Vu, enregistrée le 1er septembre 2008, la requête présentée pour M. Bart A domicilié ... par Me Cordel, avocat au barreau d'Albertville ;
Il demande à la Cour :
1°) l'annulation du jugement n° 0402149 du 1er juillet 2008 du Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Val-d'Isère à réparer le préjudice qu'il a subi à la suite à l'accident de ski dont il a été victime le 16 mars 2003 sur son domaine skiable ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Val-d'Isère le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance ;
Il soutient que :
- la signalisation n'était ni adaptée ni efficace ;
- la fermeture de la piste rouge n'était pas annoncée de manière adaptée ;
- l'existence du canyon dit la vallée perdue n'était pas signalée de manière appropriée ;
- il n'a commis aucune faute ayant freiné pour s'arrêter ;
- subsidiairement la responsabilité de la commune ne pourrait être exonérée qu'à hauteur d'un tiers ;
- il est atteint d'une paralysie des membres inférieurs, son incapacité temporaire totale allant du 16 mars 2003 au 27 juillet 2003, son incapacité permanente partielle étant de 70%, ses blessures étant consolidées au 28 février 2004, les souffrances endurées étant estimées à 5 sur une échelle de 7, son préjudice esthétique à 4 sur une échelle de 7 ;
- il a exposé des frais médicaux ;
- au titre de son incapacité temporaire totale et de son incapacité temporaire partielle, une indemnité de 12 593, 06 euros est justifiée ;
- il ne peut plus travailler et toute reconversion est difficile de telle sorte qu'une indemnité de 395 000 euros devra lui être accordée au titre de son préjudice professionnel et de son incapacité permanente partielle ;
- il a besoin de l'aide d'une tierce personne pour laquelle une rente de 108 113 euros devra lui être versée ;
- au titre de son prétium doloris, une indemnité de 24 000 euros devra lui être versée et de 20 000 euros au titre de son préjudice esthétique ;
- le préjudice d'agrément justifie le versement d'une indemnité totale de 37 000 euros ;
- son préjudice sexuel sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 20 000 euros ;
- le préjudice matériel, y compris l'aménagement du logement ou du véhicule, devra être indemnisé à hauteur de 268 529, 70 euros ;
- le préjudice futur est réservé.
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 25 mars 2009, le mémoire présenté pour la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale qui conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la condamnation in solidum de la commune de Val d'Isère et de la compagnie Axa à lui verser la somme de 76 960,97 euros en remboursement des débours exposés et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à leur charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que la responsabilité de la commune de Val d'Isère et de la compagnie Axa est engagée et qu'elles doivent lui rembourser les débours exposés ;
Vu, enregistré le 6 mai 2009, le mémoire complémentaire présenté pour M. Bart A qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, demandant que le montant de l'indemnité initialement réclamée soit porté à 917 161,99 euros et, subsidiairement, à 1 203 489,05 euros, y compris les intérêts compensatoires à 5% à partir du 16 mars 2003 ;
Il soutient en outre que la somme de 1 203 489,05 euros devrait lui être accordée à titre provisionnel, un certain nombre de dépenses, rendues nécessaires par son état, devant par ailleurs être exposées dans le futur ;
Vu, enregistré le 24 septembre 2009, le mémoire en défense présenté pour la commune de Val d'Isère qui conclut au rejet de la requête ;
Elle fait valoir que :
- la victime, qui évoluait à vitesse excessive sur une piste verte, a commis une faute de nature à exonérer la collectivité de toute responsabilité ;
- la mise en oeuvre de protections plus importantes que celles en place n'aurait pas nécessairement empêché la chute de l'intéressé ;
- le lieu était normalement sécurisé pour la catégorie de piste verte en cause et les skieurs l'empruntant normalement ;
- aucune faute n'a été commise par la commune, les dispositifs de protection étant adaptés et conformes à la réglementation ;
- à l'exception des frais médicaux, de l'achat d'un fauteuil roulant, des frais de formation à la conduite pour une personne handicapée, d'achat d'un home trainer et de vêtements de rééducation, de son préjudice au titre du déficit fonctionnel permanent, les différents chefs de préjudice dont se prévaut l'intéressé sont évalués de manière excessive ou ne sont pas justifiés ;
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur la demande de la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale contre AXA ;
- la demande de cette mutuelle n'est pas justifiée ;
- la demande subsidiaire de l'intéressé, fondée sur une expertise inopposable, ne peut qu'être rejetée ;
Vu, enregistré le 15 janvier 2010, le mémoire complémentaire présenté pour M. Bart A qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, demandant par ailleurs que le montant de l'indemnité sollicitée initialement soit porté à 1 542 545,08 euros et que la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 3 000 euros ;
Il soutient en outre qu'il souffre également d'un préjudice d'établissement et justifie de l'ensemble des dépenses ou frais encourus, les indemnités demandées n'étant pas excessives ;
Vu, enregistré le 26 mars 2010 le mémoire complémentaire présenté pour la commune de Val d'Isère qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, qui demande en outre qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des assurances ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
