Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 8 octobre 2015 par laquelle la directrice des Hôpitaux de Luchon a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident survenu le 23 septembre 2015, ainsi que la décision corrélative de placement en congé de maladie ordinaire.
Par un jugement n° 1505756 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 mai 2018, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 8 octobre 2015 par laquelle les Hôpitaux de Luchon ont refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident et la décision subséquente la plaçant en congé de maladie ordinaire ;
3°) de mettre à la charge des Hôpitaux de Luchon le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 dans la mesure où l'absence de consultation de la commission de réforme constitue un vice substantiel de procédure ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu le lien direct entre le syndrome dépressif qu'elle a présenté et l'entretien professionnel du 23 septembre 2015.
Vu l'ordonnance du 19 août 2019 fixant la clôture de l'instruction au 4 octobre 2019.
Un mémoire en défense présenté pour les Hôpitaux de Luchon a été enregistré le 20 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2008-1191 du 17 novembre 2008 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., agent administratif exerçant les fonctions de secrétaire médicale au service des admissions des Hôpitaux de Luchon (Haute-Garonne), a été convoquée, par une lettre du 10 septembre 2015, à un entretien professionnel prévu le 23 septembre 2015 afin de faire le point sur des insuffisances professionnelles et d'envisager un reclassement dans un autre service. A l'issue de cet entretien, au cours duquel l'engagement d'une procédure de licenciement lui a été notifié, Mme C..., victime d'un malaise, a été placée en congé de maladie ordinaire puis en congé pour accident du travail, le jour même, jusqu'au 7 octobre 2015. Cet arrêt de travail à raison d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel a ensuite été prolongé jusqu'au 25 octobre 2015. Par une décision du 8 octobre 2015, la directrice des Hôpitaux de Luchon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme C... s'estimait victime survenu le 23 septembre 2015. Par cette décision, elle doit être regardée comme ayant implicitement placé Mme C... en congé de maladie ordinaire du 24 septembre 2015 au 25 octobre 2015. Mme C... relève appel du jugement du 30 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2015 refusant de reconnaître l'accident déclaré comme imputable au service et la plaçant en congé de maladie ordinaire.
Sur la légalité de la décision du 8 octobre 2015 :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". L'article 16 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de fonction publique hospitalière ajoute : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. / La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration (...) ". Ces dispositions imposent la consultation de la commission de réforme dans tous les cas où le bénéfice du texte précité est demandé par un agent, hormis le cas où le défaut d'imputabilité au service est manifeste, afin de déterminer notamment si l'accident qui est à l'origine de l'affection est ou non imputable au service.
3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.
4. En premier lieu, pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme C... le 23 septembre 2015, la directrice des Hôpitaux de Luchon s'est fondée sur ce que l'accident du travail ne correspond pas à la définition réglementaire dans la mesure où cet accident ne résulte pas de faits précis et inattendus, n'est pas en lien ou la conséquence directe d'un travail effectué ni en lien avec une mission que l'intéressée aurait accomplie et dans la mesure où " un certain nombre d'éléments apparaissent très contestables dans la genèse de la déclaration d'accident du travail ". La directrice des Hôpitaux de Luchon en déduisait qu'il lui était " difficile de reconnaître une imputabilité au service " de l'accident dans ces conditions.
5. Outre qu'il ne résulte pas de cette décision et de la lettre l'accompagnant que le défaut d'imputabilité au service aurait été manifeste à ce stade, il ressort des pièces du dossier et des éléments dont disposait la directrice des Hôpitaux de Luchon que Mme C... avait produit un certificat médical de son médecin traitant d'arrêt de travail, daté du 23 septembre 2015, pour " syndrome dépressif réactionnel et état confusionnel " et un second certificat d'accident du travail établi par ce médecin le même jour faisant mention d'un " état de choc psychologique et de troubles anxio-dépressifs réactionnels à une réunion au travail ". La seule circonstance que ce second certificat soit rédigé en des termes plus précis que le premier certificat établi par le même médecin ne pouvait suffire à regarder le défaut d'imputabilité au service comme manifeste à la date de la décision attaquée, alors que Mme C... avait produit, d'une part, un nouveau certificat médical d'un médecin psychiatre, en date du 7 octobre 2015, prolongeant l'arrêt au titre de l'accident du travail au motif d'un état anxio-dépressif réactionnel, d'autre part, une déclaration d'accident de travail faisant état de la présence de deux témoins et le formulaire d'enquête administrative d'accident de travail dans lequel les deux témoins attestaient du malaise et de l'état de choc de Mme C... survenus dans les suites de l'entretien du 23 septembre 2015 sur son lieu de travail. Dans ces conditions, en l'absence de tout élément contraire et dès lors que le défaut d'imputabilité au service n'apparaissait pas manifeste, la requérante est fondée à soutenir qu'en ne consultant pas la commission de réforme, la directrice des Hôpitaux de Luchon a entaché sa décision d'un vice de procédure en la privant d'une garantie.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a présenté, dans les suites immédiates de l'entretien avec la direction de l'établissement, un choc émotionnel brutal et a fait un malaise sur son lieu de travail, ce qu'attestent une collègue de travail et une représentante du personnel qui l'assistaient lors de cet entretien. Elle a consulté le jour même son médecin traitant, lequel a attesté d'un syndrome dépressif réactionnel, d'un état confusionnel et de choc psychologique et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait présenté de tels signes antérieurement à cet entretien. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment des lettres de la directrice des Hôpitaux de Luchon des 10 et 23 septembre 2015, qu'alors que Mme C... était convoquée à un entretien visant à " faire le point de ses insuffisances professionnelles et à envisager un reclassement dans un autre service et sur des fonctions correspondant mieux à ses capacités ", il lui a été notifié lors de cet entretien l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Enfin, le médecin psychiatre ayant examiné Mme C... le 7 octobre 2015 a confirmé le caractère d'accident du travail de l'arrêt déclaré par l'intéressée au titre d'un état anxio-dépressif réactionnel et a prolongé son arrêt jusqu'au 25 octobre 2015. Il suit de là qu'en l'absence de fait personnel de l'agent ou de toute autre circonstance particulière susceptible de détacher la survenance ou l'aggravation de l'accident du service, c'est par une inexacte application des dispositions précitées que la directrice des Hôpitaux de Luchon a refusé de reconnaître un lien direct entre l'accident déclaré par Mme C... et l'exercice de ses fonctions.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2015 ainsi que de la décision subséquente la plaçant en congé de maladie ordinaire.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des Hôpitaux de Luchon le paiement à Mme C... d'une somme de 1 500 euros sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mars 2018 et la décision de la directrice des Hôpitaux de Luchon du 8 octobre 2015 sont annulés.
Article 2 : Les Hôpitaux de Luchon verseront à Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et aux Hôpitaux de Luchon.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
Mme Anne Meyer, président-assesseur,
M. Thierry A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 juin 2020.
Le président de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 18BX02134