Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ateliers Bois et Cie a demandé au tribunal administratif de Rouen d'établir le décompte général du lot n° 3 " charpente métallique-bardages " du marché de construction d'un centre d'incendie et de secours à Beuzeville dont elle était titulaire et de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Eure à lui verser la somme de 73 112,67 euros TTC au titre du solde de ce marché avec les intérêts contractuels à compter du 11 septembre 2009.
Par un jugement n° 1002927 du 25 septembre 2013, le tribunal administratif de Rouen a condamné, d'une part, le SDIS de l'Eure à verser à la société Ateliers Bois et Cie la somme de 59 396,48 euros TTC représentant le solde du marché assortie des intérêts contractuels à compter du 2 janvier 2010 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 21 décembre 2012, et, d'autre part, M. D...A...et la société Apave Nord Ouest à garantir le SDIS de l'Eure chacun à concurrence de la moitié de la somme de 37 768,48 euros TTC et de condamner M. A...à garantir le SDIS de l'Eure de l'intégralité de la somme de 20 432 euros HT.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 13DA01849 le 25 novembre 2013 et le 23 juillet 2015, la société Apave Nord Ouest, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Rouen en ce qu'il l'a condamnée à garantir le SDIS de l'Eure à concurrence de la moitié de la somme de 37 768,48 euros TTC ;
2°) de rejeter l'appel en garantie du SDIS de l'Eure ;
3°) de condamner M. A...et la société Atelier Bois et Cie à la garantir de toutes condamnations ;
4°) de mettre à la charge du SDIS de l'Eure la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 13DA01861, le 26 novembre 2013 et le 9 mars 2015, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Eure, représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen ;
2°) à titre principal, de rejeter l'ensemble des demandes de la société Ateliers Bois et Cie présentées ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement M. D...A...et la société Apave Nord Ouest à le garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) de mettre solidairement à la charge de la société Ateliers Bois et Cie, de M. D... A...et de la société Apave Nord Ouest une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'une somme de 35 euros au titre de la contribution à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Guyau, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant le service départemental d'incendie et de secours de l'Eure et de MeF..., substituant MeE..., représentant la société Ateliers Bois et Cie.
1. Considérant que les requêtes susvisées, enregistrées sous le n° 13DA01849 et le n° 13DA01861 présentées par la société Apave Nord Ouest et le SDIS de l'Eure sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que le SDIS de l'Eure a attribué le 22 juin 2006 à la société Ateliers Bois et Cie le lot n° 3 " charpente métallique-bardage " du marché à prix forfaitaire relatif à des travaux de construction d'un centre d'incendie et de secours à Beuzeville ; que par un jugement du 25 septembre 2013 le tribunal administratif de Rouen a condamné le SDIS de l'Eure à verser à cette société la somme de 59 396,48 euros au titre du solde du marché et a condamné M. A..., architecte, et la société Apave Nord Ouest, chargée du contrôle technique, à garantir le SDIS de cette condamnation ; que le SDIS de l'Eure et la société Apave Nord Ouest relèvent appel de ce jugement ; que par la voie d'un appel incident, la société Ateliers Bois et Cie demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ; que M. A... demande la réformation de ce même jugement en tant qu'il l'a condamné à garantir le SDIS de l'Eure du montant des condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire par lequel le SDIS de l'Eure présentait des conclusions tendant à ce que la société Apave Nord Ouest soit condamnée à le garantir des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre a été enregistré le 29 janvier 2013 antérieurement à la clôture de l'instruction fixée à la date du 30 janvier 2013 par une ordonnance du président de la formation de jugement ; que la communication de ce mémoire à la société Apave Nord Ouest, qui a eu pour effet de rouvrir l'instruction, a permis à celle-ci de produire des observations en réplique le 28 mars 2013 qui ont elles-mêmes été communiquées aux parties ; qu'enfin, l'audience publique devant le tribunal administratif ne s'est déroulée que le 3 septembre 2013 ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu le caractère contradictoire de la procédure ne peut qu'être écarté ;
Sur les travaux supplémentaires :
