises au titre de la remise en état des véhicules, d'assortir ces deux sommes des intérêts au taux de la banque centrale européenne majoré de 10 points à compter du 7 décembre 2020 ainsi que de la capitalisation des intérêts, la somme de 864,09 euros toutes taxes comprises au titre des dépens, ainsi que celle de 147 euros au titre des frais forfaitaires de recouvrement, soit la somme totale de 33 034,82 euros toutes taxes comprises , en réparation des préjudices que lui a causé la restitution dans un état dégradé des voiturettes électriques loués à la commune pour le fonctionnement du golf international du Cap d'Agde ;

3°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Agde la somme de 5000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société ORA E-Car soutient que :

- les frais de remise en état des véhicules doivent être entièrement mis à la charge du locataire, la commune d'Agde, en vertu des articles 1732 et 1147 du code civil, ainsi qu'en vertu de l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre conclu le 22 juillet 2016, et des articles 1, 4, 6-B des conditions générales de location annexées aux contrats de location de longue durée ;

- un constat d'huissier établi les 23 et 24 juillet 2020 lors de la restitution des véhicules montre qu'ils étaient très dégradés ; de plus, les clés de ces véhicules n'ont pas été remises ;

- concernant les batteries, il a été demandé réparation de celles qui étaient totalement déchargées faute d'avoir été entretenues par l'exploitant du Golf après application d'une remise de 50 % ; c'est donc à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de la société appelante sur ce point à hauteur de la somme demandée de 5 035,38 euros hors taxes, soit 6 042,45 euros toutes taxes comprises ;

- pour ce qui est des dégradations des banquettes des véhicules, pour lesquelles le constructeur n'a jamais attesté d'une quelconque malfaçon, la société ORA E-Car a livré des véhicules conformes à leur destination et exempts de vices, le constat d'huissier produit au dossier établissant la diversité des dégradations pouvant concerner, soit les banquettes, soit les dossiers ;

- en ce qui concerne les carrosseries, le tribunal a méconnu les règles de preuve en considérant comme non probante la production d'un constat d'huissier qui attestait pourtant de l'existence de dégradations et en inversant la charge de la preuve ; la commune n'apporte pas la preuve qu'elle a respecté ses obligations contractuelles en vertu desquelles elle devait maintenir les véhicules loués " en bon état de marche et de présentation, assurer l'entretien courant et payer toute réparation ou remplacement des pièces usées " ;

- en ce qui concerne la mise en action de la garantie du constructeur, en vertu de l'article 10 des contrats de location, elle devait être présentée par le locataire, la commune d'Agde ;

- la commune doit donc être condamnée à lui verser la somme de 26 476,94 euros toutes taxes comprises au titre des frais de remise en état des véhicules ;

- pour ce qui est de l'application des intérêts de retard et de la capitalisation des intérêts, l'article 8.3 du cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre conclu le 22 juillet 2016 prévoit que les intérêts de retard devront être payés au taux de la banque centrale européenne majoré de huit points à compter des échéances des factures impayées, soit en l'espèce les 15 mai et 14 septembre 2020, ces intérêts devant être également assortis de la capitalisation en vertu des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; c'est à tort que les premiers juges ont fait application du taux mentionné sur les factures qui prévoient de façon erronée un taux de pénalité égal à 1,5 fois le taux d'intérêt légal ; les mentions erronées portées sur les factures ne sauraient prévaloir sur l'application des stipulations contractuelles ; la commune doit donc être condamnée à lui verser la somme de 8 399, 54 euros toutes taxes comprises au titre des intérêts liés aux retards de paiement des factures ;

- pour le surplus, le jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier devra être confirmé.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 1er juin 2023 et le 8 août 2024, la commune d'Agde, représentée par Me Cretin, conclut :

1°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement, en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société ORA E-Car, les sommes respectives de 1 603,50 euros hors taxes, 5 517,39 euros toutes taxes comprises, 864,09 euros toutes taxes comprises ;

2°) au rejet de la requête de la société ORA E-Car ;

3°) et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société ORA E-Car au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient :

En ce qui concerne ses conclusions tendant au rejet de la requête d'appel de la société ORA E-Car :

