| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 juillet 1973, 72-92221

CASSATION PARTIELLE SUR LE POURVOI FORME PAR : 1° X... (MICHEL) ;

2° X... (DENISE) ;

3° X... (MICHELE), PARTIES CIVILES, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PAU, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, DU 14 JUIN 1972 QUI, DANS DES POURSUITES POUR HOMICIDE INVOLONTAIRE, A RELAXE LES PREVENUS ET DEBOUTE LES PARTIES CIVILES DE LEURS DEMANDES. LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE;

SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

" ALORS QUE, D'UNE PART, LA JURIDICTION REPRESSIVE ETANT SAISIE IN REM PAR L'ACTION POURSUIVIE, ELLE N'ETAIT PAS LIEE PAR LES TERMES DE LA PREVENTION ET MEME DANS LE CAS OU LES REGLEMENTS RETENUS PAR L'EXPERT N'AURAIENT PAS ETE APPLICABLES, LA COUR AURAIT DU RECHERCHER SI LES FRERES Y... N'AVAIENT PAS COMMIS UNE NEGLIGENCE OU UNE IMPRUDENCE DANS LEUR INSTALLATION QUI AURAIT ETE CONSTITUTIVE D'UNE FAUTE AUX TERMES DE L'ARTICLE 319 DU CODE PENAL ;

" ALORS QUE D'AUTRE PART, LA COUR DEVAIT D'AUTANT PLUS RECHERCHER SI LES FRERES Y... N'AVAIENT COMMIS AUCUNE NEGLIGENCE, IMPRUDENCE, QUE DANS LES ESSAIS EFFECTUES SUR LES LIEUX LE 19 JUILLET 1969 EN PRESENCE DES MAGISTRATS INSTRUCTEURS, DES PREVENUS, DES PARTIES CIVILES, L'EXPERT AVAIT ETABLI QUE DANS LES CONDITIONS OU IL ETAIT INSTALLE DANS LA SALLE DE DOUCHE, LE CHAUFFE-EAU PRODUISAIT DE L'OXYDE DE CARBONE A DOSE MORTELLE, POINT QUI A ETE SIGNALE DANS LES CONCLUSIONS ET AUQUEL LA COUR A OMIS DE REPONDRE ;

" ALORS QU'ENFIN LA COUR FAIT GRIEF A L'EXPERT D'AVOIR NEGLIGE LES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES APPLICABLES ANTERIEUREMENT ET TELLES QU'ELLES ETAIENT PRESCRITES DANS LA NOTICE D'INFORMATION DU CONSTRUCTEUR, SANS PRECISER QUELLES ETAIENT CES REGLES ET SANS AVOIR, POUR LE CAS OU ELLE N'EN ETAIT AUCUNEMENT INFORMEE, ORDONNE UNE NOUVELLE MESURE D'INSTRUCTION POUR DETERMINER SI CES REGLES AVAIENT ETE OBSERVEES ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;

QUE L'INSUFFISANCE DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;

QU'IL APPARTIENT AUX JUGES CORRECTIONNELS D'ORDONNER LES MESURES D'INSTRUCTION QU'ILS CONSTATENT AVOIR ETE OMISES ET QU'ILS DECLARENT UTILES A LA MANIFESTATION DE LA VERITE ;

ATTENDU QU'IL APPERT DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ET DE CELLES DU JUGEMENT DONT IL ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES, QUE, LE 31 MARS 1969, X... ALAIN, AGE DE 17 ANS, A TROUVE LA MORT DANS LA CABINE DE DOUCHES D'UN REFUGE DE MONTAGNE, OU IL SE LAVAIT, ET QUE LES EXPERTS COMMIS POUR RECHERCHER LA CAUSE DE CE DECES ONT " ESTIME QUE L'INTOXICATION PAR L'OXYDE DE CARBONE DEVAIT ETRE ADMISE " ;

QUE, SELON LES CONCLUSIONS D'UN AUTRE RAPPORT D'EXPERTISE, EGALEMENT REPRODUITES PAR L'ARRET, L'INSTALLATION DU CHAUFFE-EAU A GAZ DE CETTE CABINE DE DOUCHES N'ETAIT PAS CONFORME AUX NORMES REGLEMENTAIRES, EN RAISON DU VOLUME INSUFFISANT DE LADITE CABINE, DU MANQUE D'AERATION DE CELLE-CI ET DE L'INEFFICACITE DU CONDUIT DESTINE A L'EVACUATION DES PRODUITS DE LA COMBUSTION DU GAZ ;

QUE Y... JEAN-PIERRE ET SON FRERE Y... JEAN-BAPTISTE, QUI AVAIENT INSTALLE LE CHAUFFE-EAU EN 1964, ET A..., GERANT DU REFUGE, ONT ETE POURSUIVIS, EN VERTU DE L'ARTICLE 319 DU CODE PENAL POUR AVOIR PAR IMPRUDENCE, NEGLIGENCE ET INOBSERVATION DES PRESCRIPTIONS DE L'ARRETE MINISTERIEL DU 15 OCTOBRE 1962, ETE INVOLONTAIREMENT LA CAUSE DE L'HOMICIDE DE X... ALAIN ;