Vu le décret n° 98-111 du 27 février 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2010 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les observations de Me Cordel, avocat de M. Bart A et de Me Favet, avocat de la commune de Val d'Isère ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que le 16 mars 2003 M. A, ressortissant Belge alors âgé de 23 ans, qui descendait en surf la piste verte située sur le domaine skiable de la commune de Val d'Isère, est sorti de cette piste pour finir sa course une dizaine de mètres plus bas au fond du canyon du ruisseau de Tovière ; que demeuré paraplégique, M. A a recherché devant le Tribunal administratif de Grenoble la responsabilité de la commune de Val d'Isère pour carence du maire dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que par un jugement du 1er juillet 2008, le Tribunal a rejeté sa demande ainsi que les conclusions de la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale, assureur de M. A, dirigées tant contre la commune que son assureur, la compagnie AXA; que M. A relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la commune de Val d'Isère ; que la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale demande à la Cour de condamner solidairement la commune et la compagnie Axa au remboursement de l'ensemble de ses débours ;
Sur les conclusions dirigées contre la commune de Val d'Isère :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales la police municipale a pour objet, notamment, de prévenir par des précautions convenables les accidents et il appartient au maire de signaler spécialement les dangers excédant ceux contre lesquels les intéressés doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir ; que le ravin dans lequel M. A a chuté est situé en retrait de plusieurs mètres d'un espace constitué par le carrefour des pistes Triffolet et Verte , la première obliquant sur la gauche avant de s'engager sur un pont au dessus de ce ravin, la seconde sur la droite ; qu'en raison du manque de neige, la piste rouge Triffolet était fermée au moyen d'une corde jaune et noire comportant huit papillotes de couleur rouge fluo fixée entre deux jalons noir et jaune de signalisation ; qu'au delà de cette corde, un filet de signalisation sur cannes de couleur orange était disposé sur une longueur d'environ 20 mètres, parallèlement au canyon, afin de canaliser les skieurs empruntant la piste Triffolet jusqu'au pont ; que M. A, qui descendait la piste Verte , est passé sous la corde fermant l'accès à la piste Triffolet puis par-dessus le filet de signalisation placé derrière, est retombé en contrebas de la piste à une douzaine de mètres de ce filet, dans une pente de neige modérée avant de rebondir, de glisser à nouveau et de chuter verticalement au fond du canyon ; que les dispositifs de signalisation mentionnés ci-dessus étaient parfaitement visibles, même de loin, les conditions météorologiques étant d'ailleurs très bonnes le jour de l'accident ; qu'il résulte de l'instruction que, malgré les consignes de prudence rappelées au départ de la piste Verte , destinée prioritairement aux skieurs débutants, et la nécessité d'adapter en conséquence son allure, M. A, qui évoluait à une vitesse excessive sur cette piste, faiblement pentue et ne présentant aucune difficulté particulière, n'a pu contrôler son allure et a perdu la maîtrise de sa trajectoire avant de terminer sa course dans le ravin ; que comme ont pu en attester un témoin de l'accident, mais également les marques laissées au sol par M. A lors de sa glissade et de sa chute vers le canyon, cet accident a pour cause exclusive son imprudence ; qu'en outre et en toute hypothèse, et alors qu'aucune réglementation n'imposait la mise en place de dispositifs de signalisation ou de protection particuliers, la corde et le filet déployés au carrefour des pistes Triffolet et Verte , qui étaient parfaitement visibles et compréhensibles, étaient adaptés à la configuration des lieux, étant notamment éloignés de plusieurs mètres du canyon et suffisaient ainsi à assurer la sécurité de skieurs normalement vigilants, compte tenu en particulier de la catégorie de piste empruntée; que, dans ces circonstances, aucune faute ne saurait davantage être reprochée au maire de Val d'Isère dans l'exercice de ses pouvoirs de police ; que, dès lors, M. A et la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la commune de Val d'Isère au titre des pouvoirs de police de son maire ;
Sur les conclusions dirigées contre la compagnie Axa :
En ce qui concerne la compétence :
Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions combinées de l'article 1er du décret susvisé du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics, dont les dispositions figurent désormais sur ce point à l'article 29 de ce code, et de l'article 2 de la loi susvisée du 11 décembre 2001 qui dispose que Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs un contrat d'assurance passé par une collectivité territoriale notamment, présente le caractère d'un contrat administratif ; que, d'autre part, si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; qu'elle relève par suite de la compétence de la juridiction administrative dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ; que, dans ces conditions, compte tenu du caractère administratif du contrat d'assurance entre la commune de Val d'Isère et la compagnie Axa, et eu égard à la date de l'accident, les conclusions présentées par la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale contre la compagnie Axa relèvent, contrairement à ce que soutient la commune de Val d'Isère, de la compétence de la juridiction administrative ;
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les conclusions présentées par la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale contre l'assureur de la commune de Val d'Isère, dont la responsabilité n'est pas engagée à l'égard de M. A, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Val d'Isère sur ce même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A et les conclusions de la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Val d'Isère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bart A, à la commune de Val d'Isère et à la Mutualité Chrétienne Alliance Nationale.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2010 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président de la formation de jugement,
M. Picard et M. Stillmunkes, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 6 mai 2010.
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N° 08LY02032