Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de faire droit à sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1306571 du 20 novembre 2015, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de M.A....
Le ministre soutient que :
- la réalité du comportement violent de l'intéressé vis-à-vis de son épouse est avérée et les faits correspondants ne sont pas exagérément anciens ;
- le tribunal administratif n'a pas à opérer un contrôle d'opportunité entre une décision d'ajournement et un rejet ;
- M. A...a procédé entre 2007 et 2010 à des déclarations fiscales sujettes à critiques, déclarant à tort à sa charge son enfant résidant normalement chez sa mère ;
- ce motif nouveau peut être substitué à titre subsidiaire aux motifs précédemment énoncés pour justifier le refus opposé à M.A... ;
- sa décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2016, M. D...A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
M. A...fait valoir que la décision portant refus de sa demande de naturalisation a été prise par une autorité incompétente, et que les motifs invoqués par le ministre pour justifier son refus ne sont pas fondés, n'ayant jamais fait l'objet d'une condamnation pénale pour les faits qui lui sont reprochés, lesquels étaient au surplus trop anciens pour pouvoir lui être utilement reprochés.
Par ordonnance du 13 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 12 janvier 2017 à 12 heures.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement en date du 20 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 5 juin 2013 portant rejet de la demande de naturalisation déposée par M.A..., ressortissant haïtien ;
Sur les conclusions en annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a été à deux reprises, les 10 janvier 1999 et 23 septembre 2000, l'auteur de violences volontaires sur conjoint ayant entraîné, la première fois, une incapacité totale de travail de quinze jours, son conjoint ayant eu le nez fracturé, et, la seconde fois, de trois jours, l'intéressée souffrant alors de diverses plaies et hématomes au front et à la jambe droite; que la réalité de ces faits de violence doit être regardée comme établie par les pièces du dossier, notamment le procès-verbal de comparution devant le délégué du Procureur du tribunal de grande instance de Bobigny du 19 janvier 1999 et le jugement de divorce du 18 novembre 2003, ainsi que les différents comptes-rendus d'audition alors établis par la police ; que de tels faits, d'une gravité certaine, pouvaient ainsi régulièrement, en dépit de leur relative ancienneté et de la circonstance que M. A...n'ait pas fait l'objet d'une condamnation pénale, être pris en compte par le ministre, lequel dispose en la matière d'un très large pouvoir d'appréciation, pour refuser, sans pour autant entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, de faire droit à la demande présentée par le requérant ; que, par suite, c'est à tort que pour annuler la décision du 5 juin 2013, les premiers juges se sont fondés sur ce qu'elle était entachée d'une telle erreur ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif ;
5. Considérant, en premier lieu, que, par une décision du 2 mai 2013, publiée au Journal officiel de la République française, la directrice de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté, compétent à cet effet en vertu de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, a donné délégation à Mme C...E..., attachée d'administration des affaires sociales et signataire de la décision contestée du 5 juin 2013, à l'effet de signer au nom du ministre de l'intérieur, une telle décision ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
6. Considérant, en second lieu, que, comme déjà indiqué, le ministre peut légalement prendre en compte, dans le cadre de son examen d'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ; que s'il ne ressort effectivement pas des pièces du dossier que M. A...ait adopté un comportement fiscal déloyal de nature à justifier le refus opposé à sa demande de naturalisation, les faits de violence commis envers son épouse en 1999 et 2000 qui lui ont été reprochés par le ministre doivent en revanche être regardés comme établis ; que c'est ainsi sans erreur de fait que le ministre a pu se fonder sur ces circonstances pour refuser de faire droit à la demande de l'intéressé ; que, s'agissant d'agissements qui n'étaient ni anodins ni exagérément anciens, il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 5 juin 2013 ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...est rejetée.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A....
Délibéré après l'audience du 28 avril 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mai 2017.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
H. LENOIRLe greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00166