- les moyens invoqués par la société ne sont pas fondés ; en effet, pour ce qui est des frais de remise en état des véhicules, l'article 6 B " restitution " des conditions générales de location, stipule que ces frais " sont évalués par référence aux recommandations du syndicat des loueurs en considérant l'usure normale du véhicule " ; ces recommandations fixent les limites de l'acceptabilité de la remise en état des véhicules par le propriétaire, qui est fondée sur la distinction entre les dégradations selon qu'elles excèdent ou non l'usure normale des véhicules ; en l'espèce, les véhicules ont été loués au Golf d'Agde pendant quatre ans, et il est normal que des dégradations soient intervenues, notamment sur la carrosserie, liées à l'usage normal des véhicules ;

-pour ce qui est des batteries, la commune a veillé à leur bon entretien, a informé la société des pannes, et le technicien de la société, lorsqu'il est intervenu pour changer les batteries en août 2019, n'a pas procédé à leur remplissage, ce qui est à l'origine de leur défaillance ;

- s'agissant de la sellerie, les banquettes font l'objet de malfaçons d'origine ; il s'agit d'un défaut du constructeur dès lors que seuls les véhicules correspondant à la même série d'immatriculations, présentent des malfaçons ; à cet égard contrairement à ce que soutient la société appelante, c'est à elle que revenait la charge de demander l'application de la garantie du constructeur, nonobstant la rédaction de l'article 10 " recours en garantie " des conditions générales de location, qui est en contradiction avec le cahier des clauses administratives particulières ; la fiche technique des voiturettes, prévoit une garantie du constructeur pour une durée de quatre ans, notamment pour ce qui est des " sièges standards " et la société ne justifie pas avoir actionné la garantie du constructeur ;

- pour ce qui est des rayures des carrosseries, les documents émanant du syndicat des entreprises des services automobiles LDD et des mobilités prévoient notamment qu'excède l'usure normale, en ce qui concerne la carrosserie, des rayures supérieures à 3 centimètres ; or en l'espèce, la société ORA E-Car a facturé à la commune des frais de réparation de carrosserie, pour des dégradations n'excédant pas l'usure normale des véhicules, ce qui au demeurant a été constaté par l'huissier qui a été mandaté par la société ; par ailleurs, la société ne lui a jamais fait parvenir les procès-verbaux établis lors de la réception des véhicules, si bien que la commune n'est pas en mesure d'établir une comparaison de l'état des véhicules entre leur réception et leur restitution ;

- les intérêts de retard et la capitalisation ne peuvent être accordés à la société ORA E-Car, faute pour les sommes en principal d'être dues ;

En ce qui concerne ses conclusions en appel incident :

- en premier lieu, pour ce qui est des bris de parebrise , c'est à tort que les premiers juges ont condamné la commune à verser à la société ORA E-Car la somme de 1 603,50 euros hors taxes, dès lors que comme l'indiquait la commune dans un courrier adressé à la société le 11 février 2021, elle ne saurait être responsable des bris de parebrise, compte tenu de ce que les montants des parebrises ont été perforés par la société, ce qui n'a pas été validé par le constructeur, et que cette perforation a entrainé une fragilité de l'ensemble des parebrises ;

- en ce qui concerne les loyers impayés, c'est à tort que les premiers juges ont condamné la commune à verser à la société ORA E-Car la somme de 1 603,50 euros hors taxes, compte tenu de ce que si la société s'était conformément à l'article 11 " Garantie des prestations " du cahier des clauses administratives particulières du contrat d' accord-cadre de fournitures courantes et de services, engagée à changer les pièces défectueuses des véhicules, dont les pannes des batteries ont été signalées à la société le 8 mars 2020, ces batteries n'ont fait l'objet le 26 mai 2020, que d'un remplissage et non d'un changement, et la société a reconnu le 16 juin 2020, l'existence de batteries défectueuses ; plusieurs véhicules ont donc été inutilisables et ont été immobilisés durant les mois de juin et juillet 2020 ; il ne peut donc être mis à la charge de la commune le paiement de loyers pour les véhicules qui étaient inutilisables, soit pour les véhicules 1, 3, 4, 5, 8, 13, et 14 ;

- en ce qui concerne les frais d'huissier, ils ne font pas partie des dépens de l'instance dès lors que le constat d'huissier n'a été établi qu'à l'initiative de la société ORA E-Car.