ATTENDU QUE POUR RELAXER LES FRERES Y... ET DEBOUTER LES PARTIES CIVILES DE LEURS DEMANDES LES CONCERNANT, L'ARRET ATTAQUE SE BORNE A ENONCER QUE L'ARRETE MINISTERIEL DU 15 OCTOBRE 1962 FIXANT LES REGLES TECHNIQUES ET DE SECURITE POUR LES INSTALLATIONS DE GAZ SITUEES A L'INTERIEUR DES LOCAUX D'HABITATION, N'ETAIT PAS APPLICABLE EN 1964 AUX INSTALLATIONS DE GAZ SE TROUVANT DANS DES ETABLISSEMENTS DE LA CATEGORIE A LAQUELLE APPARTENAIT LE REFUGE SUSVISE ET QUE C'EST SEULEMENT EN VERTU D'UN REGLEMENT DU 23 MARS 1965 QUE LES INSTALLATIONS GAZIERES DES ETABLISSEMENTS RECEVANT DU PUBLIC ONT ETE SOUMISES AUX PRESCRIPTIONS DE L'ARRETE PRECITE DU 15 OCTOBRE 1962 ;

QUE DES LORS, LES INSTALLATIONS DU CHAUFFE-EAU NE SAURAIENT SE VOIR REPROCHER D'AVOIR MECONNU LESDITES PRESCRIPTIONS ;

QUE L'ARRET AJOUTE QU'IL AURAIT FALLU TENIR COMPTE, AU COURS DE L'INSTRUCTION PREPARATOIRE, DES " NORMES D'INSTALLATION TELLES QU'ELLES EXISTAIENT AVANT L'ARRETE DU 15 OCTOBRE 1962, OU TELLES QU'ELLES POUVAIENT ETRE PRECISEES DANS LA NOTICE D'INSTALLATION DU CONSTRUCTEUR DU CHAUFFE-EAU " ;

QUE L'ARRET N'INDIQUE PAS, CEPENDANT, QUELLES ETAIENT CES NORMES, ET NE SE PRONONCE PAS SUR LE POINT DE SAVOIR SI ELLES ONT ETE, OU NON, OBSERVEES ;

MAIS ATTENDU QU'IL APPARTENAIT A LA COUR D'APPEL D'ORDONNER LES MESURES COMPLEMENTAIRES D'INSTRUCTION QU'ELLE CONSTATAIT AVOIR ETE OMISES ET DONT ELLE RECONNAISSAIT, IMPLICITEMENT, QU'ELLES EUSSENT ETE UTILES A LA MANIFESTATION DE LA VERITE ;

QUE, FAUTE PAR ELLE D'AVOIR ORDONNE LESDITES MESURES, ELLE NE POUVAIT LEGALEMENT SE FONDER, POUR RELAXER LES FRERES Y..., SUR L'INCERTITUDE QUI LUI PARAISSAIT EXISTER, A CET EGARD, QU'IL APPARTENAIT EGALEMENT A LA COUR D'APPEL DE RECHERCHER SI, ABSTRACTION FAITE D'UNE INOBSERVATION DES REGLEMENTS, LES FRERES Y... N'AVAIENT PAS COMMIS UNE IMPRUDENCE OU UNE NEGLIGENCE, QUI AURAIT PU ETRE EVENTUELLEMENT DEDUITE DE SES PROPRES ENONCIATIONS REPRODUISANT LES CONSTATATIONS MATERIELLES DE L'EXPERT RELATIVES A L'INSTALLATION DU CHAUFFE-EAU ;

QU'EN S'ABSTENANT DE LA FAIRE LES JUGES D'APPEL N'ONT PAS DONNE UNE BASE LEGALE A LEUR DECISION ;

QU'AINSI, EN CE QUI CONCERNE LES DISPOSITIONS DE L'ARRET RELATIVES AUX FRERES Y..., LA CASSATION EST ENCOURUE DE CES CHEFS ;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :

QUE CES INCIDENTS SUR LESQUELS D'AILLEURS L'EXPERT Z... NE SE SERAIT PAS PRONONCE, CE QUI AURAIT EVENTUELLEMENT PERMIS DE SAVOIR SI CES INCIDENTS N'ETAIENT PAS IMPUTABLES AU GAZ PROPANE LUI-MEME OU AU CIRCUIT D'ALIMENTATION EN GAZ DU CHAUFFE-EAU, N'AYANT ETE PORTES A LA CONNAISSANCE DU SIEUR A... EN SORTE QUE DANS L'IGNORANCE OU IL EN ETAIT ET EU EGARD A L'ASPECT APPARENT DE L'APPAREIL, AUCUNE FAUTE D'IMPRUDENCE, D'INATTENTION, DE NEGLIGENCE OU D'INOBSERVATION DES REGLEMENTS NE POUVAIT ETRE RETENUE CONTRE LUI ;

