Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1902426 du 14 août 2019, enregistrée le 20 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif d'Amiens a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le dossier de la requête, présentée par la société Sauter en parachute.
Par cette requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 juillet et le 5 août 2019 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, ainsi que par un nouveau mémoire enregistré le 2 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sauter en parachute demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 28 juin 2019 par lequel le ministre de la transition écologique et solidaire a suspendu l'activité de parachutisme sur l'aérodrome d'Amiens-Glisy à compter du 1er juillet 2019 ;
2°) de mettre à la charge du défendeur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est compétente ;
- le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est compétent dès lors que la décision litigieuse a été prise par le délégué de l'aviation civile des Hauts-de-France Sud et que, portant atteinte à sa seule activité, elle doit être regardée comme non réglementaire ;
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision litigieuse est susceptible de compromettre la poursuite de son activité ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la cette décision ;
- cette décision est entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire ;
- elle résulte d'un détournement de procédure ;
- elle se fonde sur des faits matériellement inexacts ou non établis et revêt un caractère discriminatoire ;
- elle n'est ni nécessaire ni proportionnée au but poursuivi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2019 au greffe du tribunal administratif d'Amiens, ainsi que par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Sauter en parachute au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que :
- le juge des référés du Conseil d'Etat est compétent ;
- la condition d'urgence n'est pas remplie ;
- aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est propre à créer un doute sur la légalité de la décision litigieuse.
La communauté d'agglomération d'Amiens métropole a présenté des observations, enregistrées le 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat.
La fédération française de parachutisme a présenté une intervention, enregistrée le 3 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. Elle demande que le juge des référés du Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la société Sauter en parachute, par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des transports ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Sauter en parachute, d'autre part, le ministre de la transition écologique et solidaire, enfin la communauté d'agglomération d'Amiens métropole ainsi que la fédération française de parachutisme ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 septembre 2019 à 11h30 au cours de laquelle ont été entendus :
- la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Sauter en parachute et de la fédération française de parachutisme ;
- le représentant de la société Sauter en parachute ;
- le représentant de la fédération française de parachutisme ;
- la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du ministre de la transition écologique et solidaire ;
- les représentants du ministre de la transition écologique et solidaire ;
- Me Briard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole ;
- le représentant de la communauté d'agglomération d'Amiens métropole ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.
Sur la compétence en premier ressort du Conseil d'Etat :
1. La société Sauter en parachute demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 28 juin 2019 par lequel le ministre de la transition écologique et solidaire a suspendu à compter du 1er juillet 2019 l'activité de parachutisme sur l'aérodrome d'Amiens-Glisy. Ni la circonstance que cet arrêté ne trouverait à s'appliquer qu'à cette société ni celle qu'il aurait été signé au nom du ministre par le délégué de l'aviation civile des Hauts-de-France Sud ne sont, contrairement à ce que soutient la société requérante, de nature à le priver de son caractère général et impersonnel. Par suite, le juge des référés du Conseil d'Etat n'est pas manifestement incompétent pour connaître de cette demande de suspension en application du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative.
Sur l'intervention :
2. La fédération française de parachutisme, qui intervient au soutien des conclusions de la requête, justifie, eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir dans la présence instance. Par suite, son intervention est recevable.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision "
4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Pour demander la suspension de l'arrêté litigieux, la société requérante soutient qu'il est susceptible de compromettre la poursuite de son activité. Toutefois, en premier lieu, elle se borne, pour l'établir, à affirmer que cette suspension l'empêche de satisfaire les 1 200 clients qui lui auraient déjà passé commande et qu'elle ne disposerait pas de solution de repli sur d'autres sites, sans apporter aucun autre élément à l'appui de son allégation ni produire aucun document permettant d'apprécier l'effet de cette suspension sur sa situation financière. Il résulte au demeurant des précisions qu'elle a apportées au cours de l'audience qu'elle n'a elle-même pas cherché à exercer ailleurs son activité, qu'elle poursuit en partie à Charleville-Mézières, et que sa survie n'est pas menacée à court terme. Or, en deuxième lieu, il résulte également des précisions apportées au cours de l'audience que, selon les indications diffusées par la voie de l'information aéronautique, la suspension prononcée par l'arrêté litigieux a vocation à faire l'objet d'un réexamen au plus tard le 30 septembre 2019 et qu'une réunion réunissant l'Etat, la communauté d'agglomération d'Amiens métropole, propriétaire et exploitante de l'aérodrome, et les différents usagers signataires du protocole du 1er mars 2018 relatif à la pratique du parachutisme sportif sur l'aérodrome d'Amiens-Glisy, dont la société requérante, doit se tenir le 17 septembre 2019 en vue d'examiner l'étude de sécurité réalisée par l'exploitante de l'aérodrome et d'envisager les conditions d'une révision du protocole, pouvant conduire à une reprise de l'activité de parachutisme. Dans ces conditions, et eu égard à l'intérêt qui s'attache à ce que cette activité s'exerce dans des conditions suffisantes de sécurité, telles que ce protocole a pour objet de les assurer, la requête ne saurait être regardée comme présentant un caractère d'urgence au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions auxquelles est subordonné l'exercice, par le juge des référés, des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie. La requête de la société Sauter en parachute doit par suite être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le ministre de la transition écologique et solidaire.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la fédération française de parachutisme est admise.
Article 2 : La requête de la société Sauter en parachute est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le ministre de la transition écologique et solidaire sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Sauter en parachute, à la ministre de la transition écologique et solidaire, à la communauté d'agglomération d'Amiens métropole et à la fédération française de parachutisme.