Vu :

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2013-269 du 23 mars 2013 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Azam pour la société Ora E Car et de Me Guerrier substituant Me Crétin pour la commune d'Agde.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Agde, qui gère le golf international du Cap d'Agde, a conclu, le 20 juillet 2016, un accord-cadre de fournitures courantes et de services avec la société ORA Véhicules Electriques SAS pour la location de voiturettes électriques. Trois contrats de location ont été conclus, le 22 juillet 2016, pour une durée de quatre ans concernant 22 voiturettes de marque dont 18 étaient neuves et 4 reconditionnées. Un quatrième contrat a par ailleurs été conclu pour la location de 22 modules GPS. Après leur restitution en juillet 2020, soit à l'issue de la période d'exécution des contrats, la société ORA E-Car, venant aux droits de la société ORA Véhicules Electriques SAS, a estimé que les voiturettes étaient affectées de dégradations ou d'usures anormales. Elle a alors demandé à la commune d'Agde, le 7 décembre 2020, le paiement des frais de remise en état des véhicules ainsi que les loyers restés impayés. A ce titre, elle a émis le 14 septembre 2020 des factures d'un montant total de 26 476,94 euros et de 1 480,40 euros, toutes taxes comprises, que la commune d'Agde a refusé de payer. La société ORA E-Car a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation de la commune d'Agde à lui verser la somme de 33 034,82 euros représentant les frais de remise en état des véhicules, les loyers impayés pour les mois de juin et juillet 2020 ainsi que les frais forfaitaires de recouvrement et ceux relatifs à l'établissement de constats d'huissier.

2. Par un jugement du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune d'Agde à verser à la société ORA E-Car, au titre des frais de location et de frais divers de remise en état de véhicules, la somme totale de 8 239,54 euros toutes taxes comprises avec intérêts au taux de 1,5 fois le taux d'intérêt légal à compter du 7 décembre 2020, la somme de 147 euros au titre des frais forfaitaires de recouvrement ainsi que la somme de 864,09 euros représentant les frais d'huissier. Le tribunal a en revanche rejeté le surplus de la demande de la société ORA E-Car.

3. Par la présente requête, la société ORA E-Car relève appel du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses conclusions, et la commune d'Agde, par la voie de l'appel incident, relève appel du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société ORA E- Car les sommes respectives de 1 603,50 euros au titre de la réparation des parebrises, de 5 517,39 euros pour la location des GPS et 22 voiturettes pour les mois de juillet et août 2020, et la somme de 864,09 euros au titre de frais d'huissier.

Sur l'appel principal de la société ORA E-Car :

En ce qui concerne les frais de remise en état des véhicules :

4. En vertu de l'article 11 " Garantie des prestations " du cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services conclu le 20 juillet 2016 entre la commune d'Agde et la société ORA Véhicules Electriques SAS, aux droits de laquelle est venue la société ORA E-Car, les batteries des voiturettes étaient garanties par la société Ora E-Car pendant une durée de 48 mois, " contre le bris dû à des défauts dans les matériaux ou les vices de fabrication. Pendant cette durée de garantie de 48 mois minimum, l'opérateur économique s'oblige à remettre en état, remédier aux défauts ou désordres constatés dans la qualité des batteries ou remplacer à ses frais les batteries qui seraient reconnues défectueuses ... ". Par ailleurs, en vertu de l'article 4 des conditions générales de location annexées aux contrats de location de longue durée : " ...Utilisation et entretien des équipements. Le locataire est le gardien des équipements. Le locataire doit se conformer aux lois et règlements concernant sa détention, son usage et respecter les recommandations et les limites prévues par le constructeur (entretiens et révisions périodiques) les conséquences des infractions et dépassements étant à sa charge ... Le locataire devra maintenir en bon état de marche et de présentation, assurer l'entretien courant et payer toute réparation ou remplacement de pièces usées en fonction des prestations lui incombant décrites (dans) la documentation techniques (et des) préconisations du constructeur... ".

S'agissant des batteries :

5. Il résulte des stipulations précitées que la charge de l'entretien des batteries des voiturettes, y compris pendant la période d'activité " creuse " de six mois entre octobre et fin mars, incombait à l'exploitant du golf et non à la société ORA E-Car. Toutefois, la somme de 6 042,45 euros en litige se rapporte au remplacement de batteries de sept véhicules sur lesquels, sans contestation à cet égard de la société appelante, des packs batteries ont été remplacés par des techniciens de la société ORA E - Car en août et septembre 2019 mais sans remplissage automatique par de l'eau déminéralisée des batteries après leur remplacement. Il ne résulte pas de l'instruction que les dysfonctionnements de ces batteries, constatés le 12 mars 2020, auraient eu une autre origine que leur absence de remplissage, action qui incombait aux techniciens de la société ORA E-Car qui, compte tenu des fautes ainsi commises, n'est pas fondée à demander la mise à la charge de la commune de la somme précitée.