" ALORS QUE D'UNE PART, AINSI QUE CELA RESULTE DU RAPPORT D'EXPERT ETABLI PAR LE SIEUR Z... AINSI QUE LE RELEVAIENT LES DEMANDEURS DANS LEURS CONCLUSIONS, L'EXPERT N'INCRIMINAIT NULLEMENT LE FONCTIONNEMENT DU CHAUFFE-EAU EN LUI-MEME COMME CAUSE DE L'ACCIDENT, MAIS BIEN L'INSTALLATION DE LA SALLE DE DOUCHES, QU'A CE PREMIER POINT L'ARRET, OUTRE QU'IL NE REPOND PAS AUX CONCLUSIONS DES DEMANDEURS, PROCEDE D'UNE DENATURATION EVIDENTE DES CONCLUSIONS DU RAPPORT DE L'EXPERT ;

" ALORS QUE, D'AUTRE PART, SI LA CRITIQUE FAITE SUR LE RAPPORT DE L'EXPERT QUI NE SE SERAIT PAS EXPLIQUE SUR LES INCIDENTS RELATIFS AU MAUVAIS FONCTIONNEMENT DU CHAUFFE-EAU, ETAIENT FONDES, CE QUI N'APPARAIT PAS A LA LECTURE DU RAPPORT, IL APPARTENAIT A LA COUR D'APPEL D'ORDONNER D'AUTRES MESURES D'INSTRUCTION COMPLEMENTAIRES POUR L'ECLAIRER SUR CE POINT ;

" ALORS QU'ENFIN, LA COUR RECONNAISSAIT ELLE-MEME QU'EN COURS D'UTILISATION DE LA SALLE DE DOUCHES, UNE NOUVELLE REGLEMENTATION CONCERNANT L'INSTALLATION DES SALLES DE DOUCHES DANS " LES HABITATIONS DESTINEES A LA VIE EN COMMUN, TELS QU'HOTELS, INTERNATS ECOLES ", ELLE AURAIT DU RECHERCHER SI LE SIEUR A... AVAIT FAIT A CE MOMENT PROCEDER AUX VERIFICATIONS UTILES POUR S'ASSURER QUE L'INSTALLATION REPONDAIT AUX NORMES DE SECURITE IMPOSEES, PAS PLUS QU'ELLE N'A RECHERCHE SI LE SIEUR A... PROCEDAIT OU FAISAIT PROCEDER A DES VERIFICATIONS PERIODIQUES ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;

QUE L'INSUFFISANCE DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;

ATTENDU QUE POUR RELAXER A... QUI ETAIT A L'EPOQUE GERANT DU REFUGE, L'ARRET ATTAQUE SE BORNE A ENONCER QUE LE CHAUFFE-EAU DE LA CABINE DE DOUCHES A FONCTIONNE SANS INCIDENT DEPUIS SON INSTALLATION, EN JUIN 1964, JUSQU'AU 31 MARS 1969 ;

QUE " L'ASPECT DE CET APPAREIL NE COMPORTAIT PAS D'ELEMENT INQUIETANT ET QUE SI CERTAINS INDICES REVELATEURS DE SON MAUVAIS FONCTIONNEMENT ET DU DANGER QU'IL PRESENTAIT SE SONT MANIFESTES LE 30 MARS 1969, A... N'EN A PAS ETE INFORME PAR LES PERSONNES QUI, EN SE DOUCHANT, LES AVAIENT CONSTATES ;

MAIS ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES SEULS MOTIFS QUI NE PRECISENT PAS SI LE PREVENU A FAIT PROCEDER, COMME IL EN AVAIT L'OBLIGATION EN SA QUALITE DE GERANT D'UN ETABLISSEMENT RECEVANT DU PUBLIC, AUX VERIFICATIONS NECESSAIRES POUR S'ASSURER QUE L'INSTALLATION DE GAZ SITUEE DANS LA CABINE DE DOUCHES DE CET ETABLISSEMENT ETAIT CONFORME AUX REGLES DE SECURITE IMPOSEES PAR L'ARRETE DU 15 OCTOBRE 1962, ALORS QU'AUX TERMES MEMES DE L'ARRET, CETTE REGLEMENTATION ETAIT DEVENUE APPLICABLE A LADITE INSTALLATION DANS LE COURANT DE L'ANNEE 1965, LA COUR D'APPEL N'A PAS JUSTIFIE SA DECISION ;

QU'AINSI LA CASSATION EST EGALEMENT ENCOURUE DE CE CHEF ;

ET ATTENDU QUE L'ACTION PUBLIQUE EST ETEINTE, LE MINISTERE PUBLIC NE S'ETANT PAS POURVU CONTRE L'ARRET SUSVISE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT EN CE QUI CONCERNE LES INTERETS CIVILS, L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PAU DU 14 JUIN 1972, LES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU, CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'AGEN