4. Considérant que, par ordre de service n° 1169/2006 notifié le 20 décembre 2006, la société d'économie mixte Eure Aménagement Développement, maître d'ouvrage délégué, a demandé à la société Ateliers Bois et Cie la réalisation d'une charpente métallique à pans circulaires tronconiques avec des supports de bardage pour la tour d'alerte du centre de secours ; que, si la société précitée a procédé à la réalisation des travaux demandés, elle en a toutefois sollicité l'indemnisation au motif que la mise en oeuvre d'une ossature métallique secondaire constituait des travaux supplémentaires qui n'étaient pas prévus par le cahier des clauses techniques particulières du lot n° 3 qui lui avait été attribué ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 3, que la société Ateliers Bois et Cie était chargée de la construction d'une charpente métallique verticale tronconique devant comprendre notamment des contreventements de stabilité en profilés laminés de type IPE 80 et des profilés horizontaux en UPN 180 au niveau des planchers intermédiaires positionnés en entretoise avec des IPE 200 ainsi que des profilés horizontaux en UPN 100 formant les assises et linteaux supports de baies extérieures, l'ensemble de la charpente étant conçu et réalisé pour résister aux sollicitations du vent, de la neige et de la surcharge de l'antenne pylône ; que ce document contractuel précise en outre qu'au titre des sujétions particulières, l'entreprise chargée de ce lot, devra implicitement comprendre dans ses travaux toutes les pièces d'appui, raidisseurs, trémies extérieures en profilés ; que le plan COF 02 dénommé " principe de structure charpente ", qui fait partie des documents contractuels dès lors que tant l'article 5 de l'acte d'engagement signé par la société Ateliers Bois et Cie que l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières s'y réfèrent, mentionne l'existence des pièces d'appui de l'ossature métallique ; qu'enfin, la société Ateliers Bois et Cie ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que le maître d'oeuvre n'ait émis aucune remarque quant à l'absence de dessin d'une ossature secondaire métallique sur un plan qu'elle avait elle-même élaboré et soumis en cours d'exécution des travaux ; que, par suite, le SDIS de l'Eure est fondé à soutenir que la mise en oeuvre d'une ossature métallique secondaire faisait partie des engagements contractuels de la société Ateliers Bois et Cie et que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rouen l'a condamné à payer à la société Ateliers Bois et Cie la somme de 31 579 euros HT au titre des travaux supplémentaires résultant de la réalisation de l'ossature en cause ;
Sur l'indemnisation de l'allongement de la durée du chantier :
6. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute du maître de l'ouvrage dont la responsabilité contractuelle peut être également recherchée pour les fautes qu'aurait commises le maître d'ouvrage délégué ;
7. Considérant qu'en vertu des termes de l'article 11.2 de la convention de mandat signée entre le SDIS de l'Eure et la société d'économie mixte Eure Aménagement Développement, maître d'ouvrage délégué, il incombait à ce dernier d'assurer un suivi des travaux par sa présence lors des différents contrôles ou essais à effectuer et de s'efforcer de trouver des solutions pour remédier aux anomalies constatées dans les délais de déroulement des travaux et d'en informer son mandant ; qu'il résulte de l'instruction que bien qu'informé à de nombreuses reprises par la société Ateliers Bois et Cie de l'existence de retards dans l'exécution des travaux réalisés par des entreprises chargées d'autres lots, l'intervention du maître d'ouvrage délégué s'est bornée à inciter la société Ateliers Bois et Cie à se rapprocher des entreprises en cause pour trouver des solutions aux problèmes qu'elle rencontrait dans la mise en oeuvre de son calendrier de travaux ; qu'eu égard tant au caractère très limité de cette intervention qu'au peu d'implication du maître d'ouvrage délégué dans la recherche de solutions de nature à remédier à ces retards, le SDIS de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité contractuelle à raison de l'allongement de la durée du chantier dû à la carence de son mandataire ;
8. Considérant que si la société Ateliers Bois et Cie soutient que l'indemnité d'un montant de 20 432 euros HT qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Rouen en réparation des préjudices subis du fait de l'allongement du chantier est insuffisante et qu'elle devrait être portée à un montant de 28 652 euros HT, elle n'apporte toutefois en appel aucun élément pertinent de nature à remettre en cause l'évaluation retenue par les premiers juges ; que si le SDIS de l'Eure relève pour sa part que le montant de l'indemnisation accordée à la société précitée n'est pas justifié, il résulte toutefois de l'instruction que le maître d'oeuvre avait lui-même admis, lors de l'examen du mémoire de réclamation déposée par la société Ateliers Bois et Cie, la réalité des frais liés aux heures supplémentaires d'encadrement, d'études