S'agissant des dégradations constatées sur les banquettes des véhicules :

6. La société ORA E-Car demande, comme en première instance, la condamnation de la commune d'Agde à l'indemniser des dégradations affectant les banquettes des véhicules et constatées lors de leur restitution. En vertu des stipulations précitées de l'article 4 des conditions générales de location annexées aux contrats de location de longue durée, le locataire devait maintenir les véhicules " ... en bon état de marche et de présentation ... ". Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'huissier réalisé les 23 et 24 juillet 2020, auquel sont annexées des photographies, que les revêtements des banquettes et des sièges de chacun des véhicules considérés présentent des déchirures identiques, si bien que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les dégradations dont il s'agit ne peuvent être attribuées à un usage anormal des véhicules au cours de la période d'exécution du contrat, mais résultent d'une malfaçon d'origine des housses, sans qu'importe la circonstance que le constructeur se soit abstenu de signaler une quelconque malfaçon de ces revêtements. Dans ces conditions, la responsabilité de la commune d'Agde ne saurait être engagée à raison d'un usage anormal des véhicules qui lui ont été loués.

S'agissant des carrosseries :

7. La société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme n'ayant pas de valeur probante le constat d'huissier établi les 23 et 24 juillet 2020 aux seuls motifs qu'il n'a pas été établi contradictoirement et que son auteur ne présente pas d'expérience particulière dans le domaine des voiturettes électriques. A cet égard ce constat, qui a été versé aux pièces du dossier de première instance, comporte un nombre très important de photographies des différents véhicules concernés, et permet d'apprécier l'état de leur carrosserie au moment de leur restitution. Il est constant que sur les 22 voiturettes louées en juillet 2016 à la commune, 18 d'entre elles étaient dans un état neuf et quatre " reconditionnées ". Ainsi, la commune a été mise en possession, en début de contrat, de véhicules en bon état et donc exempts de dégradations observées par l'huissier dans le constat précité. La circonstance invoquée par la commune selon laquelle les procès-verbaux établis lors de la réception des véhicules - à supposer qu'ils aient existé - ne lui auraient pas été transmis ne fait pas obstacle à ce que la société se prévale, sur le fondement du constat d'huissier qu'elle a fait dresser, des dégradations observées sur ces véhicules lors de leur restitution en juillet 2020.

8. Aux termes de l'article 4 des " conditions générales de location " annexées aux contrats de location de longue durée : " ...Utilisation et entretien des équipements. Le locataire est le gardien des équipements. Le locataire doit se conformer aux lois et règlements concernant sa détention, son usage et respecter les recommandations et les limites prévues par le constructeur (entretiens et révisions périodiques) les conséquences des infractions et dépassements étant à sa charge ... Le locataire devra maintenir en bon état de marche et de présentation, assurer l'entretien courant et payer toute réparation ou remplacement de pièces usées en fonction des prestations lui incombant décrites (dans) la documentation techniques (et des) préconisations du constructeur... ". Selon l'article 6 des conditions générales de location : " ... B - Restitution. Dès la fin de la location, ..., le locataire doit restituer les équipements en bon état d'entretien et de fonctionnement au loueur... Les frais de remise en état sont évalués en référence aux recommandations du syndicat des loueurs en considérant l'usure normale du véhicule ... ".

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du constat d'huissier établi les 23 et 24 juillet 2020, que plusieurs véhicules présentent sur leurs carrosseries des impacts et des rayures parfois très importants. Certaines de ces dégradations, alors même qu'elles touchent des véhicules ayant été utilisés pendant quatre ans, doivent être regardées comme ayant excédé celles correspondant à une usure normale au sens de l'article 6 précité des conditions générales de location, lequel renvoie aux recommandations du syndicat des loueurs selon lesquelles des rayures inférieures à 3 centimètres ne révèlent pas une telle usure. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société, au titre des importants dommages affectant les carrosseries de certains véhicules, en l'évaluant à la somme de 5000 euros, toutes taxes comprises. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées sur ce point par la société appelante.