et de déplacement du matériel que cette société avait supportés en raison des divers retards constatés dans l'exécution du chantier et dont l'indemnisation retenue par le tribunal administratif a été limitée à juste titre à un montant de 8 000 euros HT pour tenir précisément compte de certaines critiques du SDIS de l'Eure ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant à des sommes respectives de 4 432 euros HT et de 4 000 euros HT, l'indemnisation des préjudices relatifs à des différés de commande et d'intervention sur la partie bureau ainsi que du retard dans la livraison de supports de bardage dans les autres localisations que l'aire de lavage, le tribunal administratif ait fait une appréciation inexacte du montant de ces préjudices ; qu'enfin, le SDIS de l'Eure n'apporte pas d'éléments précis de nature à remettre en cause tant le principe que le montant de l'indemnisation, à concurrence de 4 000 euros HT, du préjudice subi du fait de la reprise de travaux de bardage de l'aire de lavage ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SDIS de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à verser à la société Ateliers Bois et Cie une somme de 20 432 euros HT en réparation des divers préjudices subis du fait de l'allongement du chantier ; que, la société Ateliers Bois et Cie n'est pas davantage fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que l'indemnisation de ces chefs de préjudice aurait dû être portée à un montant de 28 652 euros HT ;
Sur le solde du marché :
10. Considérant que le marché public de travaux conclu entre la société Ateliers Bois et Cie et le SDIS de l'Eure a été passé au prix global et forfaitaire de 70 200 euros HT ; que doit être ajoutée à cette somme celle de 20 432 euros HT correspondant à l'indemnité versée au titre des divers préjudices subis du fait de l'allongement de la durée du chantier ainsi que la somme de 100 euros, non contestée, correspondant à des pénalités de retard indûment imputées ; que doit y être retranchée la somme non contestée de 69 300 euros HT que la société Ateliers Bois et Cie a perçue ; que le solde du marché doit, dès lors, être fixé à la somme de 21 432 euros HT soit 25 632,67 euros TTC majorée des intérêts au taux contractuel dont le versement avait été demandé aux premiers juges ;
Sur les appels en garantie :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que les conclusions du SDIS de l'Eure tendant à ce que la société Apave Nord Ouest et M. A...soient appelés à la garantir de la condamnation relative au paiement des travaux supplémentaires sont sans objet ; qu'il en est de même, par voie de conséquence, de l'appel en garantie formulé par la société Apave Nord Ouest à l'encontre de M. A...et de la société Ateliers Bois et Cie ;
12. Considérant que la société Apave Nord Ouest dont la mission se limitait exclusivement au contrôle technique des travaux n'est pas responsable des retards d'exécution, ni de l'allongement de la durée du chantier ; que par suite, l'appel en garantie formulé à son encontre par le SDIS de l'Eure doit être rejeté ;
13. Considérant que le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre dont M. A...est le représentant était chargé, notamment d'une mission ordonnancement, coordination et pilotage du chantier (OPC) ainsi que de la direction de l'exécution des contrats de travaux (DET) ; qu'eu égard à la mission ainsi confiée au maître d'oeuvre, le SDIS de l'Eure est fondé à demander à ce que M. A...soit condamné à le garantir de la somme de 20 432 euros HT majorée des intérêts au taux contractuel au paiement de laquelle il a été condamné au titre de la réparation des préjudices subis par la société Ateliers Bois et Cie du fait des retards intervenus dans l'exécution des travaux et de l'allongement du chantier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du SDIS de l'Eure, de la société Apave Nord Ouest, de la société Ateliers Bois et Cie et de M. A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge du SDIS de l'Eure la contribution pour l'aide juridique mentionnée par l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable à la date d'introduction de la requête ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 59 396,48 euros TTC assortie des intérêts au taux contractuel que le SDIS de l'Eure a été condamné à verser à la société Ateliers Bois et Cie par le jugement du 25 septembre 2013 est ramenée à 25 632,67 euros TTC.
Article 2 : M. A...est condamné à garantir en totalité le SDIS de l'Eure de la somme de 20 432 euros HT majorée des intérêts au taux contractuel.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 septembre 2013 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Apave Nord Ouest, au service départemental d'incendie et de secours de l'Eure, à la société Ateliers Bois et Cie et à M. D... A....
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