En ce qui concerne l'application des intérêts de retard et la capitalisation des intérêts :

10. En vertu de l'article 8 du décret du 23 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans la commande publique repris par l'article R 2192-31 code de la commande publique : " Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage... ". Ces dispositions sont reprises par l'article 8.3 du cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre conclu le 22 juillet 2016, lequel prévoit que les intérêts de retard devront être payés au taux de la banque centrale européenne, majoré de huit points passé un délai de 30 jours à compter de la date de réception des demandes de paiement. Par ailleurs, en vertu de l'article 67 de la loi du 8 août 1994, abrogé par une ordonnance du 26 novembre 2018 pour être repris à l'article L. 2192-14 du code de la commande publique, la renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite. Dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont fait application du taux mentionné sur les factures émises par la société et qui prévoyaient, en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées, un " taux de pénalité " égal à 1,5 fois le taux d'intérêt légal. La société ORA E-Car est donc fondée à demander, conformément à ce que prévoit l'article 8.3 du contrat, que les sommes qui lui sont dues soient assortie des intérêts de retard au taux de la banque centrale européenne majoré de huit points dans les conditions fixées au point 14 ci-dessous du présent arrêt.

Sur l'appel incident de la commune d'Agde :

En ce qui concerne les pares-brises :

11. Il résulte de l'instruction que sur 22 véhicules, 10 ont été restitués avec un parebrise soit manquant, soit cassé. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les techniciens de la société seraient responsables de ces désordres, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à la société ORA E-Car la somme totale de 1 603,50 euros hors taxes au titre de la facturation des kits parebrises à 160,35 euros hors taxes l'unité.

S'agissant des loyers :

12. En l'absence dans les documents contractuels de stipulations prévoyant la possibilité, pour le loueur, de ne pas s'acquitter des loyers des véhicules contractuellement prévus par les contrats de location en cas de dysfonctionnements de ces véhicules, la commune d'Agde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée au versement de la somme de 5 517,39 euros à la société ORA E-Car pour la location des 22 GPS et 22 voiturettes pour les mois de juillet et août 2020.

S'agissant des frais de constat d'huissier :

13. En troisième lieu, si les frais afférents aux constats établis les 23 et 24 juillet 2020 par l'huissier mandaté par la société ORA E-Car ne peuvent, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, relever des dépens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ils constituaient néanmoins, le cas échéant, un préjudice indemnisable pour la société qui en demandait le paiement devant le tribunal administratif à hauteur de 864,09 euros toutes taxes comprises. Dès lors que les éléments apportés par ce constat d'huissier, notamment les nombreuses photographies des différents véhicules en litige qui y étaient jointes, sont utiles à la solution du litige, la commune d'Agde n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser la somme de 864,09 euros toutes taxes comprise à la société ORA E-Car.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander que la somme de 9 250, 63 euros que le tribunal a mise à la charge de la commune soit portée à 14 250,63 euros toutes taxes comprises et que cette la somme soit assortie des intérêts légaux à compter du 7 décembre 2020, date de la demande préalable, au taux de la banque centrale européenne majoré de huit points. Ces intérêts seront assortis de la capitalisation à compter du 14 avril 2022, date à laquelle les intérêts capitalisés ont été demandés, soit à une date à laquelle les intérêts moratoires étaient dus sur une année entière. Enfin, il en résulte aussi que l'appel incident présenté par la commune d'Agde doit être rejeté.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société ORA E-Car, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune d'Agde la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Agde le versement à la société ORA E-Car d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le tribunal administratif de Montpellier a mise à la charge de la commune d'Agde est portée à 14 250,63 euros toutes taxes comprises. Cette somme sera assortie, à compter du 7 décembre 2020, des intérêts moratoires tels que stipulés par l'article 8.3 précité du cahier des clauses administratives particulières de l'accord-cadre conclu le 22 juillet 2016, et de la capitalisation des intérêts à compter du 14 avril 2022.

Article 2 : Le jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 3 : La commune d'Agde versera la somme de 1 500 euros à la société ORA E-Car au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la société ORA E-Car est rejeté.

Article 5 : L'appel incident présenté par la commune d'Agde est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société ORA E-Car et à la commune d'Agde.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck,président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

F.Faïck

La greffière,

C.Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22503
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : AZAM SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;22tl22503 ?
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